II. QUELLES ÉVOLUTIONS POUR LE COMPTE D'AVANCES ?

A. L'INFLEXION DU SOLDE DEPUIS 1996 : DES EXPLICATIONS COMPLEXES

Les recettes du compte d'avances aux collectivités locales sont constituées de recouvrements afférents aux rôles d'impôts locaux pris en charge dans l'année et aux restes à recouvrer au titre des exercices précédent et antérieurs. Elles correspondent à la fois à des recouvrements effectifs et des recettes pour ordre , ayant pour contrepartie des dégrèvements ou admissions en non valeur (dépenses en atténuation des recettes fiscales du budget général de l'Etat).

Pour les spécialistes de finances publiques, comme votre rapporteur spécial l'a rappelé, le compte est structurellement et sur long terme en déséquilibre car ses dépenses sont calées sur les émissions et ses recettes sur les recouvrements (sachant que ceux-ci n'atteignent jamais 100 %, même au bout de plusieurs années). A l'inverse, il peut également, transitoirement se trouver en excédent car, face aux émissions de l'année courante les recettes proviennent des émissions certes de l'année courante (taux de recouvrement d'environ 84 % sur l'année d'émission) mais aussi des années antérieures.

Votre rapporteur spécial, à la lumière d'une inflexion positive du solde du compte d'avances qui dure depuis 1996, a souhaité cerner avec précisions les raisons qui ont amené un compte structurellement déficitaire à rester durablement positif.

Solde du compte d'avances depuis 1996

(en millions d'euros)

1996

1997

1998

1999

2000

2001

2002

2003 (LFI)

2004 (PLF)

295

23

85

645

1 082

300

345

620

- 62

1. Analyse théorique des mécanismes du compte d'avances

Votre rapporteur spécial s'est donc penché sur les facteurs qui peuvent générer un solde positif du compte d'avances. Ceux-ci sont au nombre de deux.

1. toute réforme ou toute évolution « spontanée» de l'un des impôts locaux modifiant soit le volume des émissions, soit celui des dégrèvements accordés d'office,

2. toute variation des taux de recouvrement sur les émissions de l'année en cours, ou des exercices précédents (indépendamment du point précédent).

exemples illustratifs du 1: Compte en régime permanent : émissions annuelles : 100 millions d'euros. Taux de recouvrement de 84 % sur les émissions de l'année courante, de 97,7 % sur 2 ans et de 100 % sur 3 ans.

L'apparition d'un choc à la baisse des émissions (cas 1) l'année N se traduit par un excédent (correspondant à la disparition du non recouvrement sur la fraction en baisse des émissions) la même année, et, plus marginalement, l'année suivante . Lorsque les émissions baissent pendant plusieurs années de suite, le compte (réputé à l'équilibre au départ) peut ainsi présenter un excédent significatif pendant ces années de baisse, avant de retrouver un régime d'équilibre.

A l'inverse, un choc à la hausse des émissions (cas II) se traduit l'année courante par un déficit du compte d'avance, (correspondant à la à la fraction non recouvrée des émissions de l'année courante), et plus marginalement, l'année suivante.

exemples illustratifs du 2 : les émissions sont inchangées, mais le taux de recouvrement sur un an et deux ans s'améliorent successivement en N et N+ 1 de 1 point et 0,5 point. Les recettes du compte (à dépenses inchangées) sont améliorées chacune des années où l'un des taux s'améliore, puis les recettes se stabilisent de nouveau sur un régime « permanent ».

Les inflexions constatées depuis 1995 sur le solde du compte d'avance doivent dès lors être explicitées à la lumière de deux facteurs : amélioration du taux de recouvrement et, à partir de 1999, choc à la baisse des émissions avec l'incidence des réformes de la taxe professionnelle et de la taxe d'habitation, choc compensé par la montée des recettes d'ordre, dont le taux de recouvrement est par définition égal à 100 %, que sont les dégrèvements.

2. Une amélioration « statistique » du taux de recouvrement

Le taux de recouvrement sur l'exercice courant est obtenu en effectuant le rapport des recettes d'impôts locaux issues de la répartition (exercice courant) des impôts directs sur le montant des prises en charge d'impôts locaux nettes (émissions hors frais d'assiette et de recouvrement, hors frais de dégrèvement et d'admission en non-valeur).

Sur l'exercice précédent, le taux de recouvrement est calculé à partir des recettes d'impôts locaux au titre de l'exercice précédent par rapport aux restes à recouvrer d'impôts locaux (émissions de N-l) au 1er janvier de l'année considérée. Le mode de calcul du taux sur exercices antérieurs est identique à celui du taux sur exercice précédent.

a) L'amélioration du taux de recouvrement

Les taux de recouvrement ont très sensiblement progressé sur la période de 1996 à 2002 :

-sur l'exercice courant : + 3,67 points,

-sur l'exercice précédent 9 ( * ) : + 19,38 points,

-sur les exercices antérieurs : + 9,03 points.

Évolution du taux de recouvrement

(en %)

Taux de recouvrement sur exercice courant, précédent et antérieurs

En %

Exercice Courant

Exercice Précédent

Exercices Antérieurs

1995

80,46 (2)

68,75 (1)

21,24 (1)

1996

82,01 (2)

80,20 (2)

23,79 (1)

1997

82,68 (2)

81,08 (2)

22,16 (2)

1998

83,28 (3)

81,58 (2)

22,49 (2)

1999

83,26 (3)

87,12 (3)

24,79 (2)

2000

84,07 (3)

88,02 (3)

26,61 (4))

2001

83,24 (3)

88,13 (3)

27,54 (4)

2002

84,13 (3)

81,93 (3)

30,27 (4)

(1) Répartition forfaitaire

(2) Répartition à partir du fichier FVENT

(3) Ventilation comptable

(4) Ventilation comptable pour les émissions de 1998 et 1999 et répartition forfaitaire pour les années antérieures.

b) Un raison majeure : le changement de la clef de répartition entre impôts locaux et nationaux

L'amélioration du taux de recouvrement est pour l'essentiel due à un changement de la clef de répartition entre recouvrement des impôts locaux et impôts sur rôle nationaux.

Avant 1995 , les recettes étaient évaluées selon la méthode de la répartition forfaitaire : les recettes globales étaient exactes mais la ventilation entre les différents impôts sur rôles était estimée (notamment dans le partage Etat/collectivités locales).

La mise en oeuvre d'une nouvelle répartition, sur la base des informations issues des fichiers informatiques du recouvrement , a été réellement effective en 1995, pour l'exercice courant. La nouvelle méthode de répartition a révélé que la répartition forfaitaire conduisait à majorer les recettes d'impôts locaux de l'exercice courant. Au titre de 1995, cette majoration a été évaluée à environ 760 millions d'euros ; la ventilation réelle a conduit en conséquence à majorer d'un montant identique les recettes d'impôt sur le revenu et d'autres impôts d'Etat, le changement de méthode de répartition n'ayant aucune incidence sur le solde budgétaire, mais un impact important.

Ainsi, pour l'année 1995 , une dégradation du solde du compte d'avances aux collectivités locales a donc été enregistrée, à hauteur de 760 millions d'euros. En 1996 , la ventilation réelle des recettes a concerné à la fois l'exercice courant et l'exercice précédent. L'extension de cette méthode a eu un impact positif sur le solde du compte d'avances d'environ 690 millions d'euros. En effet, si sur l'exercice courant, la nouvelle méthode de répartition contribue à attribuer moins de recettes sur impôts locaux que la répartition forfaitaire, sur l'exercice précédent, au contraire, la ventilation des recettes à partir des recouvrements réellement effectués favorise les impôts locaux.

Les recettes d'impôts locaux de l'exercice précédent, déterminées à partir de la ventilation réelle, sont supérieures à celles déterminées suivant la méthode forfaitaire. Dans cette dernière méthode, les recettes d'impôts locaux étaient calculées en deux étapes :

- calcul des recettes d'impôts locaux à 2 ans en appliquant un taux de recouvrement sur impôts locaux, peu différencié de celui des autres impôts de l'exercice, aux prises en charge ;

- calcul des recettes de l'exercice précédent par différence entre les recettes obtenues lors de la première étape et celles attribuées la première année.

La nouvelle méthode de répartition a révélé que les taux de recouvrement à 2 ans réalisés sur les impôts locaux sont supérieurs à ceux qui étaient appliqués en méthode forfaitaire, en raison notamment de l'importance des dégrèvements relatifs au plafonnement de la taxe professionnelle en fonction de la valeur ajoutée, dont votre rapporteur spécial analysera les effets ultérieurement.

3. Le plafonnement de la taxe professionnelle en fonction de la valeur ajoutée

Le mécanisme du plafonnement de la taxe professionnelle en fonction de la valeur ajoutée a eu deux effets distincts :

- le premier a été de faire bénéficier les entreprises de dégrèvements sur leur cotisation de taxe professionnelle. Le montant global des recettes comptabilisées au crédit du compte d'avances est sans changement, que l'entreprise bénéficie ou non du plafonnement; ce qui diffère, c'est la ventilation du montant considéré entre recettes effectives et recettes d'ordre. A terme, le mécanisme du plafonnement ne comporte donc pas de conséquence négative sur le volume total des recettes attendues suite à l'émission de rôles ;

- le deuxième a été de retarder la comptabilisation des recettes. En effet, les dispositions de l'article 3 de la loi de finances rectificative du 22 juin 1993 ont autorisé les contribuables à ne verser à l'échéance que la différence entre le montant de leur impôt et celui du dégrèvement attendu au titre du plafonnement de la taxe professionnelle par rapport à la valeur ajoutée. Dans la mesure où le dégrèvement correspondant n'est prononcé par les services fiscaux qu'au cours de l'année suivante, il s'ensuit une perte de recettes au 31 décembre de l'année N, compensée par des recettes (d'ordre) plus importantes en l'année N+ 1.

Le changement de méthode de comptabilisation des impôts sur rôles (passage de la répartition forfaitaire à la ventilation réelle) a ainsi permis de constater que le plafonnement de la taxe professionnelle a pour effet de majorer les recettes d'impôts locaux enregistrées au cours de l'année qui suit l'émission des rôles sans qu'il soit possible de distinguer entre recettes réelles et recettes d'ordre.

Ce phénomène est corroboré par le rythme d'ordonnancement (en N, N+l et N+2) des dégrèvements de taxe professionnelle au titre du plafonnement: ceux-ci interviennent principalement au cours de l'année N+ 1. Toutefois les montants rappelés ci-après ne peuvent être strictement rapprochés des recettes portées au crédit du compte d'avances en raison du décalage entre ordonnancement et comptabilisation de la recette d'ordre correspondante. Émissions et ordonnancements s'établissent comme suit :

Émissions et ordonnancements de taxe professionnelle depuis 1997

Suite à la suppression progressive de la part des salaires dans les bases imposables, la baisse de la taxe professionnelle s'est traduite de manière mécanique par une baisse des dégrèvements au titre du plafonnement en fonction de la valeur ajoutée (les taux du mécanisme de plafonnement n'ayant pas été modifiés). Les dégrèvements au titre de l'année N sont principalement ordonnancés en N+l, que les entreprises aient imputé ce plafonnement sur le versement de leur solde de décembre (auquel cas le dégrèvement constitue une recette d'ordre du compte d'avance en N+1) ou qu'elles aient trop versé en décembre (auquel cas le dégrèvement constitue un remboursement en N+1 pour trop perçu et n'impacte pas le compte d'avances).

Pour les entreprises qui bénéficient du plafonnement de leur cotisation de taxe professionnelle en fonction de leur valeur ajoutée, la baisse des émissions liée à la suppression de la part salaire, se traduit totalement ou en partie par une baisse du montant de dégrèvement dont elles bénéficient et n'impacte pas, ou qu'en partie, le montant de la taxe professionnelle dont elles s'acquittent effectivement dès l'année courante. Facialement, le taux de recouvrement sur les émissions de l'année courant s'améliore donc, ce qui est de nature à améliorer le solde du compte.

4. La réforme de la taxe d'habitation

Mise en oeuvre par la loi de finances rectificative de printemps 2000, la réforme de la taxe d'habitation a comporté deux volets :

- la suppression de la part régionale de cette taxe ;

- l'assouplissement des conditions d'octroi de dégrèvement en fonction du revenu : apparition de nouveaux dégrèvements (plafonnement à 4,3 % du revenu) se substituant à l'ancien dispositif prévu aux articles 1414 bis, 1414 A et B du code général des impôts).

Pour 2000 , cette réforme s'est faite à volume d'émissions inchangé, les mesures d'allégement se traduisant par une augmentation des dégrèvements à l'émission au titre des deux volets d'allégement. Les ressources des collectivités locales n'ont donc, formellement, pas été affectées par cette réforme, dans la mesure où les avances qui leur sont concédées à partir du compte d'avances 903-54 à partir des émissions réalisées, n'étaient pas affectées par la réforme. Les allégements ont été directement pris en charge par l'Etat à travers une augmentation de (2 milliards d'euros) des remboursements et dégrèvements, ces derniers figurant sur le rôle reçu par chaque contribuable.

Ainsi, en 2000, la réforme de la taxe d'habitation a eu une incidence positive sur le compte d'avance :

- le volume des émissions et donc des dépenses du compte est resté inchangé ;

- les recettes d'ordre ont augmenté de 122 milliards d'euros. Or, comme le taux de recouvrement sur ces dernières est de 100 % dès la première année au lieu de 84 % environ, les recettes « apparentes » 2000 du compte se sont trouvées comptablement majorées de 290 millions d'euros (100 % - 84 %) x 2 milliards d'euros).

A compter de 2001 , la part régionale ne figure plus sur les rôles entraînant une baisse des émissions de 900 millions d'euros. En revanche, la mise sous conditions de ressources continue d'être prise en charge par dégrèvement direct au moment de l'émission (+ 900 millions d'euros, recettes d'ordre avec un taux de recouvrement de 100 %).

La réduction des émissions est neutre sur le solde du compte d'avance par rapport à 2000, puisque ces émissions faisaient l'objet de recettes d'ordre à due concurrence.

A compter de 2002 , les effets de la réforme de la taxe d'habitation sont négligeables.

5. Impact respectif des différents facteurs d'inflexion du solde du compte d'avances

a) 1996 à 1998 : amélioration « comptable » du taux de recouvrement

L'année 1996 a été marquée par la réforme du mode de calcul du taux de recouvrement. En 1997 , les taux de recouvrement ont progressé sur les exercices courant et précédent mais ils baissent sur les exercices antérieurs comme pour l'ensemble des impôts sur rôles.

En 1998 , une nouvelle progression des taux de recouvrement a été constatée pour les exercices courant et précédent. La répartition comptable des impôts sur rôles a été réalisée pour la première fois en ce qui concerne l'exercice courant; elle confirme la fiabilité de la ventilation opérée depuis 1995 sur la base des données issues des applications informatiques du recouvrement. Par ailleurs, les services du trésor contribuent à améliorer le taux d'apurement sur les exercices antérieurs.

b) 1999 : l'impact de la réforme de la taxe professionnelle

En 1999 , le taux de recouvrement sur l'exercice courant s'infléchit légèrement par rapport à celui de l'année précédente. Le phénomène marquant est la progression du taux de recouvrement sur l'exercice précédent en raison de l'accélération de l'ordonnancement des dégrèvements de taxe professionnelle . La mise en place, pour l'exercice précédent, de la comptabilisation par impôt a eu pour effet de corriger de nouveau à la hausse les attributions effectuées sur la base des informations issues des applications informatiques, mais dans des proportions largement inférieures à ce qui était intervenu en 1996.

Par ailleurs, l'année 1999 a été marquée par la première tranche de suppression de la part salariale de la taxe professionnelle, provoquant une baisse des émissions de 1,3 milliard d'euros et entraînant une amélioration mécanique cette même année du solde du compte d'avances de 300 millions d'euros représentatif d'environ la moitié de l'excédent enregistré en 1999 (647 millions d'euros).

c) 2000 et 2001 : l'impact des réformes de la taxe professionnelle et de la taxe d'habitation

En 2000 , le taux de recouvrement sur l'exercice courant enregistre une croissance de 0,81 point. Si l'extension de la mensualisation pour les impôts locaux a contribué à ce résultat, deux autres facteurs doivent être signalés.

D'une part, de meilleurs encaissements sont constatés au titre de la taxe professionnelle. En effet, consécutivement à la suppression progressive de la part salariale dans la base de la taxe, les possibilités de plafonnement en fonction de la valeur ajoutée, offertes aux entreprises, se trouvent réduites. Ce phénomène entraîne une baisse des anticipations de dégrèvements de la part des entreprises, qui se traduit par de meilleurs paiements au solde. Par ailleurs, la poursuite de la suppression de la part salariale (baisse supplémentaire des émissions) continue de rendre des effets favorables sur le solde du compte, à la fois au titre des émissions de l'année et de celles de l'année précédente : l'incidence mécaniste cumulée de la réforme taxe professionnelle sur le solde du compte peut être estimée à environ 300 millions d'euros également en 2000.

D'autre part, la gestion 2000 a été marquée par l'application des nouvelles mesures destinées à alléger le montant de la taxe d'habitation (suppression de la part régionale, élargissement du champ d'exonération) qui ont généré de nombreux dégrèvements d'office, sans affecter facialement le volume des émissions. La substitution d'une recette recouvrée l'année de l'émission à 83 % par une recette d'ordre de 100 % des émissions, a amélioré le solde d'exécution du compte d'avances de l'ordre de 300 millions d'euros également.

Au total, sur l'année 2000, les réformes de la taxe professionnelle et de la taxe d'habitation expliquent donc environ la moitié (soit 600 millions d'euros) de l'excédent budgétairement constaté (+ 1,1 milliard d'euros).

En 2001 , l'inflexion du taux de recouvrement sur l'exercice courant, qui retrouve un niveau équivalent aux années 1998 et 1999, s'explique par le caractère atypique des résultats de l'année 2000, marquée par un niveau exceptionnel de dégrèvements au titre de la taxe d'habitation.

En ce qui concerne les exercices antérieurs, l'année 2000 a été marquée par un fort niveau des admissions en non-valeur réduisant d'autant le montant des restes à recouvrer au 1 er janvier 2001.

L'incidence de la réforme de la taxe d'habitation, de 2000 n'a été que marginal en 2001, correspondant au supplément de recettes enregistrées sur émissions de 1999 et antérieures, pour un effet global positif estimé à 50 millions d'euros). Par ailleurs, la poursuite de la baisse des émissions de taxe professionnelle a de nouveau entraîné une amélioration du solde en 2001 estimée à 354 millions d'euros (effet cumulé en 2001). Hors incidence des réformes de la taxe d'habitation et de la taxe professionnelle, le solde « tendanciel» du compte d'avances aurait donc été négatif en 2001, pour environ -100 millions d'euros.

d) 2002 : une amélioration du taux de recouvrement ?

En 2002, les taux de recouvrement sur exercices courant et antérieurs sont en progression. Le phénomène marquant est la diminution du taux de recouvrement sur exercice précédent en raison du décalage dans le calendrier des poursuites concernant les émissions de 2001, suite à des incidents informatiques, ayant pour effet de diminuer les recettes de l'exercice précédent.

Les taux de recouvrement de l'année 2002

2002 en %

Exercice Courant

Exercice Précédent

Exercices Antérieurs

Taxe d'habitation

93,47

76,02

30,27

Taxe foncière

95,15

71,46

Taxe professionnelle

71,38

83,97

B. LA DIFFICULTÉ DE PRÉVOIR LE SOLDE DU COMPTE EN LOI DE FINANCES INITIALE

Le compte d'avances aux collectivités locales enregistre des variations fortes entre prévision et exécution, comme en témoigne le tableau ci-contre. En 2002, l'écart sur le solde entre prévision et exécution s'est élevé à 555 millions d'euros. Dans le passé, il a atteint jusqu'à 2 milliards d'euros en 1995. Les écarts entre prévision et réalisation en recettes et en dépenses ont pu être parfois de 10 % comme en 1993. De manière générale, un écart minime, même inférieur à 1 % en recettes et en dépenses, peut entraîner une forte variation de solde.

1. Les écarts en exécution qui concernent les avances

Les émissions d'impôts directs locaux comprennent des rôles généraux ou émissions sur titre courant (près de 99 % du total des émissions) et des rôles supplémentaires ou émissions sur titres antérieurs.

Pour chaque année N, les prévisions initiales sont réalisées en juillet N-1 à partir des taux votés et des bases déclarées au titre de N- 2. Concernant les rôles généraux, des hypothèses sont établies en terme de progression des bases entre N- 2 et N et en terme d'évolution des taux qui seront votés en N. Les prévisions initiales intègrent l'incidence de la réforme de la taxe professionnelle (à partir de 1999) et la réforme de la taxe d'habitation (à partir de 2001). Concernant les rôles supplémentaires, des hypothèses sont retenues à partir de l'observation du passé et des informations en terme de contrôle fiscal.

Les écarts entre la loi de finances initiale et la loi de règlement s'expliquent ainsi par l'évolution des bases et par les votes de taux par les collectivités locales au cours de N ainsi que, dans une moindre mesure, par l'évolution constatée des rôles supplémentaires.

2. Les écarts en exécution qui concernent les recettes

Votre rapporteur spécial a pu analyser plus particulièrement les années 1996 à 2002.

a) La période 1996-2000

Pour 1996 , l'écart constaté entre la prévision de la loi de finances initiale pour 1996 et l'exécution s'élève à 1,3 milliards d'euros, dont 0,47 milliard d'euros d'écart sur les avances et pour 1,77 milliards d'euros sur les recettes. L'écart sur les recettes s'explique par plusieurs éléments :

- le changement de méthode de répartition (ventilation FVENT) des recettes d'impôts directs sur rôles de l'exercice courant en 1995 ainsi que son extension à l'exercice précédent en 1996. En effet les prévisions de loi de finances initiale (réalisées en août 1995) reposaient encore, quel que soit l'exercice considéré, sur une base de répartition forfaitaire, la confirmation du choix de la nouvelle méthodologie étant intervenue ultérieurement.

- des recettes supplémentaires sur l'exercice précédent, correspondant à des recettes dont le paiement sur l'exercice courant a été reporté du fait des mouvements sociaux de fin décembre 1995 et des mesures de bienveillance prises par le Ministre au cours du mois de décembre.

L'écart constaté entre la prévision de la loi de finances initiale pour 1997 et les réalisations s'élève à 340 millions d'euros, dont - 240 millions d'écart sur les avances et 90 millions sur les recettes.

S'agissant des recettes:

- sur l'exercice courant, les réalisations ont dépassé les prévisions de la LFI de 577,48 millions d'euros. Ces prévisions avaient été établies à partir des résultats réalisés en 1995, et n'intégraient pas l'impact du raccourcissement des délais d'édition des lettres de rappel. Prise au cours de l'automne 1996, cette mesure a permis l'encaissement plus rapide de certaines recettes qui, auparavant n'étaient comptabilisées que l'année suivant l'émission du rôle. Par ailleurs, de bons résultats ont été constatés sur les échéances de taxe d'habitation et de taxe professionnelle.

- sur l'exercice précédent, l'écart entre la LFI et les réalisations s'élève à - 333,71 millions d'euros. Il s'explique également par l'effet raccourcissement des délais d'édition des lettres de rappel et sa non-prise en compte dans les prévisions de LFI.

- sur les exercices antérieurs, l'écart constaté (- 149,55 millions d'euros) tient à la surestimation du taux d'apurement retenu lors de l'élaboration de la LFI.

L'écart constaté entre la prévision de la loi de finances initiale pour 1998 et les réalisations s'élève à 496,22 millions d'euros, dont + 115,25 millions d'euros d'écart sur les avances et 611,47 millions d'euros sur les recettes.

S'agissant des recettes:

- sur l'exercice courant, les réalisations ont dépassé les prévisions de la LFI de 521,07 millions d'euros en raison d'une légère augmentation des émissions par rapport à la prévision (+ 114,95 millions d'euros) et de l'amélioration des résultats du recouvrement. Le raccourcissement des délais d'édition des lettres de rappel, effectif dès 1996, associé à l'augmentation de la mensualisation pour la taxe d'habitation et les taxes foncières est à l'origine de cette progression.

- sur l'exercice précédent, l'écart entre la LFI et les réalisations s'élève à + 130,04 millions d'euros. Il s'explique surtout par l'augmentation du montant des dégrèvements liés au plafonnement de taxe professionnelle.

- sur les exercices antérieurs, l'écart constaté (- 39,33 millions d'euros) tient à une légère surestimation du taux d'apurement retenu lors de l'élaboration de la LFI.

L'écart constaté au niveau du solde entre la prévision de la loi de finances initiale pour 1999 et les réalisations s'élève à 645,01 millions d'euros, soit + 171,66 millions d'euros d'écart sur les avances et + 816,67 millions d'euros sur les recettes.

S'agissant des recettes:

- sur l'exercice courant, les réalisations ont dépassé les prévisions de la LFI de 464,21 millions d'euros en raison d'une augmentation des émissions par rapport à la prévision (+ 171,66 millions d'euros) et de taux de recouvrement supérieurs aux prévisions associées à la loi de finances. Le raccourcissement des délais d'édition des lettres de rappel, effectif dès 1996, associé à l'augmentation de la mensualisation pour la taxe d'habitation et les taxes foncières est à l'origine de cette progression ;

- sur l'exercice précédent, l'écart entre la LFI et les réalisations s'élève à + 241,48 millions d'euros. Il s'explique notamment par l'augmentation du montant des dégrèvements liés au plafonnement de la taxe professionnelle en fonction de la valeur ajoutée par rapport aux résultats de 1998 ;

- sur les exercices antérieurs, l'écart constaté (+ 110,98 millions d'euros) a pour principale origine une accélération du traitement des admissions en non-valeur.

Pour 2000 , l'écart positif de 822,46 millions d'euros constaté sur le solde résulte de l'effet combiné d'un surplus de recettes (+ 1.132,70 millions d'euros) compensé en partie par des émissions supplémentaires (+ 310,23 millions d'euros).

La plus-value de recettes par rapport aux estimations initiales s'explique par de meilleurs recouvrements que prévus sur le titre courant (+ 197,42 millions d'euros induits principalement par la taxe d'habitation et la taxe professionnelle) et sur titre précédent (+ 1.393,69 millions d'euros), en partie compensés par de moindres recouvrements que prévus sur les titres antérieurs (- 458,41 millions d'euros).

Ces résultats s'expliquent ainsi par de meilleurs encaissements:

- au titre de la taxe professionnelle : consécutivement à la suppression progressive de la part salariale dans le calcul de la taxe, les possibilités de plafonnement en fonction de la valeur ajoutée, offertes aux entreprises, se trouvent réduites. Ce phénomène entraîne une baisse des anticipations de dégrèvements de la part des entreprises, qui se traduit par de meilleurs paiements au solde. De plus, les dégrèvements au titre du plafonnement en fonction de la valeur ajoutée (ordonnancés pour l'essentiel au titre des émissions de l'année précédente), bien qu'en réduction par rapport à la gestion 1999 du fait de la réforme du calcul de la taxe, ont également été supérieurs à la prévision.

- au titre de la taxe d'habitation: la gestion 2000 a été marquée par l'application des nouvelles mesures destinées à alléger le montant de la taxe d'habitation (suppression de la part régionale, élargissement du champ d'exonération) prévues dans la loi de finances rectificative de printemps pour 2000. Ces mesures se sont traduites par des dégrèvements d'office et donc par des recettes d'ordre améliorant ainsi le taux de recouvrement.

b) Les années récentes

Pour 2001 , l'écart négatif de 294,84 millions d'euros constaté sur le solde résulte de l'effet combiné de moindres recettes (- 451,25 millions d'euros) compensées en partie par de moindres émissions (- 156,41 millions d'euros).

L'écart négatif de 451,25 millions d'euros constaté sur les recouvrements s'explique par de moindres recouvrements que prévus sur le titre courant (- 295,14 millions d'euros induits principalement par la taxe professionnelle) et sur titre précédent (- 192,54 millions d'euros), en partie compensés par un supplément de recouvrements sur les titres antérieurs (+ 5,95 millions d'euros).

Outre l'incidence de l'écart entre les taux de recouvrement estimés et effectifs, les moindres recettes sur le titre courant sont en partie induites par de moindres émissions que prévues sur le titre courant (- 154,74 millions d'euros) constatées principalement sur la taxe d' habitation 10 ( * ) .

En 2002 , la plus-value de recettes de 1 266 millions d'euros est dégagée pour 1 391 millions d'euros sur l'exercice courant. Pour cet exercice, l'écart positif provient d'une plus-value d'émissions sur les impôts locaux.

Sur l'exercice précédent, un écart négatif de 89 millions d'euros est constaté. Cette moins-value s'explique par de moindres recettes d'ordre de taxe professionnelle (liées aux dégrèvements inférieurs aux prévisions).

Sur les exercices antérieurs, l'écart négatif de 34 millions d'euros observé a principalement pour origine des admissions en non-valeur inférieures à la prévision.

Si l'ensemble des écarts constatés entre 1996 et 2002 trouvent a posteriori une explication cohérente, votre rapporteur spécial n'en est pas moins amené à constater la fragilité des prévisions établies en loi de finances initiale, qui constituent certes un facteur intrinsèque de toute préparation budgétaire, et l'impact des variations en exécution d'un compte d'avances qui a des répercussions indéniables sur le solde du budget de l'Etat, à la hausse comme à la baisse.

Écart entre prévision et exécution pour le compte d'avances aux collectivités locales

(en millions d'euros et en pourcentage)

 

1993

1994

1995

1996

1997

1998

1999

2000

2001

2002

PREVISIONS (LFI)

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

Avances (débit)

37 070

42 818

46 889

49 070

52 163

53 961

54 604

55 339

55 293

54 400

Recettes (crédit)

35 556

41 771

46 549

48 067

51 848

53 549

54 604

55 598

55 888

55 300

Solde annuel

- 1.515

- 1.047

- 340

- 1.003

- 316

- 412

0

259

595

900

EXECUTION

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

Avances (débit)

40 067

43 949

46 268

49 538

51 919

54 076

54 776

55 649

55 137

56 221

Recettes (crédit)

39 119

42 390

43 934

49 834

51 942

54 161

55 421

56 731

55 437

56 566

Solde annuel

- 1.489

- 1.559

- 2.334

295

23

85

645

1 082

300

345

Solde cumulé

- 13 377

- 14.936

- 17.270

- 16.975

- 16.952

- 16.867

- 16.222

- 15.140

- 14.841

- 14.496

ECART EXECUTION/LFI

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

Avances (débit)

3 537

1.131

- 621

468

- 245

115

172

310

- 156

1 821

Ecart en %

9,54

2,64

- 1,32

0,95

- 0,47

0,21

0,31

0,56

- 0,28

3,35

Recettes (crédit)

3 563

619

- 2.615

1 767

94

611

817

1.133

- 451

1.266

Ecart en %

10,02

1,48

- 5,62

3,68

0,18

1,14

1,50

2,04

-0,81

2,29

Solde annuel

26

- 512

- 1.994

1 298

339

497

645

823

- 295

- 555

C. QUELLE ÉVOLUTION DU COMPTE AU REGARD DE LA DÉCENTRALISATION ?

Compte tenu de ce qui est indiqué ci-dessus, il paraît très difficile de réaliser des prévisions relatives à l'évolution du compte d'avances. L'inflexion positive du solde du compte d'avances paraît dans une certaines mesure « artificielle » : amélioration du taux de recouvrement par changement de la méthode de « comptabilisation » utilisée et par l'augmentation des mesures d'ordre, baisse des taux d'imposition dans le cas de la taxe d'habitation compensée à dure concurrence par des dégrèvements. L'amélioration effective du taux de recouvrement, si elle est bien réelle grâce aux progrès de la mensualisation, n'aurait pu à elle-seule entraîner une inflexion du solde du compte d'avances. En l'absence de réforme de la taxe professionnelle, le solde du compte 903-54 serait sans doute négatif depuis 2001. Le gouvernement prévoit d'ailleurs un solde légèrement négatif dans le projet de loi de finances pour 2004. Ceci s'explique sans doute par l'augmentation de la fiscalité locale liée notamment aux charges engendrées par l'allocation pour perte d'autonomie (APA).

Par respect pour l'autonomie fiscale des collectivités locales, l'État devrait être amené à « préserver » la fiscalité directe locale et ne pas modifier les règles du jeu comme il l'a fait pour la taxe d'habitation et la taxe professionnelle. L'impact des dégrèvements devrait donc être plus limité à l'avenir.

a) Un compte d'avances légèrement déficitaire l'avenir

Dans cette perspective, votre rapporteur spécial imagine le scénario d'un compte d'avances légèrement déficitaire dans les prochaines années : en absence d'une amélioration significative du taux de recouvrement réel, la progression des quatre impôt directs locaux, même si elle était limitée, devrait suffire à infléchir le solde du compte 903-54 à la baisse.

En matière d'établissement de l'assiette et de recouvrement des impôts directs locaux, la modernisation du service public de l'impôt progresse suffisamment lentement pour qu'elle n'ait qu'un impact minime sur le compte d'avances. Une plus grande efficience permettrait pourtant d'améliorer le solde du compte. D'une part, une diminution des coûts, qui doit être possible lorsque l'on examine le taux d'intervention en matière d'imposition locale, permettrait de diminuer les frais prélevés sur les recettes destinées au compte d'avances par l'Etat en matière d'assiette et de recouvrement. Ceux-ci (2.450 millions d'euros) excèdent déjà très largement les frais réels assumés par l'État (1.192 millions d'euros).

b) La nécessité d'améliorer le taux de recouvrement

Le taux d'intervention en matière d'impôts locaux, même si il baisse, reste aujourd'hui élevé. A titre de comparaison, le taux d'intervention global pour l'impôt sur le revenu s'élève à 2,55 % :

Taux d'intervention en 2002

 

1997

2000

2001

Taxe d'habitation

4,17

4,26

3,96

Taxe foncière

2,03

2,33

2,20

Taxe professionnelle

1,00

1,13

1,20

D'autre part, l'amélioration du taux réel de recouvrement passe par un effort accru de sensibilisation des contribuables en matière de mensualisation de l'impôt et de prélèvement à l'échéance : en la matière, des progrès significatifs devraient être accomplis.

c) L'impact de la décentralisation

Quel sera l'impact du nouveau mouvement de décentralisation sur le compte d'avances ?

L'article 72-2 de la Constitution dispose désormais que « tout transfert de compétences entre l'Etat et les collectivités territoriales s'accompagne de l'attribution de ressources équivalentes à celles qui étaient consacrées à leur exercice. Toute création ou extension de compétences ayant pour conséquence d'augmenter les dépenses des collectivités territoriales est accompagnée de ressources déterminées par la loi ».

A priori donc, la pression sur les impôts directs locaux, et donc sur le compte d'avances, devrait ainsi être limitée. Les nouvelles ressources transiteront-elles toutefois par le compte d'avances ? L'hypothèse d'un reversement, à hauteur de 5 milliards d'euros pour les départements et de 3 milliards d'euros pour les régions, d'une part de la taxe sur les produits pétroliers (TIPP) incite à répondre par la négative en terme de principe : contrairement aux impôts directs, il n'y a pas de décalage dans le temps pour la TIPP dans le recouvrement des recettes. L'octroi d'avances n'est donc pas totalement justifié. Serait-il pourtant intéressant en terme d'opportunité que les collectivités locales bénéficient d'avances afin de lisser leurs rentrées fiscales, les recettes de TIPP étant susceptibles de varier d'un mois à l'autre ? Votre rapporteur spécial ne le croit pas : le profil des rentrées mensuelles de TIPP est relativement peu heurté.

Rentrées mensuelles de TIPP

(en millions d'euros)

janvier

février

mars

avril

mai

juin

juillet

août

septembre

octobre

novembre

décembre

2001

1.800

1.860

1.770

2.020

1.790

2.080

2.110

1.950

2.140

1.920

1.930

2.040

2002

1.760

1.990

1.840

1.990

1.800

2.100

2.140

2.070

2.150

1.970

2.210

1.940

2003

1.790

2.110

1.900

2.020

1 980

2.160

2.060

2.120

 
 
 
 

Variation des rentrées mensuelles de TIPP

(en millions d'euros)

* 9 Prise en compte de 2001 en raison de problèmes informatiques survenus en 2002.

* 10 La moins-value d'émissions de la taxe foncière sur le bâti est en partie compensée par la plus-value constatée sur la taxe professionnelle.

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