EXAMEN EN COMMISSION

La commission a entendu une communication de M. Philippe Marini, rapporteur général , sur l'application de la loi du 1 er août 2003 de sécurité financière.

M. Philippe Marini, rapporteur général , a présenté un bilan d'application de la loi n° 2003 -706 du 1 er août 2003 de sécurité financière, un an après sa promulgation, après avoir rappelé que la commission des finances avait apporté une importante contribution à cette loi par des amendements substantiels. Il a indiqué que ce bilan ferait l'objet d'un rapport d'information, témoignant d'une démarche innovante de mise en perspective de la loi, au-delà du suivi formel de ses mesures d'application.

M. Philippe Marini, rapporteur général , s'est déclaré satisfait du rythme de mise en oeuvre des décrets d'application. Il a précisé que la loi de sécurité financière prévoyait vingt-huit décrets ou arrêtés, presque tous parus ou en voie de l'être, et que le volet le plus rapidement mis en oeuvre était celui relatif à l'Autorité des marchés financiers (AMF), devenue opérationnelle le 24 novembre 2003 et qui avait déjà accompli de nombreux travaux. Il a ajouté que l'une des priorités actuelles de l'AMF était la publication d'une première version de son règlement général, mais qu'il n'y avait pas eu de vide juridique dans l'intervalle puisque les règlements de la Commission des opérations de bourse (COB) et du Conseil des marchés financiers (CMF) continuaient de s'appliquer. S'agissant des décrets prévus par les titres II et III de la loi, il a souligné que ceux-ci nécessitaient une large concertation avec les professionnels et portaient sur des dispositifs parfois complexes, tels que la garantie subséquente de dix ans pour certains contrats d'assurance de responsabilité civile ou la modernisation de la réglementation sur la titrisation et, qu'en tout état de cause, les textes étaient quasiment finalisés.

M. Philippe Marini, rapporteur général , a ensuite mis en perspective les enseignements tirés d'un an d'application de la loi de sécurité financière.

S'agissant de la modernisation des autorités de contrôle, il a relevé que la célérité avec laquelle s'était mise en place l'AMF contrastait avec les difficultés rencontrées dans la constitution de la Commission de contrôle des assurances, mutuelles et institutions de prévoyance (CCAMIP). Il a précisé que les premières décisions de sanction de l'AMF avaient été publiées en mai 2004, que ses moyens avaient été renforcés par rapport à ceux de la COB et du CMF et que, disposant de la personnalité morale et de fortes garanties d'indépendance, l'AMF bénéficiait aujourd'hui de l'autorité et de la visibilité nécessaires pour renforcer la confiance et s'imposer comme un interlocuteur influent au plan international. S'agissant en revanche de la CCAMIP, il a regretté le retard pris dans l'adoption du décret relatif à son organisation et à son fonctionnement, paru seulement le 15 juillet 2004, et a expliqué que certaines différences « culturelles » entre les deux institutions préexistantes étaient, sans doute, à l'origine de ce retard. Il a précisé que la CCAMIP n'était pas, à ce jour, complètement installée.

M. Philippe Marini, rapporteur général , a ensuite abordé la question des relations entre les acteurs de la sphère financière, que la loi de sécurité financière avait voulu rendre plus transparentes et plus équilibrées. Il a déploré l'absence de politique claire en faveur des actionnaires individuels, regrettant la suppression de l'avoir fiscal. Il a souligné que la récente directive sur les marchés d'instruments financiers prévoyait l'apparition de marchés « internalisés » et que cette évolution, mal connue du grand public, risquait de conduire à une segmentation des places financières.

Il a regretté que le décret d'application des dispositions de la loi de sécurité financière relatives aux associations d'investisseurs ne soit pas encore paru.

Il a également évoqué la récente ordonnance portant réforme des valeurs mobilières, qui procédait à un regroupement utile des différentes rubriques de valeurs mobilières en deux catégories. Mais il a regretté une certaine concentration des pouvoirs entre les mains du président et du conseil, s'agissant de l'émission de nouveaux fonds propres. Il a également regretté que les commissions parlementaires n'aient pas été consultées en préalable à cette ordonnance.

M. Philippe Marini, rapporteur général , a ensuite dressé le bilan du volet consacré à la transparence et au contrôle, indiquant que la loi de sécurité financière avait fait évoluer les pratiques de gestion. Il a fait état des controverses existantes concernant la nature du rapport sur le contrôle interne, prévu par la loi de sécurité financière, et sur l'application de cette disposition aux petites et moyennes entreprises. Il a indiqué qu'une étude du cabinet Deloitte incitait à relativiser ces craintes et que le rapport en question était, en tout état de cause, un dispositif utile de nature à améliorer l'appréciation des risques dans l'entreprise.

Concernant la modernisation du contrôle des comptes, M. Philippe Marini, rapporteur général , a indiqué que le Haut conseil du commissariat aux comptes (H3C), créé par la loi de sécurité financière, s'était mis en place et avait entrepris ses travaux de façon satisfaisante, mais qu'une interrogation sur l'étendue de ses moyens demeurait, étant donné sa dépendance budgétaire à l'égard des crédits de l'administration centrale de la justice. Il a préconisé un rapprochement entre le H3C et le service des affaires comptables de l'AMF.

M. Philippe Marini, rapporteur général , s'est félicité de la modernisation des instruments financiers introduite par la loi de sécurité financière, qui avait ainsi contribué à renforcer l'attractivité de la place française.D'une part, la gestion collective avait vu son offre adaptée, par des mesures touchant au cadre général des OPCVM et par l'introduction de nouveaux véhicules, réservés à des investisseurs avertis, dont la réglementation était allégée. D'autre part, les moyens de financement des entreprises avaient été diversifiés, avec, par exemple, l'introduction des titres super subordonnés.

Pour conclure, M. Philippe Marini, rapporteur général , a estimé que la mise en place d'une autorité européenne unique de régulation des marchés financiers était, à terme, souhaitable et inéluctable. Il s'est félicité que l'AMF ait créé une direction de la régulation et des affaires internationales, et qu'elle soit impliquée dans la préparation de la transposition de plusieurs directives importantes, qui nécessiteraient des adaptations de notre droit, en particulier les directives « prospectus », « abus de marché », « transparence », « marchés d'instruments financiers » et « offres publiques d'achat ». Il a ajouté qu'il devenait urgent d'introduire la société européenne en droit français. Enfin, il a souhaité que soient envisagées des dispositions de nature à améliorer la transparence et le contrôle des flux financiers avec les pays et territoires non coopératifs.

Un débat s'est alors engagé.

M. Joël Bourdin a souhaité savoir quelle était l'incidence de la loi de sécurité financière sur les marchés à terme, dont les transactions connaissaient une croissance importante.

En réponse, M. Philippe Marini, rapporteur général , a rappelé que les produits dérivés participaient d'une nouvelle conception de la gestion et de la mutualisation des risques. Il a indiqué que la loi de sécurité financière avait élargi aux dérivés de crédit le champ des actifs éligibles des organismes de placement collectifs en valeurs mobilières, mais que le recours à ces instruments était étroitement encadré par l'AMF, qui exigeait le dépôt d'un programme spécifique d'activité comportant des dispositions strictes. Il a également précisé que la loi introduisait des critères clairs de distinction entre les contrats financiers à terme sur marchandises et les contrats commerciaux à terme sur marchandises, contribuant ainsi à accroître la sécurité juridique des nombreux opérateurs qui utilisaient ces instruments dans un objectif de couverture. La loi de sécurité financière instituait ainsi, selon lui, un juste équilibre entre les deux dimensions de l'innovation financière et des instruments financiers à terme en particulier, facteurs de progrès et d'optimisation de la couverture de certains risques d'une part, d'incertitudes et d'apparition de nouveaux risques d'autre part.

M. François Marc a souligné tout l'intérêt que présentait le rapport d'information qui serait publié par la commission. Il s'est félicité de ce que M. Michel Prada, président de l'AMF, lors de son audition par la commission le 24 février 2004, ait fait valoir des arguments qu'il partageait, en particulier la modestie des moyens financiers de l'autorité au regard de l'étendue de son champ de compétences, et les limites des transactions internalisées au sein d'établissements financiers globaux, que la récente directive sur les marchés d'instruments financiers autorisait. Il a également rejoint la position exprimée par M. Philippe Marini, rapporteur général, sur la nécessité à plus ou moins long terme de mettre en place un régulateur boursier européen unique. Il a en revanche considéré que la loi de sécurité financière ne marquait pas un progrès suffisant dans le domaine du gouvernement d'entreprise, s'agissant notamment de la plus grande présence des administrateurs indépendants et salariés, comme du développement des comités d'audit et des comités de rémunération, au sein des conseils d'administration, et a évoqué la nécessité d'introduire, selon lui, des « class actions à la française » pour répondre à la forte demande des actionnaires minoritaires.

M. Philippe Marini, rapporteur général , s'est montré réservé sur l'insertion en droit français d'une procédure analogue aux « class actions » de droit américain, compte tenu de ses possibles effets pervers et des problèmes d'ordre conceptuel qu'elle posait. Il a également indiqué que les récentes propositions de l'Assemblée nationale, tendant à la reconnaissance d'un préjudice spécifique à l'actionnaire qui soit distinct du préjudice subi par la société, ne l'avaient pas convaincu et pouvaient aggraver l'insécurité juridique pour les sociétés.

Il a, en outre, considéré qu'il convenait d'aller plus loin dans le regroupement des actionnaires minoritaires au sein d'associations et dans la professionnalisation de ces dernières. Il a regretté que le décret relatif au droit d'ester en justice des associations d'investisseurs ne fût pas encore publié. Revenant sur le gouvernement d'entreprise, il a estimé que ce thème était loin de constituer un champ vierge de toute disposition, et a souligné que la définition législative de l'indépendance des administrateurs constituait, à ses yeux, un exercice vain. Rappelant que des sociétés telles qu'Enron ou Eurotunnel s'étaient conformées à des obligations juridiques précises en matière de gouvernance, il a jugé que le respect de contraintes trop formelles en ce domaine pouvait, en réalité, se révéler illusoire ou inefficace. Il a, en revanche, reconnu qu'il était nécessaire de faire progresser le statut des comités d'audit et de rémunération, et s'est félicité de ce que la récente proposition de directive communautaire sur le contrôle légal des comptes, que notre législation devrait à terme intégrer, contribuait à consacrer le rôle du comité d'audit.

La commission a alors donné acte à M. Philippe Marini, rapporteur général, de sa communication et décidé à l'unanimité d'autoriser sa publication sous la forme d'un rapport d'information.

LA LOI DE SECURITE FINANCIERE, UN AN APRES

La loi de sécurité financière (LSF), du 1er août 2003 a constitué une étape importante dans l'amélioration de la sécurité financière, dont ont besoin opérateurs professionnels et épargnants pour le plus grand bénéfice de l'économie comme des entreprises françaises.

Soucieuse de la bonne application des textes votés par le Parlement, la commission des finances a souhaité, sur le rapport de M. Philippe Marini, rapporteur général, dresser le bilan de la mise en oeuvre d'une loi au contenu très diversifié.

Le rapport, après avoir fait le point sur le rythme de parution des décrets d'application , globalement satisfaisant -sauf en ce qui concerne celui relatif au droit d'ester en justice des associations d'investisseurs-, évoque certaines controverses doctrinales et critiques émises par les praticiens, en particulier sur le régime du démarchage, le rapport du président du conseil d'administration sur le contrôle interne, le régime des conventions courantes et la mise en jeu de la responsabilité des dirigeants.

M. Philippe Marini a aussi plaidé pour que l'Autorité des marchés financiers (AMF), qui se met en place avec célérité contrairement à la Commission de contrôle des assurances, des mutuelles et des institutions de prévoyance (CCAMIP), dispose d'un pouvoir de transaction, à l'instar de son homologue américain, et pour que le Haut conseil du commissariat aux comptes puisse bénéficier du concours de l'AMF. Il a également exprimé sa volonté de proposer des mesures tendant à améliorer la transparence des transactions avec les places off shore , afin d'amplifier le débat européen sur ce thème.

Enfin, bien que la LSF contribue à réhabiliter l'assemblée générale des actionnaires, le rapport met l'accent sur la tendance à la marginalisation progressive des actionnaires individuels, ainsi que sur une certaine incohérence de la fiscalité de l'épargne, à certains égards entretenue par les ambiguïtés du discours gouvernemental.

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