QUATRIEME CHAPITRE : RECOMMANDATIONS ET CONCLUSIONS DÉCIDER AUJOURD'HUI POUR ÊTRE PRÊTS DEMAIN

Les nanobiotechnologies pourront apporter de réels progrès dans le domaine de la santé.

Comme l'ensemble des nanotechnologies, elles sont aujourd'hui incontournables, porteuses d'espoir et d'attente mais aussi parfois de polémiques et de craintes.

Selon Renzo TOMELLINI, chef de l'Unité Nanosciences et Nanotechnologies de la Commission européenne, les craintes des risques perçus (même s'ils sont parfois irréalistes ( 41 ) ) doivent être prises en compte.

« Nous ne voulons pas générer des effets induits négatifs [...]. L'on ne peut pas -comme cela a trop souvent été le cas dans le passé- produire des biens et des services, créer du bien-être et des emplois tout en polluant » ( 42 ) .

C'est pourquoi, il est indispensable d'acquérir dès maintenant des connaissances sur les risques éventuels des nanotechnologies, ces recherches devant être menées exactement en parallèle avec les recherches scientifiques portant sur les applications de ces nanotechnologies, et de diffuser l'ensemble des résultats auprès du plus grand nombre de citoyens.

Les recommandations qui suivent tentent, en toute modestie, de proposer diverses solutions permettant de bénéficier des nanobiotechnologies pour le progrès médical sans prendre de retard mais sans faire courir aucun risque aux êtres humains et à l'environnement, tant d'un point de vue sanitaire que d'un point de vue éthique.

IX. LA RECHERCHE

A. LES RECHERCHES SCIENTIFIQUES

• Une loi devrait être soumise au Parlement français afin d'affirmer le caractère stratégique des nanotechnologies, d'établir une véritable « feuille de route » et de définir les orientations de recherche et de soutien (financier et industriels) à court et à long terme.

Au préalable, il est indispensable que le Gouvernement établisse un projet de feuille de route qui permettrait de « fixer des objectifs et un ordre de marche aux différents opérateurs, en s'assurant de la cohérence de leurs moyens, (ressources en personnels et moyens matériels) et de la complémentarité de leur champ d'activité, à la fois au plan national et au plan européen » ( 43 ) .

Cette loi devrait, compte tenu de l'évolution extrêmement rapide des nanotechnologies, prévoir sa réévaluation périodique par les pouvoirs publics et notamment l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques , celui-ci étant automatiquement saisi comme l'a prévu la loi du 1 er juillet 1998 (article 30) relative à l'Agence française de sécurité sanitaire environnementale et à l'Agence française de Sécurité sanitaire des aliments, et, plus encore, la loi n° 94-654 du 29 juillet 1994 » relative au don et à l'utilisation des éléments et produits du corps humain, à l'assistance médicale à la procréation et au diagnostic prénatal », désignée plus couramment sous le terme de « LOI SUR LA BIOETHIQUE ».

Ces orientations doivent absolument auparavant faire l'objet de discussion avec la Commission européenne car les programmes de recherche des divers pays européens souffrent cruellement d'un déficit de coordination au niveau européen.

• Il est indispensable de recenser toutes les recherches sur les nanobiotechnologies dans le cadre français (qu'il s'agisse des Instituts de recherche publics, des Universités, du secteur industriel) et dans le cadre européen . Ce recensement pourrait être réalisé au niveau national par l'Académie des Sciences ou des Technologies, comme suite à son récent rapport, et au niveau européen par l'Unité Nanosciences et nanotechnologies de la Commission européenne.

Ce recensement aurait deux implications indispensables :

- éviter d'éventuels doublons inutiles,

- favoriser les coopérations des équipes de recherches travaillant, en l'ignorant parfois, sur des thèmes similaires.

B. LES STRUCTURES DE RECHERCHE

• Il conviendrait que l'OMNT français (Observatoire des micro et nanotechnologies) ainsi que le suggère le rapport relatif au financement des nanotechnologies et nanosciences remis récemment par MM. A. BILLON, JL. DUPONT et G. GHYS, au Ministre de la Jeunesse, de l'Education nationale et de la Recherche, soit doté de moyens supplémentaires pour proposer au Ministère de la recherche de structures de recherche cohérentes et coopérantes au niveau national.

Il est intéressant de noter et de saluer l'initiative qu'a constitué la création de l'OMNT qui permet aux chercheurs issus de différents organismes de travailler ENSEMBLE (et non chacun de leur côté...). En effet, l'OMNT regroupe des experts issus du CEA, du CNRS, de l'INSERM et des Universités qui réalisent une veille technologique dans le domaine des micro et nanotechnologies.

L'OMNT doit donc :

• Déterminer de façon totalement indépendante les pistes de recherche à étudier en priorité tant pour les progrès des nanotechnologies que pour leurs implications sanitaires et environnementales (la création d'un observatoire européen est prévue mais il ne verra pas le jour avant quelques années).

• Etablir une veille permanente des recherches menées dans le monde entier.

• Etudier les possibilités de coopérations, bien évidemment au niveau européen, mais aussi au niveau international en adoptant une attitude prudente car, ainsi qu'on l'a montré, les enjeux en terme de rentabilité économique et de propriété intellectuelle sont énormes.

Un NanoTech ou NNI français

Les auteurs de ce rapport soutiennent vivement la position exposée par un expert dans une récente publication des Annales des Mines ( 44 ) :

« Dans le domaine des technologies exploratoires, la mise en place d'un grand programme interministériel, que l'on pourrait baptiser NanoTech ou NNI français, impliquant les industriels dans l'élaboration des objectifs permettant une véritable mise en réseau des compétences d'entreprises et de laboratoires, doté d'une organisation réactive et ouverte, susceptible de drainer des fonds privés, serait propre à assurer au pays une position de premier plan dans le domaine des nano-technologies et de leur mise en oeuvre industrielle.

Cette initiative doit être ouverte à des participations internationales, de façon à inciter les meilleurs experts étrangers à y collaborer. Il conviendra également de favoriser les regroupements d'équipes interdisciplinaires et inter organismes au sein de fondations le rapprochement entre la recherche publique et la recherche industrielle sur des objectifs à moyen terme. »

Il est indispensable que dans un secteur dont les aspects relatifs à la recherche, à la brevetabilité, aux conséquences sociales et environnementales évoluent extrêmement rapidement, de disposer d'une absolue capacité de réaction aux nouveautés.

Ainsi que l'ont signalé les auteurs du rapport de l'Académie des Sciences et des Technologies lors de leur audition par les rapporteurs, « ces problèmes à la pointe de l'actualité évoluent très vite : l'échelle est le mois, voire moins. L'unité de gestion française est l'année (dans le meilleur des cas). Si l'on se plie à ce carcan, la France sera toujours en retard ».

La création d'une Agence de type A3N (Agence Nationale pour les Nanosciences et la Nanotechnologie -suggérée par l'Académie des Sciences et l'Académie des Technologies) disposant de financements pluri-annuels (au minimum 5 ans), distribuant sur projets les fonds aux laboratoires partenaires du programme interministériel « NanoTech ou NNI français » évoqué plus haut et veillant, en coopération avec l'OMNT, à maintenir les synergies entre les différentes disciplines et les divers programmes de recherche est indispensable . Elle devra impérativement travailler en étroite collaboration avec l'Unité Nanosciences et Nanotechnologies de la Commission européenne.

Nano2Life

Premier réseau d'excellence européen dans les nanobiotechnologies

En février 2004 s'est tenue dans la région Rhône-Alpes la réunion de lancement de Nano2Life, premier réseau d'excellence européen en nanobiotechnologies reconnu par la Commission européenne dans le cadre de son 6 ème programme cadre de recherche et développement technologique (PCRDT).

L'objectif de Nano2Life est d'intégrer l'expertise européenne existante dans le domaine des nanobiotechnologies et de rendre l'Europe plus concurrentielle dans ce domaine, y compris dans le transfert industriel.

A la convergence des nanotechnologies et des biotechnologies, les nanobiotechnologies (biopuces, laboratoires sur puces, biocapteurs...) ont de nombreuses applications : diagnostic médical, développement de nouveaux médicaments, contrôles alimentaires, analyse bactérienne de l'eau, diagnostic hors laboratoire... Le marché est estimé à 1 milliard d'euros en 2005 avec une croissance de 16 % à 25 % par an pour les biopuces.

Nano2Life vise à réduire le morcellement des recherches européennes dans ce domaine en intégrant des équipes de 23 organismes de recherche : CEA, CNRS, Inserm, Institut Fraunhoffer, Université de Muenster (Allemagne), Ecole polytechnique fédérale de Lausanne, Universités de Newcastle (Grande-Bretagne), de Lund (Suède)... Plus de 200 chercheurs seront impliqués durant les quatre ans de la vie de ce réseau, 20 sociétés privées , groupes et start-up (IBM, BASF, Apibio, Protéin Expert...) seront également associés.

Le centre CEA de Grenoble sera le coordinateur du réseau européen Nano2Life, choix qui peut s'expliquer par l'engagement de ce Centre dans les micro et nanotechnologies appliquées à la biologie et la santé, concrétisé notamment par les futurs pôles Minatec et Nanobio.

C. RECHERCHE ET ECONOMIE

Si le gouvernement français, à l'issue du débat évoqué plus haut avec le Parlement, décide qu'un programme « Nanotechnologie » est indispensable, ce qui est l'avis des auteurs de ce rapport, il reconnaîtra que les efforts de financement publics nationaux ne sont pas à la hauteur de cet enjeu stratégique.

• Il est indispensable qu'après les fusions des grands laboratoires pharmaceutiques européens qui viennent d'être réalisées et qui les ont légitimement préoccupés, ils exposent maintenant au Ministère de la Recherche et, parallèlement, à l'OMNT, leurs projets de recherche relatifs aux nanobiotechnologies.

• En terme de poids critique des centres de recherche . Les rapporteurs recommandent vivement que les financements publics (comme d'ailleurs les centres de recherche) ne soient pas « saupoudrés », ni au niveau européen, ni au niveau national.

Ainsi qu'ils l'ont exposé dans ce rapport, ils soutiennent le projet du Ministère de la Recherche, de développer quatre grands centres de compétences : MINATEC (pôle d'innovation en micro et nanotechnologies) à GRENOBLE, LAAS (Laboratoire d'analyse et d'architecture des systèmes) à TOULOUSE, IEMN (Institution d'Electronique, de Microélecronique et de Nanotechnologie) à LILLE, et IEF/LPN (Institut Electronique Fondamentale / Laboratoire de photonique et de nanostructures) à PARIS.

Ils proposent d'ajouter un cinquième axe de recherche : il s'agit d'un pôle-Est alliant BESANÇON - BELFORT - STRASBOURG qui permettrait à la fois de bénéficier des excellentes compétences de Besançon (héritées notamment de l'horlogerie, en termes de micro-mécanique, et très bien appliquées dans le domaine des nanobiotechnologies), de ses relations sur ce thème de recherche avec l'Université de Belfort, des compétences en biotechnologies de la région alsacienne et enfin des rapports privilégiés de ce pôle-Est avec les chercheurs suisses et allemands dont les avancées ont été évoquées au chapitre III.

X. LES ASPECTS SOCIO-CULTURELS ET ETHIQUES

A. ORGANISER UNE INFORMATION LARGE ET EN AMONT, CIBLÉE EN FONCTION DES PUBLICS

• Les auteurs du rapport vont diffuser auprès des parlementaires, des participants au colloque organisé au Sénat le 6 février 2004 sur « Nanosciences et médecine au XXIème siècle, aux bibliothèques universitaires, aux services culturels et scientifiques des Ambassades de France, etc... un DVD réalisé par la DG Recherche de la Commission européenne sur les Nanotechnologies.

• De même que le BRTF (Better Regulation Task Force) organisme indépendant de conseil du Gouvernement britannique ( 45 ) , les auteurs de ce rapport proposent de mettre en place un forum de discussion en ligne où les citoyens pourraient s'informer facilement. Ce forum pourrait être animé par le CCSTI ( 46 ) de Grenoble qui a mis en oeuvre le programme « Nanomonde 2005 » ( 47 ) initié par l'Institut polytechnique de Grenoble et le CEA, soutenu par la région Rhône-Alpes et le Ministère de la Recherche, et qui a créé deux sites Internet destinés aux élèves et aux enseignants.

• Le portail d'information scientifique que vient de créer le Ministère de la Recherche (www.science.gouv.fr) devrait intégrer des informations sur les nanotechnologies et des liens permettant l'accès aux sites relatifs à ce sujet.

• L'exposition organisée par le CCSTI de Grenoble dans le cadre de Nanomonde 2005 devra être présentée non seulement à la Cité des Sciences mais dans de nombreuses villes françaises.

B. ACQUÉRIR ET DIFFUSER DÈS MAINTENANT DES CONNAISSANCES AU SUJET DES RISQUES ÉVENTUELS QUE PRÉSENTERAIENT LES NANOTECHNOLOGIES

Il convient de mener immédiatement et en parallèle avec la recherche scientifique sur les progrès nanobiologiques des études visant à mesurer leur éventuelle :

- toxicité (pour l'homme en général et, de façon particulière, pour les travailleurs des secteurs nanotechnologiques),

- dissémination dans l'environnement.

De telles recherches ont actuellement lieu. Aux Etats-Unis, le programme NNI consacre 50 M$ aux implications environnementales des nanotechnologies.

De nombreuses institutions sont engagées dans ces recherches : l'EPA (Environmental Protection Agency) ; l'US department of Health and Human Services par l'intermédiaire du NTP (National Toxicology Program), programme supervisé par le National Institute of Environmental Health Science ; le Nano Ethics Center ; l'American Nanotechnology Preparedness Center ; le Center for Biological and environmental Nanotechnology (Rice University) etc...

Au Canada, l'Université de Toronto est au coeur de ce type de recherche (Joint Center for BioEthics).

Au Royaume-Uni, le Gouvernement a confié à trois organismes : Royal Society, National Academy of Science, Royal Academy of Engineering, le soin de mener une étude indépendante sur les bénéfices et les risques des nanotechnologies et le Better Regulation Task Force a également publié un document précédemment cité dans ce rapport.

En Suède, une étude de ce type a été confiée à la Lund University.

En Allemagne, plusieurs actions sont menées par l'Office d'évaluation technologique du Parlement.

En Suisse, le Bureau d'Evaluation Technologique et l'Institut Fédéral de Technologie conduisent également des études.

En Europe, le programme de recherches Nano-Pathology a été lancé fin 2001 et les programmes Nanosafe et Nanoderm ont été lancés en 2003.

Le 6 ème programme-cadre de recherche prévoit qu'une partie des 1,3 milliard d'€ prévus pour les nanotechnologies sera consacré à ces aspects.

Selon M. Renzo TOMELLINI, chaque projet sélectionné pour un financement par la Commission comportera également, le cas échéant, des aspects relatifs à la sécurité, à l'éthique, à la métrologie et à l'enseignement.

En France, l'Action Concertée Incitative relative aux nanotechnologies comporte un volet ECODYN pour l'étude de la dissémination environnementale.

On pourrait envisager de confier à l'AFSSE (Agence Française de Sécurité Sanitaire et Environnementale) une étude relative à la dissémination des nanoparticules dans l'environnement. Quant à la toxicité éventuelle des nanoparticules, elle doit donner lieu à deux sortes d'études distinctes, l'une concernant la population en générale, et l'autre les travailleurs du secteur des nanotechnologies (INERIS -Institut National de l'Environnement Industriel et des Risques- ou INRST -Institut National de Recherche Scientifique et Technique-).

Certes, il est utile de mener des recherches relatives aux risques éventuels des nanotechnologies.

Il faut surtout suivre une méthodologie stricte et rationnelle qui suppose de travailler en deux temps :

- réunir des experts de toutes nationalités qui détermineront ensemble les « outils » à utiliser pour étudier la toxicité,

- puis déterminer les études qui seront menées avec ces outils.

Travailler sans appliquer strictement cette méthodologie pourrait conduire à une demande de moratoire sur l'utilisation des dispositifs utilisant des nanoparticules ce qui risquerait, comme dans le cas de nombreux moratoires, de faire naître des démarches de recherche clandestine sur les nanotechnologies.

C. DES RÈGLES D'ÉTHIQUE SONT INDISPENSABLES

Il ne s'agit pas seulement d'agir de façon responsable en étudiant les éventuels risques liés à la toxicité ou la dissémination des nanoparticules, mais de fixer au niveau international (ONU) des règles contraignantes d'utilisation des nanotechnologies afin d'éviter les dérives possibles dans des domaines tels que :

- le respect de la vie privée,
- les utilisations militaires dévoyées,
- la tentation de « l'homme augmenté ».

En France, un groupe de travail « Nanotechnologies » vient d'être créé au sein du Comité Consultatif National d'Ethique (CCNE).

Il se compose de :

Mmes M. CANTO-SPERBER
P. COSSART

MM. C. BURLET
J.L. LORRAIN
J. MONTAGUT
D. SICARD

Il conviendrait qu'il transmette des propositions dès que possible à l'ONU, après avoir dans un premier temps et dans un souci d'efficacité, déterminé un « corpus de doctrine » ( 48 ).

XI. ASPECTS SOCIO-ECONOMIQUES

A. DES NORMES INTERNATIONALES

Elles doivent concerner notamment les modes de fabrication des nano-objets et être fixées au niveau international car le pays qui établirait le premier des normes de ce type se trouverait facilement en position de monopole.

B. LA BREVETABILITÉ

Elle doit aussi être précisément définie. On peut concevoir qu'un seul brevet pourrait prévaloir dans de nombreux secteurs industriels des nanotechnologies en raison de son potentiel à couvrir tous les aspects fondamentaux. Détenir le brevet d'une technique de base de fabrication de nano-objet donnerait ainsi les moyens de bloquer ou de faire payer très cher tous ceux qui seraient contraints de l'utiliser.

D'ailleurs, une grande réunion de l'Office Européen des Brevets est prévue, sur ce sujet précis, à La Haye, en novembre 2004.

C. LA PRÉPARATION D'UN «TISSU »

Au niveau universitaire en privilégiant l'interdisciplinarité .

Les Universités d'été interdisciplinaires sur les nanobio-technologies telles que celles qu'organise M. FOURCADE ( 49 ) à l'Université Joseph Fourier de Grenoble doivent être organisées chaque année et étendues à d'autres établissements.


Comme à l'Université de Stanford (Bio-X), il est indispensable de favoriser la création d'établissements assurant aux étudiants de 3 ème cycle une formation interdisciplinaire.

« C'est une espèce en voie d'apparition... qui niche dans les salles blanches et aime observer le monde de l'infiniment petit. Souvent cachée derrière des microscopes à effet tunnel, elle commence à faire ses premiers pas dans l'industrie, qui lui prédit un bel avenir. Cette espèce, c'est l'ingénieur en nanotechnologies. « La révolution du nanomonde va toucher tous les secteurs d'activité : la mécanique, les biotechnologies, l'optique, l'opto-électronique, la chimie. Nous avons besoin de personnes formées à cette nouvelle réalité et à ses concepts », assure Claude PUECH, directeur scientifique et technique de Thales High Tech Optics et président du club Nano-micro Technologie, qui rassemble chercheurs, enseignants et industriels.

Pour répondre à cette nouvelle demande, quelques établissements se sont lancés dans l'aventure. Trois DESS en nanotechnologies cohabitent en France, à Orsay, Dijon et Lyon. Pionnière du genre, l'Université Claude Bernard, implantée dans la capitale des Gaules, a créé le sien dès 1999. Son objectif ? « Sensibiliser les étudiants aux propriétés industriellement exploitables de cette matière et les décomplexer avec la manipulation d'outils et d'objets à l'échelle moléculaire », répond Vu Thien BINH, responsable du DESS. Chaque année, une quinzaine de spécialistes, issus de la physique, de la chimie ou de la biologie, suivent cet enseignement qui se déroule sur une année (six mois d'enseignement, six mois de stage en entreprise).

Du côté des écoles d'ingénieurs aussi, l'heure est aux formations « nano ». L'Institut national polytechnique de Grenoble accueillera sa première promotion d'élèves ingénieurs en nanotechnologies à la rentrée prochaine [...]. Cette formation, sur deux ans, aura un spectre large et couvrira les grands domaines des micro et nanotechnologies en allant jusqu'à leur conception ». Public cible ? Avant tout des électroniciens, des informaticiens ou des physiciens titulaires d'un niveau bac+3. Bâti en partenariat avec l'école polytechnique fédérale de Lausanne et le Politecnico de Turin, la formation sera dispensée, dans sa grande majorité, en anglais. Une quarantaine d'étudiants devrait suivre ce cursus pour en sortir en juillet 2006.

[...] L'Université de technologie de Troyes (UTT), qui abrite un laboratoire de nanotechnologies et d'instrumentations optiques, ouvrira, à la même date, un Master recherche et proposera une option en dernière année du cursus classique d'ingénieur. Tout comme à l'ISEN de Lille qui offre une « unité d'ouverture » de 24 heures, baptisée nanosciences, à ses élèves de quatrième année. En terme de contenu, ces formations ne sont pas encore révolutionnaires. Elles s'attachent encore beaucoup à l'apprentissage des outils tels que les microscopes à effet tunnel [...].

« Si les cursus n'ont rien de miraculeux. Leur intérêt c'est que les diplômés y apprennent à penser différemment, précise Claude PUECH. Grâce à cette formation en nanotechnologies, ils vont acquérir des réflexes qui leur permettront de faire évoluer les processus de fabrication, de conception ou la métrologie en tenant compte de ces nouveaux concepts ( 50 ) . »

Au niveau médical (formation initiale et continue)

• Au plan industriel en concevant des pôles régionaux alliant recherche et fabrication

D. PRÉVOIR DES ÉTUDES DANS DES DOMAINES TRÈS DIVERS

1. Des études des marchés

Elles sont indispensables et doivent bien distinguer les trois champs d'application possibles des nanobiotechnologies : le diagnostic (mieux voir in vitro et in vivo), les soins (notamment la vectorisation des médicaments) et la compensation des déficits (neuroprothèses, ingénierie tissulaire...).

2. Des études d'économie de la santé

Celles-ci auraient principalement deux objectifs.

- essayer de déterminer dans quels cas le recours aux nanobiotechnologies sera économiquement justifié, compte tenu de l'évaluation de son efficacité

- étudier la possibilité du remboursement par la Sécurité Sociale de certains produits ou dispositifs nanobiotechnologiques afin d'avoir une idée plus précise des risques de « médecine à plusieurs vitesses ».

3. Une étude relative au stockage des données

Cela permettrait de résoudre le problème exposé dans le troisième chapitre : comment stocker les innombrables données que pourront fournir les nanobiotechnologies, comment gérer ces données et comment couvrir le coût de cette gestion.

*

* *

Les auteurs de ce rapport espèrent que l'ensemble de ces recommandations permettra à notre pays, en coopération avec l'Union européenne, d'aborder avec efficacité et sérénité ce XXIème siècle qui selon le Pr. Horst STORMER, Prix Nobel de Physique, sera le siècle des nanotechnologies.

1 Document extrait du rapport Nanosciences - Nanotechnologies de l'Académie des Sciences et de l'Académie des Technologies - rst n° 18 - avril 2004

2 Document extrait du rapport Nanosciences - Nanotechnologies de l'Académie des Sciences et de l'Académie des Technologies - rst n° 18 - avril 2004

3 Document extrait du rapport Nanosciences - Nanotechnologies de l'Académie des Sciences et de l'Académie des Technologies - rst n° 18 - avril 2004

4 M. J-M GROGNET - L'innovation thérapeutique marque-t-elle le pas ? BIOFUTUR 239 35-41 (2003)

5 DRUMOND TG, HILL MG et BARTON JK, Electrochemical DNA sensors Nature Biotech (2003) 21/10, 1192-1199

6 M. Jean-Louis PAUTRAT - « Demain le nanomonde - Voyage au coeur du minuscule » - Fayard - 2002.

7 Les « nanowires » font l'objet de recherches très intéressantes du Pr Paul MATSUDAIRA rencontré par les rapporteurs au MIT.

8 GREF R. et al.- Biodegradable long circulating polymer nanospheres Science (1994) 263, 1600-1603.

9 LAVAN D., Mc GUIRE T et LANGER R. - Small scale systems for in vivo drug delivery Nature Biotech (2003) 21/10, 1184-1191.

10 FROMHERZ P.- Neuroelectronic Interfacing : semiconductor chips with ion Channels, Nerve Cells and Brain. in Nanoelectronics and information Technology Wase R. ed. (783-808) Wiley-VCH Weinheim 2003 .

11 Pour la Science - n° 304 - février 2003.

12 ZHANG S .- Fabrication of novel biomaterials through molecular self-assembly Nature Biotech (2003) 21/10, 1171-1178.

13 Comparative contractile properties and alpha-smooth muscle actin filament distribution between cultured human fibroblasts from venous ulcers and normal skin.
MM. C. VIENNET, Engineer, AC GABIOT, Technician, J. BRIDE, phD, research - Engineering and Cutaneous Biology Laboratory, School of Medicine and Pharmacy, Besançon, France - MM. V. ARMBRUSTER, Engineer, T. GHARBI, PhD, Professor in Science, Optical Laboratory, School of Science, Besançon, France.

14 Cf. l'exposé sur : « les études de marché » de M. BOULON (Yole Développement) présenté à l'occasion du colloque organisé au Sénat le 6 février 2004, dont les actes sont annexés à ce rapport.

15 M. ROSSIER, « Nanosciences et médecine du XXIème siècle » colloque organisé au Sénat le 6 février 2004.

16 Présentation du Pr David HULMES au colloque Nanosciences et Médecine du XXIème siècle - Sénat - 6 février 2004.

17 MM. Alain BILLON et Jean-Loup DUPONT, Inspecteurs généraux de l'administration de l'Education nationale et de la Recherche, M. Gérard GHYS, Chargé de mission à l'inspection générale de l'Education nationale et de la Recherche.

18 Annales des Mines - février 2004 - I. FAUCHEUX, P. PARMENTIER, G. LE MAROIS.

19 Source : « Le financement des nanotechnologies et des nanosciences ». Rapport à Monsieur le Ministre de la Jeunesse, de l'Education nationale et de la Recherche. Janvier 2004.

20 Rapport Nanosciences Nanotechnologies - Académie des Sciences Académie des Technologies - rst n° 18 - avril 2004.

21 Source : Ambassade de France en Inde - Service de coopération et d'action cultturelle.

22 « Les soutiens publics à la recherche et au développement civil des nanotechnologies s'élèvent approximativement à 3 milliards de dollars par an dans le monde, non compris les investissements en R&D relatifs aux systèmes microélectromécaniques (MEMS) dont les développements industriels récents utilisent pourtant, d'ores et déjà, des composants à l'échelle nanométrique. Avec le financement privé, l'effort mondial est estimé à 4 milliards de dollars en 2003, dont 1,2 aux USA ».

Source : NanoBusiness Alliance, cité par « Des nanosciences au nanobusiness, une aventure américaine », Ambassade de France aux Etats-Unis, mission pour la science et la technologie, fiche d'information novembre 2002.

23 « Synthèse nanotechnologies : environnement international » - Yole développement - septembre 2003.

24 Technologies internationales - janvier 2003.

25 INERIS : Institut National de l'Environnement Industriel et des Risques.

26 BORM Paul J.A. - Particle toxicology : from coal mining to nanotechnology (Toxicologie des particules : des poussières de mines de charbon aux nanotechnologies).

27 J.A. Paul BORM, déjà cité à l'occasion du bulletin Poussières minérales et Santé n° 6 - janvier 2003, de l'INERIS.

28 Cf. Annexe : « Dossier : les Nanobiotechnologies » Revue Sciences Physiques -Ambassade de France aux Etats-Unis. Mission scientifique et technologique.

29 Herald Tribune International - 30 mars 2004.

30 Les Echos - 8 octobre 2003.

31 « Nanosciences et médecine du XXIème siècle » colloque organisé au Sénat le 6 février 2004.

32 « Brave new world or miniature menace ? Why Charles fears grey goo nightmare » par T. RADFORD - The Guardian - 29 avril 2003.

33 M. Louis LAURENT, Directeur de recherche CEA.

34 cf. le rapport « The Big Down » de l'association écologiste canadienne ETC (Erosion Technology Concentration)

35 M. Jeremy RIFKIN - Dossier Biofutur - n° 181 - Septembre 1998.

36 « Génomique et informatique : l'impact sur les thérapies et sur l'industrie pharmaceutique » par M. Franck SÉRUSCLAT, Sénateur.

37 www.nature.com/nsu

38 Le Figaro - 21 février 2004.

39 « Nanosciences et médecine du XXIème siècle » colloque organisé au Sénat le 6 février 2004 - Intervention de M. Jean-Paul DURAND - société Given Imaging France.

40 « Nanosciences et médecine du XXIème siècle » colloque organisé au Sénat le 6 février 2004 - p. 95.

41 Les auteurs de ce rapport ont évoqué cet irréalisme au sujet de la « grey goo ».

42 CORDIS FOCUS n° 224 - http://www.cordis.lu/news/fr.

43 Rapport au Ministre de la Jeunesse, de l'Education Nationale et de la Recherche.

44 Réalités Industrielles - fév. 2004 - Article de I. FAUCHEUX, P. PARMENTIER, G. LE MAROIS.

45 Rapport "Scientific research : Innovation with Control" - Janvier 2003.

46 Les CCSTI, Centres de culture scientifique, technique et industrielle, sont des associations dont les statuts sont issus de la loi de 1901, placées sous l'égide du Ministère de la Recherche. Il y en a une cinquantaine en France.

47 Cf. Intervention de son directeur, M. Laurent CHICOINEAU, lors du colloque du Sénat, le 6 février 2004.

48 cf. cette proposition relative au « corpus de doctrine » a été émise à l'occasion de la réunion du 4 mai 2004 sur « le débat éthique émergent sur les nanotechnologies » organisé par l'Association PACTE (Prospectives et Actions Communautaires pour les Technologies et l'Ethique).

49 Cf. Intervention de M. FOURCADE lors du colloque du Sénat, le 6 février 2004.

50 L'Usine Nouvelle - 18 mars 2004.

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