6. Les produits exclus du démarchage

L'article 50 de la LSF met en exergue un principe clair et nécessaire , prévu par l'article L. 341-10 du code monétaire et financier et dont il n'est pas nécessaire de rappeler la justification, selon lequel les produits dont le risque maximum n'est pas borné ou est susceptible de dépasser l'investissement initial ne peuvent faire l'objet de démarchage, ce qui exclut notamment certains produits dérivés. Ce principe est toutefois assorti de deux exceptions répondant à des préoccupations légitimes, l'une portant sur les parts de société civile de placement immobilier 78 ( * ) (SCPI), et l'autre sur les « opérations normales de couverture » réalisées par les seules personnes morales, qui peuvent donc être démarchées.

La catégorie de « produits » que prévoit l'article L. 341-10 a suscité des commentaires relevant son imprécision , au regard de l'appellation plus juridique et habituelle d' « instruments financiers ». Le texte entend néanmoins viser non seulement ces instruments, mais également les opérations bancaires, que seule la dénomination partiellement satisfaisante de « produits » permet d'inclure extensivement.

L'appréciation de la « normalité » des opérations de couverture est également sujette à controverses : doit-elle être évaluée rationae materiae (selon la plus ou moins grande complexité des instruments en cause) ou rationae personae (en fonction de l'activité de l'entreprise) ? Selon un critère de fréquence et d'habitude 79 ( * ) ? Que désignent précisément les opérations de couverture ? Le dispositif entend viser prioritairement les contrats portant sur la couverture de taux et de devises, qui sont effectivement très fréquemment utilisés par toutes les entreprises tournées vers l'exportation, mais il est également possible de retenir une appréciation in concreto , qui assimilerait à des opérations normales de couverture « tout produit ayant pour objet la couverture d'un risque avéré et régulièrement couvert par une entreprise pour les besoins de son activité » 80 ( * ) , donc sans optique spéculative. Cette appréciation, dans certaines activités, permettrait le démarchage d'instruments couvrant d'autres risques que ceux de taux et de change.

Outre le principe de limitation du risque encouru, posé par le 1° de l'article L. 341-10, trois autres types d'interdiction sont prévues par les 2° à 4° (ce dernier alinéa étant lui aussi assorti d'exceptions) du même article, dont l'articulation avec le 1° a pu susciter des interrogations. Se pose en particulier le cas suivant, évoqué par M. Fabrice Armand dans son article précité : un instrument financier à terme non coté, dont le 4° de l'article L. 341-10 interdit le démarchage, mais entrant dans le cadre d'une opération normale de couverture, peut-il faire l'objet de démarchage ? Afin d'éviter que l'investisseur non averti, personne morale ou physique, ne soit confronté à des produits d'une trop grande complexité et non conformes à son expérience des marchés, il convient de privilégier une approche cumulative plutôt qu'alternative de ces interdictions . En d'autres termes, un produit qui satisfait à l'une des conditions, en particulier celle portant sur le risque, mais comporte également une ou plusieurs caractéristiques prohibées, demeure insusceptible de démarchage. Les produits proposés doivent en particulier pouvoir bénéficier des garanties de protection des investisseurs et de transparence afférentes aux marchés réglementés et reconnus.

S'agissant des instruments financiers à terme, il paraît ainsi logique que les dérivés OTC ( Over the counter ), c'est-à-dire négociés de gré à gré, ne puissent être démarchés. Ce n'est évidemment ni leur nature ni leur vocation, compte tenu de la connaissance et de la réactivité qu'ils supposent chez les parties à la transaction. Il en résulte que des produits dérivés non cotés ne peuvent être démarchés auprès d'une personne morale, même s'ils entrent a priori dans le cadre d'une opération normale de couverture . Les marchés réglementés d'instruments financiers à terme (en particulier le MATIF, le MONEP et le LIFFE, au sein du groupe Euronext), même s'ils n'offrent pas la même diversité que des produits conçus quasiment « sur mesure », doivent pouvoir satisfaire la grande majorité des besoins de couverture des entreprises, en particulier ceux portant sur les risques de taux et de change.

Votre rapporteur général rappelle toutefois que l'article 50 de la LSF, à la suite d'un amendement qu'il avait présenté en première lecture, permet le démarchage des instruments financiers qui font l'objet d'une opération d'appel public à l'épargne, ce qui inclut les actions non encore cotées mais en voie de l'être , offertes à la souscription des investisseurs individuels, par exemple lors d'une ouverture de capital ou d'une opération de privatisation d'une entreprise publique.

Le 3° de l'article L. 341-10 du code précité prévoit enfin que les fonds communs de créances et les fonds communs d'investissement sur les marchés à terme (FCIMT) ne peuvent faire l'objet de démarchage. L'interdiction portant sur les FCIMT 81 ( * ) , sporadiquement contestée par les établissements de crédit, est parfaitement justifiée par la nature et le risque de ces produits , qui exigent une très bonne connaissance des marchés à terme et, s'ils peuvent offrir des perspectives attrayantes de rendement, demeurent en tant que « fonds de futures » potentiellement très volatils. La possibilité du démarchage ne saurait donc constituer le vecteur d'un fort développement de ces produits, certes représentatifs du savoir-faire français en matière de stratégies alternatives, mais qui ont vocation à rester un marché de niche, dont le nombre de véhicules stagne depuis plusieurs années mais dont l'encours progresse pour approcher le milliard d'euros 82 ( * ) .

* 78 A condition que leurs statuts, d'ici le 1 er août 2005, aient prévu la limitation de la responsabilité de chaque associé de la société au montant de sa participation dans le capital, en dérogation au droit commun de la responsabilité des SCPI.

* 79 Et dans ce cas, ainsi que le précise M. Fabrice Armand dans un récent article de doctrine (« Les instruments financiers à terme et l'article L. 341-10 du code monétaire et financier », Recueil Dalloz, 2004, n° 15) est-ce l'instrument financier qui doit être utilisé de façon courante, ou le risque qui doit être régulièrement couvert (ce qui interdirait les produits destinés à la couverture de risques inhabituels) ?

* 80 Fabrice Armand, article précité.

* 81 Egalement prévue par le III de l'article 63 de la LSF pour le troisième alinéa de l'article L. 214-42 du code monétaire et financier. Cette redondance est toutefois atténuée par le fait que cet article L. 214-42 traite spécifiquement des FCIMT ; l'interdiction de démarchage a tout autant vocation à figurer dans ce dispositif que dans le régime du démarchage.

* 82 D'après le rapport 2003 de l'AMF, on comptabilisait 28 FCIMT au 31 décembre 2003 (29 un an auparavant) pour un encours de 971,9 million d'euros, en progression de 16,2 % par rapport à 2002.

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