b) Le patrimoine est-il une affaire de spécialistes ?

Tout au long de son enquête, votre rapporteur spécial s'est trouvé confronté à l'articulation de deux principes tout aussi incontestables : le patrimoine est une affaire de spécialistes et il est l'affaire de tous.

L'inflation patrimoniale doit conduire à inverser quelque peu le rapport entre technique et politique, à la fois parce que les ressources budgétaires sont rares et parce que, tout pouvant prétendre au statut d'objet patrimonial, l'attachement manifesté par les citoyens, est un critère important de sélection de ce qui doit être protégé .

1830, date du rapport de Guizot « pour faire instituer un inspecteur général des monuments historiques », marque la naissance du système français de protection qui donne pour longtemps le pouvoir aux spécialistes. Les monuments deviennent le domaine réservé des archéologues et des architectes.

Le non-spécialiste se trouve confronté en permanence à un problème de légitimité. La question de la doctrine de restauration dont les techniciens prétendent avoir le monopole, en est un exemple caricatural

M. François Cailleteau quand il préconise une attitude plus modeste et plus pragmatique, allant à l'essentiel et sans nécessairement utiliser les techniques d'origine dès lors qu'elles ne défigurent pas le bâtiment, pose une vraie question, dont la réponse n'est pas du ressort des seuls techniciens et historiens de l'Art.

Le patrimoine est une chose trop sérieuse et, désormais, trop coûteuse en investissement comme en fonctionnement, pour que la décision soit considérée comme incombant aux seuls spécialistes. Et c'est pour cela que, du point de vue de votre rapporteur spécial, on ne peut écarter l'opinion du non professionnel par des phrases péremptoires. On peut même soutenir que le principe de bon sens à appliquer par les représentants de la puissance publique, est de faire « comme si c'était pour soi », principe simple voire simpliste, mais, qui, s'il était appliqué, éviterait bien des dérives « pharaoniques ».

Pendant longtemps il a fallu s'en remettre aux professionnels mais les développements de la sensibilité patrimoniale sont suffisants dans l'esprit des élus pour que l'on puisse réintroduire le politique dans les choix patrimoniaux.

C'est ce qui a été fait avec l'introduction puis l'élargissement des possibilités de recours contre les décisions des ABF en matière d'abords, c'est ce qui est proposé plus haut avec la reconnaissance du rôle des associations dans la définition et la mise en oeuvre de la politique du patrimoine monumental.

Des progrès restent à faire et c'est sans doute pour cela qu'il est important que l'on se préoccupe d'organiser et de stimuler cette interaction entre élus et techniciens et plus généralement entre propriétaires ou usagers de monuments et spécialistes de l'Administration.

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