B. UNE COMPENSATION INSUFFISANTE DES HANDICAPS

1. Les indemnités compensatoires de handicaps naturels

a) Jusqu'en 2000
(1) Historique et principe

Créée en 1972 sous la dénomination de « prime à la vache tondeuse » et consacrée au niveau communautaire en 1975, l'indemnité compensatoire de handicaps naturels (ICHN) est considérée depuis son origine comme la mesure essentielle de la politique de soutien à l'agriculture de montagne. Son principe est de compenser financièrement les surcoûts de production des exploitations liés aux handicaps naturels permanents qu'elles subissent par rapport aux régions de plaine. Afin de diminuer les distorsions de concurrence, l'objectif est donc de placer l'agriculture de montagne sur « un pied d'égalité » avec les exploitations de plaine, tout au moins du point de vue des conditions de production.

Cette compensation consistait, jusqu'en 2001, en une prime calculée en fonction du nombre de têtes de bétail détenues durant l'hivernage et/ou par hectare de certaines cultures dans un nombre réduit de cas. Le nombre maximum d'animaux primables a été en France initialement fixé à 40 unités gros bétail (UGB) puis à 50 UGB à partir de 1988. Etaient ainsi éligibles : les ovins (brebis mère et antenaises), les bovins de plus de 6 mois, les caprins (chèvres mères) et les équins. Une UGB par ha de surface fourragère, qui correspond à une norme standard d'agriculture extensive et garante de qualité, était primée au maximum.

(2) L'extension des ICHN hors des zones de montagne.

Après avoir été exclusivement réservé aux zones de montagne, le bénéfice de cette indemnité a été progressivement ouvert à d'autres zones, mais à taux réduit du fait du moindre impact des handicaps locaux. Ainsi, les ovins à partir de 1980 et les bovins-viande à partir de 1987, ont-ils pu bénéficier de l'indemnité dans les zones défavorisées.

Avec l'extension progressive des zones bénéficiaires, le montant total des primes versées au titre de l'ICHN est passé de 290 millions de francs en 1974 à 400 millions d'euros (2,62 milliards de francs) en 2000, ce qui correspond à un décuplement. Au cours des dix dernières années plus de la moitié des bénéficiaires se situaient en zone de montagne (contre 66 % en 1986) et ont perçu les 3/4 des primes versées.

Néanmoins, on constate une diminution particulièrement forte du nombre de bénéficiaires en haute montagne. Depuis 20 ans, le nombre de bénéficiaires des ICHN a globalement diminué de près de 20 %, essentiellement en raison des cessations d'activité. Cette diminution a été particulièrement notable dans les zones de haute montagne où elle a atteint 30 %.

La dynamique régressive de l'activité agricole en haute montagne apparaît donc comme préoccupante car l'évolution des structures de production se traduit par la concentration spatiale du cheptel et par une dégradation de la gestion de l'espace dans les zones les plus difficiles.

(3) Un rééquilibrage en faveur des petites exploitations

Jusqu'à la fin des années 80, le montant des subventions perçues au titre de l'ICHN était, dans la limite des plafonds autorisés, directement corrélé au nombre d'UGB présentes dans l'exploitation, sans modulation selon la taille du cheptel. En outre, le montant de l'ICHN par UGB, déterminé par des coefficients d'équivalence entre espèces primables, était le même quel que soit le type d'élevage (bovin ou ovin).Ces conditions d'application de l'ICHN avaient pour effet de favoriser les exploitations les plus grandes possédant un cheptel plus important et se situant généralement dans les massifs humides. En revanche, les agriculteurs des zones les plus difficiles (altitude, topographie, climat plus sec...), dans lesquelles l'agriculture était le plus en déclin et où la gestion de l'espace était donc la plus difficile, percevaient les indemnités les plus faibles.

Afin de remédier à cette situation, diverses décisions ont été prises: une majoration de l'ICHN pour l'élevage ovin en général, puis une majoration spécifique à l'élevage ovin en zone sèche, et enfin une revalorisation de la prime unitaire pour les 25 premières UGB .

(4) L'ultime versement en 2000 selon les modalités anciennes

En 2000, les ICHN ont encore été mises en oeuvre, selon les anciennes modalités. Elles ont été versées en fonction du nombre d'UGB des espèces bovine, ovine, caprine et équine détenues en permanence par l'éleveur pendant l'hivernage, le nombre maximum d'UGB primées étant de 50 par exploitation. En zone de montagne sèche, une indemnité spéciale a été versée à certaines cultures, dans la limite de 40 hectares.

NOMBRE DE BÉNÉFICIAIRES ET MONTANTS VERSÉS

AU TITRE DES ICHN (en millions d'euros)

Année

Indemnités compensatoires de handicaps naturels

Nombre de bénéficiaires

Part nationale

Part communautaire

1990

161.215

213,44

71,15

1991

156.503

215,38

71,79

1992

153.435

209,85

69,95

1993

144.351

230,02

76,68

1994

140.634

237,13

79,04

1995

132.213

239,35

79,78

1996

127.658

305,88

101,96

1997

122.955

246,65

82,22

1998

118.000

281,88

93,96

1999

112.469

265,28

90,43

2000

115.293

187,09

187,09

Il convient de noter que la dotation de 240 millions d'euros (1,57 milliard de francs) ouverte en loi de finances initiale pour 2000 s'est avérée nettement supérieure aux besoins : du fait des nouvelles règles de cofinancement communautaires, applicables à partir du 1 er janvier 2000, la part nationale a été réduite à 187 millions d'euros (1,23 milliard de francs), contre 265 millions d'euros (1,74 milliard de francs) l'année précédente.

b) Les nouvelles règles d'attribution des ICHN depuis le 1er janvier 2001

Le règlement de développement rural n° 1257/88 du Conseil a apporté des modifications substantielles pour l'attribution des ICHN. Le paiement s'effectue désormais en fonction du nombre d'hectares de surface fourragère et non plus en fonction du nombre de têtes de bétail.

Le règlement était applicable depuis le 1 er janvier 2000 mais est entré en vigueur en France pour la campagne 2001.

Si les conditions d'éligibilité et les zonages ne sont pas modifiés, les modalités de calcul changent. Le principe de base d'attribution est le respect des bonnes pratiques agricoles habituelles compatibles avec les exigences de protection de l'environnement en assurant la protection du sol, de l'eau, de la biodiversité et l'ouverture des paysages. L'éleveur est réputé les respecter si son système d'élevage répond notamment à des critères d'extensivité tendant à encadrer le nombre d'animaux primés par hectare.

En-deçà du seuil de chargement minimum et au-delà du seuil supérieur, les indemnités ne sont plus versées. Elles ne le sont pas non plus si l'exploitant ne se conforme pas aux directives en matière de bien-être des animaux ou lorsqu'il ne respecte pas la réglementation en matière d'épandage des effluents applicable dans les zones vulnérables ou d'excédent structurel.

Le nombre d'hectares primés est au maximum de 50 par exploitation individuelle et pour les exploitations sociétaires, sauf pour les groupements agricoles d'exploitation en commun qui bénéficient d'une part par associé éligible. Une majoration de l'ensemble des taux de 10 % est prévue pour les 25 premiers hectares, afin d'apporter un soutien renforcé aux petites exploitations.

Un tarif unique de prime s'applique par type de zone défavorisée : il dépend de la localisation (haute montagne, montagne, piémont, zone défavorisée simple) et de l'appartenance ou non à la zone sèche. De plus, une compensation supplémentaire de 10 % en zone de haute montagne et de montagne et de 20 % dans les autres zones est accordée dans le cas d'exploitations pratiquant une transhumance de leur cheptel apte à utiliser les fourrages ligneux, car elles ont une fonction importante en matière d'entretien de l'espace et des milieux.

En outre, cette réforme comporte un recentrage des indemnités accordées sur les zones de montagne, au détriment des autres zones défavorisées telles que les zones de piémont. Désormais, les trois quarts de l'enveloppe allouée à ces indemnités doivent bénéficier aux seules zones de montagne et haute montagne. Cette exigence a conduit à réduire ou supprimer les ICHN attribuées aux éleveurs de bovins laitiers purs dans les zones de piémont et les zones défavorisées simples.

Une phase transitoire de trois ans a été instaurée pour permettre aux agriculteurs de s'adapter au nouveau régime.

Par ailleurs, les versements, assurés par le Centre national pour l'aménagement des structures des exploitations agricoles (CNASEA), ont désormais lieu à l'automne, alors qu'ils étaient auparavant effectués au printemps mais un acompte a été versé, à titre exceptionnel, en 2001 en début d'été pour tenir compte des difficultés de trésorerie liées au déplacement de la date du dépôt des demandes de la fin janvier à la fin avril.

Les agriculteurs de montagne entendus par la mission commune d'information ont insisté sur les difficultés de trésorerie que suscite la non-reconduction de ce versement exceptionnel.

Ces modifications des règles d'attribution, qui ont pour objectif de favoriser les bonnes pratiques agricoles, sont accompagnées d'un doublement du cofinancement communautaire qui est passé en 2000 de 25 % à 50 % et d'un engagement de la Commission à verser 1,42 milliard d'euros (9,3 milliards de francs) sur sept ans.

(1) L'application de cette réforme a suscité plusieurs séries de craintes et d'effets pervers.

- Conçue pour tenir compte de la sévérité accrue des règles anti-dumping de l'organisation mondiale du commerce, la modification des modalités d'attribution de l'ICHN apparaît aux montagnards comme une « décision technocratique ». C'est, en effet, l'herbivore qui entretient la montagne et pas l'hectare. D'après les spécialistes de l'agriculture de montagne : « mieux aurait valu un dispositif de compensation des handicaps proche de la réalité des exploitations et qui tiendrait compte de la pente, de l'altitude, de l'enclavement de la parcelle, du pâturage ou du fauchage, comme le fait la Suisse. »

- Comme en témoigne, dans certaines zones, la hausse du prix de la terre, l'aide à l'hectare a provoqué une course à l'agrandissement.

- Elle entraîne, pour certains éleveurs, un risque d'exclusion du dispositif, soit parce qu'ils ne satisfont pas aux nouveaux seuils de chargement, soit parce qu'ils ne se conforment pas aux « bonnes pratiques agricoles », soit enfin parce que leur exploitation est située en dehors des zones ciblées.

- Un effort supplémentaire a été demandé par le Sénat, au cours de la discussion de la loi de finances pour 2002, pour procéder aux ajustements qui s'imposent s'agissant notamment de la situation des producteurs laitiers des zones de piémont, des zones de haute montagne, des petites exploitations, des jeunes agriculteurs et de certaines productions végétales (comme les fruits) qui n'étaient pas encore éligibles.

(2) Le bilan de l'application des ICHN en 2001

D'après les indications fournies par M. Hervé Gaymard, ministre de l'Agriculture de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales, lors de son audition, les principales conclusions du bilan de l'application des ICHN en 2001 sont les suivantes :

- les grands équilibres sont maintenus : 79% des ICHN bénéficient aux exploitations de montagne et 21 % en zone de développement surveillé et en zone de piémont ; la dépense totale pour l'année 2001 est de l'ordre de 427 M€ (dont 50 % d'origine communautaire) ;

- 1,4 % du nombre des exploitants antérieurement bénéficiaires sont exclus ;

- 70 % des dossiers ont bénéficié d'une augmentation des montants alloués ;

- 13 % sont en diminution, essentiellement chez les éleveurs de bovins en piémont et d'ovins en zone de développement surveillé (ZDS) humide. Toutefois, les ajustements des modalités de gestion en 2002 devraient résoudre les difficultés pour le piémont et les ovins.

- l'extension des exploitations à des fins d'optimisation du montant de la prime concerne seulement 17 % des dossiers, pour la plupart situés en zone défavorisée simple. Ce phénomène est par ailleurs encadré par trois règles de gestion : la limitation à 50 hectares par agriculteur, ce qui limite l'intérêt des extensions au delà de ce seuil ; une majoration de l'ICHN pour les 25 premiers hectares ; et un écrêtement du montant payé en 2001 à 120 % du montant payé en 2000 pour éviter les effets d'aubaine.

Pour 2002, la dotation a progressé de 30,5 M€. Cette dernière augmentation sera consacrée à la haute montagne dont les taux à l'hectare augmenteront de 20 %, à la montagne et au piémont (+3 %), à la zone défavorisée simple (+ 2%), aux cultures de pommes, poires et pêches qui sont primées à compter de cette année et au financement de quelques reclassements de zone (le Morvan en 2001 et quelques ajustements en Rhône-Alpes en 2002).

Proposition n° 15. : Sans bouleverser les modalités de calcul et d'attribution de l'indemnité compensatoire de handicaps naturels (ICHN) retenues dans notre pays, renforcer la souplesse du dispositif et notamment permettre l'augmentation des primes versées aux 25 premiers hectares afin de favor iser les petites exploitations.

2. Les majorations d'aides

a) Les aides à l'installation et les propositions en faveur des jeunes agriculteurs

La dotation aux jeunes agriculteurs est en moyenne deux fois supérieure en montagne : 26.175 euros, (171.700 francs) contre 12.608 euros (82.700 francs) en plaine. 20 % des installations se font en zone de montagne alors que cette zone représente 14 % des exploitations agricoles.

Deux catégories de prêts sont, en outre, mobilisables :

- les prêts spéciaux de modernisation, prévus dans le cadre des plans d'amélioration matérielle (au taux de 3 % en zones défavorisées, contre 4 % en zones de plaine) ;

- et les prêts d'installation : avec des taux de 2,55 % en zone défavorisée, contre 3,8 % en plaine ; la durée maximale de la bonification est de 15 ans, contre 12 ans en plaine.

Il convient de noter que la limitation des ICHN pour les 50 premiers hectares de SAU a également pour effet de soutenir l'installation de jeunes agriculteurs.

La mission commune d'information a été frappée par la combativité et le dynamisme des jeunes agriculteurs de montagne qu'elle souhaite voir encouragés.

Proposition n° 16. : Conformément à une logique de projet et d'entreprise agricole, mettre l'accent sur les aides à l'installation des jeunes agriculteurs sous forme de prêts à taux réduits, en complément des dotations actuelles dont le montant est nécessairement limité.

b) Les aides à la modernisation des exploitations en zone de montagne : bâtiments d'élevage et mécanisation

Les subventions en faveur de la modernisation des exploitations sont réservées aux seules zones de montagne. Elles intéressent essentiellement les investissements en bâtiments d'élevage (bovins, ovins, caprins) et d'exploitation, ainsi que l'acquisition de certains matériels spécifiques à ces zones.

Les crédits de l'Etat étaient complétés jusqu'en 1999 par les remboursements du FEOGA-Orientation. A partir de 2000, l'aide aux investissements en zone de montagne bénéficie d'un cofinancement communautaire d'un niveau équivalent dans le cadre du FEOGA-Garantie, cette action étant inscrite dans le programme de développement rural national. Ce cofinancement a atteint 2,53 millions d'euros (16,60 millions de francs) en 1999 et 2,50 millions d'euros (16,40 millions de francs) en 2000 ; il devrait dépasser 3 millions d'euros (19,68 millions de francs) en 2001, comme le montre le tableau ci-après.

AIDES A LA MODERNISATION DES EXPLOITATIONS EN ZONE DE MONTAGNE (1) (en millions d'euros)

Année

LFI

Après régularisation budgétaire

Retours du FEOGA

1990

14,74

14,01

1,05

1991

12,59

11,34

2,06

1992

12,59

11,59

2,09

1993

12,56

11,31

3,17

1994

11,69

10,76

2,01

1995

11,69

8,77

1,92

1996

6,86

6,86

1,97

1997 (2)

15,24

13,54

1,72

1998

7,47

10,34

2,87

1999

11,28

13,84

2,53

2000

11,28

(nc)

2,50

2001

11,28

(nd)

3,05

(1) en autorisations de programme. (2) y compris 8,38 millions d'euros attribués par loi de finances rectificative 1996.

Source : ministère de l'Agriculture et de la Pêche.

Deux modifications importantes expliquent les variations d'enveloppes annuelles constatées :

- à partir de 1991, ces aides aux investissements, jusque là attribuées à l'ensemble du territoire, ont été réservées aux seules zones de montagne ;

- cette action était proposée à la contractualisation dans le cadre des contrats de plan État-régions. Alors que seules six des douze régions concernées avaient contractualisé cette action dans les contrats de plan de la génération précédente, la majorité des régions a accepté la contractualisation pour la période 2000-2006, à hauteur de 9,91 millions d'euros (65 millions de francs) par an.

Les engagements en 2000 ont atteint le montant de 13,87 millions d'euros (91 millions de francs). Ils ont concerné 1.760 dossiers dont 1.300 en bâtiments d'élevage, qui représentent 84 % du montant de la subvention.

Malgré des enveloppes annuelles qui dépassent sensiblement le montant contractualisé, des files d'attente se sont constituées, évaluées à un montant stable de 6,1 millions d'euros (40 millions de francs) fin 2000.

Interrogé par la mission commune d'information sur l'érosion et la nécessaire revalorisation des aides de l'Etat à l'investissement en zone de montagne, le ministre de l'agriculture a indiqué que :

- ces aides étaient en constante augmentation depuis 1998 avec une augmentation de 46 % entre 1998 et 2000, une notification de 17,37 M€ (114 MF) en 2001 et une prévision de 21,2 M€ (139 MF) en 2002. Cette augmentation des aides a permis de résorber les dossiers non traités en 2001 ;

- l'arrêté du 26 mars 2001 et sa circulaire d'application du 23 mai 2001 concernant les aides aux bâtiments d'élevage ont revalorisé les prix plafonds et permis le cumul des aides spécifiques à la zone de montagne avec d'autres aides, notamment les aides liées au dispositif des contrats territoriaux d'exploitation (CTE) ou les aides de l'office national interprofessionnel des viandes, de l'élevage et de l'aviculture (OFIVAL) ;

- enfin, des efforts ont été faits pour revaloriser les aides à la mécanisation en zone de montagne (arrêté du 26 mars 2001 et circulaire d'application du 23 mai 2001 concernant les aides à la mécanisation).

La mission commune d'information, prenant acte de ce chiffrage sur l'évolution des crédits, a cependant constaté sur le terrain que les besoins subsistent : en particulier la modernisation et la constitution de filières de production nécessitent des financements importants.

Proposition n° 17. : Revaloriser les aides à l'investissement de l'agriculture de montagne qui sont la clef de son avenir et de sa création de valeur ajoutée, et réviser régulièrement les plafonds des aides, afin d'éviter un alourdissement excessif du poids des investissements sur les agriculteurs.

c) Les concours attribués au titre du programme de maîtrise des pollutions d'origine agricole (PMPOA )
(1) Définition du PMPOA

Le programme de maîtrise des pollutions d'origine agricole (PMPOA) vise à éviter les pollutions des effluents d'élevage :

- par une meilleure gestion de la fertilisation azotée et notamment une amélioration des épandages d'effluents d'élevage et de la gestion des terres ;

- et par la réalisation des investissements nécessaires (ouvrages de stockage, imperméabilisation d'aires bétonnées, séparation des eaux pluviales et des eaux souillées, matériels assurant une meilleure répartition des effluents,...).

(2) Le zonage et l'exclusion des zones de montagne

Comme l'a confirmé à la mission commune d'information le ministre en charge de l'agriculture, les aides attribuées au titre du PMPOA entre 1994 et 2000 ont été attribuées aux élevages importants (intégration par taille décroissante des élevages de plus de 200 UGB (unité de gros bétail) en 1994 jusqu'à 90 UGB en 2000, ainsi que quelques élevages de 70 UGB aidés localement, dans les zones à forte pollution). Cette classification avait été retenue dans le but de résorber les pollutions occasionnées par les plus gros élevages. Ce dispositif a été arrêté en décembre 2000. Il n'a pu concerner que très marginalement la montagne où l'immense majorité des élevages sont de taille inférieure à 70 UGB.

Dans le cadre du nouveau dispositif agréé par l'Union européenne depuis l'automne 2001, les élevages sont intégrés selon leur localisation en zones vulnérables délimitées par les préfets de région, et ils peuvent alors bénéficier des aides, quelle que soit leur taille.

Dans les autres zones, les gros élevages (plus de 90 UGB) peuvent être aidés, considérant qu'ils sont les plus pollueurs. Les petits élevages peuvent bénéficier des aides CTE pour la maîtrise des pollutions, à condition d'engager des travaux qui vont au-delà de la réglementation. En tout état de cause, le texte européen oblige à consacrer 80 % des crédits aux zones vulnérables où les subventions ne pourraient pas être accordées au-delà de 2006.

Le ministre a estimé souhaitable d'autoriser à nouveau les opérations coordonnées qui permettent une position équilibrée et globale dans le cadre des politiques de gestion par bassin versant avec des financements des agences de l'eau, des régions et des départements.

La mission commune d'information souligne que la plupart des zones de montagne ne sont pas classées dans les zones sensibles ou vulnérables. Le nouveau programme exclut, de fait, la quasi totalité des zones de montagne du bénéfice des aides prévues. Or, cette question conditionne l'accès aux aides publiques des exploitations . Paradoxalement, le caractère non polluant de l'agriculture de montagne risque d'entraver le financement de sa modernisation .

Face à cette situation tous les agriculteurs de montagne entendus par la mission ont manifesté :

- un sentiment d'injustice car ils ont la sensation d'être des « non pollueurs-payeurs » ;

- et une très forte attente à l'égard de la revalorisation de ces crédits.

Dans le cadre des groupes de travail montagne et pastoralisme 16 ( * ) , une réflexion a été conduite sur la détermination des zones prioritaires et la définition d'un soutien public pour la mise aux normes des bâtiments d'élevage en zone de montagne.

Proposition n° 18. : Soutenir la mise aux normes des exploitations de montagne qui ne bénéficient pas du programme de maîtrise des pollutions d'origine agricole (PMPOA) afin de ne pas entraver leur nécessaire modernisation et leur éligibilité aux aides européennes.

d) Les aides à la qualité

Les zones de montagne bénéficient d'aides sectorielles destinées à encourager les productions de qualité et qui sont versées par les offices correspondants. C'est le cas en particulier de l'aide à la qualité du porc et de l'aide à la qualité du lait.

L'aide à la qualité du porc est financée par les crédits de l'Office national interprofessionnel des viandes, de l'élevage et de l'aviculture (OFIVAL), à hauteur d'une enveloppe annuelle de 4,57 M€ (30 millions de francs), autorisée par la Commission européenne. Elle est accordée aux agriculteurs qui acceptent les contraintes d'un cahier des charges : plus les critères respectés sont nombreux, plus l'aide est élevée. Elle atteint en moyenne 2.287 euros par éleveur (15.000 francs) et concerne environ 2.000 éleveurs. Les régions Midi-Pyrénées, Auvergne et Limousin sont les principales bénéficiaires.

Afin de prendre en compte les spécificités de la production laitière en zone de montagne, les pouvoirs publics apportent aussi, à travers l'Office national interprofessionnel du lait et des produits laitiers (ONILAIT), leur concours financier à l'amélioration et à la valorisation du lait produit dans cette zone. C'est ainsi qu'a été créée « l'aide à la qualité du lait en zone de montagne ». Ce dispositif s'inscrit dans une stratégie de maîtrise qualitative des produits, puisque l'aide est attribuée aux producteurs mettant en oeuvre des actions d'amélioration de la qualité de leur production.

Pour la mise en place de cette mesure, des modalités particulières ont pu être arrêtées par l'ONILAIT dans le cade d'une convention type, la maîtrise des actions étant confiée à un organisme interprofessionnel. Les actions éligibles portent pour l'essentiel sur des appuis techniques aux producteurs et aux fromagers et des investissements relatifs à la collecte et à la qualité du lait.

Pour les exercices 1999 et 2000, les dotations octroyées ont été respectivement de 7,47 et de 6,25 millions d'euros (de 49 et 41 millions de francs). En 2000, un crédit de 1,26 million d'euros (8,27 millions de francs) a été ajouté dans le cadre des conventions de massifs.

e) La disparition de la prime à l'herbe et son remplacement par un nouveau dispositif : la prime herbagère agri-environnementale (P.H.A.E.)

La prime à l'herbe ou prime au maintien des systèmes d'élevage extensifs (PMSEE ) a été instituée par le décret n° 93-738 du 29 mars 1993 dans le cadre du plan d'accompagnement de la réforme de la politique agricole commune et, à la demande de la France, reconnue comme l'un des éléments du dispositif agri-environnemental.

Elle concerne les élevages dont le chargement n'excède pas l'équivalent d'une unité de gros bétail par hectare (UGB) ou 1,4 UGB lorsque les prairies représentent plus des trois quarts de la surface agricole utilisée (SAU). L'éleveur doit respecter ses engagements d'entretien pendant cinq ans. La prime a été fixée, à partir de 1995, à 300 francs par hectare, ce qui correspond, comme l'ont fait observer les interlocuteurs de la mission commune d'information, au cinquième de l'aide publique à l'ensilage-maïs.

Dans le cadre de la réorientation des soutiens vers les mesures agri-environnementales, l'Union européenne a refusé une reconduction pour un troisième quinquennat de la prime au maintien des systèmes d'élevage extensifs en raison de son caractère national et insuffisamment environnemental. Elle cessera d'exister au 1er avril 2003.

Toutefois, elle est d'ores et déjà remplacée par les mesures agri-environnementales présentes dans les synthèses régionales. Il s'agit des mesures 19 ou 20 relatives à la gestion extensive des prairies. Ces mesures reprennent les engagements de « la prime à l'herbe » mais ont été, à la demande de l'Union européenne, régionalisées et, dans la plupart des cas, le montant des aides à l'hectare a été revalorisé. Elles font l'objet d'un co-financement communautaire à hauteur de 50 % dans le cadre du deuxième pilier de la PAC (Développement rural).

M. Hervé Gaymard, ministre de l'Agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales, à l'occasion de son discours du 3 octobre 2002 devant les Assises pour le développement de la montagne tenues à Clermont-Ferrand après avoir insisté sur le caractère à la fois « fondé et légitime » de la reconduction d'un dispositif d'encouragement des productions herbagères a apporté les précisions suivantes : « sur ma proposition, le Président de la République et le Premier ministre ont arbitré. Un nouveau dispositif sera mis en oeuvre en faveur des bénéficiaires de l'ancienne formule de la prime à l'herbe et des jeunes agriculteurs qui s'installent sur ses territoires. La nouvelle prime herbagère agri-environnementale (P.H.A.E.) sera mise en oeuvre dès 2003. Les ajustements techniques avec les services européens sont en cours. Le budget 2003 et la loi de Finances rectificative en décembre 2002 permettent d'envisager une majoration moyenne d'environ 70 %. Toutefois, dans tous les massifs les avis ne convergent pas sur les critères à prendre en compte. Le taux de spécialisation herbagère et le taux de chargement à l'hectare sont des variables d'ajustement importantes. Pour ma part, je souhaite que tous les bénéficiaires de la prime 1997-2002 puissent bénéficier de la nouvelle prime herbagère. »

La mission commune d'information se félicite de la réaffirmation de la nécessité d'une politique de l'herbe forte et généreuse et suivra attentivement les modalités de la mise en place de la nouvelle prime herbagère agri-environnementale (P.H.A.E.)

Les modalités de cette aide qui sont actuellement envisagées, selon les informations transmises par le ministère de l'Agriculture sont doubles ; il s'agit  :

- d'offrir la possibilité aux éleveurs qui le souhaitent de signer un contrat territorial d'exploitation. Des départements ont déjà entamé le basculement dans le cadre d'un dispositif simplifié (par exemple, le Lot, le Jura et le Cantal) ;

- et de proposer aux éleveurs de souscrire des engagements agri-environnementaux en dehors du contrat territorial d'exploitation.

Afin d'apporter une réponse simple aux éleveurs qui ne peuvent pas entrer dans une démarche de projet global, il est envisagé de leur permettre de déposer une demande avant le 30 avril 2003, pour bénéficier d'une seule mesure (19 ou 20), en introduisant un pourcentage des surfaces fourragères d'au moins 75 % dans la surface agricole utile, complété d'un plafonnement individuel, sur le modèle de la prime au maintien des systèmes d'élevage extensifs.

Proposition n° 19. : Veiller à l'efficacité de la mise en oeuvre de la nouvelle prime herbagère agri-environnementale (P.H.A.E.) et, s'agissant de son montant, à la réduction de l'écart entre les subventions aux différentes formes d'alimentation du bétail.

3. La permanence d'un important différentiel de revenus

Le revenu des exploitations agricoles de montagne est de 30 % inférieur à la moyenne nationale. L'instance d'évaluation de la politique de la montagne 17 ( * ) a démontré que l'hectare agricole montagnard était moins aidé que l'hectare en zone de plaine. On ne peut donc pas parler de véritable compensation des handicaps ni de respect de «  la parité des revenus et des conditions de vie entre la montagne et les autres régions » prévue par l'article premier de la loi du 9 janvier 1985 relative au développement et à la protection de la montagne.

Revenu disponible, EBE et revenu courant avant impôt par zone défavorisée.

- L'analyse des résultats du dernier recensement agricole, a fait apparaître que le revenu disponible de l'agriculture de montagne (environ 28.000 euros par exploitation et par an) était, pour l'année 2000, inférieur de 16 % à la moyenne nationale (33.200 euros) et de 19 % par rapport à l'agriculture de plaine (35.900 euros). Sur ces bases, M. Christian Dubreuil, directeur des exploitations, de la politique sociale et de l'emploi au ministère de l'Agriculture, a indiqué, lors de son audition : « on peut conclure que le différentiel entre zone de montagne et zone de plaine cité dans le rapport de l'instance d'évaluation de la politique de la montagne s'est réduit ».

Cette réduction des écarts de revenus dont bénéficie la montagne s'explique par les transferts de soutien entre le premier et le deuxième pilier de la PAC. En effet, les cultures de céréales, oléagineux et protéagineux sur lesquels porte essentiellement la modulation ne sont pas des productions très développées dans les zones de montagne alors que les aides du deuxième pilier (les ICHN en particulier) leur sont destinées majoritairement.

Proposition n° 20. : Poursuivre la réduction du différentiel d'aide constaté entre l'hectare agricole montagnard et l'hectare agricole en zone de plaine.

* 16 Rapport remis le mardi 30 juillet 2002 à M. Hervé GAYMARD sur la base de trois sous-groupes présidés par le sénateur Jean-Paul AMOUDRY, Président de la Société d'Economie Alpestre de la Haute Savoie pour « les entités collectives et leur évolution »; Gérard BEDOS, Président du SUAIA Pyrénées pour  la « valorisation des espaces et des productions »; Paul AUBERT, Président de la Chambre d'Agriculture des Hautes-Alpes et René TRAMIER, membre de la Chambre régionale Provence-Alpes-Côte-d'Azur pour « l'emploi, la formation et les métiers ».

* 17 Conseil national de l'évaluation. Commissariat général au plan. La politique de la montagne. Septembre 1999

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