N° 385

SÉNAT

SESSION EXTRAORDINAIRE DE 2002-2003

Annexe au procès-verbal de la séance du 7 juillet 2003

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la commission des Affaires économiques et du Plan (1) à la suite d'une mission effectuée en Iran du 15 au 18 avril 2003 par une délégation de la commission des Affaires économiques et du Plan,

Par MM. Gérard LARCHER, Gérard CÉSAR, Michel BÉCOT, Philippe ARNAUD et Daniel REINER,

Sénateurs.

(1) Cette commission est composée de : M. Gérard Larcher, président ; MM. Jean-Paul Emorine, Marcel Deneux, Gérard César, Pierre Hérisson, Bernard Piras, Mme Odette Terrade, vice-présidents ; MM. Bernard Joly, Jean-Paul Émin, Patrick Lassourd, Jean-Marc Pastor, secrétaires ; MM. Jean-Paul Alduy, Pierre André, Philippe Arnaud, Gérard Bailly, Bernard Barraux, Mme Marie-France Beaufils, MM. Michel Bécot, Jean-Pierre Bel, Jacques Bellanger, Jean Besson, Claude Biwer, Jean Bizet, Jean Boyer, Mme Yolande Boyer, MM. Dominique Braye, Marcel-Pierre Cleach, Yves Coquelle, Gérard Cornu, Roland Courtaud, Philippe Darniche, Gérard Delfau, Rodolphe Désiré, Yves Détraigne, Mme Evelyne Didier, MM. Michel Doublet, Bernard Dussaut, André Ferrand, Hilaire Flandre, François Fortassin, Alain Fouché, Christian Gaudin, Mme Gisèle Gautier, MM. Alain Gérard, François Gerbaud, Charles Ginésy, Francis Grignon, Louis Grillot, Georges Gruillot, Charles Guené, Mme Odette Herviaux, MM. Alain Journet, Joseph Kergueris, Gérard Le Cam, Jean-François Le Grand, André Lejeune, Philippe Leroy, Jean-Yves Mano, Max Marest, Jean Louis Masson, René Monory, Paul Natali, Jean Pépin, Daniel Percheron, Ladislas Poniatowski, Daniel Raoul, Paul Raoult, Daniel Reiner, Charles Revet, Henri Revol, Roger Rinchet, Claude Saunier, Bruno Sido, Daniel Soulage, Michel Teston, Pierre-Yvon Trémel, André Trillard, Jean-Pierre Vial.

Moyen-Orient.

« La jeunesse ressent un plaisir incroyable
lorsqu'on commence à se fier à elle »

Fénelon

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

A l'invitation du président de la commission des affaires économiques du Madjlis, le Parlement iranien, une mission de la Commission des Affaires économiques s'est rendue en Iran du 15 au 18 avril 2003. La délégation, présidée par M. Gérard Larcher, président, était composée de MM. Gérard César, Michel Bécot, Philippe Arnaud et Daniel Reiner.

Cette invitation entrait dans le cadre de la coopération inter-parlementaire et avait pour ambition de renforcer les échanges bilatéraux entre la France et l'Iran.

Elle est cependant intervenue dans le cadre d'un contexte géopolitique tendu. En effet, la délégation s'est rendue en Iran quelques jours après la fin de l'intervention anglo-américaine en Irak. L'Iran, classé dans « l'axe du mal » par les autorités américaines, est géographiquement et diplomatiquement isolé et tente de briser cet isolement en multipliant les échanges bilatéraux, avec les pays européens notamment.

S'agissant du déroulement de la mission, la délégation tient à souligner qu'elle a reçu un accueil d'une qualité exceptionnelle. Cette qualité, qui fait écho à la célèbre tradition d'hospitalité du peuple perse, a constitué, à ses yeux, un signal à l'égard de la France.

Les entretiens ont également été d'une grande qualité et ont permis d'approfondir un grand nombre de dossiers, économiques essentiellement. La délégation a été reçue par M. Seyyed Mohammad Hossein Adeli, vice-ministre pour les affaires étrangères chargé des affaires économiques, et par M. Tahmasb Mazaheri, ministre de l'économie et des finances.

La délégation a par ailleurs mené des entretiens avec de nombreux responsables du Parlement iranien, notamment M. Elias Hazrati, président du groupe d'amitié Iran-France du Madjlis, M. Réza Abdollahi, président de la Commission des affaires économiques, ainsi que le premier vice-président du Parlement, M. Mohammed Reza Khatami, frère du président de la République, qui est également le secrétaire général du courant réformateur, le groupe majoritaire.

Au cours de son déplacement, la délégation s'est également rendue à Ispahan, troisième ville du pays de par sa population, qui est une métropole en plein développement économique. La délégation a notamment visité le chantier du métro, projet très ambitieux, et le patrimoine culturel et architectural de ce joyau de l'ancienne Perse.

Elle a enfin rencontré le Gouverneur de la Province, M. Seyyed Mahmoud Hosseini, ainsi que M. Abarrouii, directeur général chargé de la politique et de la sécurité.

*

* *

Les membres de la délégation tiennent à adresser leurs vifs remerciements à M. François Nicoullaud, ambassadeur de France en Iran, ainsi qu'à l'ensemble de ses collaborateurs, pour la qualité des programmes préparés à leur intention et pour la disponibilité dont ils ont fait preuve à son égard tout au long du séjour.

*

* *

Au cours de sa réunion du 2 juillet, la Commission, examinant le rapport d'information réalisé par M. Gérard Larcher, président, a décidé à l'unanimité, sur sa proposition, de publier le rapport le 9 juillet, date anniversaire de la répression des manifestations étudiantes à Téhéran de juillet 1999, en signe de solidarité avec les valeurs de liberté qu'elles exprimaient.

I. LA SITUATION POLITIQUE INTERNATIONALE

A. UN CONTEXTE GEOPOLITIQUE TENDU

La délégation s'est rendue en Iran dans un contexte politique international tendu, quelques jours après la fin de l'intervention anglo-américaine en Irak. Elle tient tout d'abord à noter que la position prise par la France sur ce conflit a été particulièrement appréciée par les autorités iraniennes, et les interlocuteurs rencontrés au cours de la mission ont multiplié les témoignages en ce sens. Il convient toutefois de relever que, même si l'Iran n'était pas favorable à cette intervention, ses autorités sont restées en retrait des événements.

Malgré cette position de principe, liée à une opposition à la stratégie interventionniste américaine, l'Iran est satisfaite de la chute du régime politique de Bagdad. A cet égard, il est vrai que le souvenir du conflit militaire ayant opposé l'Iran et l'Irak est encore très prégnant dans la population.

1. Un isolement diplomatique

La délégation a nettement perçu de la part des autorités iraniennes un certain sentiment d'isolement diplomatique. Et, force est de constater que l'attitude des Etats-Unis à l'égard de l'Iran, en particulier après le discours sur l'état de l'Union 1 ( * ) du 29 janvier 2002 du président des Etats-Unis, qui a classé le pays dans « l'axe du mal », constitue l'une des sources de cet état de fait.

Parallèlement, les Etats-Unis soumettent l'Iran, depuis le vote par le Congrès de l'« Iran and Libya Sanctions Act » (ILSA) en juillet 1996 -dite loi d'Amato- à un isolement économique partiel. Ce texte pris sur le fondement d'accusations d'encouragement au terrorisme, de participation à la prolifération d'armes de destruction massive et d'opposition au processus de paix au Proche-Orient, prévoit des sanctions envers quiconque déciderait de procéder, dans ce pays, à des investissements dans le domaine pétrolier dépassant 40 millions de dollars (plafond actuellement réduit à 20 millions de dollars).

La loi d'Amato vise ainsi les compagnies non américaines et, si les Etats-Unis ont cherché à en imposer une application extra-territoriale, elle n'a jamais été reconnue par les pays européens. Avant le vote de cette loi, Conoco, visé par un « executive order » de l'administration américaine du 15 mars 1995, avait dû renoncer à la compétition qui l'opposait à Total sur un contrat pétrolier iranien. L'ILSA a été reconduit en août 2001 pour une période de cinq ans, et l'executive order l'a été, comme chaque année, en mars 2003.

En outre, le nouveau contexte géopolitique de la région ne fait que renforcer ce sentiment d'isolement car l'Iran est désormais géographiquement entourée par des pays qui sont directement contrôlés par les Etats-Unis (l'Afghanistan à l'est, l'Irak à l'ouest) ou sous forte influence américaine (Turquie, Pakistan, Turkménistan, Azerbaïdjan).

2. L'Iran sous contrôle ?

Dans ce contexte, l'Iran pourrait craindre d'être le prochain objectif des Américains. Les dirigeants du pays s'attachent, en conséquence, à compenser cette position diplomatique inconfortable en nouant ou en renforçant des contacts bilatéraux avec un certain nombre de pays européens. La pression internationale sur l'Iran a d'ailleurs cru avec les négociations menées sous l'égide de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) et le refus de Téhéran d'autoriser des inspections inopinées et poussées de ses sites nucléaires.

En effet, l'Iran, soupçonné de développer l'arme nucléaire par certains pays, au nombre desquels les Etats-Unis, réfute ces accusations et affirme que son programme nucléaire a pour seul objectif de mettre en service des centrales électriques.

3. Un rapprochement diplomatique Union européenne-Iran progressif

Un rapprochement diplomatique s'est opéré progressivement entre l'Union européenne et l'Iran depuis 1992, malgré la crise dite des ambassadeurs. Le 10 avril 1997, un tribunal de Berlin mettait en cause l'Iran « au plus haut sommet de l'Etat » dans l'assassinat de quatre opposants kurdes iraniens dans cette ville plusieurs années auparavant. L'Allemagne, imitée par les autres pays de l'Union européenne, a alors décidé de rappeler son ambassadeur et de suspendre sa participation au dialogue critique engagé avec Téhéran. Les relations diplomatiques ne se sont ensuite rétablies qu'au début de l'année 1998.

L'Iran souhaite renforcer sa coopération avec l'Union européenne. Des groupes de travail ont été mis en place dans plusieurs domaines (transports, énergie, stupéfiants, commerce et investissements) et un dialogue spécifique a été ouvert sur les droits de l'homme afin d'engager des coopérations concrètes et de parvenir à des résultats sur le terrain. En outre, à l'initiative de la présidence française, le Conseil des Ministres des affaires étrangères du 20 novembre 2000 a demandé à la Commission européenne de lui présenter un mandat de négociation en vue d'un accord de commerce et de coopération avec l'Iran.

Les négociations se sont ainsi ouvertes le 12 décembre 2002 et doivent maintenant se poursuivre à un rythme régulier. Ces négociations demeurent néanmoins marquées par une préoccupation constante à l'égard de la situation des droits de l'homme, de la prolifération nucléaire et de l'attitude iranienne face au problème des tensions israélo-palestiniennes. En conséquence, les Etats membres ont décidé que les progrès des négociations seraient liés à ceux du dialogue politique et conditionnent la conclusion d'un accord de commerce à celle d'un accord politique.

* 1 « L'Iran s'emploie activement à fabriquer de telles armes [de destructions massives] et exporte le terrorisme tandis qu'une minorité non élue étouffe l'espoir de liberté du peuple iranien. (...) De tels États constituent, avec leurs alliés terroristes, un axe maléfique et s'arment pour menacer la paix mondiale. »

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