II. DIVERGENCES ET CONVERGENCES EN EUROPE

Le contraste entre la politique économique, franchement expansionniste, observée aux Etats-Unis, et la politique attentiste et peu coordonnée, observée en Europe, conduit à réfléchir sur les conditions d'exercice de la politique économique dans la zone euro. Une étude est spécifiquement consacrée, dans ce rapport, à la question du pacte de stabilité et de croissance et, partant, au problème de la coordination des politiques budgétaires en union monétaire. Une attention doit être portée, dans cette section, aux conditions délicates de gestion de la politique monétaire par la BCE.

A. DES ÉCARTS DE CROISSANCE ET D'INFLATION PERSISTENT EN EUROPE

Le traité de Maastricht, adopté en 1992, visait à organiser la convergence des économies européennes. Il apparaissait évident, en effet, que seules des économies présentant un certain degré d'homogénéité pouvaient s'accommoder d'une devise et d'une politique monétaire uniques. Des progrès ont été réalisés sur la voie d'une convergence des économies européennes. La forte croissance de pays comme l'Irlande ou l'Espagne conduit, en particulier, à un rapprochement des niveaux de vie au sein de l'Union européenne.

Toutefois, les écarts à court terme restent suffisamment significatifs pour rendre complexe la gestion de la politique conjoncturelle. La Banque centrale européenne, comme ses homologues étrangers, tient compte, pour prendre ses décisions de politique monétaire, de deux éléments : l'inflation et la croissance du PIB 1 ( * ) (même si, juridiquement, les traités lui donnent pour seul mission de veiller à la stabilité des prix). Le tableau suivant retrace l'évolution du produit intérieur brut depuis 1997, pour les principaux pays de la zone euro.

Croissance du PIB en volume
(variations en %)

1997

1998

1999

2000

2001

2002*

Moyenne 1997-2002

Allemagne

1,4

2

1,8

3

0,6

0,7

1,6

Espagne

4

4,3

4,1

4,1

2,8

2,1

3,5

France

1,9

3,5

3

3,6

2

1,4

2,5

Italie

2

1,8

1,6

2,9

1,8

1,5

1,9

Pays-Bas

3,8

4,3

3,7

3,5

1,1

1,4

3

Moyenne Zone euro

2,3

2,9

2,7

3,5

1,6

1,3

2,4

* Prévision

Source : Perspectives économiques de l'OCDE (juin 2002)

On observe des écarts de croissance non négligeables entre pays, même en s'en tenant aux grandes économies de la zone (les écarts seraient encore plus grands si on considérait l'Irlande, par exemple). La croissance de l'Espagne ces six dernières années a été 2,2 fois plus rapide que celle de l'Allemagne. La France a eu une croissance constamment plus rapide que celle de son voisin d'outre-Rhin, à hauteur de 0,9 points de PIB en moyenne. Notre pays se situe légèrement au-dessus de la moyenne européenne.

L'existence d'écarts de croissance entre pays n'est pas en soi problématique. Il est, au contraire, souhaitable que les pays dont le niveau de PIB par habitant est inférieur à la moyenne européenne connaissent un rattrapage. La difficulté naît de l'impossibilité, pour la Banque centrale européenne, d'adapter sa politique monétaire à chaque contexte national. A tout moment, des pays risquent de se trouver confrontés à une politique monétaire, soit trop expansionniste, soit trop restrictive, compte tenu de leur situation propre. Des tensions inflationnistes, auxquelles la BCE a eu du mal à faire face, se sont ainsi manifestées dans les pays ayant connu la croissance la plus vive ces dernières années.

Prix à la consommation
(variations en %)

1997

1998

1999

2000

2001

2002*

Allemagne

1,5

0,6

0,6

2,1

2,4

1,5

Espagne

1,9

1,8

2,2

3,5

3,2

2,8

France

1,3

0,7

0,6

1,8

1,8

1,6

Italie

1,9

2

1,7

2,6

2,3

2,3

Pays-Bas

1,9

1,8

2

2,3

5,1

3,4

Moyenne Zone euro

1,7

1,2

1,1

2,4

2,5

2

En Espagne ou aux Pays-Bas, l'inflation se situe depuis quelques années à des niveaux supérieurs à l'objectif de 2 % défini par la BCE. En France, l'inflation est restée modérée, malgré l'accélération de la croissance, en raison, notamment, d'une absence de tensions significatives sur les salaires.

La définition de la politique monétaire européenne est encore compliquée par les différences de réactions nationales aux variations de taux d'intérêt. L'effet de la politique monétaire est plus marqué, et intervient dans des délais plus brefs, dans les pays où la dette des ménages est essentiellement contractée à taux variable (ce qui est le cas en Espagne, au Portugal ou en Finlande). Dans les pays où la dette est essentiellement contractée à taux fixe (Allemagne, France, Italie, Pays-Bas), les délais d'action de la politique monétaire sont plus longs (puisqu'elle n'a d'effet que sur les nouveaux crédits). Une même décision de politique monétaire a donc des effets différenciés selon les pays.

Depuis deux ans, l'inflation dans la zone euro tend à se maintenir à un niveau supérieur à 2 %. La BCE s'est, de ce fait, montrée prudente dans sa politique de taux. Mais, en ne baissant pas davantage ses taux directeurs, la BCE crée un biais restrictif évident pour la première économie de la zone euro, l'Allemagne, qui connaît une inflation et une croissance particulièrement faibles.

* 1 La fonction de réaction de la BCE est analysée dans un récent rapport du Conseil d'analyse économique : « La Banque centrale européenne », P. Artus et C. Wyplosz, La Documentation française, Paris, 2002.

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