L'UTILISATION DE TABLEAUX DE BORD OPÉRATIONNELS : LA MULTITUDE D'INDICATEURS N'EST PAS TOUJOURS GAGE D'UN MANAGEMENT EFFICIENT

Le éléments observés sur le terrain

Un besoin légitime d'indicateurs sans discernement systématique

L'utilisation de tableaux de bord par les chefs de service est parfaitement légitime. Eux seuls peuvent lui donner une vision d'ensemble et statistique de l'activité dans sa circonscription.

Aussi peut-on constater, aussi bien du côté de la Police Nationale que de la Gendarmerie Nationale, que chaque chef de service construit ou fait construire de nombreux tableaux de bord qui lui sont totalement personnels. Au total, on estime à environ 20 à 30 le nombre de tableaux ainsi suivis dans chaque unité.

Comme on l'a compris, chaque niveau hiérarchique demande ses propres tableaux. Par un effet de boule de neige, la structure se situant en bas de cette hiérarchie doit alors réaliser un nombre souvent trop important de documents.

A la question « combien de tableaux et d'indicateurs devez-vous renseigner périodiquement pour votre hiérarchie », rares sont les chefs de service de police capables de répondre. Seul un commissariat de police a pu communiquer une liste exhaustive des documents qu'il devait envoyer au commissariat de district.

Exemple : Une liste non exhaustive des indicateurs utilisés peut être dressée pour une des directions départementale de la Sécurité Publique visitées :

§ évictions de nomades,

§ tableau de bord des campements des gens du voyage,

§ tableau de bord de la sécurité routière,

§ attestation d'accueil,

§ bilan d'activité mensuelle des commissariats centraux,

§ activité mensuelle par fonctionnaires,

§ rapport comparé de la délinquance,

§ évolution mensuelle de la délinquance et activité des services (faits constatés, taux de criminalité, faits constatés de voie publique, faits élucidés, taux d'élucidation, garde à vue, écroués...),

§ évolution mensuelle de la délinquance et de l'activité judiciaire.

Cette liste peut être mise en parallèle avec la liste des tableaux de bord suivi par le commissaire central d'un district situé dans la même direction départementale pour l'activité de son propre District :

§ relevé des infractions de délinquance de voie publique,

§ activité mensuelle du Service d'Investigation et de Recherche (SIR),

§ activité mensuelle du SIR par groupe,

§ résultats du premier trimestre pour les groupes FLAG, financier, enquêtes,

§ état comparatif du bilan d'activité mensuelle du SPP,

§ relevé des infractions de délinquance de voie publique,

§ tableau de la délinquance de voie publique,

§ suites judiciaires,

§ état des gardes à vue,

§ relevé des infractions de délinquance de voie publique,

§ relevé de la délinquance de voie publique par îlot.

Un temps de saisie et de consolidation trop important

Cette activité occupe souvent plusieurs personnes à temps plein. Dans chaque unité, un service statistique est chargé de saisir ces tableaux de bord. Ce personnel peut être purement administratif mais il est très fréquent que des agents de police ou des gendarmes assurent eux-mêmes ces tâches. Ces services sont par ailleurs toujours dirigés par un policier ou un gendarme. Certains prétendent que ces tâches de bureau peuvent constituer un travail opportun pour les gardiens ou gendarmes anciens peu désireux ou capables d'intervenir sur le terrain.

La durée de saisie de ces données est souvent très importante. Dans la plupart des commissariats visités, le service chargé d'enregistrer les Comptes Rendus d'Enquête (CRE) dans le STIC (qui alimente l'état 4001) peut occuper jusqu'à deux personnes à temps plein.

De plus, il n'est pas rare de voir des tableaux qui pourraient s'alimenter les uns avec les autres. Pour les renseigner, les agents procèdent toujours à des ressaisies et n'utilisent que très rarement les possibilités informatiques de type Excel.

Bien souvent, les tableaux de bord suivis par chaque chef à son niveau sont redondants avec celui tenu ou demandé par sa hiérarchie.

Exemple : la tenue des tableaux de présence au sein des unités de police urbaine de proximité est double, comme observé dans un commissariat de la Préfecture de Police. Ce tableau est tenu par le chef du service de la police urbaine de proximité ainsi que par le chef de l'unité de police de quartier visitée.

Une fiabilité et une utilité remise en question

Mais surtout, l'abondance de tableaux de bord finit par nuire au bon suivi de l'activité réelle des unités. En terme de management - a fortiori s'il est souhaité que des objectifs nationaux soient suivis - , la prolifération des tableaux différents finit par être contre-productive.

Surtout, la multiplication des indicateurs finit par tuer ces indicateurs. Devant la recrudescence de tableaux, chaque niveau formule certaines critiques sur les indicateurs demandés par sa hiérarchie.

Exemple : dans une direction départementale de la Sécurité Publique, le directeur a demandé une remontée systématique du Test d'Emploi des Policiers qui lui sert d'outil de management. Plusieurs des commissaires centraux rencontrés considèrent que cet indicateur est faux puisque mal renseigné. La légitimité des remarques formulées par le directeur s'en trouve alors diminuée dans la mesure où elles s'appuient sur cet indicateur.

Dans la Gendarmerie Nationale, la culture des tableaux de bords personnels est encore très forte, malgré l'appropriation de BB 2000 et l'utilisation répandue de l'Infocentre dans les groupements. Aussi, depuis la brigade territoriale jusqu'au groupement, les documents élaborés pour le suivi de l'activité sont concurrencés par les tableaux extraits de BB 2000. Il est ainsi possible de constater deux usages complètement opposés :

Exemple : un commandant de groupement rencontré tient à jour un grand nombre de tableaux provenant de son Infocentre. Le système ARAMIS est encore mis à contribution pour fournir des statistiques d'engagement des personnels très utiles : répartition géographique et horaire des appels 17, proportion d'appels ayant nécessité l'intervention de la patrouille...Utilisés au niveau du département, ces chiffres sont ensuite communiqués aux commandants de compagnie comme outil de suivi et d'orientation de l'activité des unités de terrain. D'autres tableaux sont toutefois réalisés par l'état-major, notamment un comparatif des effectifs et des statistiques de la délinquance pour chaque commune située en zone gendarmerie. Fait original : non content de tenir ce tableau pour suivre le travail de ses gendarmes, le commandant de groupement tient à le communiquer aux élus des communes concernées.

A l'inverse, certains responsables de gendarmerie préfèrent encore leurs propres indicateurs. L'un des arguments majeurs est que le manque de fiabilité des informations contenues dans BB 2000 oblige à se construire des indicateurs parallèles, plus fiables. Ainsi, dans une compagnie, plusieurs tableaux, jugés plus utiles et lisibles, sont actualisés.

Exemple : une liste non exhaustive des indicateurs utilisés pour suivre l'activité des brigades peut être dressée :

§ effectif journalier récapitulatif,

§ activité totale (activité + astreinte),

§ astreinte (simple + sous délai),

§ heures d'intervention,

§ nombre d'interventions,

§ enquêtes judiciaires,

§ surveillance générale.

Plus surprenant encore, on utilise les informations contenues dans BB 2000 pour alimenter un tableau Excel personnalisé de suivi mensuel sur les accidents. La fiabilité des indicateurs parallèles laisse alors dubitatif.

La saisie d'informations dans BB 2000 est parfois un facteur de mécontentement pour certains commandants de brigade, surtout pendant les périodes estivales très chargées. En effet, en intégrant l'activité des postes saisonniers (aux heures d'ouverture restreintes) dans BB 2000 on « casse » la moyenne mensuelle de la brigade pendant cette période d'intense activité pour les gendarmes.

Exemple : le rapport d'activité d'une des brigades présente une moyenne de 13,2 gendarmes par jour passant à 9,4 après intégration d'un poste saisonnier occupé par des personnels de renfort.

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