5. Habilitation, professionnalisme et contrôle des démarcheurs

a) Les limitations apportées au mandat

L'article 50 de la LSF a revu en profondeur le statut des personnes habilitées à procéder au démarchage. Il prévoit une liste limitative de personnes habilitées (article L. 341-3 du code monétaire et financier), mais étend potentiellement le champ des démarcheurs par la chaîne des mandats, qui se situe au coeur du dispositif. Certains commentateurs ont fait valoir que le contrat de mandat, bien connu du droit civil, était en partie éprouvé et dénaturé par la LSF . Le professeur Stéphane Torck, dans son article précité, a ainsi considéré que les restrictions imposées par l'article L. 341-14 contribuaient à ce que le démarcheur « se présente plutôt comme un courtier chargé de mettre en relation deux parties que comme un mandataire. (...) L'acte de démarchage n'est constitutif que de simples actes matériels s'il ne donne pas lieu à la conclusion du contrat par le mandataire. (...) Force est de conclure que le mandat dont il s'agit est un mandat formel à l'image du mandat de l'agent immobilier, qualifié de mandat d'entremise ».

Même encadrés, la nature fondamentale et l'effet de représentation du mandat ne sont pas réellement remis en cause . Ainsi que le rappelle M. Bruno Dondero 75 ( * ) , les actes du démarcheur mandataire demeurent accomplis au nom et pour le compte du mandant, quand bien même la nouvelle législation restreint les possibilités d'action du démarcheur aux stades de la conclusion du contrat qui fait l'objet du démarchage.

L'ensemble du dispositif répond donc bien aux exigences de responsabilisation des mandants et de « traçabilité » des démarcheurs , propres à sécuriser la position de la personne démarchée. Le mandat est ainsi nominatif, non transmissible et d'une durée limitée à deux ans, mais non exclusif puisqu'une personne peut détenir plusieurs mandats émanant de mandants distincts. Le démarcheur, mandataire ou non, doit remplir des conditions, d'âge, d'honorabilité et de compétence, se faire enregistrer auprès de l'autorité de tutelle et détenir une carte. L'ensemble de ces dispositions constitue incontestablement une des principales avancées du nouveau régime. Elles sont d'ailleurs de nature à sécuriser les démarcheurs eux-mêmes.

b) Les principes déontologiques des démarcheurs et l'établissement du fichier

De même, les dispositions relatives aux principes de bonne conduite des démarcheurs dans l'exercice de leur activité apparaissent consensuelles et répondent directement à l'objectif de sécurité de la loi en posant les trois règles fondamentales suivantes :

- connaître son client (situation financière, expérience et objectifs) de manière pro-active, en application de l'article L. 341-11 du code monétaire et financier ;

- communiquer au client les informations essentielles à une perception claire et transparente de son interlocuteur et des conditions de l'offre (informations relatives au démarcheur, aux caractéristiques du produit ou service proposé, au droit de rétractation...), requises par l'article L. 341-12 du code monétaire et financier ;

- un encadrement du rôle et des actes du mandataire qui ne peut, par exemple, signer pour le compte du mandant les contrats conclus entre la personne démarchée et le prestataire habilité (article L. 341-14 du code précité), ou recevoir des moyens de paiement de la personne démarchée.

L'enregistrement des démarcheurs donne lieu à l'attribution d'un numéro et à l'établissement d'un fichier unique, alimenté et géré conjointement par les trois autorités concernées (AMF, Comité des établissements de crédit et des entreprises d'investissement - CECEI et Comité des entreprises d'assurance - CEA), selon les dispositions de l'article L. 341-7 du code monétaire et financier. Ce fichier sera tenu par la Banque de France.

La Fédération bancaire française estime que l'établissement de ce fichier aura un coût élevé et nécessitera davantage de temps qu'escompté - considérant notamment les incompatibilités actuelles des systèmes informatiques des trois autorités - et qu'il n'élimine pas les risques de fraude, en particulier les prête-noms. Votre rapporteur général n'est pas convaincu que ce fichier puisse être source de fraude , et considère qu'il s'agit d'une mesure importante, dont les éventuels obstacles d'ordre technique seront nécessairement surmontés, d'autant que le projet de décret y afférant prévoit un délai limite de mise en place de ce fichier, d'ici la fin de l'année 2004.

c) Un régime de responsabilité original

Les nouvelles contraintes et obligations pesant sur les démarcheurs sont assorties d'un régime de responsabilité unifié et plus strict que dans la législation antérieure , notamment en ce qui concerne le statut pénal des démarcheurs. Les sanctions pénales prévues par l'article 51 de la LSF sont en outre à la fois mieux proportionnées et plus dissuasives. Le régime de la responsabilité civile délictuelle du fait des démarcheurs , posé par le III de l'article L. 341-4 du code précité 76 ( * ) , est néanmoins parfois considéré comme insuffisamment précis et source de contentieux , en ce que sa mise en oeuvre, selon les dispositions de l'alinéa 5 de l'article 1384 du code civil, suppose un lien de subordination entre un commettant et son préposé, qui serait incertain s'agissant d'un démarcheur mandataire 77 ( * ) , compte tenu de la nature même du mandat.

Il eût donc sans doute été préférable de conserver la formulation initiale du texte , qui prévoyait que « nonobstant toute convention contraire, ces démarcheurs sont considérés comme leurs préposés au sens de l'article 1384 du code civil ». Cette disposition avait été supprimée en première lecture par l'Assemblée nationale, au motif qu'elle était mal adaptée au cas du démarchage exercé par les salariés du mandataire, qui n'ont effectivement pas de lien de subordination avec le mandant. Il convenait donc d'aménager la disposition relative au lien de préposition, plutôt que de la supprimer.

Votre rapporteur général estime en définitive que malgré les spécificités - ou les incongruités - qu'affiche ce régime de responsabilité du démarchage au regard du droit commun de la responsabilité civile, le dispositif du III de l'article L. 341-4 du code précité demeure suffisamment précis et explicite pour qu'il soit appliqué strictement par le juge.

* 75 In « Le nouveau régime du démarchage bancaire et financier » - Numéro spécial des Petites Affiches sur la loi de sécurité financière, 14 novembre 2003.

* 76 III de l'article L. 341-4 du code monétaire et financier : « Les personnes morales mentionnées à l'article L. 341-3 et celles mandatées en application du I du présent article sont civilement responsables du fait des démarcheurs, agissant en cette qualité , auxquels elles ont délivré un mandat. Les personnes morales mentionnées à l'article L. 341-3 demeurent responsables du fait des salariés des personnes morales qu'elles ont mandatées , dans la limite du mandat ».

* 77 Le démarcheur salarié est en revanche bien dans une situation de préposé à l'égard de son employeur.

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