B. FAIRE DE LA FRANCE UN PAYS ATTRACTIF POUR CRÉER PUIS TRANSMETTRE : RECONNAITRE LA SPECIFICITE DE L'ENTREPRISE

On l'a vu dans les développements précédents, l'entreprise en ce qu'elle est à la fois productrice de richesses et génératrice d'emplois, deux vecteurs majeurs de la croissance d'une économie nationale, est au coeur de la problématique de la transmission du patrimoine.

Nombreux sont les acteurs politiques ou économiques qui estiment que le régime de faveur actuel n'est pas suffisamment efficace pour éviter de mettre en péril l'entreprise, soit lors du décès du chef d'entreprise, en particulier en cas de décès prématuré faisant obstacle à la préparation de la transmission, soit lors de son retrait progressif de l'entreprise.

C'est pourquoi, alors qu'aujourd'hui la majorité des chefs d'entreprises a plus de 55 ans, il paraît opportun de faciliter leur succession à la tête de l'entreprise pour que cette dernière se réalise sans traumatisme pour l'entreprise et son personnel.

1. Les problèmes soulevés par la compatibilité d'un régime de faveur avec le principe d'égalité devant l'impôt

La mise en oeuvre d'un régime de faveur spécifique aux transmissions d'entreprises est susceptible de se heurter au principe constitutionnel d'égalité devant l'impôt, en vertu duquel des contribuables placés dans la même situation doivent être soumis au même régime fiscal. Il en a notamment été question à l'occasion de la présentation devant le Parlement des premiers projets d'élaboration du régime de faveur existant aujourd'hui en France.

L'article 9 de la Loi de Finances pour 1996 a en effet été censuré par le Conseil Constitutionnel 116( * ) pour rupture de l'égalité devant l'impôt. Ce projet d'article prévoyait un abattement de 50 % sur la valeur des biens professionnels, plafonné à cent millions de francs par donataire, lorsque ces biens étaient transmis à titre gratuit entre vifs, et sous certaines conditions lors du décès. Selon le Conseil Constitutionnel, « si le principe d'égalité ne fait pas obstacle à ce que le législateur décide de favoriser par l'octroi d'avantages fiscaux la transmission de certains biens, c'est à la condition que celui-ci fonde son appréciation sur des critères objectifs en fonction des buts qu'il se propose » . En l'espèce, le bénéfice du régime de faveur décrit ci-dessus était acquis à la seule condition de conserver les biens transmis pendant cinq années, sans condition d'exercice par le repreneur de fonctions dirigeantes au sein de l'entreprise. Dès lors, le Conseil Constitutionnel, estimant que « la loi a établi vis-à-vis des autres héritiers et donataires des différences de situation qui ne sont pas en relation avec l'objectif d'intérêt général poursuivi » , a jugé ces dispositions inconstitutionnelles au motif que le bénéfice de l'avantage consenti était de nature à entraîner une rupture caractérisée de l'égalité entre les contribuables pour l'application du régime fiscal des droits de donation et de succession.

Au regard des critères ainsi rappelés par le Conseil Constitutionnel, il paraît donc possible de reconnaître la spécificité des transmissions d'entreprises en prévoyant un régime fiscal spécifique plus favorable et plus souple que celui actuellement en vigueur. Il conviendrait dans ce cas de veiller à ce que les avantages fiscaux octroyés puissent être considérés comme adaptés et proportionnés à l'objectif poursuivi, c'est-à-dire celui de faciliter la transmission des entreprises afin de garantir leur survie ainsi que celle des emplois qu'elles ont créés, et non de privilégier la transmission de certains éléments de patrimoine par rapport à tout autre type de biens .

On peut encore noter que pour certains des pays étrangers étudiés dans lesquels il existe un principe d'égalité devant l'impôt à valeur constitutionnelle 117( * ) , la compatibilité d'un régime de faveur avec ce principe a parfois fait l'objet d'un recours devant la juridiction compétente. Toutefois, dans la majorité des cas, le régime de faveur proposé n'a pas été censuré.

A cet égard, signalons le cas de l'Espagne où il a été considéré que le régime de faveur relatif aux transmissions d'entreprises n'était pas contraire au principe d'égalité reconnu par la constitution espagnole, dans la mesure où toutes les personnes détentrices d'une entreprise sont susceptibles de bénéficier de ce régime de faveur dès lors que ces conditions d'application sont respectées.

En Belgique, le régime de faveur prévu en Flandre a également fait l'objet d'un recours en inconstitutionnalité pour rupture de l'égalité. Ce recours, bien qu'il n'ait été rejeté par la Cour d'Arbitrage que pour des raisons liées à la procédure (insuffisance de motivation) n'a pas été renouvelé par la suite.

Signalons encore l'Allemagne où le régime de faveur fait actuellement l'objet d'un recours en inconstitutionnalité sur le même fondement en raison de l'application de l'abattement spécial de 256.000 € et d'une décote de 40% sur la valeur des biens transmis. Ce pourvoi est en cours d'instruction.

En outre, la réforme du régime français actuellement applicable aux transmissions d'entreprises vers un régime plus favorable, serait en outre en adéquation avec les directives de la Commission européenne et les régimes applicables chez nos voisins européens.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page