AVANT-PROPOS

Au cours de sa réunion du mercredi 16 janvier 2002, la Commission des Affaires économiques du Sénat a décidé d'établir un rapport d'information sur les zones franches urbaines (ZFU) qu'elle a chargé votre rapporteur de rédiger. Cette initiative résultait des interrogations observées au Sénat lors de l'examen du projet de loi de Finances pour 2002. A cette époque, en effet, le gouvernement considérait avec défiance -le terme n'est pas exagéré- un dispositif créé en 1996 à l'initiative de MM. Alain Juppé, Jean-Claude Gaudin et Eric Raoult dont les maires et les acteurs de terrains soulignaient pourtant la remarquable réussite.

Le présent rapport d'information a été réalisé afin de lever toute équivoque sur le bilan des zones franches urbaines que l'exécutif s'est avéré dans l'incapacité d'établir au cours des cinq dernières années, si l'on excepte le rapport présenté au Parlement à l'automne 2001, avec bien du retard.

Au cours de ses travaux, votre rapporteur a entendu :

- plus d'une vingtaine de personnes au cours d'auditions au Palais du Luxembourg, dont ont trouvera la liste en annexe n° 1 ;

- cinq déplacements en compagnie de plusieurs de ses collègues à Mantes-La-Jolie, Marseille, Saint-Quentin, Le Mans et Bruxelles (cf . annexe n° 2).

Après avoir sollicité l'ensemble des maires de communes comportant une ZFU, dont on trouvera la liste en annexe n° 3, il a reçu des contributions écrites de la quasi-totalité d'entre eux 1 ( * ) . Il a, en outre, obtenu qu'une étude statistique soit réalisée par l'Institut d'aménagement et d'urbanisme de la région île de France (IAURIF).

Le présent rapport, établi en cinq mois malgré les bouleversements induits par le calendrier électoral, s'efforce de présenter, sur la base de ces différents éléments, une analyse qui, sans prétendre être exhaustive, tend à dresser le bilan objectif qu'attendaient les acteurs et les bénéficiaires de cette politique.

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

L'initiative de la Commission des Affaires économiques qui a chargé son rapporteur pour avis d'établir un bilan des ZFU, se situe dans le droit fil de ses réflexions sur l'aménagement du territoire d'une part et sur les relations entre les espaces urbains, les espaces périurbains et les espaces ruraux. Ces réflexions se sont notamment concentrées dans deux importants rapports de M. Gérard Larcher sur la politique de la ville (1992) et sur les espaces périurbains (1998) 2 ( * ) .

Elle s'explique par le désir d'y voir plus clair sur le résultat concret de la création des ZFU que le précédent Gouvernement a considérée avec hostilité, jusqu'à la désignation du ministre délégué chargé de la ville, puis avec suspicion, après celle-ci.

Ce ministre délégué, qui ne partageait certes pas les sentiments exprimés auparavant par la ministre de l'emploi et de la solidarité, pour le compte de laquelle l'Inspection générale des Affaires sociales avait réalisé, en 1998, un rapport particulièrement « orienté » et défavorable aux ZFU, a finalement donné -du bout des lèvres !- son assentiment à la poursuite de cette politique dont les maires des villes concernées, quelles que soient leurs affinités politiques, ont unanimement reconnu l'intérêt.

Comme le relevait le Président Jean-Claude Gaudin à la tribune du Sénat à l'automne 2001 : « Des rapports de fonctionnaires continuent d'affirmer que le dispositif des zones franches n'a pas eu d'effets positifs. Il faudra qu'un jour on nous explique cette contradiction ou que l'on reconnaisse que certaines informations ont été rédigées de manière tendancieuse » 3 ( * ) .

Tel est précisément l'objet du présent rapport d'information qui, après avoir rappelé le cadre général constitué par le Pacte de relance pour la ville, présentera l'étendue du succès rencontré par les ZFU, les progrès qui auraient pu être réalisés par rapport à la réussite observée si toutes les initiatives avaient été développées en leur faveur et les transformations qui pourraient leur être apportées dans les mois à venir.

I. LA CRÉATION DES ZFU : UNE MESURE NOVATRICE INSTITUÉE PAR LE « PACTE DE RELANCE POUR LA VILLE »

Le projet mis en oeuvre par le Pacte de relance pour la ville consistait à parvenir à une transformation totale de certains quartiers en jouant sur le levier économique, notamment par un allègement des charges des entreprises , comme le soulignait M. Jean-Pierre Raffarin, alors ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce et de l'artisanat, à l'occasion d'une visite à Saint-Quentin peu après l'adoption de la loi relative à la mise en oeuvre du Pacte de relance.

A. ENJEUX ET OBJECTIFS DU PACTE DE RELANCE (1996)

Les quartiers sensibles en 1996 : une « voie sans issue »

Lorsqu'à l'automne 1996, le Gouvernement dirigé par M. Alain Juppé a créé les zones franches urbaines, il affrontait, le premier depuis l'apparition du concept de politique de la ville, la question de l'articulation entre la politique économique et les problèmes sociaux des quartiers difficiles.

Ce projet reposait sur la volonté de lutter contre une spirale de l'échec et de l'exclusion caractérisée par :

- la fuite des classes moyennes et l'accroissement de la vacance des logements sociaux, notamment dans les « tours » et les barres d'immeubles ;

- l' hémorragie des entreprises, spécialement sensible dans le secteur du commerce et de l'artisanat où les entreprises subissaient les conséquences de la paupérisation des habitants des quartiers sensibles et de la diminution de leur pouvoir d'achat ;

- la croissance du chômage , la plus forte observée sur l'ensemble du territoire, renforçant le sentiment d' exclusion des habitants.

Au total, face à l'impuissance des politiques menées depuis près de vingt ans, les quartiers étaient en déshérence, dépourvus de perspectives d'avenir. C'est précisément contre ce mouvement en apparence irréversible que le Pacte de relance pour la ville a prioritairement lutté.

Le contenu du Pacte de relance pour la ville

Ensemble ambitieux dont la loi n° 96-987 du 14 novembre 1996 ne constituait que le volet législatif, le Pacte de relance pour la ville s'articulait autour de six objectifs principaux , qui tendaient à :

- créer des activités et de l'emploi ;

- assurer la paix publique ;

- rétablir l'égalité des chances à l'école ;

- rénover et diversifier les logements ;

- renforcer les partenaires de la politique de la ville ;

- améliorer le fonctionnement et la présence des services publics.

Créer des activités et de l'emploi

La principale idée qui sous-tendait le PRV était que le premier problème qui mine les quartiers en difficulté est le chômage. Ainsi, pour lutter contre celui-ci, étaient créées 44 zones franches urbaines au sein des 744 zones urbaines sensibles qui concentraient les quartiers les plus défavorisés des agglomérations de l'Hexagone.

Cette création répondait à une situation de grande détresse, si l'on songe que dans certaines communes, la majeure partie des chômeurs résidaient dans les quartiers sensibles, ainsi à Clichy-sous-Bois-Montfermeil, où 70 % des demandeurs d'emplois étaient établis dans la ZFU.

Si elles exerçaient une activité économique de proximité 4 ( * ) sur le marché local, les entreprises de moins de cinquante salariés situées dans ces zones pouvaient bénéficier d'exonérations fiscales et sociales importantes sur :

- l'impôt sur les bénéfices, dans la limite d'un plafond de bénéfice de 400.000 francs par an et par entreprise ;

- la taxe professionnelle ;

- la taxe foncière sur les propriétés bâties ;

- les charges sociales patronales ;

- les cotisations sociales personnelles des artisans et commerçants ;

- les droits de mutation sur les fonds de commerce et de clientèle.

Considérant que la sûreté des personnes et des biens est le premier des droits que protège l'Etat, il était prévu de lutter prioritairement contre la délinquance des mineurs , par la création d'unités d'encadrement renforcé et grâce à un accroissement des effectifs de police. Des mesures concernant la lutte contre la toxicomanie étaient également prises.

Le ministère de l'éducation nationale était aussi concerné par la mise en oeuvre du Pacte de relance à laquelle il devait contribuer grâce à la modification de la carte des établissements situés en zone d'éducation prioritaire (ZEP) dans lesquelles les moyens humains étaient renforcés.

Tout en souhaitant lutter contre le « monofonctionnalisme»  hérité de la « Charte d'Athènes » qui a contribué à répandre en France le modèle des « grands ensembles » où un fort taux de vacance des logements est désormais observé, le pacte de relance affectait d'importantes enveloppes de prêts au financement de gros travaux d'entretien dans les quartiers en difficulté . L'intérêt de ces mesures trouve tout son sens lorsque l'on sait que la ZFU de Reims concentre, par exemple, 85 % du parc d'habitat social rémois.

Pour engager de grandes opérations de restructuration dans des centres commerciaux souvent dévastés et désertés il créait, en outre, un établissement public de restructuration des espaces commerciaux et artisanaux (EPARECA).

Un programme triennal d'amélioration de la desserte et de la qualité des transports en commun dans les quartiers faisant l'objet d'un contrat de ville était également lancé, tandis que l'emploi de jeunes par les autorités responsables de transports était favorisé, dans le cadre du développement des « emplois de ville ».

Au total, le Pacte de relance constituait un tout cohérent, dont la création des ZFU qui reprenait l'idée d'une « discrimination territoriale positive » n'était que l'une des facettes.

En termes d'objectifs , l'étude d'impact annexée au projet de loi considérait que partant d'une situation où l'on estimait à 25.000 le nombre d'emplois existant dans les ZFU , et sous réserve de la délimitation définitive des zones, le coût fiscal et le coût social de la mesure s'élèveraient respectivement, la première année, à 732 et à 650 millions de francs , pour 10.000 emplois nouveaux.

* 1 Sauf indication contraire, les éléments cités dans le corps du rapport concernant chaque commune résultent de données transmises par le maire ou les services compétents de cette commune.

* 2 Gérard Larcher , Rapport d'information sur la politique de la ville, n°107 (1992-1993) et Les terroirs urbains et paysagers, pour un nouvel équilibre des espaces périurbains, rapport d'information n°415 (1997-1998).

* 3 Intervention de M. Jean-Claude Gaudin, sénateur des Bouches-du-Rhône, vice-Président du Sénat, à l'occasion de la question orale sans débat présentée par M. Jean-Paul Alduy, sénateur des Pyrénées-Orientales, n°1177S du 31 octobre 2001, Journal Officiel , page 4529.

* 4 Répondaient à cette condition les entreprises des secteurs de la construction, du commerce et de la réparation automobile, de l'hôtellerie et de la restauration, du commerce de détail et de la réparation d'articles domestiques, des transports de voyageurs par taxis, de la santé et de l'action sociale, de l'assainissement, de la voirie et de la gestion des déchets, des activités associatives, récréatives, culturelles et sportives et des services personnels.

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