B. UNE SPÉCIFICITÉ INSUFFISAMMENT PRISE EN COMPTE PAR LES DOTATIONS

Selon l'article L. 1211-2 du code général des collectivités territoriales, le comité des finances locales comprend, notamment, quinze maires élus par le collège des maires de France, dont un pour les communes situées en zone de montagne.

Cette disposition résulte d'un amendement au projet de loi relative au renforcement et à la simplification de la coopération intercommunale 82 ( * ) proposé par vos collègues du groupe d'études sur le développement de la montagne. Cette prise en compte se justifie en particulier par le fait que les communes situées en zone de montagne font l'objet de dispositions spécifiques dans le cas de diverses dotations.

1. Certaines dotations prennent en compte les spécificités de la montagne

a) Le potentiel fiscal superficiaire (pour l'ensemble des zones rurales)

Les communes de montagne bénéficient, en tant que communes rurales, de certaines dispositions prévues pour ces dernières. Tel est en particulier le cas du potentiel fiscal superficiaire.

Celui-ci rapporte la richesse fiscale à la superficie. Il prend donc en compte la situation des départements peu peuplés, c'est-à-dire ruraux, qui ont des « charges territoriales » importantes : amélioration des infrastructures de transports, maintien des services publics et des commerces...

Il intervient à la fois au niveau des communes dans la dotation de solidarité rurale (DSR) et au niveau des départements au travers de la dotation de fonctionnement minimale (DFM), comme l'indiquent ci-après les schémas relatifs à chacune de ces dotations.

Le récent rapport au ministère de l'économie et des finances et au ministère de l'intérieur du précédent gouvernement sur la réforme des finances locales 83 ( * ) n'envisage pas de supprimer ce critère, qui semble assez pertinent pour mesurer les charges du monde rural.

b) La prise en compte de la voirie (pour les zones de montagne)

Le classement en zone de montagne induit un certain nombre de majorations de dotations, notamment au travers de la voirie. En effet, plusieurs dotations de l'Etat aux collectivités locales, qu'il s'agisse des communes ou des départements, prennent en compte la longueur de la voirie. La plupart du temps, celle-ci est majorée lorsqu'elle est située en zone de montagne afin de tenir compte de la spécificité de ces communes.

(1) La DGE des communes

Selon l'article L. 2334-34 du code général des collectivités territoriales 84 ( * ) , les modalités de répartition entre les départements des crédits de la dotation globale d'équipement (DGE) attribués aux communes sont fixées, pour la première fraction, par décret en Conseil d'Etat en tenant compte notamment de la longueur de la voirie classée dans le domaine public (à raison de 25 % de cette fraction, selon l'article R. 2334-20 du même code), celle-ci étant doublée en zone de montagne.

Répartition de la DGE

DGE

Préciput au profit des EPCI

Communes

Première fraction

Etablissements éligibles dont la population n'excède pas 2.000 habitants

Seconde fraction

Etablissements éligibles dont la population est supérieure à 2.000 habitants.

Première fraction

Décret en Conseil d'Etat en tenant compte notamment du nombre des communes éligibles dont la population n'excède pas 2.000 habitants, de l'importance de leur population, de la longueur de leur voirie classée dans le domaine public, celle-ci étant doublée en zone de montagne , ainsi que de leur potentiel fiscal.

Seconde fraction

Prorata du nombre d'habitants des communes éligibles dont la population est supérieure à 2.000 habitants.

(2) La dotation de solidarité rurale

De même, l'article L.2334-22 du code général des collectivités territoriales prévoit que la seconde fraction de la dotation de solidarité rurale (DSR) 85 ( * ) est répartie, pour 30 % de son montant, proportionnellement à la longueur de la voirie classée dans le domaine public communal, et que pour les communes situées en zone de montagne, la longueur de la voirie est doublée.

Répartition de la seconde fraction de la DSR

Communes dont le potentiel fiscal par habitant est inférieur au double du potentiel fiscal moyen par habitant des communes appartenant au même groupe démographique.

30 %

30 %

30 %

10 %

En fonction de la population pondérée par l'écart entre le potentiel fiscal par habitant de la commune et le potentiel fiscal moyen par habitant des communes appartenant au même groupe démographique ainsi que par l'effort fiscal plafonné à 1,2.

Proportionnellement à la longueur de la voirie classée dans le domaine public communal ; pour les communes situées en zone de montagne, la longueur de la voirie est doublée.

Proportionnellement au nombre d'élèves relevant de l'enseignement obligatoire et préélémentaire, domiciliés dans la commune

En fonction de l'écart entre le potentiel fiscal superficiaire de la commune et le potentiel fiscal superficiaire moyen des communes de moins de 10.000 habitants.

(3) La dotation de fonctionnement minimale des départements

En ce qui concerne les départements de montagne, leur principale spécificité 86 ( * ) est la dotation de fonctionnement minimale (DFM).

L'article R. 3334-2 du code général des collectivités territoriales prévoit que la DFM est répartie entre les départements métropolitains qui en remplissent les conditions d'attribution (soit en 2002 24 départements de métropole) de la manière indiquée ci-après.

Répartition de la DFM

Dotation de fonctionnement minimale

30 %

30 %

40 %

Proportionnellement à la longueur de la voirie classée dans le domaine public départemental.

La longueur de voirie située en zone de montagne est affectée d'un coefficient multiplicateur de 1,3.

Proportionnellement au rapport entre le potentiel fiscal superficiaire moyen de l'ensemble des départements et le potentiel fiscal superficiaire de chaque département bénéficiaire.

Proportionnellement à l'inverse du potentiel fiscal brut de chaque département bénéficiaire.

Ainsi, la situation spécifique de la montagne est prise en compte en ceci que la longueur de voirie située en zone de montagne est affectée d'un coefficient multiplicateur de 1,3. En 2002, 14 départements étaient concernés.

En 2002, sur les 143,2 millions d'euros perçus au titre de la DFM et de sa majoration, les départements ayant une partie de leur voirie classée en zone de montagne en reçoivent 76 millions, soit plus de la moitié, comme l'indique le graphique ci-après.

Répartition de la DFM en 2002

en euros

Source : Direction générale des collectivités locales

Le rapport sur les finances locales précité propose de modifier le financement de la DFM de manière à garantir sa progression 87 ( * ) et d'y adjoindre une part plus spécifiquement tournée vers les départements urbains et prenant en compte des indicateurs de charge (tels que le nombre de bénéficiaires d'aide au logement, le nombre de logements sociaux, etc.).

Compte tenu de la situation dramatique de nombreuses petites communes de montagne, il semble souhaitable d'instaurer une dotation de fonctionnement minimale en leur faveur.

Proposition n° 75. : Instaurer une dotation de fonctionnement minimale en faveur des petites communes de montagne.

c) La prise en compte de critères spécifiques à la montagne pour la dotation de développement rural

La dotation de développement rural (DDR) consiste en l'attribution à chaque préfet d'une enveloppe financière dont peuvent bénéficier des communautés de communes rurales, pour subventionner des projets.

Le décret n° 85-260 du 22 février 1985 88 ( * ) , modifié par le décret n°2000-220 du 9 mars 2000, indique les critères de répartition des crédits affectés aux EPCI à fiscalité propre éligibles à la DDR. En particulier, il prévoit qu'ils sont répartis, à raison de 25 %, en fonction du nombre de communes membres des EPCI éligibles et du nombre d'établissements. Dans le cas des zones de montagne, il est prévu que :

- le nombre de communes situées en zone de montagne est doublé ;

- lorsque plus de la moitié des communes concernées sont situées en zone de montagne, l'établissement public de coopération intercommunale est compté pour deux.

Répartition de la DDR

DDR

25 %

25 %

50 %

En fonction :

- du nombre de communes membres des EPCI éligibles ;

- du nombre d'établissements.

En fonction de la population des EPCI à fiscalité propre concernés

En fonction du produit de la population par l'écart relatif entre le potentiel fiscal moyen par habitant de la catégorie et le potentiel fiscal par habitant de chacun de ces établissements publics de coopération intercommunale, pondéré par le coefficient d'intégration fiscale

Prise en compte de la montagne :

- le nombre de communes situées en zone de montagne est doublé ;

- lorsque plus de la moitié des communes concernées sont situées en zone de montagne, l'établissement public de coopération intercommunale est compté pour deux.

2. L'intercommunalité en montagne

a) Une intercommunalité légèrement moins développée que sur le reste du territoire

L'intercommunalité est légèrement moins développée en zone de montagne que sur l'ensemble du territoire, comme le montre le graphique ci-après.

L'intercommunalité en montagne

Source : Direction générale des collectivités locales

La majorité de ces EPCI sont des communautés de communes à fiscalité additionnelle (67 % du total), seuls 24 % étant des communautés de communes ayant opté pour la taxe professionnelle unique. Par ailleurs on recense 19 communautés d'agglomération comptant au moins une commune de montagne.

b) L'abaissement du seuil de population permettant aux communautés de communes à TPU de bénéficier de la DGF bonifiée

La loi de finances pour 2002 a permis une meilleure prise en compte de la situation spécifique des zones de montagne par la dotation globale de fonctionnement (DGF).

En effet, depuis la loi du 12 juillet 1999 relative au renforcement et à la simplification de la coopération intercommunale, les communautés de communes à TPU dont la population est comprise entre 3.500 et 50.000 habitants au plus (seuil de création d'une communauté d'agglomération) et qui exercent certaines compétences définies par l'article L. 5214-23-1 du code général des collectivités territoriales, perçoivent une DGF dite « bonifiée ».

Certaines communes situées en zone rurale, et en particulier en zone rurale de montagne, ne bénéficiaient pas de ce régime, parce qu'elles ne pouvaient pas justifier d'un nombre d'habitants supérieur à 3.500.

Ainsi que le soulignait notre collègue Pierre Jarlier, à l'occasion du débat sur les finances locales qui s'est tenu dans le cadre de la discussion du projet de loi de finances pour 2002, « dans les zones de montagne et dans les zones rurales, des intercommunalités se créent autour des bassins de vie des chefs-lieux de cantons ou de certains bourgs-centres. La géographie de ces nouveaux espaces de solidarité est cohérente et repose souvent sur des traditions d'échanges marquées par des contraintes de relief ou d'infrastructures de communication. Certaines communautés de communes, créées autour d'un bassin de vie identifié et cohérent, par exemple un canton d'une douzaine de communes, peuvent couvrir un territoire de plus de trois cents kilomètres carrés, ce qui représente plus de trente kilomètres d'un bout à l'autre, mais sans pouvoir justifier de 3.500 habitants » 89 ( * ) .

Désormais, à la suite d'un amendement présenté, notamment, par le président et le rapporteur de la mission commune d'information, le seuil de 3.500 habitants ne s'applique plus pour les communautés de communes à TPU :

- situées en zone de revitalisation rurale de montagne ;

- et comprenant au moins dix communes dont un chef-lieu de canton ou la totalité des communes d'un canton.

3. Vers une meilleure prise en compte par les dotations d'Etat des contraintes des collectivités territoriales de montagne

Les dotations d'Etat doivent mieux prendre en compte les contraintes des collectivités territoriales de montagne.

a) Accroître le rôle du potentiel fiscal superficiaire ?

Il semble tout d'abord souhaitable d'accroître le rôle du potentiel fiscal superficiaire dans la détermination du montant des dotations dont bénéficient les collectivités locales de montagne.

En effet, ce critère permet de prendre en compte les « charges territoriales » des zones rurales. Or, on a vu qu'il ne concernait actuellement que la dotation de solidarité rurale (pour les communes) et la dotation de fonctionnement minimale (pour les départements).

On pourrait envisager d'attribuer une part plus importante de la DGF selon un critère superficiaire, par exemple sous la forme d'une DGF superficiaire intercommunale.

Une utilisation accrue de ce critère pourrait également permettre un meilleur équilibre des budgets annexes de distribution d'eau et d'assainissement, la collecte et le traitement des ordures ménagères et la gestion des services funéraires.

b) Prendre directement en compte le rôle de protection de l'environnement ?

Les obligations en matière environnementale contraignent de plus en plus les collectivités locales à gérer et à entretenir des lieux d'habitat naturel extrêmement vastes, sans bénéficier d'aucune aide particulière.

Il semble donc indispensable de recourir à des critères environnementaux pour la détermination du montant des dotations d'Etat. De tels critères pourraient être justifiés d'un double point de vue.

Tout d'abord, la protection de l'environnement correspond à des charges spécifiques dont il est juste que la commune ne soit pas seule à supporter le coût. Ainsi, on pourrait envisager de prendre en compte, dans le calcul des dotations, la surface toujours en herbe, ou la superficie des forêts 90 ( * ) . De même, le rapport 91 ( * ) récemment remis au ministre de l'agriculture par le groupe interministériel sur le pastoralisme préconise d'étudier un dispositif permettant la mise en place d'une « dotation sylvo-pastorale », comprise ou non dans les mécanismes actuels de dotation globale de fonctionnement et de dotation de solidarité rurale attribuées aux collectivités locales. Cette dotation devrait permettre aux communes de faire face à leurs obligations de gestion durable d'espaces difficiles et à l'entretien d'ouvrages concernant le multi-usage et l'ouverture au public de ces espaces.

Ensuite, il faut prendre en compte le fait que certaines communes protégeant leur environnement et ne disposant pas d'équipements touristiques suscitent des « externalités positives » importantes pour les communes voisines dotées de tels équipements. Dans le cas de ces communes, on pourrait prendre en compte l'inverse du nombre de résidences secondaires et de logements touristiques.

Proposition n° 76. : Permettre aux collectivités locales de montagne de voir leurs contraintes spécifiques prises en compte dans la détermination du montant des dotations de l'Etat dont elles bénéficient, par un recours accru au critère de potentiel fiscal superficiaire, ou par l'instauration de critères environnementaux (surface toujours en herbe, superficie occupée par la forêt, importance du pastoralisme...), tout en prenant en compte les « externalités positives » pour les communes voisines (inverse du nombre de résidences secondaires ou de logements touristiques).

4. La collecte et le traitement des déchets

La collecte et le traitement des déchets posent des problèmes spécifiques en zone de montagne.

Tout d'abord, le ramassage et la collecte sélective des déchets y sont plus coûteux qu'ailleurs. Selon M. Pierre Radanne, directeur de l'ADEME, les surcoûts de collecte en zone de montagne sont de l'ordre de 20 %.

En outre, l'incinération des déchets y est difficile, du fait de la forte variabilité saisonnière de leur volume, qui rend nécessaire la constitution de stocks afin d'effectuer un lissage. Le regroupement des équipements des collectivités locales, notamment en ce qui concerne les incinérateurs, doit être envisagé, mais il peut parfois entraîner des problèmes supplémentaires, liés à la circulation des ordures ménagères conduite par ces regroupements.

a) L'action de l'ADEME

A la suite d'une circulaire de la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement reconnaissant la nécessité de distinguer, pour la politique des déchets, les zones urbaines des zones rurales, l'ADEME a mis en place un dispositif spécifique pour les zones de montagne, qui propose pour ces dernières une aide majorée de 10 %.

b) Des politiques nationales insuffisantes

Ces politiques demeurent cependant insuffisantes. En particulier, les moyens financiers de l'ADEME ne lui ont pas permis de tenir ses engagements vis-à-vis des collectivités locales. Le nombre de projets ayant connu une augmentation supérieure aux prévisions, ce qui avait suscité un écart important, pour les années 1999, 2000 et 2001, entre les crédits disponibles (de l'ordre de 400 millions d'euros) et les sommes devant être versées aux collectivités locales (de l'ordre d'1 milliard d'euros), l'ADEME a dû recourir à des moyens supplémentaires, de la part de l'Etat (75 millions d'euros), des départements et des régions (90 millions d'euros par an), et diminuer son taux de subvention.

Il est donc essentiel que l'aide aux collectivités locales de montagne en matière de collecte et de traitement des déchets soit accrue, afin de prendre en compte les difficultés spécifiques auxquelles ces collectivités sont confrontées.

Proposition n° 77. : Renforcer l'aide de l'Etat aux collectivités locales de montagne en matière de collecte et de traitement des déchets.

* 82 Loi n° 99-586 du 12 juillet 1999 art. 99.

* 83 Direction générale des collectivités locales, La réforme des finances locales, 2002.

* 84 Loi n° 96-241 du 26 mars 1996 art. 13 Journal Officiel du 27 mars 1996, Loi n° 2001-1275 du 28 décembre 2001 art. 45 Journal Officiel du 29 décembre 2001.

* 85 Attribuée aux communes dont le potentiel fiscal par habitant est inférieur au double du potentiel fiscal moyen par habitant des communes appartenant au même groupe démographique.

* 86 On peut également mentionner l'article R1614-70 du code général des collectivités territoriales. Cet article affecte au département le droit à compensation correspondant aux dépenses supportées par l'Etat au titre, notamment, des frais de transports des élèves des zones de montagne.

* 87 Au lieu de recalculer chaque année les prélèvements, on définirait un socle assorti d'une indexation annuelle.

* 88 Décret relatif aux modalités de répartition des ressources du Fonds national de péréquation de la taxe professionnelle et du Fonds national de péréquation.

* 89 Séance du 27 novembre 2001.

* 90 L'IFEN (Institut français de l'environnement) dispose de mesures de données environnementales précises au niveau communal, obtenues grâce à des photos satellite.

* 91 Groupe interministériel sur le pastoralisme (sous-groupes présidés par MM. Jean-Paul AMOUDRY, Gérard BEDOS, Paul AUBERT et René TRAMIER), rapport à M. Hervé GAYMARD, ministre de l'Agriculture, de l'Alimentation, de la Pêche et des Affaires Rurales, 30 juillet 2002.

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