CHAPITRE 1


2003, POINT BAS AVANT UN RETOURNEMENT CYCLIQUE ?

La croissance de l'économie mondiale, comme de l'économie française, a beaucoup ralenti après le pic atteint en l'an 2000. Après trois années de décélération, les prévisionnistes s'attendent, pour 2004, à une reprise de la croissance dans les principaux pays développés. Les projections réalisées par l'OFCE, à la demande de votre Délégation pour la planification, retiennent elles aussi l'hypothèse d'un retour de la croissance française vers son potentiel dans le courant de l'année prochaine. L'année 2004 marquerait ainsi un retournement cyclique, après un point bas observé en 2003.

Il existe aux Etats-Unis et, de manière, plus inattendue au Japon, des signes tangibles de reprise économique. Les statistiques les plus récentes relatives à la croissance dans ces deux pays traduisent une indiscutable embellie. En revanche, des signes manifestes de reprise se font attendre pour les pays de la zone euro. Certains indicateurs avancés de confiance des ménages ou des chefs d'entreprise laissent espérer une reprise de l'activité. Mais celle-ci sera essentiellement tirée par l'amélioration de l'environnement international de la zone. La faiblesse des moteurs internes de la croissance devrait empêcher la zone euro de connaître, en 2004, une croissance comparable à celle des Etats-Unis. Cet écart accroîtra l'important retard de croissance accumulé par la zone euro vis-à-vis des Etats-Unis depuis une décennie. L'Europe apparaît toujours comme une zone dépendante, pour sa croissance, des évolutions observées outre-Atlantique.

I. RETOUR SUR LES PRÉVISIONS DE COURT TERME : UNE REPRISE ATTENDUE EN 2004

Pour la direction de la Prévision et de l'Analyse économique du ministère de l'économie et des finances (MINEFI), la croissance du PIB serait en 2004 de 1,7 %.

L'ensemble des prévisionnistes s'accorde pour anticiper une reprise de l'activité l'année prochaine . 2003 marquerait ainsi un point bas pour la croissance française, après deux années de ralentissement. Ce consensus apparent ne doit cependant pas masquer une divergence non négligeable . Pour les instituts indépendants , la croissance française en 2004 serait encore soutenue par une politique budgétaire relativement expansionniste . Le Gouvernement , quant à lui, envisage une politique budgétaire plus restrictive , avec un important effort de réduction du déficit structurel, se traduisant par une impulsion budgétaire négative, représentant 0,4 point de PIB. Autrement dit, la prévision de court terme du gouvernement est fondée sur une perspective de reprise plus dynamique que celle envisagée par les « indépendants ».

Après un bref retour sur la situation économique présente, seront présentés les facteurs qui permettent d'envisager un retour de la croissance l'année prochaine.

A. LA FRANCE A FRÔLÉ LA RÉCESSION EN 2003
La croissance française en 2003 devrait être proche de la croissance moyenne de la zone euro , estimée à 0,5 %. La croissance de la zone est pénalisée par la langueur de l'économie allemande (qui représente un tiers de l'économie de la zone euro) : son PIB devrait stagner en 2003. La croissance italienne, qui a fortement ralenti au premier semestre serait également faible, de l'ordre de 0,4 % sur l'année.

La croissance est plus soutenue en dehors de la zone euro : l' économie britannique , soutenue par une orientation favorable de la consommation des ménages et de la politique budgétaire, devrait connaître une croissance de 2 % cette année . Après deux années difficiles, l'économie japonaise semble avoir renoué avec la croissance, qui devrait avoisiner les 2 % cette année, mais des doutes subsistent quant à la pérennité de cette reprise (voir infra ).

Mais c'est surtout la vigueur de l'économie américaine en 2003 qui a surpris les analystes. Au deuxième trimestre, la croissance s'est accélérée, pour atteindre 3,1 % en rythme annuel, grâce à un rebond de l'investissement et à une bonne tenue de la consommation privée. Au troisième trimestre, les Etats-Unis ont même connu, selon les dernières statistiques disponibles, leur meilleure performance en terme de croissance depuis 19 ans, avec un taux de croissance de 7,2 % en rythme annuel. Sur l'année 2003, la croissance aux Etats-Unis serait de l'ordre de 2,4 %.

* * *

Après un point haut en 2000 (+ 3,8 % en volume), la croissance française a nettement ralenti, s'établissant à 2,1 % en 2001, puis à 1,2 % en 2002. Démentant les prévisions optimistes formulées à la fin de 2002, l'économie française a continué à ralentir cette année. Elle a même connu une brève récession au deuxième trimestre : le PIB s'est alors contracté de 0,3 %. Au total, sur l'année, la croissance du PIB pourrait atteindre 0,5 % selon la Direction de la prévision. La prévision de croissance, plus récente, formulée par l'INSEE est moins favorable, puisqu'elle s'établit à seulement 0,2 %. Cette dernière prévision intègre une première estimation des effets de la canicule du mois d'août; celle-ci devrait amputer la croissance française de 0,2 point de PIB, en raison de ses retombées négatives sur la production agricole.

Cette médiocre performance en terme de croissance a provoqué une certaine dégradation du marché du travail : pour la première fois depuis dix ans, le niveau de l'emploi devrait diminuer en France. 37.000 postes de travail seraient perdus cette année, selon la direction de la Prévision . Les suppressions d'emplois ont été fortes dans l'industrie, et n'ont pas été totalement compensées par les créations d'emplois intervenues dans les secteurs des services et de la construction.

Comme cela a été suggéré, les prévisionnistes s'attendaient, il y a un an, à ce que l'activité redémarre dans le courant de l'année 2003. Deux événements imprévus, ou dont l'impact a été sous-estimé, ont empêché la reprise espérée de se matérialiser :

* il s'agit en premier lieu de la guerre d'Irak : bien que bref, et rapidement remporté par la coalition anglo-américaine, ce conflit a pesé sur les anticipations des agents économiques au cours du premier semestre. Vecteur d'incertitudes, il a sans doute favorisé un certain attentisme de la part des investisseurs, comme des consommateurs. Il s'est accompagné d'une augmentation des cours du pétrole : le prix du baril de brut a atteint, par exemple, les 35 dollars au mois de mars 2003, alors qu'il valait 20 dollars début 2002. Le prix du baril s'est replié depuis, mais reste à des niveaux relativement élevés, de l'ordre de 28 dollars le baril en cette fin d'année 2003. Cette augmentation des cours du baril a amputé le pouvoir d'achat des ménages comme des entreprises. Pour la direction de la Prévision du ministère de l'Economie et des Finances, la croissance française aurait été diminuée de 0,1 point de PIB en 2003 sous l'effet de la hausse des cours du pétrole.

* la zone euro a souffert, de surcroît, d'une appréciation importante de la monnaie unique face à toutes devises. L'appréciation de l'euro face au dollar américain a été souvent notée, mais a un peu occulté l'appréciation concomitante de l'euro face aux autres grandes devises. Le Japon, et divers grands pays émergents, dont la Chine, se sont efforcés de contenir l'appréciation du dollar par rapport à leur monnaie grâce à des interventions sur le marché des changes. La Banque centrale européenne s'est abstenue de toute intervention, laissant l'euro s'apprécier face à la plupart des grandes devises. Tout le poids de l'ajustement des parités monétaires a donc pesé sur la zone euro, qui a subi une importante perte de compétitivité. La croissance de la zone euro a donc logiquement été pénalisée. L'euro s'est toutefois déprécié au cours du second semestre de l'année, ce qui devrait permettre à l'Europe de profiter pleinement de la reprise qui semble s'amorcer aux Etats-Unis.

Evolution des taux de change 2002-2003

 
 

Dollar/EUR

Yen/EUR

Livre st./EUR

2002

1 er trimestre

0,87

115,8

0,61

 

2 e trimestre

0,99

118,1

0,65

 

3 e trimestre

0,99

120,3

0,63

 

4 e trimestre

1,05

124,6

0,65

2003

1 er trimestre

1,09

128,8

0,69

 

2 e trimestre

1,15

137,5

0,70

 

3 e trimestre

1,09

127,5

0,69

 

4 e trimestre (prévision)

1,06

127,2

0,69

Source : BIPE, septembre 2003

Cet environnement international a dégradé une conjoncture intérieure déjà peu dynamique L'économie de la zone euro a ainsi stagné au premier semestre de 2003, sous l'effet d'une baisse des investissements, d'un affaiblissement de la consommation, et de la faiblesse des exportations, pénalisées par l'appréciation de la devise européenne.

En France, la dégradation du marché du travail a favorisé, comme toujours en pareille circonstance, un surcroît d'épargne de précaution de la part des ménages. La fragilité des perspectives de demande, la détérioration du taux de marge des entreprises, et la faiblesse des taux d'utilisation ont conduit les entreprises à différer encore certains projets d'investissement.

B. UNE REPRISE EN 2004 ?
Dans la mesure où l'année 2004 est la première année des projections à moyen terme exposées dans le présent rapport, il n'est pas inutile de rappeler les grandes lignes du scénario conjoncturel qui sous-tend les prévisions pour l'année prochaine. Il existe d'importantes nuances entre prévisionnistes, mais on peut toutefois dégager quelques éléments de consensus, notamment autour de l'idée que l'augmentation de la demande extérieure adressée à la France et à la zone euro fournirait à la reprise sa principale impulsion.
1. Une amélioration de l'environnement international est attendue
Après une croissance limitée à 3 % cette année, le Fonds monétaire international (FMI) estime que la croissance mondiale devrait accélérer, et atteindre 4,1 % en 2004.

Le commerce international, qui a progressé, en 2003 à un rythme lent de 2,9 %, devrait bénéficier de cette embellie. Il augmenterait, en volume, de 5,5 % en 2004, toujours selon les prévisions du FMI. L'économie française bénéficierait de ce regain d'activité : le MINEFI table sur une progression de la demande étrangère adressée à la France de 5,6 % en 2004, après 4,4 % en 2003.

L'impulsion de la reprise viendrait essentiellement des Etats-Unis . Comme cela a été mentionné précédemment, l'année 2003 a apporté de réels signes de reprise de l'activité outre-Atlantique. La vigueur de l'économie américaine devrait se confirmer en 2004. La phase d'ajustement des entreprises, consécutive au surinvestissement de la fin des années 1990, semble, en effet, en passe de s'achever, ce qui devrait favoriser une reprise durable de l'investissement. L'amélioration de la profitabilité des entreprises serait un facteur supplémentaire de soutien à l'investissement. Cette reprise de l'investissement serait toutefois progressive, en raison d'un taux d'utilisation des capacités de production aujourd'hui assez bas 1( * ) . Au total, la croissance américaine serait, selon le consensus des prévisionnistes, de 3,3 % en 2004 .

Le comportement de l'économie japonaise en 2003 a apporté quelques surprises. En effet, après deux années de quasi-stagnation, l'économie japonaise semble avoir renoué avec la croissance. Le FMI prévoit une croissance de 2 % cette année, un peu inférieure à la prévision moyenne des instituts, qui s'établit à + 2,3 %. Une franche reprise au Japon, qui pèse 15 % du PIB mondial, serait un important soutien à la croissance mondiale.

Toutefois, la prudence, à ce stade, reste de mise. En premier lieu, parce que les comptes trimestriels japonais font souvent l'objet de révisions importantes, tant à la hausse qu'à la baisse ; il convient donc de traiter avec prudence les statistiques les plus récentes, tant que celles-ci n'auront pas été confirmées. En second lieu, les prévisionnistes doutent que la reprise de l'économie japonaise soit durable . Ils anticipent, en effet, un nouveau ralentissement de la croissance en 2004. Celle-ci serait seulement de 1,4 % selon le FMI, et de 1,6 % pour les instituts. Tirée en 2003 par le dynamisme des exportations, la croissance japonaise serait freinée en 2004 par la tendance haussière du yen. De plus, la persistance des problèmes structurels de l'économie nipponne (dette publique élevée, population active en diminution, système financier fragile) empêcherait que la hausse des exportations soit relayée par une forte dynamique de croissance interne.

Parmi les économies émergentes , les pays d'Asie demeurent le principal pôle de croissance. Les économies asiatiques ont pourtant été affectées, au printemps, par l'épidémie de SRAS, et par un environnement international peu porteur. Mais l'accès de faiblesse qui en a résulté s'est révélé passager. La croissance de la zone devrait ainsi s'élever à 5,8 % en 2003, selon Rexecode, puis à 6,3 % en 2004.

La croissance des pays d'Europe centrale et orientale pâtit de la faiblesse de la conjoncture dans l'Union européenne, notamment en Allemagne. La croissance de ces pays s'échelonnerait toutefois entre 3 et 4 %, cette année et l'année prochaine, avec une tendance générale à l'accélération. La Russie fait exception : tirée en 2003 par le haut niveau des prix du pétrole, la croissance russe devrait ralentir, et passer de 5,5 % à 4,6 % en 2004 (prévisions Rexecode).

L'Amérique latine
a connu une année 2003 difficile (croissance limitée à + 0,2 %), après une récession en 2002. Le redressement de la demande américaine, la bonne tenue des prix des matières premières, et une demande interne mieux orientée soutiendraient la reprise en 2004 (prévision de croissance de 3,1 %).
2. Cette embellie favoriserait la reprise en France
L'amélioration de l'environnement international de la zone euro y favoriserait la reprise dans la zone euro. La France en tirerait profit. Les récentes enquêtes de conjoncture permettent d'anticiper un retour de la croissance au cours des prochains trimestres. S'il se confirme, le reflux de l'euro face au dollar et au yen, observé ces derniers mois, devrait permettre à l'Europe de profiter pleinement de la reprise de l'économie mondiale. La phase de restructuration, de désendettement et de restauration des marges des entreprises devrait s'achever en 2004, favorisant une remontée progressive de l'investissement productif. Mais la poursuite de la progression du chômage, jusqu'au début de l'année 2004, devrait peser sur la consommation des ménages. Au total, la croissance de la zone euro serait de l'ordre de 0,4 % en 2003 (prévision moyenne des instituts), et remonterait à 1,6 % en 2004.

Cette reprise économique serait obtenue en dépit de l'orientation plus restrictive de la politique budgétaire dans les deux plus grands pays de la zone euro, l'Allemagne et la France. Aujourd'hui en infraction avec le Pacte de Stabilité et de Croissance, ces deux pays ont pris des engagements pour ramener leurs déficits sous les 3 points de PIB en 2004 (Allemagne) ou 2005 (France). L'orientation de la politique budgétaire en Italie et en Espagne évoluerait peu par rapport à 2003.

L'évolution de l'économie française s'inscrirait dans ce mouvement d'ensemble. Pour l'INSEE, la croissance du PIB serait de 0,2 % au troisième trimestre, puis de 0,4 % au quatrième. La faiblesse des composantes internes de la demande conduit les conjoncturistes à faire preuve d'une grande prudence dans leurs prévisions pour 2004. En dépit du rebond attendu, la croissance de l'économie française resterait, l'an prochain, inférieure à sa tendance de longue période (qui est de l'ordre de 2,25 %). La prévision gouvernementale, qui a été retenue pour les besoins de la projection, est de +1,7 %.

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