7. L'OCDE et l'économie mondiale

Ce débat élargi est l'occasion d'associer des élus (y compris des représentants ad hoc du Canada, de Corée et du Japon) à l'appréciation des orientations de l'Organisation de coopération et de développement économique, de nature purement intergouvernementale et qui ne comprend pas de branche parlementaire. D'où les différences d'approche qui se font sentir dans ce débat annuel.

Ainsi, les orientations et prévisions sont exposées par M. Donald Johnston , Secrétaire général de l'OCDE. Il déclare tout d'abord :

« Je m'exprimerai tout d'abord en français.

Faut-il rappeler que l'OCDE est une organisation bilingue?

J'aimerais formuler quelques brefs commentaires sur chacune des principales régions économiques du monde.

Aux Etats-Unis, la reprise se déroule à peu près comme prévu dans les perspectives économiques publiées par l'OCDE en avril. La plupart des indicateurs sont en hausse et les enquêtes témoignent d'une activité soutenue dans les industries manufacturières comme dans les services. La confiance des consommateurs s'est améliorée depuis la guerre en Irak; les ventes au détail et les commandes de biens durables reflètent un affermissement de la demande finale.

Globalement, la croissance du PIB réel sera de l'ordre de 2,5 % sur l'ensemble de l'année 2003. De fait, les Etats-Unis jouent encore un rôle moteur dans la reprise économique mondiale grâce à d'importantes mesures de relance monétaire et budgétaire. Cependant, ce pays, comme certaines autres grandes économies de l'OCDE accusent aujourd'hui des déficits publics considérables et croissants. Cette tendance préoccupante appellera une vigoureuse action correctrice dès que la reprise aura acquis une certaine dynamique.

Aux Etats-Unis, l'inflation qu'on appelle tendancielle, c'est-à-dire «OP» des produits alimentaires et énergétiques va continuer de baisser progressivement puisque, même avec une accélération de la croissance, il faudra un certain temps pour résorber la marge de capacité non utilisée. Etant donné le rythme de la reprise, il semble néanmoins que le risque de déflation cité dans le rapport de M. Caccia se soit aujourd'hui considérablement éloigné.

Au Japon, contre toute attente, je le dis à nos amis japonais ici présents, la croissance économique a été nettement positive. Elle pourrait dépasser les 2 % cette année. La confiance des entreprises au Japon s'est légèrement améliorée au cours de la période récente sous l'effet d'un redressement des bénéfices, d'une avancée des restructurations, d'une amélioration des perspectives de croissance aux Etats-Unis - ce qui est très important - et en Asie ainsi que d'une diminution des incertitudes à l'échelle mondiale. La confiance des ménages s'est, elle aussi, raffermie. Enfin, si l'inflation tendancielle a été négative pendant la moitié d'une décennie, on s'attend désormais à ce qu'elle se rapproche progressivement de zéro grâce à une activité plus soutenue et une politique monétaire plus active.

La zone euro demeure un des points faibles de l'économie mondiale car la reprise attendue ne s'y est pas encore concrétisée. Pour l'ensemble de la zone, la croissance pourrait n'être que d'environ 0,5 % en 2003.

Les premiers signes de raffermissement sont discernables. Ainsi, l'inflation tendancielle a sensiblement baissé, passant sous la barre des 2 %. Je dois cependant mettre un bémol, car vous avez pu constater récemment la faiblesse du dollar américain. Je n'en parle pas dans mon discours, mais c'est évidemment un aspect inquiétant et vous avez pu constater que les autorités japonaises ont essayé cette semaine de redresser la situation. »

M. Jean-Pierre Masseret , Sénateur, tient à exprimer des réserves sur ces orientations, insistant sur la nécessaire subordination de la « mondialisation » au respect d'un socle de droits sociaux universels et la prise en compte d'un développement durable et plus généralement du principe de précaution sans lesquels il n'est pas de libre concurrence loyale :

« Mon propos se veut équilibré.

Je soulignerai d'abord quelques points de satisfaction que je partage avec notre rapporteur.

- le renforcement du contrôle législatif de la « gouvernance d'entreprise » et de la transparence des marchés financiers.

- l'urgence d'organiser les moyens de lutte contre d'éventuelles épidémies avec le renforcement des moyens de l'Organisation Mondiale de la Santé (OMS).

- la distinction entre l'approche des échanges de biens matériels et le secteur culturel, nécessitant, je cite, « un intérêt accru et spécifique » ; je note l'initiative canadienne pour promouvoir un instrument international en faveur de la diversité culturelle et j'approuve pleinement l'appui donné à l'objectif commun au Conseil de l'Europe et à l'UNESCO.

Évidemment, j'approuve tout particulièrement l'insistance que met notre rapporteur à soutenir un élargissement des critères de performance économique dans les travaux de l'OCDE. Il est indispensable que les analyses de ces performances se placent dans des perspectives à moyen et long terme, celui du développement durable.

Il faut substituer, à des critères strictement économiques, une appréciation intégrée du développement de nos sociétés prenant pleinement en compte

-- le développement humain et social,

- la protection de l'environnement.

J'approuve encore l'appel à la prise en compte dans les recommandations de l'OCDE du principe de précaution à l'égard de la santé humaine et de l'environnement dans son évolution à long terme. Cela vaut par exemple pour l'administration d'hormones aux animaux d'élevage dont des résidus se retrouvent dans la viande et dans le lait, cause probable de nombreux cancers. Or certains États membres de l'OCDE, notamment les États-Unis, imposent des pénalisations à l'Union européenne qui a interdit ces pratiques.

Il est impératif que l'Organisation mondiale du Commerce (OMC) soit tenue à son tour d'intégrer ce principe de précaution dans les traités et les arbitrages qui s'élaborent dans ce cadre.

Je pense même qu'il convient d'inviter les États-Unis à s'engager clairement dans la réduction des émissions de gaz à effet de serre selon les normes de Kyoto. Cela vaut aussi pour la Russie et la Chine qui ont des gisements énormes d'économies en améliorant leurs performances d'efficacité énergétique.

Je soutiens évidemment aussi l'intégration d'indicateurs d'éducation et de cohésion sociale pour la définition des politiques économiques.

Je voudrais seulement que ces indicateurs s'appuient sur les normes de l'Organisation internationale du travail (OIT) :

- interdiction du travail des enfants,

- interdiction du travail forcé,

- protection de la santé et de la sécurité des travailleurs,

- respect du droit syndical,

- limitation du temps de travail.

Ouvrir à la concurrence les échanges avec des pays qui permettent le travail des enfants ou qui emprisonnent les syndicalistes, ce n'est pas le libre jeu du marché, c'est la loi de la jungle.

Mais je m'interroge sur la cohérence de toutes ces recommandations très positives de prise en compte du développement durable, social et environnemental, avec les paragraphes 4. et 5. du projet de résolution.

L'appel à l'introduction, je cite, de « davantage de flexibilité sur les marchés de l'emploi » est contradictoire avec une prise en compte du « développement humain et social » ou de la « cohésion sociale » dans les politiques économiques préconisées par l'OCDE.

De même, l'invitation à conclure rapidement le nouveau cycle de négociations des règles de l'Organisation mondiale du Commerce (OMC) devrait également pointer le refus de la partie américaine d'accepter la fin des subventions à la production de coton qui ruinent les producteurs africains, victimes de dumping.

Enfin, l'appel à une « réforme structurelle » sous la pression de l'affaiblissement du dollar par rapport à l'euro est inconciliable avec la promotion du développement durable. Un des « avantages comparatifs » de l'économie américaine ne vient-il pas précisément du refus des disciplines de la solidarité sociale à l'intérieur des États-Unis et, dans le cadre international, avec les autres États, y compris les plus pauvres.

Notre rapporteur pointe à juste titre, je le cite : « l'augmentation incontrôlée des déficits et de la dette accumulée du budget américain qui devrait atteindre 455 milliards de dollars en 2003 ». Ce déficit absorbe désormais 75 % de l'épargne mondiale.

J'aimerais que l'appel à des réformes structurelles urgentes et de grande ampleur s'adresse d'abord à un comportement qui déstabilise profondément l'économie mondiale. La politique actuelle des États-Unis ne saurait d'ailleurs être donnée en exemple puisqu'on y compte désormais près de 35 millions de personnes pauvres, soit une augmentation de 1,7 millions en un an.

Les baisses d'impôts conjuguées avec l'augmentation des dépenses de défense, en particulier avec l'aventure irakienne, expliquent cette régression sociale. Dès lors, laisser filer la valeur de la devise américaine c'est faire porter sur l'extérieur et en particulier sur l'Europe le coût de politiques que nous désapprouvons.

Sous réserve de ces contradictions qui affaiblissent me semble-t-il le projet de résolution, je voudrais souligner combien j'approuve une intégration des critères reflétant les dépenses d'éducation, de solidarité sociale, de protection de la santé humaine et de l'environnement dans l'appréciation et la définition des politiques économiques, en particulier dans les travaux de l'OCDE. »

Au terme de ce débat, l'Assemblée a adopté la Résolution 1350.

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