D. LE VRAI SCANDALE DE LA JUSTICE DES MINEURS : LA MISE EN oeUVRE DES PEINES ET MESURES

Au cours d'une visite de la commission d'enquête dans un tribunal pour enfants, le premier substitut chargé des mineurs a constaté, désabusé : « Ici, c'est Darty sans le service après-vente ».

De fait, le dysfonctionnement le plus criant de la justice des mineurs réside dans les conditions d'exécution des peines et mesures. Les juges des enfants, les tribunaux pour enfants prononcent des mesures éducatives ou des sanctions pénales qui ne sont pas mises en oeuvre ou mises en oeuvre avec un retard considérable.

Le sentiment d'impunité de certains mineurs s'enracine dans ce constat que la justice ne fait pas ce qu'elle dit.

1. Des retards considérables d'exécution

Les retards dans l'exécution des mesures s'expliquent tout d'abord par les grandes difficultés de fonctionnement des greffes des tribunaux pour enfants. L'insuffisance de moyens est telle aujourd'hui que les décisions de justice sont parfois notifiées au service chargé de les mettre en oeuvre plusieurs semaines après le jugement. A Strasbourg, les responsables de la protection judiciaire de la jeunesse ont indiqué à la commission que certaines mesures étaient notifiées au service chargé de les mettre en oeuvre plusieurs mois après l'audience...

Il convient par ailleurs de noter qu'un certain nombre de condamnations sont prononcées par défaut et que celles-ci sont très rarement exécutées.

Enfin et surtout, de nombreuses mesures sont confiées à des services éducatifs qui ne peuvent les mettre en oeuvre faute de moyens et constituent alors des listes d'attente.

Mme Sylvie Perdriolle, directrice de la protection judiciaire de la jeunesse s'est ainsi exprimée à propos des délais de prise en charge : « Le délai moyen, qui est de 51 jours aujourd'hui est beaucoup trop long. Nous l'avons réduit de cinq jours entre 2000 et 2001, grâce à l'arrivée de personnels en poste. Le délai moyen est plus court pour les mesures de réparation et plus long pour les mesures de SME (...). Pour éviter que les services ne traitent eux-mêmes cette question du délai, j'ai adressé une directive à l'ensemble des directeurs départementaux en leur demandant d'organiser un dialogue avec les juridictions pour fixer des priorités. Je sais (...) que ce dialogue n'est pas réalisé ni bien conçu partout. D'une part, certains magistrats refusent de déterminer des priorités, considérant que tout doit être pris en charge immédiatement et, d'autre part, les directeurs doivent faire face à une pression très importante de la part des écoles et de différents services qui, lorsque les mesures sont prononcées, demandent que nous intervenions immédiatement ».

Les réponses des tribunaux pour enfants au questionnaire de la commission d'enquête insistent toutes sur le caractère catastrophique de la situation actuelle :

- « Les services de la PJJ du Vaucluse sont actuellement débordés. Une liste d'attente permanente de 50 à 60 mesures existe depuis de nombreux mois. Cette situation représente l'obstacle le plus important rencontré par le tribunal pour enfants dans le cadre du traitement pénal de la délinquance des mineurs » (Avignon) ;

- « Le tribunal pour enfants de Créteil est malheureusement confronté depuis plusieurs années à la non-exécution de nombreuses mesures éducatives prononcées tant au plan pénal qu'au plan civil (actuellement en assistance éducative, 150 mesures d'assistance éducative en milieu ouvert sont en attente d'attribution. Certaines de ces mesures arrivent à échéance sans avoir été prises en charge).

« Au niveau de la PJJ, qui peut seule prendre en charge les mesures de liberté surveillée, un retard conséquent est également observé.

« La non-exécution de ces mesures en milieu ouvert (pénal et civil) ou le retard conséquent apporté à leur mise en oeuvre ne permet pas la prévention de jouer son rôle » (Créteil) ;

- « Que signifie de déférer un mineur « en temps réel » après la commission de l'infraction devant un juge des enfants alors qu'il peut arriver que de nombreuses semaines, voire plusieurs mois, se passent avant que le jeune ne soit convoqué dans le cadre d'une mesure éducative ordonnée par le juge des enfants ? Les personnes sur le terrain ne peuvent qu'avoir l'impression à juste titre qu'il ne se passe rien et que la justice est inefficace. Les réticences de la part des jeunes se font plus fortes lorsque la mesure est mise en oeuvre longtemps après l'audience. Il en va de la crédibilité et de l'efficacité de la justice » (Nanterre).

La résorption de cette situation inacceptable devra être une priorité au cours des prochains mois. Elle passe par une augmentation des moyens, mais probablement aussi par une meilleure organisation.

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