LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES
PAR VOTRE RAPPORTEUR GÉNÉRAL

- Association française de gestion :

M. Pierre Bollon, délégué général, le 12 mai 2004.

- Mouvement des entreprises de France (MEDEF) :

M. Bernard Field, secrétaire général de Saint-Gobain et président de la commission juridique, Mme Joëlle Simon, directeur des affaires juridiques, Mme Agnès Lepinay, directeur des affaires économiques, financières et fiscales, et Mme Karine Grossetête, chargée de mission pour les relations avec le Parlement, le 7 juin 2004.

- M. Didier Kling, commissaire aux comptes et président de Kling & associés, le 7 juin 2004.

- Fédération bancaire française (FBF) :

M. Jean Tricou, directeur, et Mme Séverine de Compreignac, chargée des relations avec le Parlement, le 9 juin 2004.

- Association des actionnaires minoritaires (ADAM) :

Mme Colette Neuville, présidente, le 8 juin 2004.

- Compagnie nationale des commissaires aux comptes :

M. Michel Tudel, président, et M. François Hurel, le 10 juin 2004.

- Commission de contrôle des assurances (CCA) et Commission de contrôle des mutuelles et institutions de prévoyance (CCMIP) :

M. Jacques Delmas-Marsalet, président de la CCA et de la CCMIP, et Mme Florence Lustman, secrétaire générale de la CCA, le 14 juin 2004.

- M. Jean-Jacques Daigre, professeur à l'université de Paris I, le 15 juin 2004.

- Association française des entreprises privées (AFEP) :

M. Jean Claude Simon, directeur, et Mme Odile de Brosses, directrice-adjointe du service juridique, le 18 juin 2004.

- Autorité des marchés financiers (AMF) :

> M. Michel Prada, président de l'AMF, devant la commission (cf. compte-rendu en annexe), le 7 juillet 2004 ;

> M. Gérard Rameix, secrétaire général, et Mme Florence Roussel, directrice du service juridique, le 10 juin 2004 ;

> M. Jean de Demandolx, membre du collège, le 29 juin 2004.

- Haut conseil du commissariat aux comptes :

Mme Christine Thin, présidente, et M. Philippe Steing, secrétaire général, le 28 juin 2004.

- Ministère de l'économie, des finances et de l'industrie :

M. Xavier Musca, directeur du Trésor, Mme Delphine d'Amarzit, conseiller du ministre, et Mme Virginie Cayatte, chef du bureau « épargne et marchés financiers », le 22 juillet 2004.

COMPTE RENDU DE L'AUDITION PAR LA COMMISSION
DE M. MICHEL PRADA, PRÉSIDENT DE L'AUTORITÉ
DES MARCHÉS FINANCIERS,
LE 7 JUILLET 2004

M. Jean Arthuis, président , a tout d'abord souligné la grande qualité du rapport d'activité 2003 de l'Autorité des marchés financiers, qui mettait notamment en relief les premiers enseignements à tirer de la loi de sécurité financière du 1er août 2003, qui avait beaucoup mobilisé la commission des finances un an auparavant. Il a souhaité que cette initiative opportune, par laquelle le président de l'AMF rendait compte à la commission des finances des travaux du régulateur des marchés pour l'exercice écoulé, puisse désormais constituer un rendez-vous régulier et annuel.

Il a rappelé que, lors de sa dernière audition par la commission, le 24 février 2004, M. Michel Prada avait exposé le contexte de l'installation de l'AMF et les principales caractéristiques de son architecture et de son fonctionnement. Il a salué les nombreuses initiatives qu'avait déjà prises l'AMF, concernant la gestion collective, la communication financière des sociétés, les nouvelles dispositions du gouvernement d'entreprise et l'activité en matière de contrôle et de sanctions. Il a souligné que l'existence d'une autorité de régulation forte, réactive et dotée des meilleures compétences, constituait un aspect déterminant de la compétitivité et du bon fonctionnement de l'économie.

M. Michel Prada a tout d'abord effectué un rappel de l'activité de l'AMF en 2003 et des autorités qui l'avaient précédée : la Commission des opérations de bourse (COB), le Conseil des marchés financiers (CMF) et le Conseil de discipline de la gestion financière (CDGF). Il s'est félicité de la reprise des marchés en 2003 et du retour à des niveaux normaux de volatilité, tout en observant que l'introduction en bourse de seulement trois sociétés en 2003 avait témoigné d'une accalmie : les volumes d'activité quotidiens s'étaient situés entre 3 et 4 milliards d'euros, contre 5 à 6 milliards d'euros avant l'éclatement de la bulle financière. Il a rappelé que l'année 2003 avait été mise à profit par les entreprises pour procéder à des restructurations financières, alors que le nombre de sociétés cotées s'établissait à un peu plus de 860, soit très en deçà du chiffre record de 967, atteint quatre ans plus tôt. Il a noté la forte sollicitation des autorités de régulation dans ce contexte, en particulier pour protéger les actionnaires minoritaires.

Il a souligné le renforcement du cadre réglementaire de la gestion alternative, caractérisée par des produits relativement complexes, dont il convenait que la distribution s'effectuât dans des conditions de transparence appropriée. Il a mentionné la nécessaire adéquation des conditions de commercialisation au public et le besoin de responsabilisation des gérants.

S'agissant de l'activité d'enquête et de contrôle, il a dressé le bilan de l'année 2003 : 33 procédures de sanction avaient été menées à bien, ayant conduit à 61 décisions de sanctions. A cet égard, la COB avait recouru aux procédures d'injonction et de mise en demeure par l'autorité judiciaire, afin que les sociétés se conforment à leurs obligations de publication de l'information financière dans les meilleurs délais.

M. Michel Prada a ensuite exposé le bilan de la mise en place de l'AMF, sept mois et demi après l'installation de celle-ci le 4 novembre 2003.

Il s'est félicité qu'il ne se fût produit aucune rupture dans la régulation sur le marché. Il a montré que l'AMF s'était rapidement organisée, grâce à l'impulsion de son secrétaire général, M. Gérard Rameix, autour de trois pôles opérationnels : les relations avec les émetteurs, les relations avec les intermédiaires financiers, et les activités de surveillance et d'enquête. Il a également mentionné le rôle du pôle de régulation, la mise en place des directions ayant une fonction logistique et le développement significatif de la médiation.

Il a salué le très bon fonctionnement du collège de l'AMF et de la commission des sanctions, alors qu'il pouvait y avoir au départ des interrogations sur les modalités concrètes de travail en commun de formations nombreuses. Il a mis en exergue l'originalité des cinq commissions consultatives de l'AMF, ainsi que du conseil scientifique, qui devrait se réunir prochainement. Les commissions consultatives regroupaient près de 80 experts, représentatifs de l'ensemble des acteurs de la place, y compris les petits investisseurs. Il a rappelé que ce dispositif ne mettait naturellement pas en cause le processus de consultation des associations professionnelles. Il a fait état de plusieurs recommandations adoptées, depuis le début de l'année 2004, sur l'information financière, le contrôle interne des entreprises, ainsi que les décisions sur des affaires complexes, telles que Wanadoo et l'offre publique d'achat (OPA) de Sanofi sur Aventis. Il a ajouté que deux séminaires s'étaient tenus au cours du premier semestre, l'un pour les services et l'autre ayant réuni les membres du collège pour définir la stratégie de l'AMF à plus long terme.

Il a exposé le principal chantier réglementaire en cours : la mise en place du règlement général de l'AMF devrait être menée à bien un an après la création de l'autorité, sur la base du choix d'un ajustement à droit constant des règlements antérieurs de la COB et du CMF. Il a ensuite insisté sur la transposition en droit national des directives du plan d'action pour les services financiers (PASF), en évoquant la possibilité d'un « grand dispositif législatif » et en insistant sur la nécessité d'une transposition rapide et efficace, considérant notamment le délai limite de transposition de la directive relative aux abus de marché, fixé à l'automne 2004.

M. Michel Prada a ensuite présenté plusieurs chantiers à caractère technique et plus opérationnel. Il a observé que le redémarrage du marché, à condition que la croissance se poursuive, entraînerait une augmentation du nombre d'introductions en bourse. Il a évoqué les travaux en cours, concernant l'industrie française de la gestion, leader en Europe pour la gestion collective, en vue de la maîtrise des outils de gestion et de conditions optimales de commercialisation. Il a mis en exergue la nécessité d'accentuer le travail de contrôle et d'enquête afin d'affermir le retour à la confiance des marchés. Il a enfin mentionné la réflexion stratégique en cours sur les conséquences de l'internationalisation des marchés, en relevant que la récente directive sur les marchés d'instruments financiers conduisait à une véritable révolution technique du fait de l'abandon du principe de concentration des ordres et, ce faisant, de la transmission des ordres par différents canaux et de leur exécution par plusieurs réseaux, en particulier par la voie de l'internalisation au sein des intermédiaires de marché. Il a estimé que la concurrence s'exacerberait entre les Bourses classiques et des systèmes alternatifs qui n'existaient pas encore en France. Il a jugé que les problématiques de la transparence des opérations et de la formation des prix se poseraient, dès lors, en des termes renouvelés, afin que soit maintenu l'objectif de baisse du coût des transactions, sans fragmentation des marchés et sans préjudice pour la règle de « meilleure exécution ».

Il a fait état de la régulation des opérations post-marché, c'est-à-dire la compensation, le règlement, la livraison des titres et leur conservation. Il a rappelé que les opérateurs français étaient habitués à des systèmes nationaux centralisés, présentant un caractère quasi-monopolistique et « notarial », alors que l'apparition d'opérateurs nouveaux induisait une évolution des infrastructures post marché. Il a souligné que la Commission européenne s'était saisie du sujet.

Il a enfin évoqué le chantier des nouvelles normes comptables IFRS qui seraient mises en oeuvre à partir de 2005, en observant que l'absence de préparation de la majorité des participants sur les marchés impliquait un travail de pédagogie et de vérification pour l'AMF. Il a souligné que cette « petite révolution intellectuelle » s'opérait dans un contexte d'intensification de l'activité des régulateurs internationaux, du fait de la consolidation à Paris du Comité européen des régulateurs des valeurs mobilières (CERVM), qui pouvait constituer l'embryon d'un régulateur européen, et du rôle croissant d'instances internationales de concertation comme l'Organisation internationale des commissions de valeurs (OICV) et le Forum de la stabilité financière (FSF).

Pour conclure, il a rappelé la hiérarchie actuelle des places financières en Europe : derrière une place londonienne surpuissante, mais techniquement à la recherche de son avenir, et une place allemande forte et bien organisée, la place française disposait de nombreux atouts mais avait malheureusement enregistré un ralentissement de son activité au cours des trois dernières années. Parallèlement, il a noté qu'Euronext s'était développé et pouvait désormais se projeter outre-Manche. Dans ce contexte, il a mis en valeur les efforts à accomplir pour améliorer l'environnement de la place et développer une culture de marché, ce dont témoignait la constitution, au sein de l'AMF, d'un groupe de travail sur la formation des investisseurs, tant initiale que continue.

Un large débat s'est alors instauré.

M. Jean Arthuis, président , a souligné la densité et la richesse de l'activité de l'AMF depuis son installation, et a indiqué qu'elle était conforme à la volonté exprimée par le législateur de renforcer la confiance de l'investisseur.

M. Philippe Marini, rapporteur général , après avoir précisé qu'il communiquerait à la commission, fin juillet, ses observations sur l'application de la loi de sécurité financière, un an après sa promulgation, le 1er août 2003, a mis en exergue quatre thèmes.

Il a en premier lieu évoqué les propos, injurieux pour l'AMF, tenus sur le serveur téléphonique d'un investisseur médiatisé, et s'est demandé si M. Michel Prada avait l'intention d'engager une action en justice pour diffamation.

Il a ensuite rappelé l'attention que la commission portait au dossier Vivendi Universal, qui faisait actuellement l'objet d'une enquête judiciaire. Il a considéré qu'un de ses principaux enjeux, qui était déjà latent lors de l'examen de la loi n° 98-546 du 2 juillet 1998 portant diverses dispositions d'ordre économique et financier, dont il avait été le rapporteur, portait sur le devenir des titres rachetés par les sociétés. Il a estimé que la vocation naturelle de ces rachats d'actions consistait à procéder, ensuite, à l'annulation des titres acquis, afin d'accroître le bénéfice par action et de stimuler la politique actionnariale, mais que ces titres servaient souvent de « monnaie d'échange » lors d'opérations conduites avec d'autres sociétés, ce qui constituait, selon lui, une déviation par rapport à l'intention initiale du législateur. Il a également considéré que l'AMF devrait sans doute émettre des recommandations ou principes de bonne conduite sur l'utilisation - aujourd'hui fréquente - de produits dérivés dans les programmes de rachat d'actions.

En troisième lieu, il a estimé que la transposition future des importantes directives adoptées dans le cadre du PASF, compte tenu des importantes questions de principe qu'elles étaient susceptibles de soulever, devrait intervenir dans le cadre d'un projet de loi cohérent et bien conçu, plutôt que par un véhicule législatif polyvalent ou « portant diverses dispositions d'ordre communautaire ». Il a ainsi relevé le cas significatif de la récente directive relative aux marchés d'instruments financiers et de ses mesures d'application, en soulignant que la France devait faire valoir sa propre approche, en particulier sur la question de la transparence pré-transaction.

Il s'est enfin interrogé sur les conséquences de la combinaison entre marchés à terme, crédit bancaire et zones off shore. Evoquant les suites de l'affaire Parmalat, qui constituait selon lui un « cas d'école » pour la Commission européenne, il a rappelé que la commission des finances entendait proposer une initiative tendant à renforcer la transparence des transactions portant sur des entités ad hoc déconsolidantes domiciliées dans des centres off shore, et ce à trois niveaux : une procédure spécifique d'approbation par le conseil d'administration des conventions et contrats y afférant, un rapport particulier des commissaires aux comptes, et la possibilité pour l'AMF de soumettre le visa, qu'elle octroie aux opérations des émetteurs, à la vérification du respect de ces diligences. Il a alors souhaité connaître l'avis de M. Michel Prada sur de telles dispositions.

En réponse, M. Michel Prada a tout d'abord indiqué que l'AMF n'avait pas réagi de manière spécifique aux propos qu'avait évoqués M. Philippe Marini, mais que des investigations étaient actuellement menées sur les différents aspects de l'activité en cause.

Il a ensuite exposé la séquence des événements relatifs aux rachats d'actions réalisés par Vivendi Universal en septembre 2001. Rappelant que l'autorité de régulation américaine, avec qui la COB était entrée en contact dès le 12 septembre 2001, avait suspendu le cadre réglementaire de ces opérations en raison de la crise consécutive aux attentats du 11 septembre, il a indiqué que la COB n'avait pas levé, mais assoupli les règles françaises relatives à la présomption de légitimité des rachats d'actions et à l'interdiction de procéder à de tels rachats au cours de périodes sensibles, telles que les jours précédant la publication de comptes semestriels. Il a indiqué que la direction de Vivendi Universal avait fait part à la COB de son intention d'intervenir sur les titres de la société, et lui avait précisé que les éléments essentiels de ses comptes semestriels avaient déjà fait l'objet d'une communication le 24 juillet 2001. Il a rappelé qu'à la suite du franchissement, à plusieurs reprises, des limites quantitatives imposées par la réglementation, le directeur général de la COB, M. Gérard Rameix, avait vigoureusement rappelé les dirigeants de la société à leurs obligations. Considérant cependant, en fonction de l'analyse de cette période exceptionnelle, que Vivendi Universal avait agi de manière « discutable », le directeur général n'avait pas décidé d'ouvrir une enquête en vue de possibles sanctions, mais avait néanmoins demandé au Président de l'autorité d'adresser une lettre d'observations à la direction de Vivendi Universal.

Il a souligné qu'après cet épisode, d'autres agissements avaient suscité la vigilance de la COB, parmi lesquels la comptabilisation des actifs de la société BSkyB. C'est au vu des événements du premier semestre 2002 que le directeur général avait ouvert une enquête, qui avait conduit à la remise d'un volumineux rapport en 2003, dont les conclusions s'étaient révélées proches de celles de l'enquête menée par la Securities and Exchange Commission (SEC). La COB avait alors saisi le Parquet et engagé une procédure de sanction administrative. M. Michel Prada a enfin indiqué que les juges d'instruction conduisaient naturellement leurs diligences sur la base du rapport de la COB et en fonction de leurs propres informations, recueillies notamment auprès de l'opérateur de marché de Vivendi Universal, la Deutsche Bank, et que la commission des sanctions de l'AMF poursuivait par ailleurs sa propre procédure.

Il a ensuite indiqué qu'il ne pouvait pas se prononcer sur le bien-fondé de la législation en vigueur, s'agissant en particulier des différentes finalités permises pour les rachats d'actions. Il a cependant rappelé que les objectifs des opérations envisagées devaient être publiés, faire l'objet d'une hiérarchisation et être soumis à l'assemblée générale des actionnaires, au même titre que les fourchettes de cours y afférentes. Il a, en outre, précisé que les options de vente ou d'achat d'actions étaient prises en compte pour juger du non-dépassement de la limite légale de 10 % du capital, prévue pour les rachats d'actions. Il a néanmoins estimé qu'il convenait de s'interroger sur la spécificité française que constituait le rachat à des fins de régularisation du cours, que la directive sur les abus de marché n'incluait pas dans les critères de présomption de légitimité (principe dit du « safe harbour »).

M. Philippe Marini, rapporteur général , a alors insisté sur la nécessité de la transparence et de la clarté de l'information communiquée aux actionnaires, et a estimé que les résolutions des assemblées générales de Vivendi Universal portant sur les programmes de rachat d'actions se révélaient complexes à analyser.

M. Michel Prada a rappelé que les entreprises déclaraient mensuellement à l'AMF les opérations qu'elles réalisaient sur leurs propres titres, de telle sorte que les services du régulateur pouvaient en suivre assez précisément le déroulement, mais a admis que les listes d'objectifs et de montants correspondants pouvaient laisser un sentiment d'imprécision ou de grande latitude.

Revenant sur la question des centres off shore, M. Jean Arthuis, président , a évoqué un colloque, où il avait récemment participé, à l'Assemblée nationale, et où les intervenants s'étaient interrogés sur les transferts de risques et la spéculation issue des produits dérivés.

M. Michel Prada a constaté que l'ingénierie financière était désormais un phénomène généralisé, et qu'elle était appelée à se développer, dans la mesure où les opérateurs tendaient aujourd'hui à mieux identifier les risques liés à leurs engagements, et étaient donc conduits à recourir davantage aux instruments de couverture. Il a estimé que cette tendance à la sophistication financière ne pouvait être réellement enrayée et n'avait pas nécessairement des effets pervers. Il a souligné qu'elle pouvait, en outre, se révéler, dans une certaine mesure, conforme aux voeux des régulateurs, ainsi que l'illustrait l'approche des normes prudentielles dites de « Bâle II ». Le rôle des autorités de régulation, s'agissant des instruments dérivés, consistait dès lors, selon lui, essentiellement à s'assurer de la fiabilité des modèles et des opérations, et de l'absence de défaillance opérationnelle, notamment au regard des contreparties. Il n'y avait donc pas lieu de porter un jugement d'opportunité sur des pratiques telles que la vente à découvert de titres, mais plutôt de garantir une certaine transparence. Il a également souligné que le régulateur pouvait efficacement jouer son rôle tant que les produits dérivés étaient utilisés par des acteurs réglementés, tels que les banques et prestataires de services d'investissement, mais que des difficultés et ruptures pouvaient survenir lorsque les risques de marché et de défaut étaient externalisés vers des acteurs non régulés, tels que les particuliers ou les sociétés commerciales. La question du contrôle de l'agrégation de l'ensemble des risques et des effets de levier se trouvait ainsi posée et faisait l'objet de réflexions de la part des régulateurs prudentiels.

Abordant la mise en oeuvre des directives du PASF, M. Michel Prada a décrit le rôle du CERVM dans le processus d'adoption des mesures d'application dites de « niveau 2 ». S'agissant plus particulièrement de la directive sur les marchés d'instruments financiers, il a indiqué que les débats portant sur les mesures d'application relatives à la transparence pré-transaction illustraient deux conceptions : celle des Français qui se montraient favorables à la transparence la plus large possible, alors que les anglo-saxons considéraient qu'une transparence totale conduisait les opérateurs, pour de gros volumes de transactions entre professionnels, à divulguer des informations sur leurs propres positions, et donc à se mettre en risque sur le marché. Il s'agissait dès lors de déterminer à quel niveau placer les limites de la transparence.

M. Philippe Marini, rapporteur général , s'est demandé, à cet égard, si le futur cadre des infrastructures de marché permettrait encore aux investisseurs individuels de disposer d'un accès direct à la Bourse, ou si au contraire le mouvement de réintermédiation et d'essor de la gestion collective n'était pas inéluctable.

Revenant sur la directive relative aux marchés d'instruments financiers, M. Michel Prada a souligné l'importance du thème de la « meilleure exécution » des ordres. Il a fait état de l'âpreté des débats actuels sur la conception même de la meilleure exécution, dans la mesure où le prix d'un titre était aussi fonction du temps et du volume concerné, et ne pouvait donc être idéalement le même pour tous. Il a en outre observé que la SEC avait récemment entrepris de réformer le système national de transparence des prix aux Etats-Unis.

Il a ensuite considéré que les centres off shore constituaient un sujet difficile et « embarrassant ». Les véritables difficultés posées par ces places résidaient, selon lui, plus dans le manque de transparence financière que dans les facilités fiscales offertes ou les montages juridiques spécifiques auxquels elles donnaient lieu. Il a ainsi cité en exemple les financements d'aéronefs, qui n'étaient pas nécessairement opaques, même s'ils reposaient sur des mécanismes complexes, ayant souvent recours à l'effet de levier. Il a rappelé que la question de la transparence des centres off shore ne pouvait être traitée efficacement que dans des enceintes internationales telles que le FSF. Il a indiqué qu'au sein de ce forum, les pays d'Europe continentale continuaient de promouvoir l'établissement de listes sélectives, qui avaient, il est vrai, permis quelques résultats encourageants, comme l'illustrait le cas des îles anglo-normandes, tandis que certains pays contestaient la pertinence de cette méthode. M. Michel Prada a reconnu qu'il tendait intuitivement à approuver les propositions de la commission des finances, mais qu'il craignait qu'elles ne conduisent à affecter la France d'un handicap de compétitivité, si elles ne devaient être adoptées que dans notre pays. Une démarche internationale demeurait selon lui plus appropriée, et il a mentionné à cet égard les projets de l'OICV.

M. Maurice Blin a souhaité connaître la typologie des infractions les plus fréquemment sanctionnées par l'AMF, et s'est interrogé sur l'exemple donné par les Etats-Unis en matière de gravité des fautes constatées et de sévérité des sanctions. Il s'est également demandé si la hausse des réclamations des actionnaires, révélée en particulier par le cas de la société Eurotunnel, constituait une tendance de fond ou un épiphénomène.

M. Michel Prada a indiqué que la possibilité dont disposaient les régulateurs anglais et américain de recourir à la transaction constituait un outil juridique puissant et efficace, mais qui s'inscrivait probablement dans un contexte culturel particulier. Il a néanmoins souligné que l'indemnisation civile et le plafonnement des sanctions administratives à un montant de 1,5 million d'euros (à l'exception de celles portant sur les délits d'initiés) étaient deux faiblesses du système français au regard des sanctions pénales. Exprimant un point de vue personnel, il a indiqué qu'il pourrait, dès lors, se révéler utile d'envisager la possibilité, au cas par cas, de recourir à la transaction.

Il a ajouté que les infractions les plus couramment relevées par l'AMF avaient trait à la diffusion d'informations fausses ou imprécises, aux règles de conduite des intermédiaires, en particulier sur les marchés à terme, à quelques délits d'initiés - qui demeuraient très difficiles à prouver - et à des manipulations de cours. Il a insisté sur la nécessité d'une meilleure surveillance, au niveau européen, des opérations portant sur la dette et non pas uniquement sur le capital, considérant leur transparence parfois insuffisante, ainsi que l'avait révélé l'affaire Parmalat.

Il a enfin estimé que les récentes protestations d'actionnaires individuels étaient sans doute conjoncturelles et liées à des situations spécifiques, mais que l'on ne pouvait que se réjouir de ce que ces actionnaires manifestent un surcroît d'intérêt pour la gestion financière et la gouvernance des entreprises. Il a ajouté qu'il convenait d'être vigilant sur le niveau d'acceptabilité par le public de certains comportements de dirigeants d'entreprise, notamment s'agissant de la question délicate des niveaux de rémunération. Il a rappelé que les réactions des actionnaires américains et anglais, pourtant habitués à de grands écarts de rémunération, avaient été parfois vives.

M. Yann Gaillard a relevé que les évolutions majeures que connaissaient les marchés financiers contribuaient à remettre en cause nombre de concepts usuels. Il s'est demandé quelles étaient les relations qu'entretenaient les autorités nationales de marché, et si elles étaient de nature à permettre une action concertée en cas d'urgence. Il a également considéré que la notion de présomption de légitimité pourrait être utilement appliquée à d'autres domaines que les opérations sur titres.

En réponse, M. Michel Prada a rappelé que les principales enceintes internationales étaient l'OICV pour les régulateurs des marchés, le Comité de Bâle pour les établissements de crédit et un organisme équivalent pour le secteur des assurances. Le FSF détenait quant à lui une compétence transversale. Il a constaté que ces instances avaient permis d'importants progrès sur la standardisation des pratiques et l'établissement d'une vision commune du fonctionnement des marchés financiers, et que l'OICV avait significativement progressé dans la voie de la coopération entre régulateurs depuis la création d'un « Memorandum of understanding » multilatéral. Ce mécanisme emportait toutefois des engagements au seul niveau des principes, et non des outils techniques opérationnels.

Il a ajouté qu'au niveau européen, le CERVM constituait l'exemple le plus achevé de coopération, les structures équivalentes pour la régulation du secteur bancaire et celui des assurances ayant été créées plus récemment. Il a précisé que le CERVM cherchait aujourd'hui à aller plus loin dans la voie de l'intégration, mais se heurtait à certaines difficultés juridiques, compte tenu des pouvoirs différents dont étaient investis les régulateurs nationaux. Il a indiqué que la coopération bilatérale entre les principales places, plutôt qu'au sein d'une enceinte multilatérale, prévalait en temps de crise, mais que la récente formalisation des relations entre le CERVM et la SEC contribuerait de façon décisive à la nécessaire coopération transatlantique. S'agissant enfin de la présomption de légitimité, il a précisé que ce dispositif était certes très utile, mais qu'il semblait difficile de l'appliquer au-delà du seul domaine des règles techniques de fonctionnement des marchés.

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