CHAPITRE PREMIER :

L'ETAT, FERMIER GÉNÉRAL DES COLLECTIVITÉS LOCALES

Le compte d'avances sur impôts locaux 903-54 est un compte spécial du Trésor qui constitue le support budgétaire du versement des « douzièmes provisoires » aux départements, régions, communes, à leurs établissements publics ainsi qu'à divers organismes comme les chambres consulaires. Son fonctionnement est régi par l'article 34 de la loi n° 77-574 du 7 juin 1977 portant diverses dispositions d'ordre économique et financier.

« Le compte d'avances découle logiquement du souci d'optimiser la gestion des fonds publics en assurant une communauté de gestion financière entre l'État et les collectivités territoriales. Pour ce faire, il y a en quelque sorte mise en commun de l'administration du Trésor public, chargée notamment de recouvrer les impôts directs de l'État et des collectivités décentralisées, de répartir les ressources entre les différents caisses conformément aux émissions d'impôts découlant des décisions budgétaires, enfin d'effectuer les avances nécessaires à la régulation de la trésorerie des collectivités, en dépit des à-coups des échéances fiscales 3 ( * ) ».

L'existence du compte d'avances découle ainsi d'un principe fondateur des relations de trésorerie entre État et collectivités locales qui consiste, pour le premier, à assurer à ces dernières l'assiette, le recouvrement et le contrôle de leurs recettes fiscales. Sur le plan financier, les dépenses du compte se sont élevées en 2002 à 56,2 milliards d'euros et ses recettes à 56,6 milliards d'euros. Le compte d'avances 903-54 représente ainsi 20,1 % des dépenses nettes du budget général et 24,6 % des recettes nettes du budget général. Le volume financier du compte d'avances excède largement celui de l'ensemble des autres comptes spéciaux du Trésor : il regroupe 67 % des recettes des comptes spéciaux du Trésor constatés en 2002 et 90 % des recettes des comptes d'avances.

Le sujet mérite une attention renouvelée en raison d'excédents récents mais répétés du solde du compte d'avances qui dérogent aux mécanismes de fonctionnement habituellement décrits. L'origine de ces excédents doit être mieux cernée pour tenter de prévoir avec plus de clarté quelle pourrait être l'évolution du compte en recettes et en dépenses dans les années à venir.

I. LES PRINCIPES DE FONCTIONNEMENT DU COMPTE D'AVANCES AUX COLLECTIVITÉS LOCALES

A. LES 45.000 BÉNÉFICIAIRES

Le nombre de bénéficiaires du compte d'avances 903-54 s'élève à plus de 45.000 . Ceux-ci bénéficient du versement chaque mois, par douzième, du montant des rôles émis l'année précédente, avant le vote du budget, puis du produit voté. Au cours de l'année, un ou plusieurs douzièmes peuvent être versés en anticipation sur le rythme normal si les fonds disponibles de la collectivité publiques sont momentanément insuffisants, sans que l'ensemble des versements effectués sur une année excède le montant des taxes et impositions de l'exercice. L'autorisation de versement anticipé est décidée par arrêté du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie

L'article 34 de la loi n° 77-574 du 7 juin 1977 portant diverses dispositions d'ordre économique et financier définit les personnes morales bénéficiaires. Il désigne d'abord directement les départements et les communes. Il vise ensuite les établissements publics locaux destinataires des taxes et impositions perçues par voie de rôle.

Ces « impôts et taxes perçues par voie de rôle » recouvrent les traditionnels impôts locaux (taxe foncière, taxe d'habitation taxe professionnelle, taxe d'enlèvement des ordures ménagères, taxe de balayage) ainsi que les taxes pour frais des chambres de métiers, de commerce et d'agriculture.

Le compte 903-54 verse ainsi des avances par douzièmes :

- aux communes et aux diverses structures intercommunales, aux départements et aux régions ;

- aux chambres consulaires.

En volume financier, la catégorie a une importance très limitée pour le compte d'avances.

Jusqu'en 1999, le compte 903-54 versait également des avances au titre de la taxe perçue au profit du budget annexe des prestations sociales agricoles (BAPSA).

B. LA STRUCTURE DU COMPTE D'AVANCES : UNE APPARENTE SIMPLICITÉ

En première approche, la structure du compte d'avances paraît très simple :

Débit

Crédit

Montant total des douzièmes versés

Produit effectivement recouvré des impôts directs locaux

Les recettes du compte d'avances sont avant tout constituées par le produit des impôts directs effectivement recouvrés sur les contribuables locaux. Toutefois, la structure des ressources est rendue moins lisible par l'intervention des dégrèvements et admissions en non-valeur . En effet, si tout euro d'impôt voté par les collectivités locales doit donner lieu à un recouvrement effectif, certaines situations peuvent donner lieu à dégrèvement ou admission en non-valeur. Le code général des impôts prévoit ainsi un certain nombre de dégrèvements 4 ( * ) pour raisons sociales, notamment dans le cas de la taxe d'habitation. Le contribuable peut être imposé à tort et être ainsi dégrevé par l'administration fiscale. Celle-ci peut aussi ne pas réussir à recouvrer l'ensemble des sommes dues par le contribuable...

Le compte d'avances n'est pas rendu déficitaire pour autant : l'Etat assume la compensation des dégrèvements et admissions en non-valeur vis à vis des collectivités locales. Il verse donc sur le compte d'avances, à partir du budget des charges communes, la différence entre produit voté et produit effectivement perçu en raison des dégrèvements et admissions en non-valeur.

Débit

Crédit

Montant total des douzièmes versés

=

Produit total voté au cours de l'exercice

Produit effectivement recouvré des impôts directs locaux ;

Compensation versée par le chapitre 15-01 du budget des charges communes du coût des dégrèvements et admissions en non valeur

Par contre, le compte d'avances peut souffrir d'un déséquilibre car le produit effectivement recouvré se compose de reliquats d'impositions des années précédentes et d'une fraction importante (84,13 % en 2002) des impositions de l'année en cours . La part des impositions de l'année est évidemment prépondérante en recettes : en 2002, elle représentait 83,62 % des recettes.

La structure du compte, en recettes, apparaît en définitive relativement complexe :

Débit

Crédit

Produit total voté au cours de l'exercice

Reliquats sur impôts directs locaux des exercices précédents ;

Produit recouvré des impôts directs locaux de l'exercice en cours ;

Compensation versée par le chapitre 15-01 du budget des charges communes du coût des dégrèvements et admissions en non valeur

Rien ne permet d'assurer a priori un équilibre entre débit et crédit : les recettes encaissées proviennent de plusieurs exercices successifs. Le produit voté pour chacun de ces exercices diffère sensiblement, puisque les 45.000 bénéficiaires du compte d'avances font évoluer leur fiscalité en fonction de leurs besoins, indépendamment les uns des autres. Il n'y a donc aucune raison pour que les recettes recouvrées coïncident avec le produit total voté pour l'exercice.

C'est en raison de cette autonomie des dépenses par rapport aux recettes effectives que le compte d'avances enregistre un effet de profil et un effet de solde.

Part de l'exercice courant en recettes par rapport au total de la gestion

(en millions d'euros)

 

1996

1997

1998

1999

2000

2001

2002

Total exercice courant

40 624

42 928

45 036

45 604

46 786

45 897

47 301

Total gestion

49 834

51 942

54 161

55 421

56 731

55 437

56 568

Part de l'exercice courant dans le total de la gestion

81,52 %

82,65 %

83,15 %

82,29 %

82,47 %

82,79 %

83,62 %

Décomposition des recettes par impôt et par exercice

(en millions d'euros)

En millions d'euros

Type d'impôt

1996

1997

1998

1999

2000

2001

2002

Exercice courant

Taxe d'habitation

 
 

9 849

10 139

10 626

10 041

10 698

Taxe foncière

15 955

16 593

17 065

17 422

18 579

Taxe professionnelle

19 232

18 872

19 095

18 434

18 024

Total exercice courant

40 624

42 928

45 036

45 604

46 786

45 897

47 301

Exercice précédent

Taxe d'habitation

 
 
 

650

717

671

600

Taxe foncière

 
 
 

527

533

595

721

Taxe professionnelle

 
 
 

6 698

6 819

6 545

6 250

Total exercice précédent

7 252

7 228

7 334

7 876

8 069

7 811

7 571

Exercices antérieurs

Total exercices antérieurs

1 958

1 787

1 790

1 940

1 876

1 729

1 696

Total gestion

 

49 834

51 942

54 161

55 421

56 731

55 437

56 568

C. LE MODE DE FONCTIONNEMENT DU COMPTE : EFFET DE PROFIL ET EFFET DE SOLDE

Le compte d'avances sur impôts locaux suscite une triple charge pour l'Etat :

- une charge budgétaire liée aux dégrèvements ordinaires et admissions en non-valeur ;

- une charge de trésorerie , découlant du décalage temporel entre les emplois du compte, étalés sur les douze mois de l'année, et ses ressources, survenant de manière beaucoup moins régulière ( « effet de profil ») ;

- une charge au statut hybride , entraînée par les déficits répétés subis par le compte en fin d'exercice entre 1978 et 1996 ( « effet de solde »).

1. L'effet de profil : la moitié des recettes recouvrées sur les trois derniers mois de l'année

a) Présentation de l'effet de profil

Avances aux collectivités locales et recouvrements des impôts directs locaux évoluent dans le courant de l'exercice selon un calendrier distinct. Les avances sont versées par douzième chaque mois. Les impôts directs locaux sont recouvrés, plutôt en fin d'année selon le tableau ci-dessous.

Date de recouvrement des impôts locaux

 

DATES (Métropole et DOM)

Rôles généraux

Mise en recouvrement

Majoration

Taxes Foncières

31 août

15 octobre

Taxe d'Habitation

1 ère émission

2 ème émission

1 ère émission

2 ème émission

30 septembre

31 octobre

15 novembre

15 décembre

Taxe sur les Logements Vacants

31 octobre

15 décembre

Taxe professionnelle

31 octobre

15 décembre

Le profil du compte d'avances pour l'année 2002 illustre le décalage entre recettes et dépenses :

Évolution mensuelle du compte d'avances des collectivités locales en 2002

(en millions d'euros)

En dépenses, la courbe des avances est évidemment très régulière. En recettes, la courbe est plus heurtée : seul le produit provenant des contribuables mensualisés est porté en crédit du compte entre janvier et mai. Au 15 juin est versé par les entreprises un acompte sur leur taxe professionnelle égal à 50 %, au-delà d'un montant de 3.000 euros. C'est seulement en fin d'année que le rythme de recouvrement des impôts locaux s'accélère. Plus de la moitié des recettes du compte sont recouvrées dans les trois derniers mois de l'année.

Évolution du solde entre avances et crédit sur le compte 903-54 en 2002

(en millions d'euros)

 

AVANCES

CREDIT

SOLDE

Janvier

4 407

1 678

-2 729

Février

8 883

3 063

-5 820

Mars

13 325

4 776

-8 549

Avril

17 774

5 700

-12 074

Mai

22 471

6 907

-15 564

Juin

27 122

15 505

-11 617

Juillet

31 789

17 919

-13 870

Août

36 314

19 626

-16 688

Septembre

40 754

22 212

-18 542

Octobre

45 334

38 563

-6 771

Novembre

50 226

44 617

-5 609

Décembre

56 221

56 566

345

Le décalage calendaire entre recettes et dépenses a un coût en trésorerie pour l'État. Celui-ci s'efforce de réduire ce coût au moyen de deux instruments permettant de lisser les recettes : la mensualisation et le prélèvement à échéance.

b) La progression du taux de mensualisation et du prélèvement à échéance

Le taux de mensualisation du paiement de l'impôt progresse continuellement en France. Toutefois, alors que ce taux est supérieur à 55 % pour l'impôt sur le revenu, le taux de mensualisation reste faible pour les impôts locaux malgré des progrès récents. Il est de 27,34 % pour la taxe d'habitation, 19,90 % pour la taxe foncière et de seulement 2,95 % pour la taxe professionnelle.

Taux de mensualisation par type d'impôt local

 

Taxe d'habitation

Taxes foncières

Taxe professionnelle

au 31/12/1992

13,75

-

-

au 31/12/1993

16,51

8,37

-

au 31/12/1994

19,09

10,21

-

au 31/12/1995

21,32

12,70

-

au 31/12/1996

23,16

14,76

1,73

au 31/12/1997

24,36

16,26

2,13

au 31/12/1998

24,95

17,34

2,29

au 31/12/1999

25,80

18,31

2,47

au 31/12/2000

28,22

19,32

2,74

au 31/12/2001

27,28

19,34

2,69

au 31/12/2002

27,34

19,90

2,95

Évolution des taux de mensualisation

(en %)

L'évolution illustrée par le graphique ci-dessus, si elle est sans doute trop lente, ne peut qu'être favorable au compte d'avances et résorber une part de l'effet de profil.

De même, l'autorisation de prélèvement automatique à la date limite de paiement a un impact positif sur le profil de compte d'avances puisqu'elle permet d'avancer significativement la date de recouvrement effectif de l'impôt.

Taux de prélèvement à la date limite de paiement

 

Taxe d'habitation

Taxes foncières

Taxe professionnelle

au 31/12/2002

3,69

4,08

3,13

c) L'absence de résorption de l'effet de profil

Malgré ces efforts, votre rapporteur spécial constate que l'effet de profil ne s'est pas résorbé au cours des dernières années, bien au contraire :

L'évolution de l'effet de profil entre 1994 et 2002

(en millions d'euros)

Une analyse infra-annuelle du solde du compte d'avances pour les année 1994, 1998 et 2002 montre que le solde des premiers mois de l'année, jusqu'en septembre, a eu tendance à s'aggraver entre 1994 et 2002. En revanche, des progrès ont été accomplis en fin d'année : le profil du compte se redresse beaucoup plus fortement en 2002 qu'en 1998, en 1998 qu'en 1994. L'impact de la mensualisation et du taux de prélèvement à la date limite de paiement n'est donc pas aussi significatif que l'on pourrait le penser sur le profil du compte. Les progrès de la mensualisation ne compensent pas en effet les effets de l'augmentation des impôts directs locaux sur le fonctionnement du compte.

Le tableau ci-dessous présente les taux de prélèvement moyen depuis 1993 pour les quatre taxes directes locales :

Taux de prélèvement moyen pour la taxe d'habitation, la taxe sur le foncier bâti et non bâti et la taxe professionnelle

Dans les premiers mois de l'année, la prise en compte de l'augmentation de la fiscalité dans le versement des douzièmes aux collectivités locales est très rapide ; en revanche, en recettes, les contribuables mensualisés effectuent leurs versements sur la base de leur imposition de l'année précédente jusqu'à octobre ; la régularisation n'est effectuée qu'en fin d'année.

La tendance à la hausse 5 ( * ) de la fiscalité locale a donc joué sur le profil du compte d'avances en sens inverse des efforts de l'administration fiscale pour développer la mensualisation.

d) Le coût de l'effet de profil

Le coût de l'effet de profil peut être chiffré avec précision : il dépend à la fois du solde infra-annuel du compte d'avances et du coût de la recette marginale dont l'évolution en 2002 aura été particulièrement favorable. Le coût de la recette marginale correspond au taux d'intérêt moyen des bons du Trésor à taux fixe (BTF) émis au cours de chaque année de référence.

Évolution du coût de la recette marginale (en  %)

 

1993

1994

1995

1996

1997

1998

1999

2000

2001

2002

Coût de la recette marginale

8,74

5,70

6,35

3,73

3,24

3,35

2,74

4,19

4,03

3,14

Source : direction du Trésor

Coût de l'effet de profil en 2002

 

Solde mensuel (M €)

Taux annuel (%)

Taux mensuel (%)

Coût ou gain en trésorerie (M €)

Janvier

- 2 729

3,29 %

0,27 %

- 7

Février

- 5 820

3,32 %

0,28%

- 16

Mars

- 8 549

3,41 %

0,28%

- 24

Avril

- 12 074

3,46 %

0,29%

- 35

Mai

- 15 564

3,51 %

0,29%

- 45

Juin

- 11 617

3,51 %

0,29%

- 34

Juillet

- 13 870

3,36 %

0,28%

- 39

Août

- 16 688

3,26 %

0,27%

- 45

Septembre

- 18 542

3,15 %

0,26%

- 49

Octobre

- 6 771

3,03 %

0,25%

- 17

Novembre

- 5 609

2,94 %

0,24%

- 14

Décembre

345

2,78 %

0,23%

1

Total

 
 
 

- 325

Le coût de trésorerie pour l'Etat du compte d'avances aux collectivités locale se sera élevé pour l'exercice 2002 à 325 millions d'euros, contre 393 millions d'euros en 2001 et 394 millions d'euros en 2000.

Le graphique ci-dessous montre l'intérêt pour l'Etat d'améliorer le recouvrement des impôts locaux dans les premiers mois de l'année et de mieux lisser les rentrées fiscales :

Évolution du solde du compte d'avances et coût lié à l'effet de profil en 2002

(en millions d'euros)

2. L'effet de solde : déficit courant et déficits antérieurs

Le compte d'avances devrait, en théorie, être parfaitement équilibré. En effet, toute émission de rôle au titre d'une année N devrait donner lieu, au cours de cette même année N, à recouvrement, dégrèvement ou admission en non-valeur (constatation de créances fiscales irrécupérables).

a) Les causes de l'effet de solde

En réalité, votre rapporteur spécial l'a évoqué plus haut, tous les impôts émis au titre d'une année N ne sont pas susceptibles d'être recouvrés au cours de cette même année : certains contribuables n'acquittent que très tardivement leur cotisation et les rôles ne sont parfois recouvrables que lors de l'exercice suivant (lorsqu'ils sont émis en décembre). A supposer que le taux de recouvrement reste constant et que le produit voté reste stable, ce point devrait rester sans incidence sur le compte d'avances.

Illustration

- le produit voté total est égal à 100 en N-2, N-1 et N ;

- le taux de recouvrement s'établit à 90 % au titre des impôts de N, à 50 % des restes à recouvrer au titre de N-1 et à 25 % de ces restes au titre de N-2 ;

- en N devraient être recouvrés :

100 * 0,90 au titre de N = 90,

10 * 0,5 au titre de N-1 = 5,

5 * 0,25 au titre de N-2 = 2,5,

- ainsi, en 1990, 97,5 devraient être recouvrés, les 2,5 restants étant admis en non-valeur (puisqu'il n'y a pas eu de recouvrement au bout de trois ans) ;

- le total recouvré en N (ou admis en non-valeur ou dégrevé) est donc égal au produit voté, soit 100.

Ce cas idéal a été perturbé, pour l'essentiel depuis les lois de décentralisation, par l'augmentation du produit voté. Si le produit voté augmente en effet, les recouvrements opérés au titre des années antérieures sont, par construction, d'un montant insuffisant pour équilibrer les manques à gagner imputables au caractère partiel du recouvrement au titre de l'année N : 10 % d'une somme égale par exemple à 110 (ces 10 % représentant la fraction non recouvrée du produit voté de l'année N) sont, mécaniquement, supérieurs à 5 % d'une somme égale à 105 (produit voté de N-1) auxquels s'ajoutent 5 % d'une somme égale à 100 (produit voté de N-2).

Le compte d'avances a dès lors été considéré comme structurellement déficitaire par les spécialistes des finances publiques 6 ( * ) . Historiquement, cela n'a pas pourtant pas toujours été le cas. Outre l'évolution du produit voté, à la hausse ou à la baisse, une autre variable doit être prise en considération : l'évolution du taux de recouvrement qui entraîne mécaniquement, à la hausse ou à la baisse par rapport aux exercices antérieurs, les mêmes effets de solde.

Solde annuel du compte d'avances aux collectivités locales

(en millions d'euros)

En pourcentage des dépenses du compte d'avance d'avances, les déficits annuels ont d'ailleurs rarement évolué en-deçà des - 3 à - 4 %, les excédents restant eux-aussi modérés, en-dessous des 2 %.

Solde annuel en % des dépenses du compte

b) Les déficits antérieurs et le statut du culot

Néanmoins a été posée la question du statut du solde du compte d'avances aux collectivités locales, et surtout du solde cumulé, le « culot ».

Évolution du solde et du culot du compte d'avances

(en millions d'euros)

 

AVANCES

Variation des avances

RECETTES

Variation des recettes

SOLDE

solde / avances

CULOT

Variation du culot

1993

40 607

9,5 %

39 119

10,0 %

- 1 489

- 3,67 %

-13 377

12,5 %

1994

43 949

8,2 %

42 390

8,4 %

- 1 559

- 3,55 %

-14 936

11,7 %

1995

46 268

5,3 %

43 934

3,6 %

- 2 334

- 5,04 %

-17 270

15,6 %

1996

49 538

7,1 %

49 834

13,4 %

295

0,60 %

-16 975

- 1,7 %

1997

51 919

4,8 %

51 942

4,2 %

23

0,04 %

-16 952

- 0,1 %

1998

54 076

4,2 %

54 161

4,3 %

85

0,16 %

-16 867

- 0,5 %

1999

54 776

1,3 %

55 421

2,3 %

645

1,18 %

-16 222

- 3,8 %

2000

55 649

1,6 %

56 731

2,4 %

1 082

1,94 %

-15 140

- 6,7 %

2001

55 137

- 0,9 %

55 437

- 2,3 %

300

0,54 %

-14 841

- 2,0 %

2002

56 221

2,0 %

56 566

2,0 %

345

0,61 %

-14 496

- 2,3 %

Comme le soulignait votre rapporteur spécial dans son rapport d'information de 1989 sur la gestion de trésorerie des collectivités locales, « le déficit de fin d'année n'est pas repris en charge de l'exercice suivant ; son statut comptable est donc ambigu : on peut soit considérer qu'il s'agit d'une charge budgétaire définitive, imputable à chaque exercice, soit estimer que le montant cumulé des déficits (le « culot » du compte) constitue une créance de l'Etat sur les contribuables locaux et que la détention de cette créance implique une charge de trésorerie ».

Sur le plan comptable, le déficit ou l'excédent du compte, qui entre dans le calcul du solde d'exécution budgétaire, n'est pas pris en compte au titre des découverts du Trésor. Il est reporté d'année en année dans une classe de compte particulière : la classe 0 « résultats des lois de règlements et compte d'ordre ». A l'intérieur de la classe 0, les subdivisions du compte 03 enregistrent le solde cumulé au 31 décembre de chacun des comptes spéciaux en activité (compte 039.0354 pour le compte d'avances 903-54).

Quelle est la signification en trésorerie du culot ? Celui-ci correspond aux restes à recouvrer , sauf durant la période 1974-1977 où la réforme de la taxe professionnelle et où une grève des agents des services fiscaux ont fortement altéré le fonctionnement du compte. Ceci signifie que mécaniquement, les restes à recouvrer doivent conduire, soit à un recouvrement effectif, soit à un dégrèvement ou une admission en non-valeur. Dans les deux cas, il y a bien versement en recettes des restes à recouvrer sur le compte d'avances. Le culot devrait donc être limité en volume ; s'il ne l'est pas, c'est parce que la comptabilité publique a omis de passer les écritures permettant de conduire pour un certain nombre d'impositions à des admissions en non-valeur. Le culot n'a pas été « apuré » et porte donc les scories d'exercices passés.

Certes, le solde du compte d'avances entraîne une variation du déficit budgétaire de l'Etat, celui-ci devant être financé par la dette. L'endettement de l'Etat au titre des soldes successifs du compte pourrait avoir comme contrepartie une créance détenue sur les collectivités locales au titre du régime des avances par douzièmes.

Encore faudrait-il que le montant du compte d'avances soit incontestable. Ceci n'est pas le cas pour plusieurs raisons : le culot comprend encore des restes à recouvrer anciens, antérieurs à 1957, dont la signification au regard de l'érosion monétaire sur la période est limitée. Il existe, comme le montre les courbes ci-dessus, des années « aberrantes » comme l'année 1974. Enfin, jusqu'en 1996, les services locaux du Trésor ne distinguaient pas les impôts locaux des impôts des impôts d'Etat. Les taux de recouvrement étaient évalués sur une base forfaitaire commune. La prise en compte en 1996 du taux de recouvrement des impôts locaux sur une base réelle a amélioré le solde du compte de 600 millions d'euros. On peut imaginer par « rétropolation » ce qu'aurait été le solde « exact » du compte si le taux de recouvrement n'avait pas été calculé de manière forfaitaire...

Évolution des taux de recouvrement depuis 1957 répartis entre recouvrements sur impositions de l'année et restes à recouvrer

3. Quelle charge globale pour l'Etat ?

Pour les raisons évoquées plus haut, la charge pour l'Etat liée à l'existence du compte d'avances est difficile à évaluer. Votre rapporteur spécial propose dans le présent rapport deux évaluations, l'une tenant simplement compte du solde, ce qui lui paraît être la méthode la plus cohérente, l'autre prenant en compte le culot.

En plus des coûts liés au profil et au solde du compte, qui permettent aux communes, départements et régions de disposer de ressources de trésorerie régulières quelque soit le rythme de rentrée des recettes fiscales, l'État assume la charge de la garantie accordée aux collectivités locales de recevoir intégralement le produit qu'elles ont votés, à travers d'une part les frais liés aux dégrèvements et admissions en non-valeur et d'autre part les frais d'assiette, de contrôle et de recouvrement .

a) Le coût des admissions en non-valeur

Depuis 1998, les coûts liés aux admissions en non-valeur en matière d'impôts locaux sont connus avec précision :

Admission en non-valeur en matière de fiscalité directe locale

(en millions d'euros)

 

1998

1999

2000

2001

2002

Admissions en non-valeur

592

669

629

565

461

b) Le coût des dégrèvements ordinaires

En ce qui concerne les dégrèvements ordinaires en matière de fiscalité directe locale, ceux-ci ont évolué ainsi depuis 1993 :

Dégrèvements ordinaires en matière de fiscalité directe locale

(en millions d'euros)

 

Dégrèvements de taxe d'habitation autres que législatifs

Dégrèvements de taxe foncière autres que législatifs

Dégrèvements de taxe professionnelle autres que législatifs

1993

407

140

1076

1994

378

190

1138

1995

385

270

1210

1996

415

276

1092

1997

444

320

1112

1998

471

281

1117

1999

423

294

983

2000

333

351

954

2001

264

373

882

2002

326

429

882

c) Les coûts d'assiette et de recouvrement

Les progrès de la comptabilité analytique permettent de mieux identifier les coût liés à l'établissement de l'assiette et au recouvrement des impôts directs locaux .

Pour l'assiette et le contrôle, qui dépendent de la Direction générale des impôts (DGI), les coûts sont présentés dans le tableau suivant :

Coût brut de gestion d'assiette et de contrôle des impôts locaux

(en millions d'euros)

1997

1998

1999

2000

2001

2002

629,89

638,18

641,03

672,96

708,51

694,57

Par ailleurs, le réseau du Trésor public effectue le recouvrement indifférencié de l'ensemble des impôts sur rôles, qu'ils soient perçus au profit de l'Etat (impôt sur le revenu) ou au profit des collectivités locales (taxe d'habitation, taxes foncières, taxe professionnelle).

Pour autant, les progrès méthodologiques enregistrés dans la connaissance des coûts permettent désormais à la direction générale de la comptabilité publique, depuis 1999, de procéder à une estimation annuelle des coûts de gestion relatifs au recouvrement de chaque impôt. La démarche de nature analytique mise en oeuvre à cet effet permet ainsi d'évaluer les coûts complets du recouvrement des impôts directs locaux. Ces informations sont publiées dans le « bleu » budgétaire du ministère de l'économie des finances et de l'industrie du projet de loi de finances.

Cette estimation aboutit aux résultats suivants au titre des quatre dernières années :

Coûts complets du recouvrement

(en millions d'euros)

 

1999

2000

2001 7 ( * )

2002

Taxe d'habitation

207

222

226,66

234,05

Taxes foncières

150

154

202,68

207,26

Taxe professionnelle

49

52

53,09

56,68

Ensemble

406

428

482,43

497,99

L'augmentation constatée entre 1999 et 2000 pour le coût de recouvrement tient notamment à la prise en compte dans les calculs de l'année 2000 des frais de poursuites par voie d'huissiers liquidés sur le budget des charges communes, qui n'étaient jusqu'alors pas intégrés.

d) Les prélèvements de l'Etat pour frais d'assiette et pour dégrèvements

En contrepartie de ces charges, l'Etat perçoit sur les montants qu'il recouvre au profit des collectivités locales des frais d'assiette et de recouvrement, des frais de dégrèvement et de non-valeurs, par application des dispositions de l'article 1641 du code général des impôts. Les cotisations de fiscalité locale demandées aux contribuables sont ainsi majorées et la majoration imputée au budget général sans passer par le compte d'avances.

Ainsi, l'Etat perçoit 3,6 % pour frais de dégrèvement et de non-valeurs (article 1641-I du code général des impôts) du montant des taxes perçues au profit des collectivités locales et de leurs groupements.

En matière de taxe d'habitation, ce prélèvement de 3,60 % supprimé en 1982, a été rétabli à compter de 1989 pour les impositions affectées uniquement aux locaux meublés non affectés à l'habitation principale.

Le tableau ci-dessous présente depuis 1993 le montant des frais de dégrèvements et non-valeurs :

Frais perçus en matière de dégrèvements et de non-valeur

(en milliards d'euros)

1993

1994

1995

1996

1997

1998

1999

2000

2001

2002

1,17

1,28

1,38

1,46

1,54

1,6

1,61

1,63

1,63

1,66

Ces montants sont hors majorations FNPTP, hors prélèvements sur valeurs locatives de taxe d'habitation, hors rôles supplémentaires au profit de l'Etat et hors reversements de dégrèvements indus et cotisations transférés au nom du redevable légal.

S'agissant des frais d'assiette et de recouvrement (article 1641-II du code général des impôts), l'Etat prélève 4,4 % du montant de la taxe professionnelle, de la taxe d'habitation et des taxes foncières et notamment de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères au profit des collectivités locales et de leurs groupements.

Le tableau ci-dessous présente depuis 1993 le montant des frais d'assiette et de recouvrement :

Frais d'assiette et de recouvrement

(en milliards d'euros)

1993

1994

1995

1996

1997

1998

1999

2000

2001

2002

1,76

1,91

2,06

2,2

2,3

2,4

2,44

2,47

2,45

2,5

e) Une charge pour l'Etat négative en 2002

Au total, la charge pour l'Etat liée au compte d'avances s'élevait en 2002 à :

Méthode 1 (prise en compte du solde)

Charge brute (en millions d'euros) :
- effet de profil : 325
- effet de solde : (-) 345
- admissions en non-valeur : 461
- dégrèvements ordinaires : 1.637
- assiette et recouvrement : 1.192,56

Total : 3.152,56 millions d'euros

Charge nette (en millions d'euros) :
- charge brute : 3.152,56
- prélèvement de l'Etat pour dégrèvement et non-valeur : 1.664
- prélèvement de l'Etat pour frais d'assiette et recouvrement : 2.497

Total : - 890,44 millions d'euros

Avec cette méthode, la charge nette pour l'Etat liée au compte d'avances est fortement négative de 890,44 millions d'euros.

Méthode 2 (prise en compte du culot)

Charge brute (en millions d'euros) :
- effet de profil : 325
- effet de solde : 455,17 (14.496 (culot) * 3,14 % (recette marginale du Trésor de l'année)
- admissions en non-valeur : 461
- dégrèvements ordinaires : 1.519
- assiette et recouvrement : 1.192,56

Total : 3.952,73 millions d'euros

Charge nette (en millions d'euros) :
- charge brute : 3.952,73
- prélèvement de l'Etat pour dégrèvement et non-valeur : 1.630
- prélèvement de l'Etat pour frais d'assiette et recouvrement : 2.450

Total : - 90,27 millions d'euros

Avec cette méthode, la charge nette pour l'Etat liée au compte d'avances reste négative de 90,27 millions d'euros.

Sur une période de trois années, la charge pour l'Etat liée au fonctionnement du compte d'avances est la suivante :

Méthode 1 (prise en compte du solde)

 

2000

2001

2002

Charge brute

2 679,96

3 367,94

3 152,56

Charge nette

- 1 420,04

- 712,06

- 890,44

Méthode 2 (prise en compte du culot)

 

2000

2001

2002

Charge brute

4 360,06

4 302,31

3 952,73

Charge nette

260,06

222,31

- 90,27

En la matière, l'évolution à la baisse des taux d'intérêt joue à plein et participe à la résorption de la charge nette supportée par l'Etat à raison du fonctionnement du compte d'avances. La charge nette a même été négative en 2002 8 ( * ) .

* 3 Jacques Perreault - Directeur adjoint de la comptabilité publique - Revue Française des Finances Publiques - 1 er mai 1995.

* 4 Depuis la réforme de 2000, le principal dégrèvement législatif (article 1414 A CGI) plafonne la cotisation de taxe d'habitation d'un contribuable à 4.3 % de son revenu de référence diminué d'un abattement variable suivant le nombre de parts de quotient familial. Ce plafonnement ne bénéficie qu'aux contribuables dont le revenu de référence n'excède pas 16.567 euros pour la première part de quotient familial, majorée de 3.871 euros pour la première demi-part et 3.045 euros à compter de la deuxième demi-part supplémentaire retenues pour le calcul de l'impôt sur le revenu au titre de 2002. Un régime plus avantageux est accordé aux contribuables de plus de 60 ans, aux veufs et veuves sans conditions d'âge, aux invalides et aux titulaires de l'allocation aux adultes handicapés. Ces contribuables bénéficient d'une exonération totale lorsque leur revenu n'excède pas 7.046 euros pour la première part de quotient familial majorée de 1.882 par demi-part supplémentaire. A côté de ces deux dispositifs principaux subsistent trois dégrèvements subsidiaires : un dégrèvement d'office des bénéficiaires du RMI, (maintenu au cours de l'année suivant la cessation de l'attribution du RMI),  un régime transitoire pour les bénéficiaires de l'ancien mécanisme de plafonnement à 3,4 % du revenu, supprimé en 2000 ; enfin un dégrèvement des cotisations inférieures à 12 euros.

* 5 Il s'agit bien entendu d'une hausse en « valeur absolue ». La part des prélèvements obligatoires par rapport au PIB due aux administrations publiques locales a elle baissé, passant de 6,1 % du PIB en 1990 à 5,1 % du PIB en 2002 (la part de la taxe d'habitation, de la taxe d'habitation et de la taxe professionnelle restant stable à 2,9 %).

* 6 « La seule hypothèse où l'on pourrait avoir un compte d'avances excédentaire dans l'année serait celle d'une forte diminution des émissions d'impôts locaux, dépassée par les recouvrements sur exercices précédents et antérieurs. » Jacques Perreault, directeur adjoint de la comptabilité publique, ministère du Budget.

* 7 Les coûts de recouvrement prennent en compte à partir de 2001 les recouvrements effectués par la direction des grandes entreprises pour la taxe foncière et la taxe professionnelle.

* 8 Certains considèrent qu'il faudrait intégrer au « coût » du compte d'avances les dégrèvements législatifs. Cette analyse est tout à fait contestable. Certes, les dégrèvements législatifs sont pris en charge par le budget de l'Etat mais lui seul, et non les collectivités locales, en a « la maîtrise ». Il est en effet directement à l'origine de la décision de procéder à des dégrèvements pour différentes catégories de population. Lui seul a la possibilité de modifier le régime des dégrèvements législatifs. La charge budgétaire des dégrèvements législatifs doit donc être considérée indépendamment du fonctionnement du compte d'avances. En prenant en compte les dégrèvements législatifs, la charge pour l'Etat se trouverait fortement aggravée.

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