B. UNE POLITIQUE MONÉTAIRE TROP RESTRICTIVE ?

La politique monétaire en vigueur dans la zone euro n'apparaît pas très restrictive si l'on considère la situation globale de la zone en termes d'inflation et de croissance. Une approche par la règle de Taylor 2 ( * ) suggère cependant que la politique monétaire serait devenue de moins en moins accommodante au cours de l'année 2002 ( cf . graphique). La politique monétaire suivie apparaît en revanche clairement inadaptée à la situation allemande.

Calculs DP

Lecture : la courbe du haut correspond au taux d'intérêt théorique qui résulterait de l'application de la règle de Taylor. La règle de Taylor fournit un point de repère théorique utile pour évaluer le biais expansionniste ou restrictif de la politique monétaire suivie.

Source : Rapport économique, social et financier (Tome II), 2002.

L'inflation et la croissance de l'Allemagne sont faibles depuis deux ans, ce qui justifierait, si l'on s'en tenait à une analyse de la situation conjoncturelle de ce seul pays, une détente monétaire plus prononcée.

Avec une croissance de 0,4 % en 2002 et une inflation à peine supérieure à 1 % en fin d'année, l'Allemagne, qui représente un tiers du PIB de la zone euro, traverse une passe particulièrement difficile. La mauvaise conjoncture allemande pèse sur tous les autres Etats de la zone euro, et notamment sur celle de la France, qui est le premier partenaire commercial de l'Allemagne.

Les taux d'intérêt à court terme réels sont proches aujourd'hui de 2,25 % en Allemagne, alors qu'ils dépassent à peine 0,5 % dans le reste de la zone euro, hors Allemagne. Il s'agit de taux d'intérêt réels élevés au regard de l'atonie de la croissance allemande, et des risques de déflation qui pèsent sur ce pays.

La même observation vaut pour les taux d'intérêt à long terme qui sont, en Allemagne, supérieurs de deux points à la moyenne des autres pays de la zone euro. Le graphique ci-dessous illustre cet écart, qui s'est creusé depuis l'année 2001.

Taux d'intérêt à long terme hors inflation (en %)

En principe, la BCE prend ses décisions de politique monétaire au vu de la situation globale de la zone euro. Mais on peut se demander si les autorités monétaires ne devraient pas, aujourd'hui, prêter plus d'attention à la situation particulière de l'Allemagne, dans la mesure où un enlisement de ce pays dans une croissance molle pénaliserait nécessairement l'ensemble de la zone.

Plus généralement, on peut regretter que l'arbitrage que fait la BCE entre lutte contre l'inflation et soutien à la croissance ne soit pas plus favorable à la croissance. La cible d'inflation que s'est fixée la Banque centrale européenne est très rigoureuse, et pourrait sans doute être quelque peu assouplie, sans que cela n'entraîne d'inconvénients économiques majeurs. La Réserve fédérale américaine n'affiche pas de cible explicite d'inflation, mais l'expérience montre qu'elle s'accommode de taux d'inflation pouvant aller jusqu'à 3 - 3,5 % par an. Il n'y a pas, en outre, de justification théorique à la fixation d'un seuil à 2 %, plutôt qu'à 2,5 % ou 3 %. Un assouplissement, maîtrisé, de la politique monétaire est donc tout à fait envisageable. Les experts du CAE abondent dans ce sens, puisqu'ils considèrent que la BCE pourrait se donner pour objectif une inflation variant dans une fourchette comprise entre 1 et 4 % par an 3 ( * ) .

Une politique monétaire jugée restrictive peut cependant être compensée par une politique budgétaire plus expansionniste. Cette remarque invite à s'interroger sur les règles de discipline budgétaire aujourd'hui en vigueur en Europe, ainsi que sur les modalités de coordination des politiques nationales.

* 2 La règle de Taylor est une règle de politique monétaire, qui relie le niveau du taux d'intérêt de court terme, contrôlé par la Banque centrale, à l'inflation , et à l'écart de production (l'écart de production désignant l'écart entre la croissance effective et la croissance tendancielle de l'économie). La règle de Taylor permet de calculer un taux d'intérêt théorique « optimal », qui tient compte, à la fois, de l'objectif d'inflation que s'est donné la Banque centrale, mais aussi de la situation conjoncturelle. Le taux d'intérêt ainsi calculé est comparé au taux d'intérêt à court terme observé, afin de juger de l'adéquation de la politique monétaire aux données économiques fondamentales. Pour plus d'informations, et une analyse critique de la règle de Taylor, on consultera avec profit Drumetz F. et Verdelhan A.  « Règle de Taylor : présentation, application, limites », Bulletin de la Banque de France, septembre 1997, n°45, p. 81-87.

* 3 Op. cit., p. 97.

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