LA NÉCESSAIRE FIN D'UN TABOU : L'ÉVALUATION DU RETOUR SUR INVESTISSEMENT

Les projets informatiques permettent de fusionner de nombreuses applications existantes. Ils autorisent un décloisonnement des administrations et évitent les doublons. Ils sont porteurs de gains de productivité considérables.

Ils permettent un « chaînage vertueux » entre investissement et fonctionnement à condition que les projets informatiques soient financés prioritairement en fonction des gains de productivité qu'ils peuvent engendrer et que ces gains de productivité soient accompagnés d'une mutation des organisations administratives permettant, soit de réduire la dépense à service constant, soit d'améliorer le service à dépense constante.

DES GAINS DE PRODUCTIVITÉ POTENTIELLEMENT ÉLEVÉS

L'Agence pour le développement de l'administration électronique (ADAE) a dressé une typologie des gains de productivité susceptibles d'être engendrés par l'administration électronique. Elle donne une fourchette d'évaluation du retour sur investissement possible du programme ADELE.

LES OPPORTUNITÉS DE RÉDUCTION DES COÛTS

La dématérialisation des échanges et la remise à plat des processus favorisées par l'informatique peuvent permettre une réduction des coûts externes et internes.

L'ADAE met en avant les avantages issus de la dématérialisation des courriers administratifs. Elle montre, sur la base d'exemples étrangers, que les erreurs de saisie sont fortement réduites par l'informatisation des processus de traitement des données : l'automatisation des contrôles aux frontières et de la perception des droits réalisée par le système douanier fiscal de Cracovie aurait divisé par vingt les erreurs de saisie. Le système d'appels d'offres électronique au Danemark aurait doublé la productivité et éliminé complètement les réclamations. L'ADAE relève qu'en France, les administrations fiscales traitent chaque année 600.000 erreurs et 100.000 réclamations liées à un mauvais adressage, pour un coût supérieur à dix millions d'euros. Pour les inscriptions scolaires, le taux de dossiers incomplets est évalué entre 20 et 50 %.

Une étude de la caisse nationale d'assurance vieillesse (CNAV) sur le coût de traitement des 1,8 million de déclarations annuelles des données sociales (DADS) montre par ailleurs que le coût de traitement informatique est cent fois plus faible qu'une « procédure papier », et dix fois inférieur à un traitement magnétique.

Les effets budgétaires paraissent massifs si l'on considère les exemples étrangers. Ainsi, l'Ontario, avec une population de 13 millions d'habitants, avait un déficit budgétaire de plus de 5 % en 1995. Cet état a décidé d'utiliser l'administration électronique pour limiter ses dépenses et a investi massivement dans le domaine. Il aurait ainsi pu diminuer ses effectifs administratifs de 40.000 agents par rapport à 1995, tout en améliorant le nombre de services offerts à ses citoyens et la satisfaction de ceux-ci. Ses coûts de fonctionnement seraient maintenant inférieurs à ceux des autres provinces canadiennes.

Enfin, l'achat public constitue un autre exemple tout à fait révélateur. Les exemples étrangers (notamment italien) ou du secteur privé ont prouvé que la dématérialisation des procédures d'achat public couplée à la rénovation des processus internes induisait des économies de l'ordre de 30 %. En France, l'Inspection générale des finances et la Cour des Comptes estiment que les économies liées à une redéfinition de la fonction achat au sein des administrations associée à une dématérialisation des échanges sont comprises entre 5 et 10 % des 100 milliards d'euros de dépenses publiques, soit entre 5 et 10 milliards d'euros d'économies annuelles.

DES NOUVELLES TÂCHES À MOYENS INCHANGÉS

Selon l'ADAE, la numérisation des actes d'état civil, grâce à une optimisation des procédures et un investissement modéré (1,5 million d'euros), aurait permis au ministère des affaires étrangères de faire face à effectif constant (350 personnes) à un quasi doublement en dix ans de la demande de copies et extraits d'actes de naissance.

De même, l'assurance maladie a pu faire face à la mise en place de la couverture maladie universelle en 2000 (accueil de plus de 6 millions de personnes en quelques mois) grâce à la montée en charge de SESAM-Vitale.

DES ÉCONOMIES ATTENDUES TRÈS ÉLEVÉES

Le plan d'action de l'administration électronique conduit par l'ADAE serait accompagné d'un calcul du retour sur investissement des projets ainsi que des économies de personnels.

De 2004 à 2007, en ce qui concerne les projets menés par l'ADAE, les économies seraient estimées aujourd'hui à 1.460 personnes ainsi qu'à 3,3 milliards d'euros. En l'absence de précisions sur la méthodologie employée pour aboutir à de tels résultats, la prudence s'impose néanmoins.

En ce qui concerne les gains de productivité dégagés à compter de l'année 2007, dès lors que le programme ADELE serait achevé, l'ADAE propose une évaluation forfaitaire, sans pouvoir entrer dans le détail. Elle constate que les gains de productivité observés en France et à l'étranger sur les projets d'administration électronique dépassent le plus souvent les 25 à 30 % et souligne que, par souci de réalisme, le gouvernement a retenu une approche prudente de 10 à 15 % de gains de productivité d'ici 2007, ce taux s'appliquant aux seules dépenses de fonctionnement courant de l'État 20 ( * ) , soit environ 70 milliards d'euros.

Pour prendre en compte les impondérables, un abattement de 30 % est appliqué aux montants calculés : le gouvernement se fixe pour objectif des gains de productivité pour les services de l'État compris entre 5 et 7 milliards d'euros annuels à partir de 2007.

Ce chiffre est très significatif. Il ne pourra être atteint qu'à la condition que les gains de productivité ne soient pas « préemptés » par la masse salariale. Il nécessitera un changement de culture des services, afin que la notion de retour sur investissement devienne réellement prise en compte . Au vu des informations fournies à votre président, l'évaluation du retour sur investissement, projet par projet, reste en effet aujourd'hui marginale .

* 20 Dépenses de l'État, hors éducation nationale, défense, remboursement de la dette, dotations et subventions diverses.

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