I. LES PHÉNOMÈNES DE CONCENTRATION DANS L'EXPLOITATION ET LA DISTRIBUTION DES FILMS EN SALLES

La fréquentation a augmenté de 65% entre 1992 et 2001. Au cours de la même période, le nombre de films proposés au public s'est accru de 30%

Avec 33,5% de parts de marché en moyenne sur l'ensemble de la période, le cinéma français a maintenu sa position face au cinéma américain 93( * ) .

De tels résultats sont suffisamment remarquables, compte tenu des évolutions constatées un peu partout en Europe, pour devoir être soulignés avant toute analyse susceptible d'en relativiser la portée .

Nombre d'entrées et parts de marché

 

1992

1993

1994

1995

1996

1997

1998

1999

2000

2001

 

Entrées (millions)

113

132,7

124,41

130,24

136,74

149,02

170,57

153,57

165,54

185,82

Films français

40,54

46,60

35,25

45,86

51,26

51,42

47,10

49,82

47,22

77,14

Films américains

67,46

75,83

75,81

70,25

74,29

77,77

107,82

82,77

103,02

86,27

Autres films

7,99

10,28

13,35

14,13

11,19

19,82

15,65

20,98

15,30

22,41

 

Parts de marché (%)

Films français

35,0

35,1

28,3

35,2

37,5

34,5

27,6

32,4

28,5

41,5

Films américains

58,2

57,1

60,9

53,9

54,3

52,2

63,2

53,9

62,2

46,4

Autres films

6,8

7,8

10,8

10,9

8,2

13,3

9,2

13,7

9,3

12,1

Total

100,0

100,0

100,0

100,0

100,0

100,0

100,0

100,0

100,0

100,0

Nombre de nouveaux films

 

1992

1993

1994

1995

1996

1997

1998

1999

2000

2001

total

392

394

408

405

410

417

470

531

570

509

français

167

155

146

149

161

170

176

204

227

209

américains

121

136

146

138

141

144

173

183

193

160

autres

104

103

116

118

115

103

121

144

150

140

Source : CNC / octobre 2002

Cette évolution, globalement positive, s'est toutefois accompagnée d'un double mouvement de concentration, de la fréquentation autour d'un nombre limité de films, de l'exploitation, de la programmation, et de la distribution autour d'un nombre de plus en plus réduit d'acteurs.

1. La concentration dans l'exploitation

La progression du nombre des entrées est largement due au développement des multiplexes.

Les multiplexes représentaient en 2001 : 4,4% des établissements ; 22% des écrans ; 40% des entrées


Poids des multiplexes dans l'exploitation française 94( * )

 

1996

1997

1998

1999

2000

2001

Nombre de multiplexes

22

34

45

65

80 95( * )

97

% du total France

% Etablissements

1,0

1,6

2,1

3,0

3,8

4,4

% Ecrans

6,3

9,5

12,0

16,5

19,7

22,2

% Entrées

10,8

17,3

22,7

28,3

34,5

39,4

Source : CNC

2. La concentration dans la programmation

Le développement des multiplexes a accru le rôle des groupements nationaux de programmation 96( * )

Poids des groupements nationaux de programmation en % du nombre des écrans

 

1997

1998

1999

2000

2001

Gaumont

Europalaces

6,8

7,1

7,4

7,8

14,5

Pathé

6,8

6,5

6,8

6,7

UGC

8,3

8,7

8,6

8,7

8,6

Autres groupements nationaux (Glozel, GPCI, SAGEC, Soredic)

11,8

13,2

13,0

12,8

13,2

Bien qu'ils n'en soient pas les seuls acteurs, les groupements nationaux de programmation sont les principaux promoteurs de multiplexes en France. Le nombre de salles dont ils sont propriétaires s'accroît sensiblement chaque année. Au total, l'ensemble des groupements nationaux programme plus de 36% des écrans actifs.

En 2001, le regroupement des activités d'exploitation de salles de Gaumont et de Pathé sous l'enseigne EuroPalaces. a modifié profondément les rapports de force entre les groupements nationaux de programmation. Le nouvel ensemble réunit désormais 14,5 % des écrans français.

Deux réseaux, Europalaces et UGC, déterminent ainsi à eux seuls la programmation de 23% des écrans, représentant plus de 40% des entrées en 2001.

3. La concentration dans la distribution

7 sociétés contrôlent plus de 80% du marché des films.

Cette caractéristique n'est pas récente. L'élément nouveau est que les sociétés qui contrôlent l'essentiel de la distribution des films sont désormais des filiales de majors américaines ou de groupes intégrés, voire des deux comme les associations UGC / Fox, ou Gaumont / Disney. UIP et Bac Film sont des filiales de Vivendi-Universal (ainsi que Mars Film qui n'apparaît pas dans cette liste)

Les principaux distributeurs et leurs parts de marché en 1991 et en 2001

1991

 

2001

Distributeur

Pdm (%)

Distributeur

Pdm (%)

AMLF

21,3

UFD (UGC / Fox)

15,5

Columbia Tristar

15,6

GBVI(Gaumont/ Disney)

14,0

Warner Bros

12,2

UIP (VivendiUniversal)

13,7

UIP

10,0

Warner Bros

12,6

Fox

8,0

Bac (Vivendi Universal)

10,3

Gaumont

6,2

Metropolitan

6,9

UGC

4,6

Pathé (ex AMLF)

4,8

Bac Films

1,6

Columbia Tristar

3,9

Autres

20,5

Autres

18,3



Les parts de marchés (Pdm) sont exprimés en pourcentage du total des encaissements des distributeurs.

4. La concentration dans la fréquentation

30 films assurent plus de 50% des entrées.

Ce chiffre est stable depuis 10 ans, malgré l'accroissement de la fréquentation et l'augmentation, notamment depuis 1997, du nombre des films sortis en première exclusivité.

On constate dans le même temps une concentration des entrées sur les films les plus récents.


 

1995

1996

1997

1998

1999

2000

2001

Nombre de films sortis dans l'année

405

410

417

470

531

570

509

% des entrées réalisées par les 30 premiers films

52,8

54,6

53,2

60,1

50,6

53,5

52,2

Nb moyen d'entrées des 30 premiers films (millions)

2,3

2,3

2,6

3,4

2,6

2,9

3,2

 
 
 
 
 
 
 
 

% des entrées des films sortis dans l'année

77,1

81,3

85,6

90,0

85,9

83,2

89,7

% des entrées des films sortis l'année précédente

15,9

15,5

8,3

7,1

11,6

14,0

6,5

% des entrées des autres films

7,0

3,2

6,1

2,9

2,5

2,8

3,8

Total

100,0

100,0

100,0

100,0

100,0

100,0

100,0

5. Un déséquilibre croissant dans l'exposition des films

a) La conjonction du développement des multiplexes et d'une augmentation du nombre de films entraîne une rotation de plus en plus rapide des films

Le nombre de salles nécessaires en première semaine pour assurer la sortie des films qui visent une large diffusion, et donc les coûts de sortie, sont de plus en plus élevés. On constate, dans cette évolution, un déséquilibre croissant au profit des films américains, d'une part, au profit des films distribués par les filiales des grands groupes, d'autre part - au détriment des autres films.

L'augmentation de l'exposition moyenne des films mesurée en nombre de salles pour la première semaine d'exclusivité, ainsi que celle du nombre des films sortis dans plus de 500 salles sont de ce point de vue, significatifs




Nombre moyens de salles en première semaine d'exclusivité 97( * )

 

1996

1997

1998

1999

2000

2001

Ensemble des films

96

106

112

108

114

 

Films français

81

79

86

96

83

 

Films américains

150

168

191

170

190

 

Nombre de films sortis dans plus de 500 salles

 

1996

1997

1998

1999

2000

2001

Ensemble des films

 
 
 

20

26

 

Films français

1

1

2

3

5

 

Films américains

4

10

15

12

20

 

De même, alors que l'exposition moyenne des films sortis en 2000 était de 114 écrans, les films des sept principaux distributeurs liés à des groupes de communication ou à des majors américaines, disposaient d'une exposition moyenne de 250 écrans.


Exposition des films sortis par les filiales des grands groupes, en 2000

Distributeur

Pdm

(
en % du total des encaissements des distributeurs )

Exposition moyenne par film distribué

(en nombre d'écrans)

GBVI

20,3

330

UIP

13,1

181

Bac Films

10,2

184

UFD

9,6

196

Pathé (ex AMLF)

8,9

243

Columbia Tristar

7,6

219

Warner Bros

7,1

354

Metropolitan

2,7

161

Ensemble

79 ,5

250

b) L'inflation des coûts de sortie

Elle rend, par contre-coup, plus problématique la sortie des films considérés, à tort ou à raison, par les distributeurs, comme présentant des perspectives commerciales limitées : sortis de manière plus confidentielle, disposant de budgets de promotion limités et d'une exposition réduite, ceux ci n'ont généralement ni le temps, ni les moyens de s'installer pour bénéficier, le cas échéant, du « bouche à oreille » qui leur permettrait de rencontrer leur public

Dès lors, malgré l'accroissement de la fréquentation, le nombre des entrées de la majorité des films ne progresse pas . En 2001, année pourtant exceptionnelle, plus de 45% des films sortis ont obtenus moins de 25000 entrées. Parmi ces films une proportion importante n'a connu que la « sortie technique » nécessaire à leur qualification d'oeuvre cinématographique.

 

1995

1996

1997

1998

1999

2000

2001

Nb de films ayant réalisé moins de

25000 entrées

207

201

202

247

279

311

228

% des entrées réalisées

1,1%

0,9%

0,9%

1,0%

1,2%

1,2%

1,0%

Entrées moyennes par film

6920

6120

6640

6900

6600

6380

8150

Répartition de l'ensemble des films sortis dans l'année en fonction du nombre des entrées

Nombre de films

Films ayant réalisé

1995

1996

1997

1998

1999

2000

2001

Plus de 2 millions d'entrées

10

13

17

17

12

15

26

Entre 1 et 2 millions d'entrées

21

15

19

20

21

18

19

Entre 500 000 et 1 million

21

30

23

21

34

33

31

Entre 100 000 et 500 000

72

88

80

84

86

89

104

Entre 50 000 et 100 000 entrées

34

35

34

47

46

51

59

Entre 25 000 et 50 000 entrées

40

28

42

34

53

53

42

Moins de 25 000 entrées

207

201

202

247

279

311

228

Total

405

410

417

470

531

570

509

Proportion des entrées réalisées

Films ayant réalisé

1995

1996

1997

1998

1999

2000

2001

Plus de 2 millions d'entrées

31,5%

39,3%

45,7%

55,4%

39,1%

40,9%

53,4%

Entre 1 et 2 millions d'entrées

30,2%

20,0%

21,2%

16,5%

21,0%

20,1%

16,2%

Entre 500 000 et 1 million d'entrées

14,6%

18,5%

13,2%

9,7%

19,5%

16,7%

11,9%

Entre 100 000 et 500 000 entrées

18,7%

18,0%

15,8%

14,3%

15,3%

16,9%

14,2%

Entre 50 000 et 100 000 entrées

2,4%

2,3%

1,9%

2,3%

2,4%

2,7%

2,5%

Entre 25000 et 50 000 entrées

1,5%

0,9%

1,2%

0,8%

1,4%

1,4%

0,8%

Moins de 25 000 entrées

1,1%

0,9%

0,9%

1,0%

1,2%

1,2%

1,0%

Total (%)

100%

100%

100%

100%

100%

100%

100%

Total ( en millions d'entrées)

130,24

136,74

149,02

170,57

153,57

165,54

185,82

Source : CNC

Sur les 1296 films français sortis depuis 1995, 701, c'est à dire plus de la moitié, ont réalisé moins de 25000 entrées.

La spectaculaire progression observée en 2001 dans la fréquentation des films français (+ 30 millions d'entrées) est pour les trois-quarts, imputable aux films qui ont fait plus de 2 millions d'entrées.

Il est important de noter à ce stade que, contrairement à ce que l'on pourrait croire, une part importante des films américains distribués en France affiche des performances plutôt médiocres alors que les distributeurs ne proposent déjà qu'une partie de la production d'outre atlantique. En 2000, par exemple, 193 films sur 461 produits sont sortis en France ; plus du tiers ont réalisé moins de 25000 entrées. En 2001, les distributeurs n'ont sortis que 160 films sur les 462 produits ; 45 d'entre eux ont réalisé moins de 25000 entrées.

Répartition des films français sortis dans l'année en fonction du nombre des entrées


Nombre de films

films ayant réalisé

1995

1996

1997

1998

1999

2000

2001

Plus de 2 millions d'entrées

5

4

4

3

3

3

10

Entre 1 et 2 millions d'entrées

4

7

6

2

6

4

10

Entre 500 000 et 1 million d'entrées

6

11

7

7

14

8

13

Entre 100 000 et 500 000 entrées

21

27

34

32

38

30

43

Entre 50 000 et 100 000 entrées

13

13

12

15

21

22

27

Entre 25000 et 50 000 entrées

19

8

14

12

19

25

13

Moins de 25 000 entrées

81

91

93

105

103

135

93

Total

149

161

170

176

204

227

209

Proportion des entrées réalisées

films ayant réalisé

1995

1996

1997

1998

1999

2000

2001

 
 
 
 
 
 
 
 

Plus de 2 millions d'entrées

47,8%

32,2%

44,5%

57,4%

31,2%

43,6%

54,6%

Entre 1 et 2 millions d'entrées

18,3%

26,9%

20,3%

5,9%

19,8%

15,4%

18,2%

Entre 500 000 et 1 million d'entrées

14,4%

20,3%

11,9%

11,8%

22,9%

13,4%

11,0%

Entre 100 000 et 500 000 entrées

13,8%

16,2%

19,1%

19,5%

20,4%

19,6%

12,2%

Entre 50 000 et 100 000 entrées

2,5%

2,4%

1,8%

2,8%

3,1%

4,0%

2,6%

Entre 25000 et 50 000 entrées

2,0%

0,8%

1,1%

1,1%

1,5%

2,2%

0,6%

Moins de 25 000 entrées

1,2%

1,3%

1,3%

1,6%

1,2%

1,9%

0,8%

Total (%)

100%

100%

100%

100%

100%

100%

100%

Total ( en millions d'entrées)

45,86

51,26

51,42

47,10

49,82

47,22

77,14

Répartition des films américains sortis en France en fonction du nombre des entrées


Nombre de films

Films ayant réalisé

1995

1996

1997

1998

1999

2000

2001

Plus de 2 millions d'entrées

5

9

9

13

7

11

14

Entre 1 et 2 millions d'entrées

14

7

12

17

13

12

7

Entre 500 000 et 1 million d'entrées

14

16

14

13

17

22

17

Entre 100 000 et 500 000 entrées

40

48

31

41

40

44

43

Entre 50 000 et 100 000 entrées

14

19

19

21

18

21

18

Entre 25000 et 50 000 entrées

15

13

14

9

20

17

16

Moins de 25 000 entrées

36

29

45

59

68

66

45

Total

138

141

144

173

183

193

160

Pour information : nombre de films sortis aux Etats-Unis

370

420

461

490

442

461

462

Proportion des entrées réalisées

Films ayant réalisé

1995

1996

1997

1998

1999

2000

2001

Plus de 2 millions d'entrées

26,4%

47,5%

43,5%

56,4%

42,5%

42,5%

54,4%

Entre 1 et 2 millions d'entrées

34,9%

16,0%

25,4%

20,8%

21,9%

22,2%

14,5%

Entre 500 000 et 1 million d'entrées

15,9%

15,7%

15,2%

9,3%

18,9%

18,5%

14,1%

Entre 100 000 et 500 000 entrées

19,6%

17,5%

12,6%

11,4%

13,2%

13,8%

14,2%

Entre 50 000 et 100 000 entrées

1,8%

2,2%

2,1%

1,5%

1,8%

1,8%

1,6%

Entre 25000 et 50 000 entrées

1,0%

0,7%

0,8%

0,3%

1,0%

0,7%

0,7%

Moins de 25 000 entrées

0,5%

0,4%

0,4%

0,4%

0,6%

0,4%

0,5%

Total (%)

100%

100%

100%

100%

100%

100%

100%

Total ( en millions d'entrées)

70,3

74,3

77,8

107,8

82,8

103,0

86,3

6. Des difficultés persistantes dans le secteur de l'exploitation

Malgré la progression importante des recettes (+69% entre 1992 et 2001), le secteur de l'exploitation présente un bilan financier mitigé

Total des recettes (M€)

1992

1993

1994

1995

1996

1997

1998

1999

2000

2001

600,8

688,9

653,5

690,1

726,0

788,9

916,8

823,2

891,4

1 014

En 2000, sur un échantillon de 40 entreprises représentant un chiffre d'affaires de 591 millions d'euros, (soit 62% du chiffre d'affaires de l'ensemble du secteur de l'exploitation), l'INSEE constate un résultat d'exploitation négatif de 88 millions d'euros. 98( * )

Cette tendance, qui est à mettre en perspective avec le développement des multiplexes, n'est pas propre à la France : L'observatoire européen de l'audiovisuel, analysant les résultats financiers de plus de 700 entreprises d'exploitation, montre une détérioration de leur situation financière  malgré la progression générale de la fréquentation des salles de cinéma dans l'Union européenne (+20% entre 1996 et 2000). La marge bénéficiaire de l'ensemble de ces entreprises, qui était de +7,5% en 1998, est tombée à 1,7% en 1999, et à -6,2% en 2000 99( * ) .

Aux Etats Unis, le niveau historique atteint en 2001, « la meilleure année de l'histoire du cinéma en termes de recettes salles » selon Jack Valenti, n'a pas empêché la faillite de nombreux circuits de salles, et pour la première fois depuis longtemps, une diminution du nombre des écrans.



Une telle situation, qui met en péril les entreprises les plus fragiles, ne peut que se traduire par une concentration accrue.

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