N° 428

SÉNAT

SESSION EXTRAORDINAIRE DE 2002-2003

Rattaché pour ordre au procès-verbal de la séance du 24 juillet 2003

Enregistré à la Présidence du Sénat le 1er septembre 2003

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom des délégués élus par le Sénat (1), sur les travaux de la délégation française à l' Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe au cours de la troisième partie de la session ordinaire de 2003 de cette Assemblée, adressé à M. le Président du Sénat, en application de l'article 108 du Règlement,

Par M. Jean-Pierre MASSERET,

Sénateur.

(1) Cette délégation est composée de : M. Marcel Debarge, Mme Josette Durrieu, MM. Francis Grignon, Jacques Legendre, Jean-François Le Grand, Philippe Nachbar, délégués titulaires ; MM. Jean-Guy Branger, Michel Dreyfus-Schmidt, Daniel Goulet, Jean-Pierre Masseret, Jean Louis Masson, Xavier Pintat, délégués suppléants.

Conseil de l'Europe.

Mesdames, Messieurs,

La troisième partie de session de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe s'est déroulée au moment où, à Bruxelles, progressaient les travaux d'élaboration de la Convention sur l'avenir de l'Europe. Les débats de l'Assemblée ont été marqués par l'urgence d'une prise de position sur la manière dont la Convention voyait la place du Conseil de l'Europe par rapport aux institutions renouvelées de l'Union européenne. Parallèlement, elle a poursuivi ses travaux sur des sujets variés, démontrant ainsi par l'exemple la spécificité de sa contribution à la construction politique de l'Europe. Parmi ces sujets, le plus sensible a été certainement l'examen par l'Assemblée des conditions de détention des prisonniers en Afghanistan et sur la base américaine de Guantanamo Bay.

Comme lors des sessions précédentes, la délégation française a tenu à être présente tout au long des débats, jusqu'au dernier jour ; selon la pratique habituelle l'état des interventions de ses membres figure dans les pages suivantes du présent rapport.

Par ailleurs, la délégation a poursuivi ses contacts avec d'autres délégations nationales.

INTRODUCTION

COMPOSITION DE LA DÉLÉGATION FRANÇAISE

La délégation parlementaire française aux Assemblées du Conseil de l'Europe et de l'UEO, identique, comprend vingt-quatre députés (douze titulaires, douze suppléants) et douze sénateurs (six titulaires, six suppléants) . L'Assemblée nationale renouvelle ses délégués après chaque élection législative générale et le Sénat après chaque renouvellement triennal. En outre, des remplacements peuvent intervenir entre ces dates, notamment pour cause de démission d'un délégué.

1. Représentants de l'Assemblée nationale

Renouvelée le 9 juillet 2002, la Délégation de l'Assemblée nationale est inchangée depuis, et se compose de :

Délégués titulaires (12) : MM. René ANDRÉ (Manche - UMP), Georges COLOMBIER (Isère - UMP), Francis DELATTRE (Val-d'Oise - UMP), Claude ÉVIN (Loire-Atlantique - Soc), Pierre GOLDBERG (Allier - C), Jean-Pierre KUCHEIDA (Pas-de-Calais - Soc), Jean-Marie LE GUEN (Paris - Soc), Jean-Claude MIGNON (Seine-et-Marne - UMP), Marc REYMANN (Bas-Rhin - UMP), François ROCHEBLOINE (Loire - UDF), André SCHNEIDER (Bas-Rhin - UMP), Bernard SCHREINER (Bas-Rhin - UMP).

Délégués suppléants (12) : MM. Alain COUSIN (Manche - UMP), André FLAJOLET (Pas-de-Calais - UMP), Jean-Marie GEVEAUX (Sarthe - UMP), Michel HUNAULT (Loire-Atlantique - UMP), Denis JACQUAT (Moselle - UMP), Armand JUNG (Bas-Rhin - Soc), Jean-Claude LEFORT (Val-de-Marne - C), Guy LENGAGNE (Pas-de-Calais - Soc), François LONCLE (Eure - Soc), Christian MÉNARD (Finistère - UMP), Gilbert MEYER (Haut-Rhin - UMP), Rudy SALLES (Alpes-Maritimes - UDF).

2. Représentants du Sénat

Également inchangée par rapport à sa composition en 2002, la Délégation du Sénat comprend :

Délégués titulaires (6) : M. Marcel DEBARGE (Seine-Saint-Denis - Soc), Mme Josette DURRIEU (Hautes-Pyrénées - Soc), MM. Francis GRIGNON (Bas-Rhin - UMP), Jacques LEGENDRE (Nord - UMP), Jean-François LE GRAND (Manche - UMP), Philippe NACHBAR (Meurthe-et-Moselle - UMP).

Délégués suppléants (6) : MM. Jean-Guy BRANGER (Charente-Maritime - UMP), Michel DREYFUS-SCHMIDT (Territoire de Belfort - Soc), Daniel GOULET (Orne - UMP), Jean-Pierre MASSERET (Moselle - Soc), Jean-Louis MASSON (Moselle - UMP), Xavier PINTAT (Gironde - UMP).

3. Bureau de la délégation

Renouvelé le 17 septembre 2002, le Bureau de la Délégation comprend 12 vice-présidents dont chacun a accepté de suivre plus particulièrement les travaux d'une commission thématique.

Il est ainsi composé :

Président : M. Jean-Claude MIGNON Député (UMP)

Président délégué : M. Jean-Pierre MASSERET Sénateur (Soc)

Vice-Présidents : M. Bernard SCHREINER Député (UMP)

M. René ANDRÉ Député (UMP)

M. Marcel DEBARGE Sénateur (Soc)

M. Michel DREYFUS-SCHMIDT Sénateur (Soc)

M. Claude ÉVIN Député (Soc)

M. Daniel GOULET Sénateur (UMP)

M. Francis GRIGNON Sénateur (UMP)

M. Denis JACQUAT Député (UMP)

M. Jacques LEGENDRE Sénateur (UMP)

M. François LONCLE Député (Soc)

M. François ROCHEBLOINE Député (UDF)

Membre associé : Mme Josette DURRIEU, en qualité

de Présidente de la Commission

de suivi Sénatrice (Soc)

4. Le Conseil de l'Europe en 2003

Le Conseil de l'Europe compte, depuis l'adhésion, le 3 avril 2003, de l'Union d'États de Serbie et Montenegro, 45 États membres pléniers.

La composition de son Assemblée n'a pas connu de modification depuis la description contenue dans le Rapport n° 362 du 24 juin 2003.

I. INFORMATIONS GÉNÉRALES SUR LE DEROULEMENT DE LA SESSION

A. LISTE DES RECOMMANDATIONS ET RÉSOLUTIONS ADOPTÉES



Titre

Rapport

Recommandation 1606

Zones où la Convention européenne des Droits de l'homme ne peut pas être appliquée

9730

Recommandation 1607

Activités de l'Organisation internationale pour les migrations

9814

Recommandation 1608

Colonisation par des colons turcs de la partie occupée de Chypre

9799

et Résolution 1333

Droits et libertés fondamentaux des Chypriotes Grecs et des Maronites vivant dans la partie nord de Chypre

9714

Recommandation 1609

Expériences positives des régions autonomes comme source d'inspiration dans la résolution de conflits en Europe

9824

et Résolution 1334

" "

9824

Recommandation 1610

Migrations liées à la traite des femmes et à la prostitution

9795

Recommandation 1611

Trafic d'organes en Europe

9822

Recommandation 1612

La situation des réfugiés palestiniens

9808

Recommandation 1613 (révisé)

Le Conseil de l'Europe et la Convention sur l'avenir de l'Europe

9846

Recommandation 1614

Environnement et droits de l'homme

9791

Résolution 1330

Agriculture et élargissement de l'Union européenne

9812

Résolution 1331

Les enjeux de l'agriculture méditerranéenne

9807

Résolution 1332

Contribution de la Banque européenne pour la Reconstruction et le Développement (BERD) au développement économique en Europe centrale et orientale

9825

Résolution 1335

Traitement préférentiel des minorités nationales par l'Etat-parent : le cas de la loi. hongroise du 19 juin 2001 concernant les Hongrois vivant dans les pays voisins (« Magyars »)

9744
rév

Résolution 1336

Menaces qui pèsent sur la Cour pénale internationale

9844

Résolution 1340

Droits des personnes détenues par les États-Unis en Afghanistan et sur la base de Guantanamo Bay

9817

Résolution 1341

Les politiques européennes du transport aérien : des choix cruciaux à une période critique

9823

B. INTERVENTIONS DES PARLEMENTAIRES FRANÇAIS

Séance du lundi 23 juin 2003, après-midi :


Observation des élections en Arménie

Rapport de M. Bernard Schreiner , au nom de la commission ad hoc du Bureau ;

Intervention de M. François Rochebloine, contre les critiques dont les élections ont fait l'objet.

Agriculture et élargissement

Les enjeux de l'agriculture méditerranéenne

Interventions de :

M. Daniel Goulet , sur les conditions d'une réforme équilibrée de la politique agricole commune ;

M. Michel Hunault , sur les conditions économiques et juridiques du maintien d'une agriculture européenne compétitive.

Zones de non-application de la Convention européenne des droits de l'Homme

Intervention de M. Jean-Pierre Kucheida , en faveur de la création d'un « défenseur européen » des droits de l'homme.

Séance du mardi 24 juin 2003, matin :



Contribution de la Banque européenne pour la recons-truction et le développement (BERD) au développement économique

Interventions de :

M. Jean-Pierre Masseret , sur le développement des action de la BERD dans le cadre d'une véritable coopération européenne ;

M. Jean-Pierre Kucheida , sur le recentrement des financements de projets par la BERD (politique des villes).

Discours de M. Rudolf Schuster, Président de la République slovaque

Questions de :

Mme Josette Durrieu , sur l'autonomie locale et la lutte contre la corruption ;

M. Jean-Claude Mignon , sur l'adapta-tion des structures judiciaires et de la procédure.

Séance du mardi 24 juin 2003, après-midi :


Activités de l'Organisation internationale pour les migrations

Interventions de :

M. Rudy Salles , pour l'intensification de la lutte contre les filières d'immigration clandestine ;

M. Jean-Guy Branger , sur les conditions d'une véritable politique de l'immigration.

Expériences positives des régions autonomes

Interventions de :

M. Jean-Claude Mignon , sur les distinctions nécessaires à établir entre l'Est et l'Ouest pour le traitement de la question des minorités ;

M. Bernard Schreiner , sur la nécessité de traiter la question des minorités selon une approche pragmatique.

Séance du mercredi 25 juin 2003, après-midi :


Les migrations liées à la traite des femmes et à la prostitution

Interventions de :

M. Marc Reymann , pour une action d'information préventive des femmes et une répression résolue des trafiquants ;

M. Jean-Claude Mignon , pour le développement de la coopération entre États européens, tant préventive que répressive ;

M. Rudy Salles , pour une politique d'éradication de l'immigration clandestine concertée entre Etats de départ et d'accueil ;

M. André Schneider , pour le renforcement de la répression des réseaux de proxénétisme dans les pays occidentaux.

Les trafics d'organes en Europe

Intervention de M. Jean-Marie Le Guen , pour la protection du vivant contre le risque de marchandisation.

Situation des réfugiés palestiniens

Intervention de M. François Rochebloine , sur la nécessité d'un règlement politique pour la solution du problème humanitaire.

Séance du jeudi 26 juin 2003, matin :


Le Conseil de l'Europe et la Convention sur l'avenir de l'Europe

Intervention de M. Jean-Claude Mignon , affirmant l'opportunité de l'action spécifique du Conseil dans l'Europe élargie.

Séance du jeudi 26 juin 2003, après-midi :


Prisonniers politiques en Azerbaïdjan

Intervention de M. François Rochebloine , sur l'ambiguïté de l'attitude politique générale du gouvernement azerbaïdjanais.

Droits des personnes détenues par les Etats-Unis en Afghanistan et sur la base de Guantanamo Bay

Intervention de M. Jean-Pierre Masseret , sur la nécessité d'appliquer à ces détenus les règles du procès équitable.

Séance du vendredi 27 juin 2003, matin :


Politiques européennes du transport aérien

Rapport de M. Jean-Pierre Masseret , concluant à la nécessité de développer les instruments de coordination du trafic aérien dans le ciel européen.

L'ensemble des documents et des débats de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe est consultable sur le site :

http://assembly.coe.int/

II. LES GRANDS DÉBATS DE LA SESSION

La coïncidence entre la tenue de la troisième partie de session de l'Assemblée parlementaire et la phase finale des travaux de la Convention pour l'avenir de l'Europe a rendu opportune l'organisation d'un débat d'urgence sur la place du Conseil de l'Europe dans les nouvelles structures institutionnelles européennes. L'examen de la situation des personnes détenues par les Etats-Unis en Afghanistan et sur la base de Guantanamo Bay a permis une nouvelle affirmation de la conception des droits de l'homme propre au Conseil de l'Europe.

A. L'AVENIR DU CONSEIL DE L'EUROPE DANS LA NOUVELLE ARCHITECTURE EUROPÉENNE

Le 13 juin 2003, la Convention pour l'avenir de l'Europe a adopté un projet de Constitution pour l'Union européenne élargie, présenté par son président, M. Valéry Giscard d'Estaing, au Conseil européen de Thessalonique le 20 juin suivant.

La commission des questions politiques a chargé M. Theodoros Pangalos, qui avait déjà présenté un rapport très fouillé sur la contribution du Conseil de l'Europe au processus d'élaboration de la Constitution européenne, d'établir, en vue d'un débat d'urgence de l'Assemblée parlementaire, un nouveau rapport faisant le bilan des travaux de la Convention concernant le Conseil.

Ce rapport dresse un état descriptif des initiatives prises par les divers organes du Conseil de l'Europe en direction de la Convention, et fait principalement le point sur deux questions: l'adhésion de l'Union européenne à la Convention européenne des droits de l'homme et les "relations spéciales" que l'Union sera appelée à établir avec le Conseil de l'Europe pour éviter, notamment, que l'élargissement ne se traduise, sur des frontières certes reculées, par l'établissement de nouvelles fractures.

Intervenant dans le débat sur le rapport et les propositions de résolution et de recommandation dont il est assorti, M. Jean-Claude Mignon s'est attaché, au nom de la délégation française, à mettre en valeur l'apport original du Conseil de l'Europe, qui doit conserver sa spécificité et son autonomie à l'égard du mécanisme d'intégration qu'est, par construction, l'Union européenne avant et après l'élargissement :

"Je tiens à féliciter notre collègue et ami, M. Theodoros Pangalos, pour la diligence avec laquelle il a mis en lumière les points du débat de la Convention pour l'avenir de l'Europe qui sont de première importance pour le Conseil de l'Europe, ses activités, son développement.

"Je ne m'attarderai pas sur ce qu'il nous dit de l'adhésion de l'Union européenne en tant que collectivité à la Convention européenne des Droits de l'Homme. Je suis d'accord avec lui pour penser qu'il faut lier cette adhésion à l'intégration de la charte des droits fondamentaux dans la Constitution européenne. Sinon personne n'y comprendra plus rien !

"Je voudrais surtout prolonger sa réflexion sur l'apport spécifique du Conseil de l'Europe et de son assemblée parlementaire à la construction européenne. Il me semble que cet apport sera d'autant plus efficace que l'on s'abstiendra de raisonner en termes de subordination d'une institution à une autre, entre la "grande Europe" du Conseil de l'Europe, et la "petite Europe" de l'Union européenne. Certaines formules du rapport me semblent, à ce sujet, prêter un peu à confusion. Cependant, cette dernière ne procède-t-elle pas davantage des conclusions de la Convention pour l'avenir de l'Europe que du souci de compromis du rapporteur ?

"En revanche, j'approuve pleinement la formule qui affirme que "le Conseil de l'Europe joue un rôle clé dans l'édification d'une Europe sans clivages, notamment par son travail normatif et ses divers mécanismes de suivi". Il peut d'autant plus jouer ce rôle que son activité n'est pas commandée par une logique d'intégration des systèmes politiques et juridiques, comme l'est, par construction, le système de l'Union européenne.

"Au nom de la délégation française, j'encourage les autorités responsables du Conseil de l'Europe à développer ses activités pour la conclusion de conventions-cadres et l'accompagnement des transitions démocratiques de manière autonome, quitte à ce que les relations institutionnelles nouvelles entre le Conseil et l'Union permettent une prise en compte plus rapide de ces deux types d'action dans les procédures communautaires.

"Nous soutiendrons, pour notre part, toutes les initiatives propres à renforcer le rôle unificateur du Conseil de l'Europe et sa capacité à engager entre Etats-membres les débats susceptibles d'améliorer la cohésion politique de l'ensemble européen.

"Le Conseil de l'Europe a cinquante-quatre ans. La Convention sur l'avenir de l'Europe constitue une chance pour la plus ancienne organisation paneuropéenne. Elle nous donne la possibilité d'un nouveau départ; elle nous offre une seconde chance ainsi que la reconnaissance de l'excellent travail accompli depuis 1949.

"Plus que jamais, nous devons être ici, à Strasbourg, dans cette enceinte, le moteur de la construction européenne et être ainsi fidèles à ce qui avait été souhaité par celles et ceux qui, en 1949, ont décidé la construction européenne."

La plupart des orateurs ont également affirmé que le Conseil de l'Europe conservait toute son utilité dans la nouvelle structure institutionnelle européenne et se sont réjouis de la clarification intervenue sur la place de la Convention européenne des droits de l'homme dans l'édifice normatif européen.

A l'issue de ce débat général l'Assemblée a adopté la résolution et la recommandation dont le texte suit :

Résolution n°1339

1. Pour la première fois de son histoire, l'Union européenne est sur le point de se doter de sa propre Constitution. Dans ce contexte, l'Assemblée parlementaire félicite les membres de la Convention sur l'avenir de l'Europe qui, après seize mois de travaux, sont parvenus à un accord sur un projet de traité instituant une Constitution pour l'Europe.

2. Ce projet, qui a été présenté officiellement par Valéry Giscard d'Estaing au Conseil européen de Thessalonique le 20 juin 2003, a été accueilli favorablement par les chefs d'Etat et de gouvernement de l'Union européenne. Il doit maintenant être examiné à la prochaine Conférence intergouvernementale (CIG) qui se réunira à partir d'octobre prochain et à qui il appartiendra d'entériner la version définitive de la Constitution. L'Assemblée espère que les chefs d'Etat et de gouvernement qui prendront la décision finale sur la Constitution se mettront d'accord pour assurer le plus grand respect du texte élaboré par la Convention .

3. Les travaux de la Convention ont été suivis avec la plus grande attention par le Conseil de l'Europe. Deux mémorandums du Secrétaire Général du Conseil de l'Europe ont ainsi été distribués en tant que documents de la Convention (CONV 157/02 et CONV 427/02). L'Assemblée, pour sa part, a adopté deux Résolutions ( 1290 (2002) et 1314 (2003) ), ainsi que deux Recommandations ( 1568 (2002) et 1578 (2002) ) relatives à la Convention.

4. Ces contributions, ainsi que les efforts de nombreux membres de la Convention, ont oeuvré en faveur de l'insertion dans le projet de Constitution, au sein de l'article I-7, d'une base légale autorisant l'Union européenne à adhérer à la Convention européenne des Droits de l'Homme (CEDH). L'Assemblée s'en félicite et considère que la formulation finalement retenue «l'Union s'emploie à adhérer à la CEDH» marque un engagement plus fort de l'Union européenne en faveur de cette adhésion mais qu'il convient cependant de demander à la CIG de soutenir cette formulation dans la version finale du texte.

5. L'Assemblée reste préoccupée par l'idée que l'incorporation sous une forme juridiquement contraignante de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne dans le projet de Constitution conduira à une dualité des normes en matière d'interprétation de la CEDH. Elle décide de soumettre ce motif d'inquiétude à la Commission européenne pour la démocratie par le droit (Commission de Venise) pour analyse et réponse prochaine.

6. L'Assemblée se félicite également de l'extension du champ d'application de la coopération avec le Conseil de l'Europe à tous les domaines d'activité relevant de la compétence de l'Union européenne dans le cadre de l'article III-224 du projet de Constitution, «Relations avec les organisations internationales et les pays tiers et délégations de l'Union», et du maintien de la référence au Conseil de l'Europe dans les sections consacrées respectivement à la culture et à l'éducation (articles III-176 et III-177).

7. L'Assemblée considère que l'approche de la Constitution concernant la question des régions en Europe demeure toujours incomplète, particulièrement en ce qui concerne la reconnaissance de l'existence et le rôle des régions avec des pouvoirs législatifs dans l'intégration européenne.

8. L'Assemblée regrette cependant que le projet de Constitution ne mentionne pas expressément le Conseil de l'Europe dans son article I-56 concernant «l'Union et son environnement proche», malgré les amendements présentés en ce sens par un certain nombre de membres de la Convention.

9. L'Assemblée rappelle en effet que le Conseil de l'Europe constitue une organisation paneuropéenne où les représentants de quarante-cinq Etats européens peuvent coopérer sur un pied d'égalité aux niveaux parlementaire, gouvernemental, local et régional, et qu'il joue un rôle clé dans l'édification d'une Europe sans clivages, notamment par son travail normatif (plus de 190 conventions) et ses divers mécanismes de suivi qui bénéficient au premier titre aux pays candidats à l'adhésion à l'Union européenne.

10. L'Assemblée note avec inquiétude que l'acquis communautaire risque d'être compromis dans certains domaines essentiels des droits de l'homme, malgré l'insertion envisagée de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne dans la partie II du projet de Constitution, comme proposé par la Convention. L'égalité entre les femmes et les hommes en particulier devrait demeurer un objectif prioritaire de l'Union européenne.

11. En conséquence, l'Assemblée demande aux États qui vont participer à la prochaine Conférence intergouvernementale :

i. d'apporter leur soutien à la formulation retenue par la Convention sur l'avenir de l'Europe dans le cadre de l'article I-7 de la Constitution: «l'Union européenne s'emploie à adhérer à la CEDH» ;

ii. de soumettre l'adhésion de l'Union européenne à la CEDH à la même majorité qualifiée que la conclusion d'autres accords internationaux ;

iii. de s'engager, au sein du Conseil de l'Europe, dans la préparation des instruments juridiques nécessaires à l'adhésion de l'Union européenne à la CEDH ;

iv. d'appuyer l'adhésion de l'Union européenne à la Convention culturelle européenne ;

v. de soutenir la proposition d'un paragraphe 3 à l'article I-56 formulé comme suit: «3. L'Union développe ces relations spéciales en recourant pleinement au Conseil de l'Europe et aux autres organisations internationales dont ces pays sont membres» ;

vi. d'inscrire dans la Constitution :

a. une référence à l'acquis conventionnel du Conseil de l'Europe qui a contribué à la mise en place d'un espace de liberté, de sécurité et de justice en Europe, qui est un objectif commun avec l'Union européenne ;

b. une référence à l'action du Conseil de l'Europe en matière de prévention des conflits et de consolidation de la paix, dans le cadre de sa politique étrangère et de sécurité commune ;

c. une référence à l'action du Conseil de l'Europe concernant le suivi des obligations et des engagements auxquels ont souscrit les États membres lors de leur adhésion, et qu'ils doivent remplir pour se conformer aux normes de l'Organisation en matière de démocratie, de droits de l'homme et de prééminence du droit.

12. L'Assemblée demande à son Président de transmettre la présente résolution aux gouvernements des États membres qui vont prendre part à la CIG, aux présidents du Conseil européen, de la Commission européenne et du Parlement européen, afin que les propositions de l'Assemblée puissent être prises en compte.

13. L'Assemblée enjoint aussi à son Président de transmettre la présente résolution aux présidents des parlements des États membres, en les invitant à soutenir les propositions de l'Assemblée visant à assurer une plus grande cohérence de la construction européenne sur tout le continent.

Recommandation n°1613

1. L'Assemblée parlementaire rappelle sa Résolution 1339 (2003) sur le Conseil de l'Europe et la Convention sur l'avenir de l'Europe.

2. L'Assemblée estime que le Comité des Ministres du Conseil de l'Europe devrait promouvoir fermement l'adhésion de l'Union européenne à la Convention européenne des Droits de l'Homme (CEDH) et, à cette fin, entamer dans les plus brefs délais des négociations avec les instances compétentes de l'Union européenne en vue d'élaborer les instruments juridiques pertinents permettant cette adhésion.

3. L'Assemblée considère qu'il serait souhaitable de renforcer la présence institutionnelle de l'Union européenne auprès du Conseil de l'Europe, ce qui assurerait une meilleure articulation entre les deux institutions.

4. En conséquence, l'Assemblée recommande au Comité des Ministres :

i. de promouvoir fermement l'adhésion de l'Union européenne à la CEDH et d'adresser clairement et dès que possible à l'Union européenne une invitation à adhérer à la CEDH et à ses protocoles, accompagnée d'une proposition pour entamer des négociations avec les instances compétentes de l'Union en vue d'élaborer les instruments juridiques permettant cette adhésion ;

ii. afin de préserver le principe d'une Europe sans clivages dans le domaine culturel, de faire le nécessaire pour que l'Union européenne devienne partie à la Convention culturelle européenne à une occasion appropriée, telle que le 50 e anniversaire de la convention en 2004 ou le prochain sommet du Conseil de l'Europe ;

iii. de préparer dans les meilleurs délais une résolution statutaire permettant à l'Union européenne de bénéficier d'un statut d'association auprès du Conseil de l'Europe ;

iv. d'adopter à sa prochaine réunion au niveau ministériel une déclaration sur la place du Conseil de l'Europe dans la construction européenne et de la transmettre à la Conférence intergouvernementale.

B. LES DROITS DES PERSONNES DÉTENUES PAR LES ETATS-UNIS EN AFGHANISTAN ET SUR LA BASE DE GUANTANAMO BAY

Au cours des opérations militaires de l'automne 2001 en Afghanistan, un certain nombre de personnes soupçonnées d'intelligence, soit avec les taliban, soit avec la mouvance terroriste d' Al Qaida , ont été interpellées par les forces américaines et placées en détention sous le contrôle de ces forces. Nombre de ces personnes ont été ensuite transférées sur le territoire de la base américaine de Guantanamo Bay, sur l'île de Cuba. Parmi elles se trouvent des ressortissants d'États membres du Conseil de l'Europe.

Le cadre juridique de l'incarcération de ces personnes, dont les modalités matérielles ont connu un retentissement médiatique certain, a suscité des critiques fondées sur la doctrine constante du Conseil de l'Europe pour la protection des droits de l'homme. M. Mac Namara, rapporteur de la commission des questions juridiques et des droits de l'homme, conclut au terme d'une analyse des conventions internationales souscrites par les Etats-Unis, et aussi en considération des principes fondamentaux du droit interne américain, à la non-conformité avec les unes comme avec les autres des conditions de détention des prisonniers des Américains en Afghanistan et à Guantanamo.

A l'exception d'un seul orateur, M. Libicki, parlementaire polonais, qui a invoqué l'existence de circonstances exceptionnelles, liées à l'agression terroriste, à l'appui de la pratique suivie en l'espèce par les Etats-Unis, les intervenants dans le débat ont davantage insisté sur la nécessité, ne serait-ce que pour l'exemple, de respecter scrupuleusement en pareil cas la norme de droit communément établie.

Pour sa part, M. Jean-Pierre Masseret a prononcé, au nom de la délégation française, l'intervention suivante :

« Notre débat ne doit pas être abordé uniquement sous l'angle juridique, je crois qu'il faut lui redonner toute sa dimension humaine sans laquelle il n'est pas de solution, fût-elle parfaitement fondée en droit.

« Je veux donc souligner d'emblée qu'il n'est pas question d'excuser les actes accomplis par les Talibans et leurs alliés. Pas question non plus d'ignorer les crimes perpétrés par Saddam Hussein: si les armes de destruction massive restent introuvables, les charniers, eux, sont bien réels.

« De même, il faut comprendre l'immense traumatisme qu'ont provoqué les attentats du 11 septembre 2001 pour les Américains. Nous devons absolument faire l'effort d'imaginer ce qu'aurait pu être pour chacune de nos nations une situation comme celle-là, avec la mort de milliers de personnes: employés des sociétés présentes dans les tours, sauveteurs et pompiers. Il convient donc d'abord de reconnaître le traumatisme subi et le caractère inacceptable, non seulement des actions terroristes, mais également de la complicité de quelques égarés venus de nos États européens.

« Ces sentiments exprimés à nos amis Américains nous permettent de leur dire en toute franchise qu'ils doivent se montrer à la hauteur de leur tradition juridique et organiser, conformément aux garanties du procès équitable, le jugement des actions commises. Premier État à se doter d'une Constitution écrite et d'une Déclaration des droits de l'Homme, les Etats-Unis se grandiraient à respecter les définitions juridiques et les garanties du statut de prisonnier de guerre de la troisième Convention de Genève.

« Déjà, les autorités américaines ont permis au Comité international de la Croix Rouge d'assister les prisonniers dans certaines de leurs démarches, notamment en ce qui concerne la correspondance avec leur famille. Toutefois ces mêmes autorités refusent toujours les visites des représentants consulaires des pays d'origine. Il y a également le cas des mineurs, sur lequel notre Rapporteur insiste à juste titre.

« Surtout, une totale incertitude plane sur des éléments essentiels du procès équitable: assistance d'un avocat, présentation à un juge, inculpation, assistance d'interprètes, garanties procédurales et constitution régulière du tribunal. Evidemment, pour nous Européens, la garantie essentielle tient à l'exclusion de réquisition de la peine de mort.

« Comment ne pas évoquer les "dommages collatéraux" immenses auxquels s'exposent les Américains en s'exemptant de toutes les normes du droit international? Ce respect des normes multilatérales ne signifierait nullement le laxisme dans la poursuite de crimes avérés. En revanche, il priverait d'arguments les manipulateurs qui prêchent la "victimisation" des musulmans. La propagande islamiste exploite évidemment un sentiment de déni de justice qui fait à son tour le lit des appels à la guerre sainte, c'est-à-dire à de nouveaux attentats terroristes.

« C'est parce que nous partageons l'engagement à combattre le terrorisme que nous devons exhorter les Américains à rejeter la tentation de l'unilatéralisme. Je crois particulièrement dangereuse leur attitude actuelle à l'égard de la Cour pénale internationale. Les pressions exercées pour que certains des États, notamment européens, signent des conventions bilatérales écartant la compétence de la Cour pénale internationale peuvent avoir des conséquences extrêmement négatives pour les Etats-Unis eux-mêmes.

« Le récent Sommet européen de Thessalonique a judicieusement renouvelé un appui sans réserve à la Cour pénale internationale. Nous avons nous-mêmes adopté une Résolution en ce sens hier dans l'intérêt même de la paix. Les Etats sollicités par les Américains doivent soutenir cet instrument juridictionnel sans lequel il n'y aura pas de réconciliation possible.

« C'est dans cet esprit que je m'associe à cet excellent rapport pour appeler les Américains au respect du droit international. »

L'Assemblée parlementaire a adopté une résolution conforme aux orientations proposées par son rapporteur, ainsi conçue :

Résolution n° 1340

1. L'Assemblée parlementaire :

i. note que, plusieurs mois après la fin du conflit armé international en Afghanistan, plus de 600 combattants et non-combattants, y compris des citoyens d'Etats membres du Conseil de l'Europe, sont peut-être encore détenus dans des établissements militaires américains - certains dans la zone de conflit afghane, d'autres ayant été transférés sur la base américaine de Guantánamo Bay (Cuba) et ailleurs, et que d'autres individus ont été arrêtés dans d'autres territoires et transférés sur ces installations ;

ii. note en outre qu'un certain nombre d'enfants sont détenus à Guantánamo Bay, y compris une poignée d'enfants entre 13 et 15 ans transférés de la base aérienne de Bagram en 2003, et un enfant canadien de 16 ans transféré à la fin de 2002 ;

iii. estime que les enfants ne devraient être détenus qu'en dernier recours et qu'ils doivent bénéficier d'une protection spécifique; que la détention continue de ces jeunes gens est une violation flagrante de la Convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant.

2. L'Assemblée est vivement préoccupée par les conditions de détention en tant que telles de ces personnes, qu'elle considère inacceptables, et elle estime que leur détention, sans que leur statut soit défini, est illégale.

3. Les Etats-Unis refusent de qualifier ces personnes de prisonniers de guerre, les considérant comme des combattants illégaux, une définition qui n'existe pas en droit international.

4. Les Etats-Unis refusent également d'autoriser qu'un tribunal compétent prenne une décision sur le statut des différents détenus comme le prévoit la Convention (III) de Genève relative au traitement des prisonniers de guerre, ce qui rend leur détention prolongée arbitraire.

5. Les Etats-Unis ne se sont pas acquittés de leur responsabilité au regard du droit international d'informer les détenus de leur droit de contacter leurs propres représentants consulaires ni de garantir aux détenus le droit de consulter un avocat.

6. Quelle que soit la protection prévue par la législation nationale, l'Assemblée rappelle au Gouvernement des Etats-Unis qu'il est responsable, en vertu du droit international, du bien-être des détenus placés sous son autorité.

7. L'Assemblée réitère son opposition constante à la peine de mort, menace qui pèse sur ces détenus à l'intérieur ou à l'extérieur des Etats-Unis.

8. L'Assemblée exprime sa désapprobation quant au fait que ces personnes détenues puissent être traduites devant une commission militaire, offrant un niveau de protection judiciaire différent de celui qui s'applique aux ressortissants américains, ce qui constitue une violation grave du droit à un procès équitable et un acte discriminatoire contraire au Pacte international relatif aux droits civils et politiques des Nations Unies.

9. Eu égard à ce qui précède, l'Assemblée prie instamment les Etats-Unis :

i. de mettre les conditions de détention en conformité avec les normes juridiques internationalement reconnues, par exemple en donnant accès au Comité international de la Croix-Rouge (CICR) et en suivant ses recommandations ;

ii. de reconnaître que, en vertu de l'article 4 de la Troisième Convention de Genève, les membres des forces armées d'une partie à un conflit international, de même que les membres de milices et de corps de volontaires faisant partie de ces forces armées, ont le droit de bénéficier du statut de prisonniers de guerre ;

iii. d'autoriser que le statut de chaque détenu soit déterminé au cas par cas par un tribunal compétent dans le respect des garanties prévues par l'article 5 de la Troisième Convention de Genève et de libérer immédiatement les non-combattants qui ne sont pas inculpés de crimes de guerre.

10. L'Assemblée exhorte les Etats-Unis à permettre aux représentants des Etats qui ont des ressortissants détenus en Afghanistan et à Guantánamo Bay, accompagnés d'observateurs indépendants, d'avoir accès aux sites de détention et de pouvoir communiquer sans entrave avec les détenus.

11. En outre, l'Assemblée exhorte les Etats membres du Conseil de l'Europe dont les ressortissants sont détenus en Afghanistan et sur la base de Guantánamo Bay ou ailleurs :

i. de les aider énergiquement par tous les moyens légaux et diplomatiques possibles ;

ii. de demander l'extradition des personnes menacées de peine de mort ;

iii. de demander à ce que toutes les autorités judiciaires compétentes s'engagent à ne pas requérir la peine de mort.

12. Enfin, l'Assemblée exprime son profond regret que les Etats-Unis manquent aux obligations qui leur incombent au titre de la Résolution statutaire (93) 26 du Comité des Ministres relative au statut d'observateur en tant que pays jouissant du statut d'observateur auprès du Conseil de l'Europe.

13. L'Assemblée regrette de plus que les Etats-Unis aient une position contradictoire en ce qui concerne Guantánamo Bay, considérée comme une enclave sous la pleine juridiction des Etats-Unis bien qu'elle ne soit pas couverte par la Constitution américaine. Elle se réserve le droit d'émettre des recommandations appropriées au cas où les Etats-Unis échoueraient à prendre les actions propres à remédier à la situation avant la prochaine partie de session de l'Assemblée ou à améliorer les conditions de détention.

C. LES PROGRÈS DE LA « GRANDE EUROPE »

Comme l'a montré le débat d'urgence sur les conclusions de la Convention pour l'avenir de l'Europe, l'élargissement de l'Union européenne et la force d'attraction que cet élargissement exerce sur les pays limitrophes du futur "territoire européen" élargi ont déjà amené et amèneront de plus en plus le Conseil de l'Europe et son Assemblée parlementaire à se préoccuper, selon la perspective qui leur est propre, de sujets formant par ailleurs l'actualité des débats communautaires.

Cette partie de la session 2003 a illustré immédiatement ce rapprochement à travers deux débats, l'un sur l'agriculture européenne, l'autre sur les trafics d'êtres humains liés à la prostitution.

1. L'agriculture européenne

Le débat sur l'agriculture européenne, tenu avec la participation de M. Franz Fischler, commissaire européen chargé de l'agriculture et de la pêche, portait sur deux thèmes distincts mais en discussion commune : l'agriculture et l'élargissement de l'Union européenne ; les enjeux de l'agriculture méditerranéenne. Il coïncidait avec les négociations sur la réforme de la politique agricole commune en cours à Bruxelles.

Deux membres de la délégation française, M. Daniel Goulet et M. Michel Hunault , sont intervenus. M. Goulet a rappelé que la politique agricole commune était un des fondements de la construction européenne et s'est interrogé sur la méthode choisie par la Commission européenne pour en préparer la réforme :

« On ne le dit pas assez, la politique agricole demeure la seule politique commune de l'Union, l'un des piliers essentiels sur lesquels s'édifie peu à peu notre continent européen, car ni la politique de défense, ni la politique de l'euro, et encore moins la politique étrangère, n'ont encore atteint ce stade d'achèvement: elles n'en sont qu'à leurs balbutiements et n'engendrent guère à ce jour de cohérence et de certitude, ni donc d'espérance.

« La politique agricole commune, telle que nous la pratiquons, est devenue pour nous tous un acquis sérieux, un bien si précieux que nous ne pouvons l'ignorer, et encore moins en dilapider tous les bienfaits. Pour sauvegarder encore ce qui peut l'être, et en m'adressant à vous, Monsieur Fischler, Commissaire européen, chargé de l'agriculture, du développement rural et de la pêche, je vous dis solennellement et très fortement : "prenez garde, monsieur le commissaire - prenons garde nous tous -, de ne pas prendre la responsabilité, sous prétexte de la réforme, de provoquer plus de désagréments et de déceptions qu'on ne pourrait le craindre. Les effets durables ne se mesurent pas toujours dans l'immédiat, mais ils sont le plus souvent dangereux et irréparables dans le long terme.

« S'il est vrai que nous devons repenser les règles du jeu pour une famille élargie, passée à vingt-cinq membres, et que de nouveaux principes d'organisation et de fonctionnement doivent être élaborés, les problèmes que nous pourrions connaître en agriculture se posent tout d'abord en termes de méthode.

« Alors, si l'heure de la réforme a sonné, adoptons, adoptons soit, mais pas à n'importe quel prix et pas n'importe comment. Mesurons bien tous les effets que pourrait avoir une démarche initiée dans la précipitation et sans toutes les garanties minimales nécessaires. Tentons de transformer cette méthode de "compromis" ou de "marchandage", puisque ce sont souvent les mots employés, en une véritable politique de confiance et surtout d'adhésion.

« Pour ce faire, il faut que les socioprofessionnels soient associés plus encore qu'ils ne l'ont été, même s'ils l'ont été, c'est vrai. Rien ne justifie que cette précipitation dans la méthode échappe aux organisations professionnelles qui devraient être des interlocuteurs privilégiés.

« Par ailleurs, la réforme d'un système sans évaluation, sans simulation préalable, est toujours vouée à l'échec. Le projet de découplage des aides, totales ou partielles, en est l'exemple le plus frappant. Il est assurément le ferment de la fracture économique et sociale entre les hommes et entre les territoires, image des incertitudes et du découragement d'une agriculture à deux vitesses.

« Le système proposé, monsieur le commissaire, risque de constituer les prémices d'une cascade de déceptions annoncées, non seulement pour l'agriculture française - bien sûr, car nous sommes tous des Européens - mais aussi pour l'agriculture d'un certain nombre de pays, pour leur ruralité et pour leur acheminement vers une Europe qui ne devrait pas être une Europe à deux vitesses, - voire davantage -, non seulement pour les agriculteurs d'aujourd'hui, qui jouent leur propre existence, mais surtout pour les générations futures.

« Savez-vous, monsieur le commissaire, qu'en 1998 mon département comptait 13 740 unités de production ; en 2000, ce nombre est tombé à 8 400. Depuis lors, il en disparaît 450 annuellement, soit une par commune et par an. Cette situation ne peut plus continuer. Ce n'est pas la peine de vanter les mérites de l'agriculture pour la voir péricliter ! Offrir aux pays adhérents un système juste et fiable est la seule garantie d'un équilibre entre les pays d'un même continent et l'assurance de la stabilité des peuples.

« Enfin, j'aimerais dire à notre commissaire, qu'avec ses experts, à Bruxelles, il a la chance d'avoir une agriculture diversifiée sur le territoire européen. Eh bien je l'invite à venir en Normandie pour voir ce qui s'y passe! Il serait peut-être à même de juger sur pièces ce que nous faisons et ce que nous attendons de lui. »

M. Hunault a souhaité que la réforme à venir ne mette pas en péril l'avenir d'une agriculture confrontée à de multiples et nouveaux défis.

« Les agriculteurs jouent un rôle essentiel en matière de sécurité alimentaire. Les productions ont atteint aujourd'hui un niveau de qualité sans précédent. Les efforts en matière de traçabilité de la filière agricole et donc alimentaire, les investissements très lourds en matière d'environnement en font aujourd'hui un secteur dynamique. Cependant, l'élargissement semble donner lieu à une révision inadmissible, dans ses orientations actuelles, de la politique agricole commune. En effet, il convient de replacer l'agriculture dans un contexte de concurrence mondiale. Il nous faut affirmer avec force la nécessité d'avoir une agriculture compétitive et durable, ce qui nécessite des soutiens financiers. La Pac doit avant tout avoir pour objectif de garantir le revenu des agriculteurs et d'assurer la pérennité d'une agriculture fondée sur un système d'exploitation familiale et responsable.

« L'agriculture européenne est confrontée à de formidables défis : l'aménagement de l'espace rural, le respect de l'environnement, la concurrence des produits émanant de pays qui ne sont pas soumis aux mêmes contraintes, de traçabilité ou environnementales, placent souvent les agriculteurs européens dans une situation difficile.

« Il nous faut aussi favoriser la transmission des exploitations agricoles et faciliter l'installation des jeunes. Un système de soutien financier aux productions agricoles doit garantir les prix de production et donc le revenu des agriculteurs : que ce soit le lait, la viande, les céréales ... de graves incertitudes sur les cours menacent des secteurs importants de l'agriculture et au-delà de l'industrie agro-alimentaire.

« Dans le cadre de ce débat, il me semble que s'il est légitime de mettre l'accent sur la nécessaire modernisation du secteur agricole dans les pays adhérents à l'Union européenne, il est aussi indispensable que par la voix de la délégation française soit réaffirmée avec force la défense des intérêts des agriculteurs français, une opposition très ferme à une réforme de la PAC qui menacerait leur revenu et leur avenir, c'est tout le sens de cette intervention.

« La résolution finalement votée sur l'agriculture et l'élargissement de l'Union européenne définit les orientations que, pour l'Assemblée parlementaire, devrait suivre la réforme de la politique agricole commune (soutien au développement durable en agriculture, plus grande sensibilité aux "signaux du marché"). La résolution sur les enjeux de l'agriculture méditerranéenne insiste sur les moyens de sauvegarder cette agriculture, indispensable à la cohésion des sociétés méditerranéennes, et la responsabilité de l'Union européenne dans le développement de la coopération avec les pays méditerranéens dans cette perspective. »

2. La lutte contre les trafics d'êtres humains liés à la prostitution

A nouveau la question de la circulation des personnes dans l'Europe d'après la chute de l'Union soviétique a nourri un débat, à partir du problème des trafics de prostitution en provenance de l'Est européen. Si le régime juridique de circulation et de transit des personnes a bien entendu été évoqué, c'est sur la disparité des situations économiques entre l'Est et l'Ouest de l'Europe, exerçant une forte puissance d'attraction sur des personnes vulnérables du fait de leur pauvreté, que se sont articulées les discussions.

Comment concilier la prise en compte de cette vulnérabilité, par un traitement humanitaire, et les exigences de la sécurité publique et de la répression de trafics odieux ? Ce fut la question dominante d'une séance au cours de laquelle sont intervenus MM. Marc Reymann , Jean-Claude Mignon , Rudy Salles et André Schneider .

M. Marc Reymann a estimé que seules deux méthodes possibles permettaient d'« endiguer la vague » d'immigration liée à la prostitution : « informer pour éviter le pire et réprimer ceux qui exploitent la naïveté et la pauvreté des intéressés. Eviter que les jeunes femmes ne quittent leur pays sur la base d'une fausse promesse est sans conteste le moyen le plus efficace de lutter contre la traite (...) » .

Se prononçant pour le développement de la coopération policière internationale, M. Reymann a rappelé le rôle prépondérant qu'y jouent Interpol et Europol.

« Instruments de coopération entre les services de police, Europol comme Interpol, sont amenés à développer des actions en collaboration avec leurs homologues des pays d'origine de la traite, ce qui peut s'avérer particulièrement délicat en l'absence d'une législation adaptée et d'organes de contrôle des données transmises.

« Pour couronner le tout, la coopération judiciaire européenne est à la traîne. Les divergences entre les régimes judiciaires des Etats membres, au-delà des questions d'harmonisation et des incriminations sont légion. Pays de droit latin ou pays de droit anglo-saxon, procédure pénale inquisitoire ou accusatoire, existence de magistrats chargés de l'action publique ou dévolution de ce rôle aux officiers de police: ce ne sont que quelques exemples. Ces nombreuses différences sont parfaitement connues et exploitées par les responsables des réseaux criminels en général et ceux de la traite en particulier.

« C'est l'Europe dans son intégralité et dans ses valeurs qui est concernée, menacée par le développement de la traite des êtres humains. C'est ainsi que plusieurs pays membres de l'Union ont, d'ores et déjà, pris des initiatives législatives en la matière, qu'il s'agisse de l'introduction d'incriminations spécifiques ou, ce qui est plus novateur, de l'élaboration d'un statut au profit des victimes de la traite leur ouvrant le droit, sous certaines conditions, au séjour sur leur territoire et à la protection. C'est ainsi que plusieurs pays européens parmi lesquels la Belgique, l'Italie et la France privilégient la protection des victimes sans négliger la nécessaire répression des filières de la traite des êtres humains. »

Reprenant le descriptif de la situation faite par le rapport, qu'il « approuve sans réserves », M. Reymann conclut :

« Si la traite des femmes ne semble pas, pour le moment, la priorité des gouvernements, il n'en demeure pas moins que toutes les campagnes d'information doivent se développer, que ce soit par les organisations non gouvernementales ou les Etats, à travers leurs ambassades ou consulats au moment de la délivrance des visas.

« Il est à souhaiter que les résolutions votées aboutissent enfin à une meilleure prise de conscience des Etats. Il y va, non seulement de la dignité des femmes, mais surtout de la crédibilité du travail de notre Assemblée. »

M. Jean-Claude Mignon rappelle que le renforcement de la répression est indispensable pour briser les filières d'une exploitation particulièrement scandaleuse.

« La question de la traite des femmes et de la prostitution est particulièrement sensible dans l'opinion française. D'abord, en raison du sentiment de révolte que l'on éprouve communément face à une situation d'exploitation dont le point de départ est, comme l'on rappelé les deux rapporteurs, la volonté de mieux vivre.

« Comme le disent à juste titre nos collègues, il ne s'agit pas de condamner ces femmes mais de mettre un terme aux situations qui ont engendré le développement de masse de la prostitution provenant d'Europe de l'Est.

« Dans cette tâche, nous, représentants des pays d'arrivée, devons prendre nos responsabilités d'abord, en renforçant très sévèrement la répression des trafiquants qui exploitent les réseaux de prostitution - des criminels! C'est d'ailleurs ce qu'a fait récemment notre gouvernement. Nous devons bannir, condamner toute complaisance à l'égard des entreprises de proxénétisme mais aussi à l'égard de leurs "clients". Ce mot ne me convient guère, je parlerais plutôt de "malades".

« Au sein de l'Union européenne, la traite des femmes relève des infractions de grande criminalité et sur ce plan, les États membres ont souhaité la coordination des procédures pénales à travers l'institution du mandat d'arrêt européen. Celui-ci fait partie de l'acquis communautaire: demain, il sera une réalité dans l'ordre juridique de plusieurs des pays d'où partent aujourd'hui les filières de prostitution.

« C'est dire que l'efficacité de la répression de ces filières exigera davantage de coopération, de volonté politique, de réponses conjointes des services de police et des juridictions des États de départ, de transit et d'arrivée des filières de prostitution. Or, dans cette enceinte, nous nous connaissons assez pour pouvoir dire qu'il y a beaucoup à faire dans ce domaine.

« Le présent débat ne suffira pas pour régler définitivement le problème : il devra être suivi d'effet. Le Conseil de l'Europe s'honorerait s'il pouvait contribuer à éliminer définitivement ce fléau. Oui à un traitement humain des femmes victimes de la prostitution ! Oui à une réflexion sur les causes sociales et économiques de leur exil volontaire ! A condition que ces deux préoccupations soient conjuguées avec une extrême fermeté à l'égard des trafiquants qui exploitent la détresse humaine !

« Nous ne devons pas nous satisfaire de ce débat. Un suivi devra être assuré. Il conviendra d'examiner quelles dispositions concrètes les quarante-cinq États membres du Conseil de l'Europe prendront à la suite de ce débat. »

M. Rudy Salles appelle également à une mobilisation de tous les États membres contre le proxénétisme international.

« Le développement en Europe des réseaux criminels de prostitution est un phénomène grave et inquiétant contre lequel les États européens se doivent de réagir avec fermeté.

« L'exploitation sexuelle des femmes et la nouvelle forme d'esclavage qui en découle sont tout à fait révoltantes et indignes de nos civilisations modernes.

« C'est pourquoi la lutte contre cette forme abjecte d'asservissement mérite une réelle implication de tous les États de ce Conseil et la mobilisation sans retenue de leurs administrations.

« En premier lieu, la coopération des pays européens où sont recrutées les jeunes filles constitue une condition indispensable au démantèlement des réseaux de prostitution.

« Ainsi qu'en atteste les conclusions du rapport de l'Assemblée Parlementaire du Conseil de l'Europe, les principaux pays d'origine de la prostitution sont les ex républiques soviétiques où la crise économique sévit le plus durement (Ukraine, Moldavie, Bulgarie).

« C'est dans ces pays, malheureusement, que les femmes, accablées par le chômage et de la misère, sont les proies les plus faciles pour ces gangs de la prostitution.

« Elles sont recrutées par le biais d'annonces fallacieuses leur promettant un travail lucratif et une vie prospère dans les pays réputés riches d'Europe.

« C'est pourquoi, il faudrait, dans un premier temps, que, dans ces pays, les autorités mettent en oeuvre des campagnes de sensibilisation et d'information destinées à mettre en garde les jeunes filles contre ces pièges tendus par des proxénètes peu scrupuleux.

« Il est nécessaire, en outre, que ces États se donnent les moyens juridiques et humains de s'opposer à ces mafias qui font du trafic des êtres humains un fond de commerce infâme.

« Il est, en effet, indispensable, que dans les pays d'origine de la prostitution comme dans les pays de transit (Roumanie), les proxénètes puissent être pénalement sanctionnés et que, pour ce faire, la traite des êtres humains soit érigée en infraction pénale.

« D'autre part, la mobilisation des services de polices des États concernés doit traduire une volonté politique forte de lutter contre ce phénomène et de rompre avec une attitude plus ou moins complaisante des autorités vis-à-vis des bandes mafieuses.

« Mais cette même volonté politique d'éradication des filières d'exploitation sexuelle des femmes doit aussi guider l'action des pays de destination de la prostitution.

« Parmi ceux-là, la France, consciente de l'ampleur du phénomène, s'est dotée depuis peu d'un arsenal répressif nouveau destiné à lutter contre la traite des femmes.

« L'esprit du nouveau dispositif vise surtout à faciliter le démantèlement des réseaux plutôt qu'à accabler les prostituées, considérées à juste titre comme les victimes de ce système.

« Ainsi, l'extension du délit de racolage, qui permettra une interpellation plus régulière des prostituées, répond à la nécessité d'obtenir de leur part des informations nécessaires à l'appréhension des proxénètes.

« Dans le même esprit, une carte de séjour peut aussi être accordée aux prostituées qui donneront des informations utiles au démantèlement des filières.

« En outre, les peines encourues par les proxénètes ont été aggravées et le délit de traite des êtres humains institué.

« Mais, ce n'est qu'un début, et il reste encore beaucoup à faire. C'est pourquoi il est aujourd'hui important que tous les États européens, sans exception, manifestent leur volonté de prendre le problème de la prostitution, et de la traite des femmes qu'elle implique, à bras le corps. Pour ce faire, la concertation, la coopération et l'harmonisation des moyens des États membres du Conseil de l'Europe doivent prévaloir.

« A cet effet, le rôle d'une institution telle que le Conseil de l'Europe qui compte en son sein, à la fois les pays d'origine, de transit et de destination de la prostitution, doit être primordial.

« Je souhaitais, en dernier lieu, revenir sur une des mesures du rapport de l'Assemblée Parlementaire du Conseil de l'Europe, destinée à lutter contre la traite des femmes :

« Cette mesure préconise de multiplier dans les pays de destination de la prostitution les opportunités de migration légale. »

M. André Schneider insiste, pour sa part, sur la responsabilité propre aux pays qui « accueillent » les réseaux de prostitution.

« En tant qu'élu strasbourgeois, je suis bien sûr particulièrement sensibilisé au grave sujet de notre débat. La prostitution d'origine est-européenne, dont se préoccupe le rapport présentement examiné, est un phénomène connu à Strasbourg. Le rassemblement des institutions européennes a attiré dans notre ville les trafiquants de main-d'oeuvre féminine et leurs malheureuses victimes et appelle des autorités de police une vigilance constante.

« En même temps, le choix que font ces trafiquants d'établir les bases de leur criminelle industrie à Strasbourg est éclairant pour le débat d'aujourd'hui. Il est symbolique d'une agression violente contre l'idée d'une Europe commune des libertés et des droits de l'homme. Il doit nous amener à une riposte commune fondée sur ces mêmes libertés et sur ces mêmes droits.

« Je ne pense pas qu'il soit sain et juste, comme le font parfois certains commentateurs, de mettre le poids de la responsabilité du phénomène de la prostitution est-européenne du seul côté des pays d'origine ou de transit. La plus élémentaire logique oblige à reconnaître que ce phénomène n'aurait pas l'ampleur que nous lui connaissons s'il n'existait pas dans les pays de destination réseaux d'accueil et clientèle.

« C'est pourquoi je pense que la nécessaire information préventive, la politique de rapatriement, la répression des réseaux de proxénétisme, qui sont recommandés dans le rapport, doivent trouver leur prolongement dans une politique plus répressive à l'égard des clients et des intermédiaires crapuleux qui sont les correspondants occidentaux des trafiquants d'Europe de l'Est.

« Il faut à la fois dissuader les candidates au départ qui ne cessent de grossir les réseaux de prostitution en Europe de l'Ouest, organiser véritablement les coopérations entre services de police pour la répression de ces réseaux, concevoir une politique humanitaire suffisante pour rendre aux femmes prostituées les moyens élémentaires d'une véritable indépendance et éviter tout ce qui pourrait faire naître chez certaines femmes d'Europe orientale l'illusion d'une vie facile au bout de l'exil.

« Je souhaite que le Conseil de l'Europe et son Assemblée parlementaire fassent tout leur possible pour se donner les moyens d'une réelle coopération contre des trafics d'autant plus répugnants qu'ils procurent, au prix de la souffrance de nombreuses femmes, des gains illicites à des criminels pour lesquels la notion d'humanitaire est vide de sens. »

III. LES ACTIVITÉS DE LA DÉLÉGATION FRANÇAISE

Parmi les activités de la délégation française au cours de la troisième partie de session, trois initiatives appellent une mention particulière :

- la participation de parlementaires français à la mission d'observation des élections législatives du 25 mai 2003 en Arménie ;

- l'initiative Strasbourg capitale européenne ;

- les rencontres internationales de la délégation.

A. LA PARTICIPATION DE PARLEMENTAIRES FRANÇAIS À L'OBSERVATION DES ÉLECTIONS LÉGISLATIVES ARMÉNIENNES

Le 25 mai 2003, des élections législatives générales étaient organisées en Arménie . Une mission d'observation conjointe du Conseil de l'Europe et de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe a été constituée à cette occasion. La commission ad hoc du Bureau qui constituait la partie de délégation de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe comportait plusieurs membres de la délégation française : Mme Josette Durrieu et MM. Jean-Claude Lefort , François Rochebloine et Bernard Schreiner .

La tâche de présenter à la session plénière de l'Assemblée parlementaire le rapport de la commission ad hoc , le lundi 23 juin, a été confiée à M. Bernard Schreiner .

Celui-ci a présenté les principales observations de la commission ad hoc sur les opérations électorales dans les termes suivants :

« Si, dans l'ensemble, la campagne électorale en Arménie et la procédure en tant que telle se sont améliorées depuis les élections présidentielles, des problèmes ont cependant surgi dès la clôture du scrutin, en dépit des promesses faites par les autorités arméniennes lors de la visite de la mission pré-électorale.

« C'est ainsi qu'à compter de la clôture du scrutin nous avons constaté, de même que les observateurs de l'Assemblée parlementaire de l'OSCE et de l'ODIHR, que les mêmes problèmes que ceux rencontrés lors des élections présidentielles se sont posés, à savoir falsification de procès-verbaux, débourrages et vols d'urnes et refus de donner aux observateurs des copies signées des procès-verbaux, ce qui est contraire au code électoral.

« Si, dans l'ensemble, la campagne a été menée dans le calme, la période pré-électorale a toutefois été marquée par des tensions dans certaines circonscriptions.

« Nous avons également constaté que peu d'efforts avaient été entrepris pour faciliter le vote des personnes handicapées, hospitalisées ou de celles qui ne peuvent quitter leur domicile. »

La commission ad hoc a proposé à l'Assemblée de ne pas ratifier immédiatement les pouvoirs de la nouvelle délégation arménienne.

Pour sa part, M. François Rochebloine , s'est exprimé contre les propositions de la commission ad hoc , en déclarant notamment :

« J'ai l'impression que l'on veut faire un exemple, mais un exemple de quoi et sur quels fondements? Pour prendre une telle décision, il faut d'abord que la méthode d'observation soit irréprochable. Or je la trouve sommaire à certains égards. Faire remplir des formulaires où il suffit de cocher une des cases préétablies peut conduire à des résultats statistiques impressionnants mais peu probants. En tirer ensuite, comme l'a fait l'émissaire de l'OSCE, l'ambassadeur américain Robert Barry, des conclusions définitives est inacceptable. En effet, dénoncer pêle-mêle et sans preuves la falsification des résultats, le bourrage des urnes, le vol de bulletins de vote et l'intimidation d'observateurs internationaux, relève de la pression politique pure et simple. Au demeurant, les Etats-Unis n'ont pas de leçons à donner en la matière. Chacun se souvient de leurs difficultés à déterminer le vainqueur des dernières élections présidentielles.

« Il est permis de se demander si nous avons observé les mêmes élections.

« Je redoute que la méthode expéditive de l'observation selon les usages de l'OSCE ne l'ait emporté sur la pratique habituelle de notre assemblée marquée, à juste titre, par une approche qualitative qui fait également droit aux évolutions positives comme elle dénonce les abus. De cette bonne pratique, au demeurant, les observations de Lord Russell-Johnston, auquel je veux rendre hommage, sont un nouveau témoignage.

« Certes, il a pu se produire quelques irrégularités dans la conduite des opérations électorales, mais n'oublions pas que l'Arménie est une jeune république qui n'a pas encore douze ans d'existence. Par ailleurs, j'ai le sentiment que ces abus sont en nette régression - c'est d'ailleurs ce qu'écrit notre rapporteur. L'annulation par les autorités arméniennes compétentes des opérations électorales dans trois districts est d'ailleurs la preuve qu'un contrôle effectif a été opéré. »

B. L'INITIATIVE "STRASBOURG CAPITALE EUROPÉENNE"

A l'heure d'un élargissement de l'Europe qui ne se réduit pas à son aspect institutionnel, le rôle de Strasbourg dans la circulation des hommes et des idées est tous les jours confirmé par les faits. Les retards pris dans l'amélioration de la desserte nationale et internationale de la ville n'en apparaissent que plus gênants. Soucieux d'apporter leur soutien aux efforts accomplis par tous les responsables intéressés pour permettre à la ville de Strasbourg de faire face aux obligations particulières que lui crée son statut de capitale européenne, M. Jean-Claude Mignon a déposé une proposition de résolution "Réaliser le potentiel de Strasbourg, capitale européenne" qui a reçu le soutien de cinquante-quatre parlementaires appartenant aux délégations de l'Allemagne, de l'Arménie, de l'Autriche, de la France, de l'Italie et de la Roumanie.

Le premier paragraphe de cette proposition de résolution (n°9854 du 15 juillet 2003) en définit la préoccupation :

« Strasbourg - qui accueille l'organisation paneuropéenne du Conseil de l'Europe et le Parlement européen - a besoin d'urgence de meilleures liaisons par avion et par train à grande vitesse avec les principales villes européennes si elle veut réaliser pleinement le potentiel qui est le sien en tant que capitale européenne. Il s'agit à la fois d'offrir un meilleur accès aux ministres, parlementaires et experts qui se rendent aux institutions européennes et de meilleurs services éducatifs et culturels afin d'attirer les personnes appelées à Strasbourg pour participer à la construction d'une Europe unie ».

La constitution, à l'initiative de Mme Noëlle Lenoir , d'un comité de pilotage chargé de consolider le rôle européen de Strasbourg (auquel participe M. François Loncle , vice-président de la délégation française), est une excellente initiative. La signature par le Premier ministre, le 1 er juillet 2003, d'un contrat triennal de 47,53 millions d'euros pour le développement de la vocation européenne de la ville, marque la réalité de l'engagement de l'État.

C. LES RELATIONS INTERNATIONALES DE LA DÉLÉGATION

La délégation française a poursuivi, à l'occasion de la troisième partie de session, ses contacts avec plusieurs délégations nationales à l'Assemblée parlementaire.

Elle a tout d'abord été reçue, à la résidence de son représentant permanent, par la délégation parlementaire de la Turquie , pour un déjeuner marqué par un climat de convivialité et de coopération.

Elle a reçu, à la résidence du représentant permanent français, les quatre délégations de la côte Est de la mer Baltique, l'Estonie , la Finlande , la Lettonie et la Lituanie , pour une rencontre qui se voulait une première prise de contact.

Enfin elle a reçu dans ses locaux, au Palais de l'Europe, la délégation d' invités spéciaux monégasques conduite par le nouveau président du Conseil national, M. Stéphane Valéri . La délégation monégasque a informé la délégation française de l'état de ses pourparlers avec la commission des questions juridiques de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe ; elle a indiqué que le rapporteur de cette commission subordonnait désormais le progrès de la procédure d'admission de Monaco au Conseil de l'Europe à une déclaration de la France manifestant la volonté de renégocier la convention bilatérale de 1930 d'où il résulte que l'emploi de ministre d'État de la Principauté et d'autres emplois publics de haute responsabilité sont occupés par des citoyens français. La délégation française a pris acte de ces informations, tout en rappelant que la responsabilité constitutionnelle de la conduite de négociations diplomatiques n'incombait pas au Parlement.

LES TRAVAUX DE LA DELEGATION FRANCAISE
A L'ASSEMBLÉE PARLEMENTAIRE DU CONSEIL DE L'EUROPE

Troisième partie de la session ordinaire de 2003

La troisième partie de la session de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe s'est tenue du 23 au 27 juin 2003, période où s'achevaient les travaux de la Convention sur l'avenir de l'Europe, amenant l'Assemblée à débattre de sa propre place vis-à-vis d'une Union européenne élargie et bientôt dotée d'un socle constitutionnel. Dans son rôle de gardienne des Droits de l'Homme, l'Assemblée, tout en appelant au renforcement de la compétence de la Cour pénale internationale, a également débattu du sort des prisonniers transférés d'Afghanistan et d'Irak dans la base américaine de Guantanamo Bay, ainsi que des trafics internationaux d'êtres humains.

Enfin, le développement du Continent a fait l'objet de réflexions à long terme, agriculture européenne et impact de la BERD.

Le présent rapport, outre un rappel des délibérations de l'Assemblée pendant cette partie de session, contient des informations sur les activités et les contacts de la délégation ainsi que les initiatives de certains de ses membres.

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