III. UN NOUVEAU PARTAGE DES RESPONSABILITÉS

Si l'idée de l'intérêt public qui s'attache à la préservation du patrimoine national a suscité beaucoup de formules heureuses, c'est sans doute Victor Hugo, qui, le premier, dès 1832, a affirmé aussi clairement le fait que les monuments historiques sont ce que les économistes d'aujourd'hui appellent des biens collectifs : « Quels que soient les droits de la propriété, la destruction d'un édifice historique et monumental ne doit pas être permise à ces ignobles spéculateurs que leur intérêt aveugle sur leur honneur... Il y a deux choses dans un édifice : son usage et sa beauté. Son usage appartient au propriétaire, sa beauté à tout le monde ; c'est donc dépasser son droit que le détruire ».

Mais, et les monuments historiques en sont un bon exemple, ce n'est pas parce qu'un bien ou un service rentre dans la catégorie des biens ou services collectifs du fait des « effets externes » qui lui sont associés, qu'ils doivent être obligatoirement gérés par l'État.

Au contraire, si, dans l'ensemble, le système relève d'une gestion mixte, publique et privée, l'expérience démontre que c'est la gestion privée des monuments qui -sauf pour quelques monuments insignes, dont la construction et l'utilisation ont toujours participé de l'exercice du pouvoir politique- est le mode le plus économique et le plus naturel de préservation du patrimoine monumental national .

La conviction de votre rapporteur spécial est qu'ici comme dans d'autres domaines, l'État a moins intérêt à être gestionnaire et à se substituer au propriétaire qu'à se comporter comme un contrôleur, et comme un arbitre en charge de la définition des règles du jeu assurant la prise en compte de l'intérêt général .

Maintenant, la question importante est de savoir à quel niveau l'État doit intervenir, sachant qu'il semble-t-il qu'en France et en Italie que la protection des monuments historique soit entièrement régentée par l'État central.

Au moment même où étaient en cours des expériences administratives tendant à examiner les avantages et les inconvénients d'un transfert de compétences partiels aux collectivités territoriales en matière de patrimoine monumental, le Parlement adoptait, en commission mixte paritaire, un article devenu d'article 111 de la loi du 27 février 2002 tendant à prévoir de nouvelles expériences sur une base législative .

Une telle initiative n'a pas manqué de susciter un certain émoi au sein des administrations intéressées, ainsi que votre rapporteur spécial a pu s'en rendre compte par lui-même, lorsqu'il s'est rendu à Villeneuve -lez-Avignon à l'occasion des journées de réflexion organisées par le Collège du patrimoine, une association regroupant toutes les professions concernées.

Le nouveau ministre de la culture et de la communication, MM. Jean-Jacques Aillagon, a installé en juillet dernier un groupe de réflexion présidé par M. Jean-Pierre Bady, conseiller maître à la Cour des Comptes, ancien, directeur du patrimoine, ancien directeur de l'École du patrimoine, qui doit remettre le résultat de ses travaux pour la fin de cet automne 2002.

C'est dans cette perspective que s'inscrivent les propositions de votre rapporteur spécial, qui n'ont pas l'ambition de présenter un ensemble parfaitement cohérent mais simplement d'attirer l'attention sur telle ou telle possibilité et de conforter l'idée fondamentale qu'en dépit des hésitations des uns et des autres, il est dans le sens de notre histoire institutionnelle de transférer aux collectivités territoriales et, en particulier, aux régions de vraies compétences en matière de patrimoine monumental.

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