3. Les CPI utilisés à contre-emploi ?

Selon la directrice de la PJJ, « bien que le cahier des charges des CPI ait prévu que ces centres devaient s'adresser à un public qui n'était pas nécessairement trop connu, en vue d'établir un bilan-orientation, ils ont en fait accueilli 90 % des mineurs très connus, très réitérants, qui sortaient de prison ou pour lesquels les magistrats hésitaient entre prison et CPI ».

Un usage trop souvent instrumental des CPI a été fait, à contre sens du cahier des charges (l'alternative à l'incarcération l'a emporté sur la fonction d'évaluation et d'orientation). En conséquence, les jeunes placés en CER et CPI sont trop souvent stigmatisés.

Cette ambiguïté a été soulignée par le cabinet CIRESE : « On veut engager dans l'urgence une évaluation et une orientation du jeune, alors que celui-ci se trouve dans une situation de crise et ne peut élaborer aucun projet. Les CPI tendent à jouer un rôle de contention, à assurer une sorte d'incarcération provisoire, mais on ne veut pas le reconnaître et on continue d'entretenir une ambiguïté avec ce qui relève d'une volonté d'orienter, voire d'insérer. »

4. De trop nombreux échecs

Utilisés parfois à l'encontre de leurs cahiers des charges, désertés par les personnels les plus expérimentés, créés dans la précipitation par une simple transformation de foyers existants, les centres de placement immédiat ont bien du mal à trouver leur place parmi les dispositifs d'accueil alors qu'ils répondent à un véritable besoin.

Dans ces conditions, plusieurs d'entre eux ont dû interrompre leur fonctionnement pendant quelques mois, soit pour insuffisance de personnel, soit après une explosion de violence. Interrogée par la commission d'enquête, Mme Marylise Lebranchu , alors garde des sceaux, a cité le cas du CPI de Montpellier. Pour sa part, la commission d'enquête, lors de sa visite au Havre, a souhaité visiter le CPI de Saint-Eustache-la-Forêt et a appris que celui-ci avait été fermé pour quelques mois par manque de personnel. Un rapport de la vice-présidente du tribunal de grande instance du Havre chargée du tribunal pour enfants avait constaté l'absence de tenue matérielle de la maison et constaté que, la fonction de secrétariat n'étant pas assumée, aucun accueil n'était mis en place pour les appels des familles, les personnes extérieures, le suivi des dossiers individuels des jeunes, et la rédaction des rapports de situation pour les magistrats ayant ordonné les placements 117 ( * ) .

Compte tenu de la difficulté de contenir ces jeunes parfois très violents, il n'est pas rare que la discipline se relâche.

Lors de ses visites dans les CPI, la commission a, par exemple, constaté que les lits des jeunes étaient rarement faits, les chambres rarement rangées 118 ( * ) .

M. Jean-Pierre Rosenczveig, président du tribunal pour enfants de Bobigny, a effectué le même constat lors de son audition par la commission d'enquête : « dans un CPI de la région parisienne que je ne désignerai pas, on a lâché du lest et on laisse les gamins rentrer à vingt-et-une heures trente le soir, voire ne pas rentrer du tout : cela ne correspond pas à la mission confiée à un tel établissement ! ».

De plus, si les fugues ne constituent pas en elles-mêmes un échec du CPI, leur multiplication et l'absence de réponse adaptée de la part de l'équipe éducative peuvent constituer un réel dysfonctionnement.

En pratique, pour que les CPI puissent fonctionner dans de meilleures conditions, il conviendrait qu'ils disposent de plateaux éducatifs complets incluant activités de jour, séjours de rupture et activités d'insertion. L'organisation d'activités très structurées pour les jeunes, durant toute la semaine, en lien avec les centres de jour, est une nécessité absolue pour éviter les explosions de violence.

Par ailleurs, le bon fonctionnement des CPI, qui accueillent des jeunes dans l'urgence, implique la mise en place d'une régulation de cet accueil d'urgence à l'échelle départementale, impliquant les magistrats, le secteur public et le secteur associatif de la PJJ, le Conseil général.

En juillet 1998, la PJJ a été chargée de mettre en place, dans les départements prioritaires, une cellule de coordination de l'accueil d'urgence associant les juridictions, le secteur public, le secteur associatif habilité et l'aide sociale à l'enfance. Un an plus tard, seuls 9 départements disposaient d'une telle cellule. La circulaire d'orientation du 24 février 1999 préconise l'organisation d'un dispositif d'accueil associant le secteur public, le secteur associatif et l'aide sociale à l'enfance dans chaque département. En mars 2002, 31 départements ont une cellule opérationnelle, 38 ont signé un protocole, et un dispositif d'accueil d'urgence fonctionne dans 6 départements en l'absence de toute formalisation 119 ( * ) .

Au cours de ses visites, la commission a constaté que le choix des jeunes à placer dans les CPI pouvait susciter des conflits, notamment en ce qui concerne les jeunes étrangers isolés. Lors de sa visite au CPI de Collonges-sur-Mont d'Or, il a été rapporté à la commission que le parquet ordonnait parfois le placement de jeunes errants avant que cette décision soit contredite par le parquet des mineurs, qui considère que l'accueil de ces mineurs n'est pas la vocation du CPI. Les personnels du centre sont alors censés remettre le jeune à la rue...

Si les centres éducatifs renforcés semblent désormais à même de répondre aux objectifs qui leur sont fixés, sous réserve de l'insuffisante préparation de la sortie des jeunes, les CPI devraient évoluer pour remédier aux carences aujourd'hui constatés. A cet égard, la simple transformation de foyers en CPI, préférée pour des raisons d'urgence à l'ouverture de nouveaux établissements, n'était peut-être pas le meilleur moyen de faire émerger de nouveaux modes de prise en charge.

* 117 Voir compte-rendu du déplacement de la commission d'enquête.

* 118 Tel n'était pas le cas au CPI de Sainte-Anne en Guadeloupe.

* 119 Source : bilan des conseils de sécurité intérieure de 1998 et 1999 établi en mai 2002.

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