2. La participation à la vie de la cité dépasse la simple question des droits politiques

a) La réaffirmation d'un droit à l'information et à la culture

Participer à la vie de la cité, à la manière de n'importe quel citoyen, suppose également de pouvoir accéder à l'ensemble de la vie sociale, donc aux médias, à la culture, aux sports ou encore aux loisirs.

La mise en oeuvre du droit à l'information

Le droit à l'information reste encore aujourd'hui lettre morte pour la grande majorité des déficients sensoriels : la publication d'ouvrages en braille est découragé par des coûts prohibitifs, l'enregistrement sur cassettes initié par les associations demeure artisanal, le sous-titrage à la télévision, épisodique.

En témoigne le bilan dressé par Mme Nicole Gargam, présidente de l'Union nationale pour l'insertion sociale des déficients auditifs (UNISDA) devant votre commission : « Les émissions sous-titrées systématiquement sont en nombre insuffisant et nous avons l'impression qu'on progresse peu dans ce domaine. Nous avons l'impression qu'il en a de moins en moins. Les personnes sourdes en sont souvent réduites à ne regarder que les films étrangers sous-titrés en version originale. Ce qui leur manque, ce sont en fait des émissions en direct sous-titrées. »

Concernant le sous-titrage, l'article 3 de la loi n° 2000-719 du 1 er août 2000 relative à la liberté de communication a inscrit, parmi les missions de service public imposées aux chaînes publiques, celle de « favoriser, par des dispositifs adaptés, l'accès des personnes sourdes et malentendantes aux programmes qu'elles diffusent » . Dans son article 42, la même loi place l'accès des personnes malentendantes aux programmes parmi les thèmes devant être abordés par la convention conclue entre le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) et chaque opérateur.

Il semble à votre rapporteur qu'un effort doit être fait en la matière. Il pourrait prendre la forme d'une obligation de sous-titrage de certaines émissions (comme les journaux télévisés) ou à certaines heures de la journée (heures de grande écoute).

Si cette option est retenue, elle conduirait, compte tenu du type d'émissions concernées, au développement de la technologie de sous-titrage en direct, réclamé par de nombreuses associations, technologie qui aurait de nombreuses autres applications, en matière de scolarisation notamment : cette technologie permettrait en effet de développer une assistance technique pour des étudiants malentendants ou encore les systèmes de visio-conférence, pour les élèves confinés au domicile.

De la même manière, le développement de l' audiodescription 79 ( * ) serait un progrès considérable pour les personnes malvoyantes. Sa mise en oeuvre est actuellement prise en charge par des associations qui doivent trouver les financements nécessaires, et se heurte à la réticence des établissements, théâtres et cinémas. Pour développer un tel système, ces associations plaident pour une réduction des coûts, plus que pour une démarche obligatoire et coercitive. Votre rapporteur partage cette analyse. C'est pourquoi il pourrait être proposé une démarche incitative, par le biais d'une aide à l'investissement, pour les salles qui accepteraient de mettre en oeuvre l'audiodescription.

CINÉMAS POUR AVEUGLES ET MALENTENDANTS :
L'EXEMPLE DU PARAMOUNT FAMOUS PLAYERS DE TORONTO (CANADA)

Lors de leur déplacement au Canada, les membres de la délégation de la commission ont pu visiter à Toronto (Ontario), le 21 juin 2002, une salle de cinéma appartenant à la société Famous Players, dont certains sièges sont équipés de dispositifs conçus pour les personnes aveugles ou malentendantes.

Ces sièges sont ainsi dotés de casques d'écoute qui retransmettent le son du film grâce à un système infrarouge et qui permettent aux personnes malentendantes de suivre celui-ci grâce à un volume amplifié.

Pour les personnes aveugles, ces casques permettent également l'écoute d'une bande son spécifique qui conjugue les dialogues du film et une description extrêmement vivante du déroulement de l'action.

Pour les personnes sourdes, ces sièges sont en outre équipés de petits écrans réfléchissants qui permettent de superposer, dans le champ de vision de la personne, les images du film et un sous-titrage adapté qui rend compte des dialogues et décrit l'environnement sonore du film.

Les membres de la délégation ont pu tester ces dispositifs pendant la projection des dix premières minutes d'un film d'action et ont jugé l'expérience très probante.

Ces dispositifs sont en voie de généralisation dans l'ensemble des salles du Canada appartenant à la société Famous Players.

La participation à l'ensemble de la vie sociale

Plus largement, les personnes handicapées veulent, comme tout citoyen, pouvoir développer leur potentiel sportif, artistique ou intellectuel et, pour cela, ils veulent, légitimement, avoir accès aux infrastructures sportives et culturelles.

Mais si « l'accès aux sports et aux loisirs (...) constitue une obligation nationale », ainsi que l'affirme solennellement l'article premier de la loi d'orientation du 30 juin 1975 80 ( * ) , cet accès reste difficile : alors même que l'accessibilité des établissements sportifs et culturels demeure inégale, d'autres problèmes se posent, d'adaptation de la pratique sportive, de manque de structures associatives, d'aide à l'accès aux oeuvres culturelles (en particulier pour les déficients sensoriels).

Le ministère de la Culture et le secrétariat d'Etat aux Personnes handicapées ont installé, en mai 2001, une commission commune « Culture-Handicap » dont les travaux ont consisté jusqu'ici à nommer des correspondants au niveau des directions centrales et régionales des affaires culturelles, à imposer une obligation d'étudier la possibilité d'une mise en accessibilité avant toute nouvelle construction ou rénovation et à élaborer une charte des établissements culturels, fixant le minimum à exiger en termes d'accueil des personnes handicapées.

Votre rapporteur s'étonne cependant qu'il ait fallu un an et demi entre l'annonce de la création de cette commission, en janvier 2000, et son installation effective. Il regrette aussi que rien ne soit encore prévu pour financer les actions annoncées et souligne en conséquence le risque de démobilisation des directions régionales, deux ans et demi après cette annonce.

Il lui paraît également souhaitable d'orienter l'action des directions régionales des affaires culturelles vers le soutien et la formation des professionnels de la culture et des loisirs à la problématique spécifique du handicap. Ainsi que le soulignait devant votre commission M. André Fertier, président de CEMAFORRE et d'EUCREA France, « il convient de prendre conscience du fait que l'accès aux loisirs et à la culture requiert, dans certains cas, un professionnalisme adapté, à l'instar d'exemples comme l'emploi de la langue des signes lors des conférences ; l'apprentissage de la danse en fauteuil roulant ; l'utilisation de l'outil informatique pour la pratique de la musique par les personnes tétraplégiques ou l'accueil de personnes aveugles dans les musées au moyen de documents en relief ».

Un premier développement de ces services a été tenté par les associations, sur la base d' « emplois-jeunes ». Le choix d'un dispositif conçu dès l'origine comme devant être limité dans le temps fragilise à l'évidence cette expérience.

Votre rapporteur considère que ces emplois sont au nombre de ceux qui gagneraient à être pérennisés, conformément à l'annonce de M. François Fillon, ministre des Affaires sociales, du Travail et de la Solidarité, lors de son audition devant votre commission 81 ( * ) .

Dans le domaine du tourisme également, beaucoup de choses restent à faire : le parc et les équipements sont assez largement inadaptés et inaccessibles et l'accueil de la clientèle handicapée pose trop souvent problème aux professionnels qui manquent d'un savoir-faire en la matière.

Votre rapporteur tient cependant à saluer l'initiative, prise par Mme Michelle Demessine, secrétaire d'Etat au tourisme sous le précédent Gouvernement, de créer un label destiné à informer les personnes handicapées sur l'accessibilité des lieux de vacances et de loisirs . Ce label, encore récent, devrait permettre de donner une visibilité et une cohérence aux actions déjà engagées par les associations dans ce domaine.

* 79 Cette technologie permet la description en voix off, lors des intervalles entre les répliques, de l'action, des décors et des costumes, grâce à des écouteurs individuels.

* 80 Codifiée à l'article L. 114-1 du code de l'action sociale et des familles.

* 81 Audition du 11 juillet 2002 sur le projet de loi portant création d'un dispositif de soutien à l'emploi des jeunes en entreprise ; cf. rapport de M. Louis Souvet, au nom de votre commission, n° 356 (2001-2002).

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