EXAMEN EN COMMISSION
Réunie le
mercredi 12 novembre 2003
, sous la
présidence de
M. Jacques Valade, président
, la
commission a entendu une communication de
M. Jacques Legendre
sur
l'enseignement des langues vivantes étrangères en
France.
Un débat a suivi l'exposé du rapporteur.
Après avoir félicité le rapporteur d'avoir suscité
une réflexion sur ce sujet majeur,
M. Jacques Valade,
président
, a tout d'abord déploré la progressive
disparition de l'apprentissage de la langue française par les jeunes
générations des pays arabes et souhaité que des efforts
soient déployés pour renforcer la présence de notre langue
dans ces pays.
Il a ensuite souligné combien les opportunités offertes par la
maîtrise des langues de l'Extrême Orient, en termes d'ouverture
à la fois économique et culturelle, devaient être
valorisées pour inciter les jeunes à apprendre ces langues, et
notamment le chinois et le japonais.
Faisant remarquer que la ville de Bordeaux était jumelée avec la
ville de Wuhan en Chine, ce qui a permis la mise en place d'un accord de
coopération entre l'école de commerce bordelaise et
l'université de management de Wuhan, il a néanmoins
regretté que la langue d'enseignement utilisée dans le cadre de
ces échanges d'étudiants soit l'anglais.
Enfin, s'agissant de l'apprentissage précoce des langues
étrangères, il a relayé les préconisations du
rapporteur quant à l'exigence de continuité entre les
différents niveaux d'enseignement. En effet, dans la région
Aquitaine, alors que les initiatives d'une inspectrice générale
de l'éducation nationale, Mme Aline Delaunay, avaient permis le
développement de l'apprentissage de l'allemand dès l'école
maternelle, le suivi n'a pas été assuré à
l'école primaire et au collège.
M. Louis Duvernois
a salué l'opportunité d'un tel rapport,
alors même que notre pays ne semble pas encore avoir pris conscience de
l'importance d'un enseignement des langues reposant sur une politique
spécifique. Si M. Jack Lang avait perçu ce problème, il
n'y a néanmoins pas répondu avec des moyens adaptés.
M. Louis Duvernois a ensuite fait observer que les établissements
d'enseignement français à l'étranger pouvaient servir de
référence quant à l'apprentissage précoce des
langues étrangères, préconisé par le linguiste M.
Claude Hagège, dans la mesure où les enfants étudient
dès l'école primaire la langue du pays d'accueil, avec
d'excellents résultats sur le plan pédagogique, puisque les
performances au baccalauréat sont de 10 points supérieures
à la moyenne nationale. A ce titre, il a évoqué l'argument
avancé par les écoles américaines proposant une immersion
en français, selon lequel cette pratique permet de développer
l'ensemble des capacités cérébrales des enfants.
Il a enfin insisté sur l'urgence d'une véritable politique
nationale en faveur de l'enseignement des langues, indispensable pour assurer
la présence de notre pays et de notre culture au delà de nos
frontières.
M. Jacques Valade, président
, a affirmé, sur ce dernier
point, que la commission ferait en sorte que le rapport parvienne au
ministère de l'éducation nationale et reçoive
l'écoute qu'il mérite.
Après avoir rappelé que dans certaines grandes écoles
l'étude de trois langues était obligatoire,
M. Pierre
Laffitte
a souligné l'importance de maîtriser plusieurs
langues dans les secteurs du tourisme et du commerce international. Il a en
outre exprimé son adhésion aux propos du rapporteur quant
à l'importance de promouvoir un enseignement de l'arabe, notamment
à destination des jeunes des banlieues.
Mme Brigitte Luypaert
a insisté sur la nécessité de
rendre l'enseignement des langues à la fois plus attractif et plus
efficace, en différenciant notamment les niveaux d'apprentissage
visés. Elle a ensuite souhaité connaître s'il existait un
bilan des répercussions de l'introduction de l'enseignement des langues
à l'école primaire sur les résultats des
élèves.
Tout en remerciant les intervenants pour leur participation au débat,
M. Jacques Legendre
a apporté les éléments de
réponse suivants :
- le présent rapport a précisément pour objet de susciter
une réaction plus volontariste en faveur de l'enseignement des langues
étrangères de la part du ministère de l'éducation
nationale, alors même que le président de la République, M.
Jacques Chirac, a, lors de son allocution du 14 juillet 2003,
évoqué la nécessité de renforcer l'apprentissage
des langues vivantes au nombre des priorités assignées à
l'Ecole ;
- les premières analyses relatives aux effets de l'introduction à
l'école primaire de l'enseignement des langues sur le niveau des
élèves ne sont guère positives, dans la mesure où
cet enseignement a souffert pendant plusieurs années d'atermoiements et
d'hésitations quant aux méthodes et aux publics visés. De
fait, à défaut d'une véritable évaluation des
élèves, les professeurs du collège sont conduits le plus
souvent à ignorer les acquis éventuels des élèves.
A ce titre,
M. Jacques Valade, président
, a fait remarquer le
problème identique qu'avait suscité la mise en place des
mathématiques modernes, tout en espérant que cet échec,
à défaut de maturation suffisante, ne soit pas reproduit en
matière d'apprentissage précoce des langues ;
- s'agissant de la première langue apprise, M. Jack Lang a
cherché à relayer la pensée de M. Claude Hagège,
selon lequel il serait impératif d'apprendre une langue autre que
l'anglais à l'école primaire ; à cette fin, et sans opter
pour une méthode radicale et peu satisfaisante, consistant à
interdire l'étude de l'anglais à l'école, les familles
doivent bénéficier d'une information en amont de leur choix ;
- l'intérêt d'être polyglotte est incontestable dans les
secteurs du commerce et du tourisme, comme cela a par ailleurs
été souligné lors d'une récente séance de
l'Assemblée générale du Conseil de l'Europe ;
- un roman paru en 2003 sous la plume de l'écrivain algérien
Assia Djebar, intitulé « La disparition de la langue
française », aborde le risque de voir les élites des
pays arabes se tourner vers la langue et la culture anglo-saxonnes, constat qui
doit être toutefois nuancé si l'on considère que
l'Algérie reste le deuxième pays francophone ;
- l'enseignement du chinois tend à se développer en particulier
dans le cadre de l'Institut national des langues et civilisations orientales
(INALCO), même si la part qui lui est dévolue reste marginale et
insuffisante, tout comme l'est celle du vietnamien, malgré les
nombreuses possibilités d'échanges avec ces pays asiatiques.
A l'issue de ce débat, la
commission a décidé
,
à l'unanimité,
d'autoriser la publication des conclusions de
la communication relative à l'enseignement des langues vivantes
étrangères en France sous la forme d'un rapport d'information.
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« POUR QUE VIVENT LES LANGUES... :
L'ENSEIGNEMENT DES LANGUES ETRANGERES
FACE AU DEFI DE LA DIVERSIFICATION »
Huit ans
après la parution du rapport issu des travaux de la mission
d'information de la commission des affaires culturelles du Sénat,
intitulé « Vers un nouveau contrat pour l'enseignement des
langues vivantes », le présent rapport a pour objet de
renouveler l'appel en faveur d'une politique volontariste de diversification
des langues étrangères enseignées dans les
établissements scolaires.
En effet, l'état des lieux de la situation de l'enseignement des langues
révèle combien la tendance au resserrement de l'offre
linguistique s'est confirmée au fil des années,
élargissant un peu plus le «
cercle des langues
disparues
» : le tropisme vers le choix de l'anglais en
première langue et de l'espagnol en seconde langue tend à
marginaliser de plus en plus la part dévolue aux autres grandes langues
européennes ou mondiales.
Alors que les compétences linguistiques sont aujourd'hui indispensables
pour tout citoyen européen et tout acteur efficace sur le marché
mondial, il serait dangereux de se contenter de la seule maîtrise de
l'anglais, érigé au rang de
lingua franca.
Aussi, est-il devenu impératif et urgent de sensibiliser l'opinion
publique aux enjeux de l'apprentissage des langues, passerelle vers la
découverte d'autres cultures, et de promouvoir une réelle
politique de diversification, en adéquation avec les besoins de notre
pays en termes d'échanges économiques, politiques et culturels.