V. ASSOUPLIR LES CONDITIONS DANS LESQUELLES L'OPÉRATEUR LOCAL DOIT EXPLOITER LE BIEN AYANT OUVERT DROIT À L'AVANTAGE FISCAL

A. RAPPEL : LA REPRISE DE L'AVANTAGE FISCAL, UNE « ÉPÉE DE DAMOCLES » A L'ORIGINE DE NOMBREUX EFFETS PERVERS

Une fois obtenu, l'avantage fiscal accordé aux entreprises qui investissent outre-mer dans les secteurs éligibles peut être repris. Les motifs de reprise sont nombreux : fourniture à l'administration fiscale d'informations erronées, défiscalisation d'un investissement en dehors des secteurs éligibles, non respect du taux de rétrocession, non respect (pour les projets agréés) des conditions d'octroi de l'agrément, etc. Mais le principal motif de reprise est le risque de défaillance de l'entreprise ultramarine qui exploite le bien (en cas de sinistre, faillite, ou de défaut de paiement).

Si l'entreprise avait défiscalisé son investissement « en direct », la cessation d'exploitation du bien la conduit à devoir acquitter l'impôt dont elle avait été dispensée, ainsi que les intérêts de retard.

Si l'investissement a été réalisé dans le cadre d'un schéma « externalisé », ce sont les investisseurs au sein de la SNC qui doivent acquitter l'impôt dont ils avaient été dispensés, ainsi que les intérêts de retard. Le risque encouru par les investisseurs est d'autant plus grand que la sanction est la conséquence de la gestion de l'opérateur local, sur laquelle ils n'ont aucune prise. L'apport « à fonds perdus » de l'investisseur (dont le montant correspond, dans les montages actuels réalisés dans le cadre de l'impôt sur le revenu, à un peu moins de 80 % du montant de son avantage fiscal 59 ( * ) ) est définitivement perdu.

Compte tenu des intérêts de retard, la sanction est paradoxalement d'autant plus lourde que l'investissement a été exploité longtemps.

Lorsque l'investissement a été réalisé « hors agrément », l'avantage fiscal est automatiquement repris en totalité. Lorsque l'investissement a été soumis à la procédure de l'agrément, l'agrément fait l'objet, en application des dispositions de l'article 1756 du code général des impôts, d'un retrait qui s'accompagne de la reprise totale ou partielle (la décision appartenant au ministre des finances) de l'avantage fiscal. Le risque de reprise décourage le financement des « petits » projets et des projets dans les zones « à risque ».

B. FAVORISER LA REPRISE DE L'INVESTISSEMENT EN CAS DE DÉFAILLANCE DE L'OPÉRATEUR

En cas de défaillance de l'opérateur, le législateur doit d'abord chercher à créer les conditions de la poursuite de l'exploitation du bien résultant de la réalisation de l'investissement, la sanction des investisseurs qui ont perdu le fondement de leur avantage fiscal n'intervenant qu'en dernier recours.

Le droit actuel permet la transmission du bien si les immobilisations en cause sont comprises dans un apport partiel d'actifs sous le bénéfice de l'article 210 B du code général des impôts ou si la société qui en est propriétaire fait l'objet d'une fusion placée sous le régime de l'article 210 A du code général des impôts, à la condition que la société bénéficiaire de l'apport, ou la société absorbante selon le cas, réponde aux conditions d'activité ouvrant droit à la défiscalisation de ses investissements et reprenne, sous les mêmes conditions ou sanctions, les engagements initialement pris s'agissant des conditions d'exploitation du bien.

En pratique, l'administration fiscale admet parfois la possibilité de reprise dans des conditions plus souples que celles prévues par la loi. Lorsque l'exploitant est propriétaire du bien, son avantage fiscal n'est pas repris s'il cède le bien à une entreprise répondant aux conditions d'éligibilité et qui s'engage à exploiter le bien pendant le délai restant à courir. Lorsque le bien est la propriété d'une SNC, l'avantage n'est pas repris si celle-ci trouve un nouveau locataire présentant les mêmes caractéristiques et souscrivant aux mêmes engagements.

La loi devrait prévoir la possibilité, en cas de défaillance de l'opérateur local, de reprise du bien par une entreprise elle-même éligible à la défiscalisation afin qu'aucun avantage fiscal ne puisse être repris dès lors qu'un repreneur a pu être trouvé , et qu'il répond aux critères d'éligibilité à l'aide fiscale à l'investissement. En cas de défaillance de l'opérateur, celui-ci ou, le cas échéant, la SNC, disposeraient d'un délai d'un an pour trouver le repreneur . En cas de non respect de ce délai, l'avantage fiscal serait repris.

Le délai de cinq ans pendant lequel l'investissement doit être exploité serait prorogé d'autant de mois que nécessite la recherche du repreneur.

Lorsque l'opérateur est propriétaire du bien, la loi pourrait s'inspirer des dispositions de l'article 199 ter D du code général des impôts, introduites à l'initiative du Sénat dans la loi du 22 janvier 2002 relative à la Corse, selon lesquelles, en cas de transmission de l'investissement, la fraction du crédit d'impôt n'ayant pas encore été imputée est transférée au bénéficiaire de la transmission.

* 59 Pour un investisseur contribuable de l'impôt sur le revenu, l'  « équation » de la défiscalisation est à l'heure actuelle la suivante : pour un impôt dû de 100, la réduction d'impôt est de 50, l'apport à « fonds perdus » dans l'investissement est de 38 et le gain potentiel est d'environ 12 (réduisant ainsi le montant de sa cotisation d'impôt sur le revenu à 88). La perte potentielle est de 38 + les intérêts de retard sur la fraction de l'impôt qui n'a pas été acquittée à temps + le remboursement de l'impôt dispensé (50).

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