Ø LA MONTÉE EN PUISSANCE DES ZINZINS

Des acteurs centraux de la globalisation financière . L'une des évolutions centrales de l'architecture financière internationale des deux dernières décennies est sans doute l'émergence de marchés de capitaux de plus en plus intégrés au niveau global : la fameuse globalisation financière. Ces marchés internationaux sont devenus la source centrale de financement des entreprises - ce qu'on peut appeler la « marchéisation » du financement - et le canal privilégié des flux internationaux d'investissement qui s'inscrivent eux-mêmes en accélération tendancielle.

En parallèle de la globalisation, on peut observer un changement important de la nature de l'intermédiation financière 69 ( * ) . D'une structure longtemps largement dominée par le secteur bancaire, les 20 années ont été le théâtre d'une concentration croissante de la détention d`actifs financiers dans les mains des « investisseurs institutionnels ». Du coup, les investisseurs institutionnels sont aussi devenus des acteurs importants dans l'évolution des marchés financiers aux niveaux domestique et international. Leur stratégies de placement, leur modes d'évaluation des actifs financiers, leurs innovations techniques, leurs perceptions de la conjoncture économique et politique etc. ont des influences décisives sur l'évolution du système financier, et de l'économie au sens large.

Graphique 1 - L'envolée des zinzins : encours sous gestion institutionnelle

Un poids central dans la gestion de l'épargne des ménages . En outre, le patrimoine financier des ménages est en train d'être de plus en plus « institutionnalisé », c.-à.d. parmi les classes de placements financiers des ménages, l'épargne institutionnelle (placements dans des fonds pension, assurance-vie et OPCVM) a augmenté tandis que les dépôts bancaires diminuaient d'autant. Les investisseurs institutionnels sont donc de plus en plus responsables pour la gestion quotidienne d'une part croissante du patrimoine financier des ménages.

80% des transactions boursières entre leur mains. Afin de fournir une première idée de l'importance des zinzins quelques chiffres clef sont utiles. Selon l'OCDE, le montant total d'actifs financiers sous gestion institutionnelle dans les Etats membres a augmenté fortement, pour atteindre (en montant absolu) environ 118% du PIB mondial en 1999. En conséquence du niveau des actifs gérés, le poids des investisseurs institutionnels dans les transactions sur les marchés de capitaux a logiquement augmenté. On estime que les investisseurs institutionnels sont responsables pour environ 80% des transactions boursières. Face à un tel poids il semble difficile d'aller à contre courant, c.-à.d. de faire des « paris » d'investissement opposés à ceux de ces grands organismes d'investissement. En d'autres termes, les investisseurs institutionnels bénéficient d'une concentration du pouvoir financier impressionnante. Nous étudions ce point, et les conséquences potentielles des comportements mimétiques des zinzins plus en détail dans la section 1.2.4. du chapitre 2.

O L'EXEMPLE DES OPCVM :
UN DÉCOLLAGE IMPRESSIONNANT EN EUROPE

Si au niveau global l'évolution des actifs sous gestion institutionnelle est impressionnante, au cours de la décennie récente l'exemple européen est encore plus frappant, surtout si on regarde d'abord les Organismes de placements collectifs en valeurs mobilières (OPCVM) auxquels on se réfère souvent sous la terminologie de « fonds d'investissement ». Tout au long des années 1990, le développement des OPCVM en Europe a été très rapide. Les actifs financiers sous gestion par des OPCVM ont augmenté de 814 milliards d'euros en 1992 à 3586 milliards fin 2001, ce qu'implique un taux de croissance annuelle moyen de 18% ! Pour donner une idée plus précise de la taille de ces fonds, fin 2001 les actifs gérés par des OPCVM représentaient 53% du PIB de la zone euro (après l'élargissement à la Grèce).

L'accès à l'expertise boursière pour les ménages . Une autre observation qu'on peut faire ici est que la montée rapide des OPCVM est certainement un reflet de l' intérêt croissant des ménages pour des véhicules d'épargne et d'investissement de rendement potentiellement plus haut à court terme que les produits bancaires traditionnels 70 ( * ) . Grâce à une longue phase haussière des marchés boursiers en Europe et Etats-Unis pendant les années 1990, l'industrie des OPCVM a offert aux ménages l'opportunité de lier leur épargne plus étroitement aux évolutions des marchés financiers.

Graphique 2 - Europe : L'évolution des actifs gérés par des OPCVM

Portés par l'envolée boursière . En général, l'évolution des encours d'OPCVM est le reflet des deux composantes principales ; les flux nets vers ces fonds (les achats des parts moins les ventes) et les revalorisations des prix de marché des titres détenus. Même si les flux nets vers les OPCVM on été soutenus sur la période 1997-2000, c'est plutôt l'envolée de la valeur des titres mobiliers qui a fait accélérer la croissance des encours totaux. On estime qu'environ 60% de la croissance des encours sous gestion entre 1997 et 2000 est attribuable aux valorisations boursières. Après l'éclatement de la bulle boursière depuis mars 2000, l'année 2001 fut une année de stagnation des encours d'actifs. Les fonds gérés ont commencé à diminuer au premier semestre de 2002.

* 69 Par « nature d'intermédiation » on entend ici la gamme d'institutions et d'organismes financiers qui agissent comme des « apporteurs » de l'épargne aux marchés financiers et qui gèrent les risques liés aux investissements et crédits.

* 70 On verra plus en avant que les principaux détenteurs des OPCVM en Europe et aux Etats-Unis sont les ménages( cad au sens de la comptabilité nationale, le secteur 14).

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