B. LA GESTION DE L'AGRÉMEN T

1. L'octroi de l'agrément peut être déconcentré

L'agrément est accordé par le ministre du budget. Celui-ci peut cependant déléguer son pouvoir au directeur départemental des services fiscaux pour les investissements d'un montant inférieur à un seuil fixé par arrêté.

Le bureau des agréments reçoit à lui seul un gros tiers des demandes d'agrément :

Répartition des demandes d'agréments entre les services centraux et les services déconcentrés des départements d'outre-mer

1996

1997

1998

1999

2000

2001

Services centraux

36 %

29 %

40 %

29 %

33 %

31 %

Services déconcentrés

64 %

71 %

60 %

71 %

67 %

69 %

Source : rapports annuels au Parlement

Lorsque l'agrément est accordé par le ministre, l'instruction des demandes est confiée au bureau des agréments, qui appartient au service juridique de la direction générale des impôts. Lorsque l'agrément est accordé localement, l'instruction relève de la direction des services fiscaux.

Les règles de partage entre le ministre et les directeurs des services fiscaux sont prévues par l' arrêté du 4 janvier 1994 relatif à la déconcentration de l'agrément prévu au III ter de l'article 238 bis HA du code général des impôts 16 ( * ) . Il résulte de ce texte que :

- l'agrément est accordé localement lorsque le montant d'un programme d'investissement n'excède pas 1,525 million d'euros 17 ( * ) . Dans ce cas, les préfectures font office de services déconcentrés du ministère de l'outre-mer, et font appel en tant que besoin aux différents services déconcentrés de l'Etat ;

- l'agrément relève du ministre lorsque le montant du programme d'investissement excède 1,525 million d'euros, mais aussi lorsque la demande d'agrément, quel que soit son montant, est relative soit à des investissements nécessaires à l'exploitation d'un service public local à caractère industriel et commercial, soit à une souscription au capital de sociétés concessionnaires de service public local à caractère industriel et commercial, soit à une souscription au capital d'une entreprise en difficulté.

Dans ce cas, l'avis du ministère de l'outre-mer est élaboré par les services centraux de ce ministère.

Pour les investissements réalisés dans les territoires d'outre-mer et en Nouvelle Calédonie, l'agrément est toujours accordé par le ministre du budget puisque l'administration fiscale de l'Etat n'est pas présente dans ces territoires.

L'obligation d'obtenir un agrément du ministre pour les investissements dans le secteur des services publics industriels et commerciaux illustre caractère sensible de ce secteur d'activité. Les besoins constatés outre-mer dans ce domaine sont très importants, comme l'indique le ministère de l'outre-mer dans la réponse reproduite ci-dessous, et les collectivités locales, en particulier les communes, ne disposent pas des ressources suffisantes pour y pourvoir. L'encadrement réglementaire en matière de délivrance des agréments plus strict applicable à ce secteur témoigne du « risque budgétaire » qui résulterait du financement par la défiscalisation de projets dans ce domaine.

Les besoins de l'outre-mer en matière d'insfrastructures contribuant à lélimination des déchets des ménages ou à l`assainissement collectif

Votre rapporteur a interrogé le ministère de l'outre-mer sur ce point. Il a obtenu la réponse suivante :

« La loi de 1992 sur l'élimination des déchets a prévu qu'à partir du 1 er juillet 2002 tous les déchets devraient être traités jusqu'aux déchets ultimes. Ce texte concerne les départements d'outre-mer et Saint-Pierre et Miquelon où le traitement et la collecte des ordures ménagères notamment ne sont pas encore assurés dans les conditions requises par la loi malgré le volet environnemental des schémas d'aménagements régionaux qui ont tous été approuvés.

« La situation est beaucoup plus avancée à la Réunion où existe une société d'économie mixte pour le traitement des déchets avec un certain nombre de projets pour la plupart ayant bénéficié du soutien fiscal à l'investissement.

« En Guadeloupe le processus en est au début avec une inauguration d'une déchetterie pour le tri, il en est de même à la Martinique où aucun projet d'investissement n'a fait l'objet d'une défiscalisation depuis deux ans.

« Globalement des agréments sont accordés pour trois dossiers en moyenne par an sur l'ensemble des DOM. Il n'y en a aucun dans les autres territoires ou collectivités.

« Les besoins en infrastructures sont donc très importants et concernent les véhicules de transport et les centres de transport et de tri pour le traitement et la collecte des ordures ménagères de façon à assurer des traitements différenciés des déchets de toute nature. La question se pose pour certains types de déchets de leur transport vers la métropole ou hors de France avec les accords internationaux.

« S'agissant des autres collectivités ultramarines la compétence en matière d'environnement relève pour la Nouvelle-Calédonie des Provinces et pour la Polynésie française, Saint-Pierre et Miquelon du territoire ou conseil général. Pour ce dernier un plan d'élimination des ordures ménagères est à l'étude, un accord avec le Canada étant susceptible d'intervenir eu égard à l'importance des investissements requis pour assurer le traitement d'un volume limité de déchets.

« La situation est analogue en matière d'assainissement chaque département d'outre-mer ayant son SDAGE, mis en cause en Guadeloupe suite à la sécheresse, des offices de l'eau devant être créées . »

Partage des compétences entre les services déconcentrés et le ministre

A. Seuil apprécié au niveau de l'exploitant (ou principal opérateur)

Programme d'investissements ou somme des investissements réalisés au cours de l'exercice

< 150 000 €

> 150 000 € et < 760 000 €

> 760 000 € et < 1 525 000 €

> 1 525 000 €

Secteurs sensibles 18 ( * )

Plein droit si l'activité est exercée depuis au moins deux ans

Agrément local autrement

Agrément local

Agrément central

Secteurs non sensibles

Plein droit

Agrément local 2

Agrément central

B. Seuil apprécié au niveau de la structure « d'externalisation »

Programme d'investissements ou somme des investissements réalisés au cours de l'exercice

< 300 000 €

> 300 000 € et < 1 525 000 €

> 1 525 000 €

Secteurs sensibles 1

Agrément local 19 ( * )

Agrément central

Secteurs non sensibles

Plein droit

Agrément local 2

Agrément central

2. Les moyens des services chargés de l'agrément

La direction générale des impôts a indiqué à votre rapporteur que, au bureau des agréments, neuf agents étaient chargés du traitement des demandes au bureau des agréments. Huit cadres A instruisent les dossiers, cette tâche représentant en moyenne 70 % de leur temps de travail. Un cadre B assure la gestion des dossiers.

Ces agents s'occupent par ailleurs du traitement des dossiers déposés dans le cadre d'autres procédures nécessitant l'obtention d'un agrément : les allégements fiscaux en faveur du développement régional et des reprises d'établissements industriels ; la création d'établissements à l'étranger ; les aides en faveur de la recherche scientifique et technique, de l'enseignement supérieur et de la création d'entreprises ; les Sofica ; les Sofipêche ; les régimes spéciaux favorisant la conservation du patrimoine national, artistique, historique ou naturel et le mécénat d'entreprises.

Dans chaque direction déconcentrée des services fiscaux outre-mer, deux ou trois agents sont affectés au traitement des dossiers et y consacrent en moyenne entre 75 % et 80 % de leur temps de travail.

L'instruction des dossiers est réalisée à partir des pièces fournies dans les demandes d'agrément. Des précisions peuvent être obtenues par l'envoi de questionnaires aux demandeurs. L'envoi de ces questionnaires, fréquent lorsque la demande d'agrément est adressée à l'administration centrale, a pour effet de proroger, à compter de la date de réception des précisions demandées, le délai de trois mois dont dispose le ministre pour rendre sa décision. Il peut arriver que les envois de questionnaires soient utilisés par l'administration pour allonger le délai dont elle dispose pour instruire les dossiers. En moyenne, en 2000 et en 2001, les services déconcentrés, à l'inverse du service central, ont traité les dossiers en respectant le délai. 20 ( * )

Délai de traitement moyen des dossiers de demande d'agrément

(en nombre de jours)

2000

2001

Délai légal (trois mois dont deux comportant 31 jours et un 30 jours)

92

92

Procédures « impôt sur le revenu »

Service central

96

109

Services déconcentrés

72

76

Procédure « impôt sur les sociétés »

Service central

102

103

Service déconcentré

73

84

Données chiffrées : rapports annuels au Parlement

Les agents du bureau des agréments travaillent principalement « sur pièces ». Au cours des cinq dernières années, sept agents du bureau des agréments se sont rendus outre-mer pour des raisons professionnelles.

Au ministère de l'outre-mer, l'analyse des demandes d'agrément par les services centraux est réalisée selon la procédure suivante : le dossier est transmis pour avis aux préfectures puis soumis aux différents services centraux compétents, qui consultent à leur tour les services des autres ministères concernés. L'objectif est de formuler un avis technique motivé. Au sein de l'administration centrale, deux agents sont chargé de suivre à tour de rôle les différentes étapes de la procédure.

Le rapport établi en 1998 par le groupe de travail interministériel chargé d'établir le bilan de l'application du dispositif de défiscalisation des investissements outre-mer constatait que « alors même qu'il est partie prenante à l'instruction des dossiers depuis plusieurs années, il n'a pas pu affecter à cette activité de moyens suffisants ; ceux-ci ne sont donc pas en rapport avec l'importance de la mission qui lui a été confiée par le législateur ». Interrogé sur l'évolution de ces moyens depuis 1998, le ministère de l'outre-mer n'a fourni à votre rapporteur d'éléments permettant de conclure à une évolution positive.

Le même rapport soulignait que « l'information ne circule pas parfaitement. Entre les deux administrations centrales, la circulation de l'information laisse de temps en temps à désirer ; elle est insuffisante entre le secrétariat d'Etat à l'outre-mer et le représentant de l'Etat d'une part, entre celui-ci et les services qu'il consulte, d'autre part. Les problèmes concernent principalement la restitution de l'information relative à l'issue du dossier (décision positive ou négative, abandon du projet ...) ».

En outre, selon les informations recueillies par votre rapporteur, il semblerait que, dans leur analyse des projets d'investissement, les services du ministère de l'outre-mer se comportent surtout en « lobbyistes » de l'outre-mer et émettent très rarement des avis défavorables aux dossiers qui leurs sont soumis.

3. Une gestion de l'agrément peu contestée en droit

Les services fiscaux, centraux ou déconcentrés, recevaient plus de 1000 demandes d'agrément par an jusqu'en 1997, et « traitaient » chaque année l'équivalent de 90 % à 100 % de ce nombre. Depuis 1998, le taux de traitement n'a pas changé, mais le nombre de demandes, s'il reste important, a diminué et se situe entre 600 et 750 dossiers 21 ( * ) .

Selon les années, entre 25 % et 40 % des dossiers traités reçoivent une réponse négative. Le bureau des agréments a indiqué à votre rapporteur qu'il s'agissait du plus fort taux de refus constaté pour les quarante-deux dispositifs fiscaux donnant lieu à agrément. Il s'expliquerait notamment par l'existence d'un délai strict qui oblige à refuser l'agrément à des dossiers pour lesquels une discussion prolongée aurait pu permettre d'aboutir à une décision favorable.

Plusieurs interlocuteurs de votre rapporteur ont regretté que les refus d'agrément ne soient pas, ou peu, motivés. Les services du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie sont convenus que le style des lettres de rejet des demandes d'agrément était parfois « lapidaire », ce qui est parfois mal ressenti par les demandeurs pour lesquels l'élaboration du dossier a parfois représenté plusieurs années de travail.

Un refus d'agrément peut être contesté soit en formulant auprès des services fiscaux une demande en révision, soit en introduisant un recours pour excès de pouvoir.

Les tableaux ci-après font apparaître que les refus d'agrément sont peu contestés :

Demandes en révision auprès du bureau des agréments

Dossiers traités en N
ayant fait l'objet d'une demande de révision

Nouvelles décisions

1999

7

6 accords

1 confirmation de refus

2000

10

2 désistements

6 accords

2 confirmations de refus

2001

13

6 accords

3 confirmations de refus

Source : Ministère de l'économie, des finances et de l'industrie

Demandes en révision de refus d'agréments par les services déconcentrés

Département

Nombre de dossiers ayant fait l'objet
d'une demande de révision

Martinique :

- 1999

- 2000

- 2001

29

29

27

Guadeloupe :

- 1999

- 2000

- 2001

4

5

7

Guyane

10

Réunion

5

Source : Ministère de l'économie, des finances et de l'industrie

Les recours pour excès de pouvoir contre les décisions d'agrément

Date

Nombre de recours

Mémoire administration

Décision pour les dossiers traités

BUREAU DES AGRÉMENTS

1998

6 recours

traités

5 désistements et 1 sans objet

1999

3 recours

1 traité et 2 en instance

1 favorable et 2 en instance

2000

2 recours

1 traité et 1 en instance

1 en instance et 1 désistement

2001

1 recours

traité

désistement

DSF MARTINIQUE

1998

1 recours

favorable

1999-2000

Néant

2001

1 recours

en instance

2002

2 recours

en instance

DSF GUADELOUPE

1999

1 recours

en instance

2000

1 recours

en instance

2001

Néant

DSF GUYANE

Néant

DSF RÉUNION

1998 à 2001

8 recours

6 traités et 2 en instance

4 désistements, 1 décision favorable
et 1 défavorable

Source : Ministère de l'économie, des finances et de l'industrie

La faible contestation des décisions en matière d'agrément peut s'expliquer par les puissants moyens de rétorsion dont dispose l'administration . Les demandeurs, qui sont principalement des « monteurs », ne souhaitent vraisemblablement ni développer de mauvaises relations avec les agents des services fiscaux auprès desquels ils déposent tout au long de l'année des demandes d'agrément, ni s'exposer à des contrôles fiscaux.

Mais au delà, le sérieux de l'analyse des dossiers par le bureau des agréments n'est pas contesté . Les interlocuteurs de votre rapporteur lui ont indiqué que les excès passés de la « loi Pons » s'expliquaient en grande partie d'abord par l'absence de procédure d'agrément pendant de nombreuses années, puis par le caractère peu approfondi de l'examen des demandes d'agrément, ouvrant ainsi la voie à des pratiques telles que le surfacturation.

L'abaissement progressif des seuils d'agrément a permis une plus grande professionnalisation des services instructeurs , aujourd'hui parfaitement au fait des subtilités juridiques que peuvent comporter les montages de défiscalisation. L'un des interlocuteurs de votre rapporteur a illustré cette évolution en indiquant que, dans un passé encore récent, un agrément pour la réalisation d'un hôtel pouvait être obtenu en produisant comme pièce justificative une simple page comportant un devis sommaire tandis qu'aujourd'hui, pour une opération de même nature, le dossier de demande d'agrément peut comporter plusieurs milliers de pièces.

Le reproche dorénavant fait aux services fiscaux par certains « praticiens » de la défiscalisation serait plutôt, en particulier dans certains services déconcentrés, celui de l'excès de zèle, de l'interprétation étroite des textes et de la constitution d'une doctrine administrative restrictive.

Le dialogue est permanent et, selon certains interlocuteurs de votre rapporteur, constructif entre les services fiscaux et les « monteurs », si bien que les dossiers « mal ficelés » ou ne correspondant pas aux critères de l'agrément sont spontanément retirés et, le cas échéant, présentés à nouveau dans une mouture améliorée. Le nombre réduit d'acteurs évoluant dans le « petit monde » de la défiscalisation et les contacts fréquents qu'ils entretiennent conduit à une atténuation du formalisme dans les relations entre l'administration et les « monteurs ».

Ces derniers bénéficient par exemple d'une souplesse non prévue par les textes : le bureau des agréments leur délivre des « agréments de principe » lorsqu'ils travaillent sur des projets de grande taille, dont la finalisation nécessite parfois plusieurs années mais pour lesquels ils ont besoin d'avoir des assurances quant à la décision finale du ministre du budget.

* 16 L'arrêté n'a pas été modifié malgré l'abrogation de l'article 238 bis HA du code général des impôts par la loi de finances pour 1998.

* 17 Le seuil tient compte des investissements réalisés au cours d'une année par une entreprise lorsque celle-ci défiscalise « en direct » et, en cas de défiscalisation « externalisée », de l'ensemble des investissements réalisés par une structure transparente au titre d'une année pour le compte de multiples exploitants locaux.

* 18 Les demandes d'agrément portant sur des investissements nécessaires à l'exploitation d'un SPIC sont de la compétence du Ministre, quel que soit leur montant.

* 19 Agrément central si les investissements sont exploités soit dans un territoire d'outre-mer, soit dans plusieurs départements et/ou territoires.

* 20 Il a été indiqué à votre rapporteur que le respect systématique du délai de trois mois par les services déconcentrés correspondait à l'application d'une instruction du directeur général des impôts.

* 21 Les statistiques annuelles relatives au traitement des dossiers figurent dans un tableau au A du I de la quatrième partie du présent rapport.

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