b) La simplification des circuits financiers
On ne
pourra jamais simplifier la procédure administrative si l'on ne cherche
pas à décroiser les financements.
Certes, il est souvent indispensable d'organiser des financements
« croisés » pour réaliser des
équipements dont le coût ne pourrait être assumé par
une seule collectivité mais ce n'est pas le cas de la plupart des
interventions culturelles ; il y a aussi une logique à ce que des
participations locales régionales ou départementales, voire
communales, viennent s'ajouter à l'effort de
l'État
qui
joue ainsi le rôle de
garant de l'intérêt public
de
l'opération
.
Toutefois, la sécurité que donne le système est plus que
compensée par les
pertes de temps dues aux montages financiers
à négocier au cas par cas.
Il y a là un frein à l'action, même si, bien souvent, les
CRMH trouvent des astuces pour minimiser les conséquences de cette
complexité.
La situation est très différente dans les autres secteurs de la
politique culturelle comme le spectacle vivant où la pluralité du
financement constitue un espace de liberté, permettant d'éviter
le face-à-face entre le commanditaire et le porteur du projet, dans le
domaine du patrimoine monumental. C'est ainsi que dans son rapport remis
à Philippe Douste-Blazy en octobre 1996 pour la commission
d'étude pour la politique culturelle, M. Jacques Rigaud pouvait
déclarer : «
quelle soit décrite en termes de
cofinancement, pluri-financements, financements croisés ou
d'enchevêtrement, la situation actuelle qui mêle les subsides des
différents niveaux de pouvoirs pour financer les projets et les
établissements culturels est plus souvent appréciée que
regrettée
».
Certains acteurs du patrimoine monumental estiment qu'il y a là un
complexité gérable, il n'en reste pas moins qu'une globalisation
reste, selon votre rapporteur spécial, souhaitable.
(1) Prédéfinir le partage des charges entre collectivités territoriales
Le
système actuel aboutit à transformer chaque opération de
restauration en une fusée à plusieurs étages, chaque
étage devant être négocié avec une
collectivité différente. De surcroît les fenêtres de
tir sont restreintes, puisqu'il s'agit de faire passer les dossiers aux dates
des conférences administratives régionales, en ayant obtenu tous
les accords des organes délibérants des différentes
parties prenantes.
On peut s'en accommoder, utiliser la technique fragile des autorisations de
programme provisionnelles ou convaincre le préfet de région de
procéder à des CAR écrites, mais nul doute qu'un
système forfaitaire
et non
négocié au coup par
coup faciliterait grandement le montage administratif des opérations
.
Des précédents dans d'autres domaines montrent que certaines
actions peuvent être cofinancées par les différentes
collectivités territoriales parties prenantes sur des bases relativement
stables, sans exclure des variations importantes en fonction des cas
d'espèce.
Ainsi, le financement des établissements publics en charge des services
d'incendie et de secours est-il assuré à la fois par le
département et les communes sur des bases
prédéterminées.
Sans doute serait-ce difficile à négocier, mais il n'est pas
interdit d'espérer que les différentes parties prenantes,
départements, régions, ou communes, puissent se mettre d'accord a
priori sur les modalités de participation des uns et des autres. On peut
faire jouer la solidarité locale mais il devrait être envisageable
de
fixer les contributions à partir de critères objectifs
liés au potentiel fiscal des différentes collectivités
.
Il est difficile de préciser, à ce stade, sur quelles bases
serait effectué le partage des charges. L'exemple des services
départementaux d'incendie et de secours témoigne de ce qu'un
même cadre législatif peut aboutir à des formules
extrêmement variées.
Pour certains professionnels, la programmation pourrait-être
décidée dans le cadre d'une instance de concertation, qui
pourrait prendre le nom de « conférence régionale du
patrimoine », au sein de laquelle se réuniraient
périodiquement l'État, les collectivités territoriales et,
pourrait-on ajouter, des représentants des propriétaires
privés. Il reviendrait à cette instance de statuer sur les ordres
de priorité et sur les clés globales de répartition
financière ainsi que d'assurer le suivi et l'évaluation du
programme.
Une telle formule, outre l'inconvénient de la lourdeur, puisqu'il s'agit
de véritables « états
généraux », fait néanmoins courir des risques
aux collectivités de se voir imposer des charges nouvelles par
l'État.
(2) Transférer ou contractualiser les apports de l'État ?
L'État se sert déjà des financements
croisés pour accroître son influence. En dépit, d'une
participation financière minoritaire, les services centraux peuvent
s'octroyer la direction des projets culturels :
à l'heure
actuelle, les partenariats sont souvent déséquilibrés,
impliquant des contributions financières des collectivités
locales, tandis que l'État conserve la maîtrise de la politique
culturelle
.
Un transfert de compétences et de ressources aux collectivités
locales permettrait une meilleure lisibilité et une plus grande
proximité avec le terrain. Même si ce transfert s'effectue
conformément aux lois de décentralisation, cela ne garantit pas
aux collectivités, qu'il ne s'accompagnera pas de charges
supplémentaires.
On rappelle que le code général des collectivités
territoriales détermine les règles applicables en matière
de compensation financière des transferts de compétences, et
notamment que :
- « tout accroissement net des charges résultant des
transferts de compétences (...) est accompagné du transfert
concomitant par l'État aux communes, aux départements et aux
régions des ressources nécessaires à l'exercice normal de
ces compétences » (article L. 1614-1) ;
- « ces ressources sont équivalentes aux dépenses
effectuées, à la date du transfert, par l'État, au titre
des compétences transférées et évoluent chaque
année, dès la première année, comme la dotation
globale de fonctionnement. Elles assurent la compensation intégrale des
charges transférées » (article L. 1614-1) ;
- « toute charge nouvelle incombant aux collectivités du fait
de la modification par l'État, par voie réglementaire, des
règles relatives à l'exercice des compétences
transférées, est compensée » (article
L. 1614-2).
Maintenant, même organisé conformément aux textes,
c'est-à-dire en transférant le montant exact des crédits
correspondant aux compétences transférées, le mode de
calcul des compensations retenu par les lois de décentralisation repose
sur un postulat hypocrite : l'hypothèse selon laquelle, à
compter du transfert de compétences, le coût de leur exercice pour
les collectivités locales n'augmentera pas plus vite que la dotation
globale de fonctionnement.
Pour les gestionnaires locaux, il est surtout important que l'évolution
réelle des recettes transférées soit en adéquation
avec l'évolution du coût réel des compétences. Or,
tel n'est pas le cas des compétences déjà
transférées - qui croissent au moins deux fois plus vite que les
recettes transférées et il n'est pas de raisons de penser qu'il
en serait différemment pour le patrimoine monumental que pour les
établissements scolaires qui ont vu les collectivités faire des
efforts considérables.
Le risque est bien de voir en cas de transfert, soit des dotations
calculées trop justes en regard des besoins, soit que l'État
négocie des apports dans un cadre contractuel mais alors soumette les
collectivités à sa politique propre dans le cadre d'un
« partenariat imposé », comme c'est le cas avec les
arts plastiques.