II. 2. LA CRISE IMMOBILIÈRE DATE DU DÉBUT DES ANNÉES 1980
Aux
Etats-Unis, la crise immobilière avait commencé au début
des années 1980, alimentée notamment par la réforme
fiscale américaine de 1981 et par la déréglementation des
caisses d'épargne (
Savings and Loans
), autorisées enfin
à financer la construction de l'immobilier non résidentiel
(surtout de bureaux). La crise immobilière prend fin une dizaine
d'année après, au moment même où elle éclate
en France. Il y a donc un retard de près de dix ans dans le cycle de la
construction non résidentielle de part et d'autre de l'Atlantique. Le
fait que la bulle immobilière ait été effacée
dès le début des années 1990 explique que l'investissement
en construction ait pu rebondir dès 1992.
Par ailleurs, comme nous l'avons déjà mentionné, la
structure de l'investissement productif privé s'est profondément
modifiée au profit des biens d'équipement et au détriment
de la composante « construction ». En valeur nominale, les
dépenses d'investissement en construction non résidentielle ne
représentent plus désormais que 3 % du PIB. En 2000, les
bâtiments et constructions de toute nature représentaient
seulement 57 % du stock de capital privé non résidentiel
contre plus de 80 % il y a cinquante ans. Cependant, son âge moyen
est aujourd'hui plutôt élevé (21 ans en moyenne), ce qui
est susceptible de nourrir des besoins de remplacement.
III. 3. LA PROFITABILITÉ S'AMÉLIORE EN 1992
La
remontée de l'investissement a eu lieu, aux Etats-Unis, quelques temps
après le moment où la politique monétaire commence
à devenir plus expansionniste. Les taux d'intérêts
réels deviennent vraiment faibles à compter de la fin de
l'année 1990 mais l'investissement ne repart que deux ans plus tard.
Selon certaines études de la CDC, les délais d'action de la
politique monétaire sur l'investissement des entreprises sont d'environ
deux ans, et ce constat serait vrai également en Europe. Cependant, la
diminution de la charge d'intérêt supportée par les
entreprises américaines depuis 1990 représente plus d'un point de
revenu national et explique une part importante de la hausse des profits.
Entre 1992 et 1999, la croissance des profits des entreprises
américaines (sociétés et entreprises individuelles) a
été spectaculaire. La marge brute d'autofinancement de l'ensemble
des entreprises américaines est ainsi passé de 637 milliards de
dollars, fin 1991, à 1 149 milliards de dollars fin 1999. En
termes réels (par rapport au prix de la valeur ajoutée), la
croissance des profits nets d'amortissement augmente alors en moyenne de plus
de 10 % par an entre 1992 et 1999, et elle approche les 14 % entre
1995 et 1999.
Dès 1991, le partage de la valeur ajoutée se déforme en
faveur de la rémunération du capital. A partir de 1994, le
redressement de la rentabilité du capital provient surtout d'une
amélioration notable de la productivité du capital.
Conjugué à la baisse des taux d'intérêt
réels, la profitabilité s'est redressée encore plus vite.
Parallèlement à l'amélioration de leurs résultats,
les entreprises américaines ont donc investi massivement depuis 1992.
Traditionnellement, la reprise de l'investissement en début de cycle
s'accompagnait d'une dégradation des capacités de financement des
entreprises, qui freinait à son tour l'investissement. Or, entre 1992 et
1998, ce mécanisme ne semble pas avoir joué. L'investissement des
entreprises a sensiblement progressé sans que leur besoin de financement
ne s'aggrave.
S'il a fallu attendre plusieurs années (1998) avant qu'une
détérioration du besoin de financement des entreprises
américaines ne soit observée, c'est en grande partie à
l'évolution exceptionnellement favorable du prix des équipements
qu'on le doit. Parallèlement à la hausse des profits,
l'accélération de la baisse du prix relatif de l'investissement a
joué un rôle non négligeable dans le maintien d'un besoin
de financement réduit des entreprises américaines.
Au total, on peut considérer que l'effort d'investissement des
entreprises américaines a pu être financé par les
entreprises elles-mêmes dans la mesure où elles ont
bénéficié d'une baisse de leurs charges d'endettement et
d'une conjoncture exceptionnelle. De surcroît,
l'accélération de la baisse du prix des équipements a
joué dans le même sens.
Aujourd'hui, cette conjonction de facteurs favorables - taux
d'intérêt faible, croissance forte, profit élevés,
baisse très rapide du capital- est interrompue. On peut même
observer que tous ces facteurs évoluent défavorablement au point
que le besoin de financement s'est sensiblement dégradé.