2. Deux priorités : conforter leur autorité et leur offrir la « conduite assistée »
La
première réforme structurelle, de nature à faciliter la
protection du patrimoine monumental, serait la création au sein des DRAC
d'un
vrai service du patrimoine et de l'environnement bâti
regroupant les monuments historiques et l'inventaire, voire
l'archéologie et les musées, et intégrant, le cas
échéant, les ABF, qui pourraient constituer l'échelon
départemental de l'administration du patrimoine. Votre rapporteur
spécial, qui ne sous-estime pas les obstacles techniques et
psychologiques à un tel regroupement, considère néanmoins
qu'un rapprochement doit être envisagé.
Des tentatives ont eu lieu, mais sans succès, en région
parisienne et en Rhône-Alpes pour substituer à l'organigramme
classique par spécialité - archéologie, monuments
historiques, inventaires -, une structure par grandes fonctions
transversales - documentation, services juridiques, cellule
financière, etc. -, mais elles ont échoué. Votre
rapporteur spécial estime qu'il faudrait, après avoir tiré
les leçons de ces échecs, éventuellement relancer un type
d'organisation, qui apparaît a priori plus rationnel.
L'expérience montre qu'il faut un patron pour faire marcher ensemble des
services qui ont tendance à s'ignorer, et procéder aux arbitrages
auxquels les DRAC, souvent plus naturellement tournées vers les
spectacles vivants, ne sont pas en mesure de procéder.
Par ailleurs, dans le rapport de l'inspection des Finances, les CRMH sont
présentés comme n'ayant pas un statut de fait en rapport avec
leur responsabilité :
« les CRMH ne
bénéficient qu'assez rarement du prestige de l'appartenance
à un corps de niveau élevé ou de la compétence
technique permettant de s'imposer
». En outre, sera-t-on
tenté d'ajouter, ils ne peuvent guère s'appuyer sur leurs chefs
locaux, que leurs intérêts et leur formation amène à
s'intéresser plus aux spectacles vivants et à la création
qu'au patrimoine proprement dit.
Sans doute y-a-t-il encore un problème d'autorité personnelle du
CRMH notamment vis-à-vis de l'ACMH. Mais avec le temps le handicap que
constitue le caractère relativement récent de la fonction,
devrait s'atténuer, tandis que la qualité des recrutements
effectués par l'intermédiaire de l'École du patrimoine
devrait rééquilibrer le rapport de force intellectuel et
professionnel avec les ACMH.
Votre rapporteur spécial, qui a rencontré près d'un tiers
des CRMH en exercice, a tendance à penser que, aujourd'hui, les
observations du rapport Cailleteau ont perdu une bonne part de leur pertinence
et que, ni le niveau de recrutement, ni la qualité des personnels, ne
peuvent être mis en cause.
Si problème d'autorité il y a, il est d'origine essentiellement
fonctionnelle.
Sauf en ce qui concerne la programmation financière, mais c'est
là une prérogative essentielle, il faut souligner que le CRMH est
un patron bien encadré, puisqu'il est tenu de s'entourer d'un maximum
d'avis qui limitent sa capacité d'initiative, même si parfois
cette manie de la consultation lui permet de faire contrepoids à
l'influence d'un ACMH.
En réalité, lorsqu'il s'agit d'un monument
propriété de l'État - et que le monument n'est pas
géré par le Centre des monuments nationaux-, le CRMH est le seul
représentant du propriétaire, dont il devrait avoir toutes les
prérogatives, notamment vis-à-vis des maîtres d'oeuvre.
Les compétences techniques, voire une meilleure connaissance des
monuments, peuvent mettre un CRMH dans un rapport de force d'autant moins
favorable vis-à-vis de son ACMH, qu'il a besoin de lui pour d'autres
chantiers.
Une des façons les plus efficaces de
redonner au CRMH ses
prérogatives de représentant du propriétaire
est de
lui donner
, sinon le choix, du moins
un choix en ce qui concerne le
maître d'oeuvre
, comme cela est d'ailleurs reconnu de façon
encore trop rare au propriétaire privé.
La désectorisation serait un des moyens d'offrir au CRMH une
alternative, qui lui permettrait d'exercer une pression progressive sur les
ACMH insuffisamment diligents, en leur retirant des opérations -sanction
autrement plus efficace que l'application de pénalités de retard,
prévues par exemple en cas de remise tardive d'une étude
préalable.
Nul doute que, si cette prérogative leur était
conférée dans le cadre d'une certaine désectorisation des
compétences géographiques des ACMH, les CRMH, n'en useraient
qu'avec modération, sous le contrôle de l'inspection
générale.
Maintenant, le CRMH a-t-il toujours, en dépit de ses compétences
scientifiques rarement contestées, ainsi que de la qualité et du
dévouement des différents professionnels qui l'entourent, les
capacités d'exercer les fonctions de maître d'ouvrage, s'agissant
de travaux lourds et complexes ? La question mérite d'être
posée, surtout si l'on ne parvient pas à transférer plus
fréquemment aux propriétaires la maîtrise d'ouvrage des
opérations.
Comme dans beaucoup de métiers, la compétence technique, ne
garantit pas - malgré, les efforts qui sont fait en matière
de formation - que le CRMH soit attentif aux contraintes administratives
et, notamment, à celles résultant de la législation des
marchés, pas plus, d'ailleurs, qu'il ait les qualités de chef
d'équipe requises pour conduire des opérations de terrain.
Mais, si l'on voit notamment dans le secteur privé se développer
les prestations d'assistance à maître d'ouvrage ou de
maîtrise d'ouvrage déléguée, c'est bien parce que la
fonction de maître d'ouvrage est de plus en plus compliquée.
Cette
professionnalisation de la fonction de maîtrise d'ouvrage
,
qui s'est traduite au niveau central par la création de l'EPMOTC et du
SNT, est-elle un modèle pour les opérations menées en
régions ? La voie mérite d'être étudiée
même si le recentrage des compétences des CRMH sur leurs missions
régaliennes peut être contesté au nom de la
nécessité du maintien, au sein même des CRMH, d'une
capacité d'expertise en matière de travaux.
Toujours est-il que l'on pourrait inciter les CRMH à abandonner
certaines opérations lourdes comportant l'intervention de multiples
prestataires, ce qui est souvent les cas lorsqu'il s'agit de réhabiliter
des monuments historiques pour les affecter à un nouvel usage.
Ces opérations seraient confiées à des structures
administratives spécifiques, en l'occurrence des agences
régionales, voire interrégionales spécialisées dans
la conduite des travaux culturels, dont la forme juridique serait le syndicat
ou l'établissement public de coopération culturelle.
Une telle structure serait une façon d'alléger la charge de
travail des CRMH des grosses opérations effectuées pour le compte
des collectivités territoriales. On note que la formule laisse ouverte
la question de savoir si cette agence fait de la maîtrise d'ouvrage dans
le cadre d'une convention de mandat ou de l'assistance à maître
d'ouvrage.
Pour conclure cette partie consacrée aux réformes touchant aux
statuts et aux fonctions des personnels du patrimoine, votre rapporteur
considère qu'il ne serait pas inutile de prévoir la
réalisation d'un audit par l'inspection des finances ou des
professionnels de l'organisation pour examiner la répartition des forces
de travail entre les différentes tâches relatives au patrimoine
monumental pour juger du caractère justifié ou non des
différences de moyens administratifs relevés dans le rapport de
M. Rémi Labrusse ;