LA QUESTION DE LA NATIONALITÉ DES FILMS : LA DÉFINITION FRANÇAISE ET LA DÉFINITION EUROPÉENNE
Tous les
pays ayant mis en place des mesures de soutien à l'industrie
cinématographique, ont assortis ces mesures de restrictions concernant
les conditions de la production de l'oeuvre : les lieux de tournage,
les caractéristiques de l'entreprise de production, ou la
nationalité des auteurs du film et du personnel employé...
Ces restrictions apparaissent très différentes d'un pays à
l'autre, alimentant ainsi les pressions de la Direction générale
chargée du Marché intérieur à la Commission
européenne, pour « une harmonisation des
pratiques », sur des bases non plus nationales, mais
européennes. Ce qui dans la plupart des cas apparaît en porte
à faux avec l'objectif même des politiques engagées.
Les
différences en question peuvent être illustrées par deux
exemples :
• Les caractéristiques des sociétés de production
prises en compte pour la détermination de la nationalité d'un
film, en France et en Grande-Bretagne ;
• Les critères qui permettent de décider qu `une oeuvre
est française du point de vue du Compte de soutien, ou européenne
dans l'interprétation française des principes de la Directive
Télévision sans frontières, selon le Fonds Eurimages, ou
selon le programme Médias.
I.
CONDITIONS RELATIVES À L'ENTREPRISE DE PRODUCTION
EN FRANCE,
Pour qu'une oeuvre soit considérée comme française,
l'entreprise de production doit être établie en France. Elle doit
être titulaire des autorisations prévues par le Code de
l'industrie cinématographique et, lorsqu'il s'agit d'une personne
morale, elle doit satisfaire aux conditions suivantes :
1. 1. Le président, les directeurs ou gérants doivent être :
- soit de nationalité française
- soit ressortissants d'un
État membre de l'Union européenne
- soit ressortissants d'un
État partie à la Convention européenne sur la
télévision transfrontière du Conseil de l'Europe
- soit
ressortissants d'un État tiers européen avec lequel l'Union
européenne a conclu des accords ayant trait au secteur de l'audiovisuel.
Peuvent être assimilés aux citoyens français les
ressortissants d'États autres que les États européens
énumérés ci-dessus, qui ont la qualité de
résident en France.
1..2. L'entreprise de production ne peut être contrôlée par
une ou plusieurs personnes physiques ou morales ressortissantes d'États
autres que :
- les États membres de l'Union européenne
- les États
parties à la Convention européenne sur la
télévision transfrontière du Conseil de l'Europe
- les
États tiers européens avec lesquels l'Union européenne a
conclu des accords ayant trait au secteur de l'audiovisuel.
EN GRANDE-BRETAGNE,
Pour qu'une oeuvre soit considérée comme britannique, et
indépendamment des conditions concernant le personnel employé et
les lieux de tournage, l'entreprise de production du film doit, pendant toute
la phase de production du film, être soit :
- une personne physique ayant la qualité de résident habituel
d'un État membre de l'Union européenne
- une société enregistrée dans un État membre de
l'Union européenne, dont l'administration centrale et le contrôle
sont exercés dans un État membre de l'Union européenne.
Un Etat membre est défini, depuis un amendement de 1999, comme : un
pays de l'Union européenne ou un pays de l'Espace économique
européen OU un pays avec lequel l'Union européenne a signé
un accord européen de coopération pour le secteur.
Par contrôle de la société, il y a lieu d'entendre le
pouvoir dont dispose une personne ou un groupe de personnes d'imposer que les
affaires de la société soient gérées
conformément à leurs décisions :
- soit en raison de l'importance de leur participation ou de leur puissance
de vote dans la société ou dans une autre personne morale
-
soit en vertu de tout pouvoir conféré par les statuts ou tout
autre document de cette société ou d'une autre personne morale.
EN ALLEMAGNE,
Pour qu'une oeuvre soit considérée comme allemande, et
indépendamment des restrictions concernant la langue, la
nationalité des intervenants, ou les lieux de tournage, le producteur,
qui doit assumer la responsabilité de l'exécution du projet de
film, doit:
- soit avoir son domicile en Allemagne s'il s'agit d'une personne physique
- soit avoir son siège en Allemagne s'il s'agit d'une personne morale
- soit disposer d'une succursale en Allemagne s'il est établi
- dans un autre État membre de l'Union européenne, ou
- dans
un autre État partie à l'accord sur l'Espace économique
européen.
Lorsque l'entreprise de production est une personne morale de droit allemand,
il n'est pas nécessaire que les administrateurs ou organes de celle-ci
soient de nationalité allemande ni même ressortissants d'un
État membre de l'Union européenne ou d'un État partie
à l'accord sur l'Espace économique européen.
II. LES CONDITIONS RELATIVES AUX INTERVENANTS ARTISTIQUES ET TECHNIQUES
1. LES
FILMS FRANÇAIS :
Pour bénéficier du soutien financier à l'industrie
cinématographique, les films doivent totaliser un nombre minimum de
points dans les listes qui suivent :
1.1. Conditions établies par l'article 10, paragraphe III du
décret 99-130 du 24 février 1999
Les films doivent totaliser un minimum de
14
points sur un total de 18
dans la liste suivante :
- réalisation : 3 points
- scénario : 2 points
-
autres auteurs : 1 point
- premier rôle : 3 points
-
deuxième rôle : 2 points
- 50 % des autres cachets de
comédiens : 1 point
- image : 1 point
- son : 1
point
- montage : 1 point
- décoration : 1 point
-
laboratoire, auditorium, studio de prise de vue : 2 points.
1.2 Conditions établies par l'article 10 paragraphe IV du Décret
n° 99-130 du 24 février 1999
Le montant du soutien automatique sera équivalent à 100 % du
montant prévu au décret lorsque le film obtient au moins 80
points par référence à un barème qui compte 100
points. Il sera de :
- 97 % lorsque le film obtient 79 points
- 94 % lorsque le film
obtient 78 points
- 91 % lorsque le film obtient 77 points
-
88 % lorsque le film obtient 76 points
- 85 % lorsque le film
obtient 75 points
- 82 % lorsque le film obtient 74 points
-
79 % lorsque le film obtient 73 points
- 76 % lorsque le film
obtient 72 points
- 73 % lorsque le film obtient 71 points
-
70 % lorsque le film obtient 70 points.
Lorsque le film obtient un nombre de points inférieur à 70, le
pourcentage est égal à ce nombre de points.
Le nombre de points minimum à obtenir pour que le soutien automatique
soit accordé est de 25 (les 20 points attribués à la
version originale en langue française n'étant pas pris en compte.
Ce nombre minimum peut être réduit à 20 par
dérogation accordée par le directeur général du
Centre national de la cinématographie.
1.3. Nombre de points
Le soutien automatique est lié au nombre de points obtenus dans les sept
groupes suivants liste suivante :
Groupe 1 : entreprise de production :
10 points
Ces points sont obtenus lorsque l'entreprise de production du film satisfait
aux conditions prévues à l'article 7 du Décret du 24
février 1999.
Groupe 2 : langue de tournage
: 20 points
Ces points sont obtenus lorsque l'oeuvre cinématographique est
réalisée intégralement ou principalement en version
originale en langue française ou dans une langue régionale en
usage en France.
Groupe 3 : auteurs
: 10 points
Ces 10 points sont répartis entre les postes suivants
- réalisateur : 5 points
- autres auteurs : 4 points
Ces autres auteurs sont :
- l'auteur de l'oeuvre préexistante
- l'auteur du
scénario
- l'auteur de l'adaptation
- l'auteur des dialogues
- compositeur de la musique écrite spécialement pour le
film : 1 point.
Les points attribués au groupe auteurs ne sont obtenus que si les contrats de production conclus avec chacun des auteurs désignent la loi française comme loi applicable au contrat. En outre, le contrat de travail conclu avec le réalisateur en complément du contrat de production doit également désigner la loi française comme loi applicable.
Groupe
4 : artistes interprètes
: 20 points
Ces 20 points sont répartis entre les postes suivants :
- artistes interprètes assurant les rôles principaux : 10
points
Un rôle est considéré comme un rôle principal lorsque
la présence de l'artiste interprète est requise pour au moins
50 % des scènes
- artistes interprètes assurant les rôles secondaires et les
petits rôles : 10 points
Les points attribués au groupe artistes interprètes ne sont
obtenus que si les conditions de l'article 7 du décret du 24
février 1999 sont remplies et si les contrats conclus avec les artistes
interprètes désignent la loi française comme loi
applicable.
Groupe 5 : techniciens collaborateurs de création
: 14
points
Ces 14 points sont répartis entre les postes de techniciens des branches
suivantes :
- réalisation autres que le réalisateur : 2 points
-
l'administration et de la régie : 2 points
- la prise de
vue : 3 points
- la décoration : 2 points
- la branche
du son : 2 points
- la branche du montage : 2 points
- la
branche du maquillage : 1 point
Les points attribués au groupe techniciens collaborateurs de
création ne sont obtenus que si les conditions de l'article 7 du
décret du 24 février 1999 sont remplies et si les contrats
conclus avec les artistes interprètes désignent la loi
française comme loi applicable.
Groupe 6 : ouvriers
: 6 points
Ces six points sont répartis entre les postes suivants :
- ouvriers de l'équipe de tournage : 4 points
- ouvriers de
l'équipe de construction : 2 points.
Les points attribués au groupe ouvriers ne sont obtenus que si les
ouvriers remplissent les conditions relatives à la nationalité
qui, en vertu de l'article 7 du décret du 24 février 1999
s'appliquent aux artistes interprètes et aux collaborateurs de
création et si les contrats conclus avec ces ouvriers désignent
la loi française comme loi applicable.
Groupe 7 : tournage et postproduction
: 20 points
Ces 20 points sont répartis entre les postes suivants
- Localisation des éléments de tournage : 5 points, dont :
- lieu de tournage : 3 points
- laboratoire de tournage : 2 points
- Matériel technique de tournage : 5 points, dont :
- équipement de prise de vue : 2 points
-
éclairage : 2 points
- machinerie : 1 point
- Entreprise de postproduction son : 5 points
(ces points concernent
les mixages relatifs à la version originale de l'oeuvre
cinématographique)
- Entreprise de postproduction image : 5 points (travaux effectués
en laboratoire)
Les points attribués au groupe tournage et postproduction ne sont
obtenus que si les entreprises concernées sont établies en France
et sont titulaires de l'autorisation nécessaire.
Des exceptions aux conditions fixées pour les groupes 3 à 7
peuvent être admises en considération du genre auquel le film
appartient ou pour des raisons artistiques ou techniques. Dans un tel cas, les
points relevant des postes ou des éléments auxquels il n'est pas
fait appel sont réputés obtenus.
II. LES FILMS EUROPÉENS
La notion de "film européen" apparaît pour la première fois
dans les textes européens dans la Directive du Conseil du 15 octobre
1963 , mettant en oeuvre les dispositions du Programme
général pour la suppression des restrictions à la libre
prestation des services en matière de cinématographie. Sont
alors considéré comme européens, les films "ayant la
nationalité d'un État membre".
Cette notion sera progressivement précisée dans les instruments
spécifiques mis en place pour aider au développement de la
production de films européens et à l'amélioration leur
distribution
- la Directive "Télévision sans frontières"
- la Convention européenne sur la télévision
transfrontière
- la Convention européenne sur la coproduction
cinématographique.
A.
LA DIRECTIVE "TÉLÉVISION SANS FRONTIÈRES"
Chaque pays européen a transposé à sa manière les
principes fixés dans la Directive, relatifs au pays d'origine de
l'oeuvre, à l'entreprise de production et aux conditions de sa
production concernant notamment les auteurs du film et le personnel
employé.
En France, d'après l'article 6 du décret n° 90-66
modifié, un film coproduit sera reconnu comme film européen s'il
obtient un minimum de
14 points sur un total de 18
dans la liste
suivante :
Groupe
création auteur
- réalisation : 3 points
- scénario : 2 points
-
autres auteurs : 1 point
Groupe création acteur :
- premier rôle : 3 points
- deuxième rôle : 2 points
-
50 % des autres cachets de comédiens : 1 point
Groupe création technique et de tournage
-
image : 1 point
- son : 1 point
- montage : 1
point
- décoration : 1 point
- laboratoire, auditorium,
studio de prise de vue : 2 points.
B. LA CONVENTION EUROPÉENNE SUR LA COPRODUCTION CINÉMATOGRAPHIQUE
La
Convention européenne sur la coproduction cinématographique
s'inscrit dans le cadre de l'action du Conseil de l'Europe en faveur du
développement des coproductions multilatérales en Europe,
entreprise avec la création du Fonds EURIMAGES en 1988. Un film sera
reconnu comme film européen, dans le cadre de cette convention, s'il
obtient un minimum de
15 points sur un total de 19
dans la liste
suivante :
Groupe création auteur :
- Réalisateur : 3 points
- Scénariste : 3
points
- Compositeur : 1 point.
Groupe création acteur :
- Premier rôle : 3 points
- Deuxième rôle : 2
points
- Troisième rôle : 1 point.
(évalués selon le nombre de jours de tournage).
Groupe création technique et de tournage :
- Image : 1 point
- Son et mixage : 1 point
- Montage : 1
point
- Décors et costumes : 1 point
- Studio ou lieu de
tournage : 1 point
- Lieu de postproduction : 1 point.
C. LE PROGRAMME MEDIA
Le soutien
financier à la distribution accordé par le programme MEDIA de la
Commission européenne est soumis à un certain nombre de
conditions relatives à la production du film, en particulier un
pourcentage significatif des auteurs, interprètes et de l'équipe
technique doit être composé de ressortissants de pays parties au
programme MEDIA.
Leur participation est considérée comme significative lorsque le
film réunit un minimum de
10 points sur un total de 19
dans la
liste suivante :
Groupe créatif
Réalisateur : 3
Scénariste : 3
Compositeur : 1
Groupe interprètes
Premier rôle : 2
Second rôle : 2
Troisième rôle : 2
Groupe équipe technique
Directeur de la photographie : 1
Ingénieur du son : 1
Monteur : 1
Chef décorateur : 1
Lieu de tournage : 1
Laboratoire : 1
La
France est l'un des rares pays européens ayant réussi à
préserver un cinéma national face aux grosses productions
américaines
. Ce succès, emblématique de la très
française « exception culturelle », a
été obtenu par la combinaison d'un système
d'épargne forcée géré par l'Etat et de l'adossement
du cinéma sur les chaînes de télévisons, qu'elles
soient généralistes ou à péage.
Or, aujourd'hui, ces deux éléments sont remis en
cause
; le rôle des télévisions est
contesté pour des raisons tant culturelles qu'économiques au
moment où, sur le plan financier, il est rendu problématique par
suite des difficultés de Canal + ; la tuyauterie
budgétaire du « compte de soutien », apparaît
fragilisée par suite du succès même du cinéma
français et des critiques de Bruxelles.
A l'issue de leur enquête, les rapporteurs spéciaux de la
commission des finances estiment que, s'il convient de consolider
l'alimentation financière du système, notamment par
l'aménagement de la taxe sur les DVD, il faut d'emblée marquer
les limites d'une telle politique et envisager une évolution d'un
mécanisme qui a atteint ses limites.
Dans la perspective d'une nécessaire refondation du système, il
convient de ne plus considérer comme tabous certains sujets sensibles,
tels une plus grande sélectivité dans certaines catégories
d'aides, l'encadrement des possibilités d'affectation du soutien
financier aux rémunérations élevées, le
plafonnement, si ce n'est du nombre total de films, du moins du nombre de films
aidés, voire les questions de concurrence exacerbées par
l'accentuation de l'intégration verticale.