CHAPITRE 7
EVOLUTION DE L'INVESTISSEMENT PRODUCTIF AUX ETATS-UNIS
Aux
Etats-Unis, de 1960 à aujourd'hui, la part de l'investissement des
entreprises dans le PIB a oscillé entre 9 et 14 %. Ce niveau est
inférieur aux niveaux européens.
Plus encore qu'en France ou en Europe, le cycle économique des
Etats-Unis dépend de la volatilité de l'investissement des
entreprises. Ainsi, le recul très violent de la croissance aux
Etats-Unis en 2001 provient surtout de l'effondrement de l'investissement (et
des stocks) des entreprises. L'influence de l'investissement des entreprises
est tel que cet indicateur est utilisé comme variable clé par le
National Bureau of Economic Research
pour définir les dates des
cycles économiques.
Inversement, les reprises de l'investissement sont fortement
corrélées aux anticipations de rebonds de la production.
I. 1. LE BOOM DES TECHNOLOGIES DE L'INFORMATION
Depuis
1992, la remontée du taux d'investissement a constitué l'un des
traits du dynamisme retrouvé de l'économie américaine.
En même temps, la part dans cet investissement des technologies de
l'information et des télécommunications n'a cessé
d'augmenté. Pour les tenants du New Age, ce phénomène est
essentiel dans la compréhension de l'économie américaine.
Le recours accru aux nouvelles technologies, rendu possible par cette
évolution de l'investissement, doit en effet permettre des gains de
productivité plus élevés que par le passé. C'est ce
que confirment certaines études (Oliner et Sichel, 2000 ou Jorgenson et
Stiroh, 2000) pour lesquelles la moitié des gains de productivité
réalisés dans la seconde moitié des années 1990
s'expliquent par la croissance du stock de capital productif en technologies de
l'information et des communications.
A nombre d'égards, on peut considérer que l'économie
américaine a connu un nouveau cycle d'expansion économique
à compter de 1992. L'investissement privé non résidentiel
est reparti au deuxième trimestre 1992 après la récession
de 1990-1992, et entre 1992 et 2000, a augmenté au rythme de plus
10 % l'an en volume, et ce de façon quasi continue (à
l'exception de quelques trimestres en 1995 ou 1997). En part du PIB nominal, il
est passé de 9,9 % en 1992 à 13,1 % en 2000. Le poids
de l'investissement en équipement des entreprises a atteint en 2000 un
point haut historique (9,9 % du PIB contre guère plus de 6 %
dans les années 1960), après avoir crû sans discontinuer
pendant huit ans, de 1992 à 2000, au rythme moyen de 11,5 % l'an.
Une telle expansion est exceptionnelle dans l'histoire des Etats-Unis depuis la
seconde guerre mondiale.
Comme on l'a déjà dit, cette forte progression de
l'investissement s'est accompagnée d'une déformation
marquée de sa composition. En 2000, les technologies de l'information et
des communications représentaient près de 35 % des
dépenses d'investissement total des entreprises (contre 10 % au
début des années 1960) et près de 48 % des
dépenses d'équipement !
Mesurée en valeur, cette déformation est d'autant plus notable
que le prix de ces biens a baissé nettement plus rapidement que celui
des autres équipements. Au cours des années 1990, le rythme de
cette baisse s'est accéléré pour atteindre 10 % par
rapport au prix de la valeur ajoutée en 1999. D'où une
augmentation en volume de cette composante de l'investissement de plus de
16 % l'an au cours des six dernières années. Le taux de
croissance annuel du seul investissement en ordinateurs a même
dépassé 40 % en moyenne entre 1995 et 2000 !
Cette croissance rapide du volume de l'investissement en informatique et
télécommunications n'est toutefois pas exceptionnelle. Au cours
des trente dernières années, cette composante de l'investissement
des entreprises avait toujours progressé beaucoup plus rapidement que
les autres. L'originalité de la période récente (depuis
1995) mérite d'être soulignée. Alors que c'était
essentiellement l'accélération des dépenses nominales pour
ce type d'équipement qui expliquait la croissance de l'investissement en
volume, depuis 1995, la contribution essentielle provient de
l'accélération de la baisse des prix.
A la suite du boom de l'investissement, le stock de capital a également
progressé rapidement pour retrouver à la fin des années
1990 des taux de croissance identiques à ceux des années 1960. Un
tel résultat n'était toutefois pas évident puisque le
poids croissant des technologies de l'information et des communications dans le
stock de capital a pour effet direct d'en raccourcir la durée de vie, ce
qui se traduit par une augmentation continue du taux d'amortissement.
La durée de vie moyenne d'un investissement en ordinateurs (1,4 ans),
par exemple, est nettement inférieure à celle des autres
équipements (6,3 ans en moyenne). Le taux d'amortissement est ainsi
passé de 5 % en 1980 à 9,8 % en 2000, soit un
doublement en vingt ans.
Pour autant, le cycle d'investissement qu'a connu les Etats-Unis ne s'est pas
réalisé sans à-coups. L'éclatement de la bulle
technologique à l'automne 2000 correspond vraisemblablement à une
crise de suraccumulation comme en produit régulièrement le
capitalisme. Les entreprises ont probablement surestimé la
profitabilité espérée de cette nouvelle
génération du capital que sont les technologies de l'information
et des communications, si bien que les Etats-Unis ont souffert d'un
excès de capacités en TIC, nécessitant un fort ajustement
à la baisse de l'investissement.