CONCLUSION

Bien que de courte durée, la visite de la délégation à Washington a permis de recueillir des éléments précieux pour l'information de notre commission des Affaires étrangères et de la défense, notamment grâce au contact direct établi avec des responsables politiques américains.

Certes, l'ensemble des questions ayant trait à la politique américaine dans le monde et à ses implications, ni tous les sujets d'intérêt commun n'ont pu être abordés. Tel n'était d'ailleurs pas l'ambition de cette mission et du présent rapport d'information, dont l'objet principal était de comprendre les évolutions intervenues dans la politique de défense des Etats-Unis depuis l'entrée en fonction du Président Bush et depuis les attaques du 11 septembre 2001.

Au travers d'entretiens avec une vingtaine de personnalités aux fonctions et aux opinions diverses, le sentiment dominant qui se dégage reste, cela était prévisible, celui de différences d'approches très sensibles de part et d'autres de l'Atlantique .

Cela est vrai tout d'abord quant aux préoccupations des responsables des politiques de sécurité . Aux Etats-Unis , c'est aujourd'hui un sentiment de vulnérabilité qui domine, avec une focalisation sur les armes de destruction massive , notamment chimiques et biologiques, qui se trouveraient dans des mains hostiles. A l'évidence, tel n'est pas aujourd'hui le point central des politiques de défense européennes, mobilisées avec peine autour de l'édification d'une capacité, modeste, à conduire des opérations de maintien de la paix ou de gestion de crises de faible intensité.

Même s'il ne rassure en rien les Européens, le fait que des pays, dont certains sont des puissances régionales, renforcent leurs capacités militaires, n'est pas ressenti comme une menace en soi sur le territoire et la population des pays européens, mais plutôt comme un risque pour la stabilité dans plusieurs régions du monde. Il n'en va pas de même aux Etats-Unis où tout appareil militaire d'un pays tiers semble d'abord jugé sur sa capacité à frapper le territoire américain , sauf s'il s'agit d'un allié. Le simple risque se transforme en menace, que l'intention agressive soit avérée ou non.

En conséquence, pour conjurer les menaces que pourraient représenter des régimes fortement armés, les Européens privilégient tout ce qui peut contribuer à diminuer les tensions et garantir la sécurité régionale. La coopération, le dialogue dans le cadre des enceintes multilatérales, la négociation d'instruments internationaux participent de cette logique. Les Etats-Unis accentuent au contraire leur volonté de faire prévaloir leurs propres exigences de sécurité . Sous l'impulsion de l'actuelle administration, ils entendent édifier un appareil militaire capable de répondre à tous ces types de menaces, avec deux caractéristiques : l'assurance d'invulnérabilité dans tous les cas de figure, et la possibilité d'agir en premier , pour prévenir une éventuelle agression.

Les responsables de l'actuelle administration ne semblent pas voir de contradiction entre la légitimité affirmée d'un renforcement du potentiel militaire américain, utilisant toutes les technologies possibles sans contrainte d'aucune sorte liée aux traités ou aux engagements internationaux, et l'illégitimité tout aussi fortement déclarée des tentatives d'autres pays de la planète de se doter d'équipements militaires sophistiqués. Le risque de voir la politique américaine servir de prétexte à ceux qui refusent la maîtrise des armements et la non-prolifération ne semble guère pris en compte.

Face à ces quelques exemples, le thème d'un fossé croissant entre les Etats-Unis et l'Europe, sur le plan technologique, budgétaire, opérationnel mais aussi politique et stratégique, reste d'actualité. L'un des interlocuteurs de la délégation affirmait que l'administration Bush n'éprouvait aucune hostilité à l'encontre de l'Europe, mais qu'elle y était simplement indifférente, n'attendant rien d'autre de ses partenaires qu'ils suivent le leadership américain.

Ce diagnostic inquiétant nourrit sur l'avenir du partenariat transatlantique des interrogations qui, pour n'être pas nouvelles, n'en sont pas moins très vives. Les discussions sur l'avenir de l'Alliance atlantique à l'approche du sommet de Prague, à l'occasion duquel les Etats-Unis préciseront le rôle nouveau qu'ils entendent voir jouer à l'organisation, en sont l'une des illustrations.

Il reste désormais à savoir si, face aux initiatives inspirées par la réflexion stratégique américaine, l'Europe saura élaborer et formuler sa propre vision.

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