N° 405

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2004-2005

Annexe au procès-verbal de la séance du 16 juin 2005

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la commission des Finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation (1) sur le rapport de la Cour des comptes relatif aux comptes de DCN-SA ,

Par M. Yves FRÉVILLE,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : M. Jean Arthuis, président ; MM. Claude Belot, Marc Massion, Denis Badré, Thierry Foucaud, Aymeri de Montesquiou, Yann Gaillard, Jean-Pierre Masseret, Joël Bourdin, vice-présidents ; M. Philippe Adnot, Mme Fabienne Keller, MM. Michel Moreigne, François Trucy secrétaires ; M. Philippe Marini, rapporteur général ; MM.  Bernard Angels, Bertrand Auban, Jacques Baudot, Mme Marie-France Beaufils, MM. Roger Besse, Maurice Blin, Mme Nicole Bricq, MM.Auguste Cazalet, Michel Charasse, Yvon Collin, Philippe Dallier, Serge Dassault, Jean-Pierre Demerliat, Eric Doligé, Jean-Claude Frécon, Yves Fréville, Paul Girod, Adrien Gouteyron, Claude Haut, Jean-Jacques Jégou, Roger Karoutchi, Alain Lambert, Gérard Longuet, Roland du Luart, François Marc, Michel Mercier, Gérard Miquel, Henri de Raincourt, Michel Sergent, Henri Torre, Bernard Vera.

Défense.

AVANT PROPOS

Inscrit au programme de la Cour des comptes pour l'année 2004, le contrôle de la réforme de la direction des constructions navales, qui porte sur les comptes de DCN-Développement (exercice 2002) et de DCN-SA (exercice 2003), avait fait l'objet d'une demande d'enquête, par lettre en date du 18 mai 2004, du président de votre commission des finances du Sénat, au titre de l'article 58-2° de la loi organique n° 2001-692 du 1 er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF). Cette enquête a été communiquée à votre commission des finances du Sénat le 17 février 2005.

La communication de la Cour des comptes fait suite à de nombreux contrôles concernant, directement ou indirectement, DCN, et ne porte pas sur la dernière évolution législative relative à DCN : la loi n° 2004-1487 du 30 décembre 2004 relative à l'ouverture du capital de DCN et à la création par celle-ci de filiales.

Cette communication décrit et évalue les différentes étapes de la transformation de la direction des constructions navales de la marine militaire en entreprise publique, évolution prévue par la loi de finances rectificative pour 2001.

La Cour des comptes a articulé ses observations autour des trois thèmes suivants : le changement de statut de la direction des constructions navales en DCN-SA, l'organisation, l'activité et les perspectives de partenariat de DCN-SA et la gestion et les comptes de DCN-SA pour l'exercice 2003.

I. LE CHANGEMENT DE STATUT DE LA DIRECTION DES CONSTRUCTIONS NAVALES EN DCN-SA

La transformation de la direction des constructions navales de la marine militaire en entreprise publique détenue à 100 % par l'Etat et régie par le droit commun du code de commerce était fixée au plus tard au 1 er janvier 2004.

Cette direction, regroupant les anciens arsenaux, avait été érigée en service à compétence nationale (SCN-DCN) en avril 2000. Pour parvenir à la constitution d'une entreprise publique, deux étapes ont été nécessaires : la création en février 2002 d'une société anonyme, DCN-Développement, détenue à 100 % par l'Etat, avec un capital social de 3 millions d'euros, qui est devenue fin mai 2003 1 ( * ) la société anonyme DCN-SA, dotée d'un capital de 563 millions d'euros. Quatre contraintes devaient être respectées : l'application du droit de la concurrence communautaire, la préservation de « la paix sociale », en maintenant le statut d'ouvrier d'Etat des personnels, la migration d'un compte de commerce vers une comptabilité et une gestion de société commerciale et la création d'une entité industrielle viable, ce qui supposait de combler le passif du SCN-DCN.

A. CADRE JURIDIQUE ET COMPTABLE PRÉALABLE À L'APPORT

La Cour des comptes a examiné la situation patrimoniale et financière du SCN-DCN. Il en ressort que les comptes 2002 du SCN-DCN n'étaient pas pleinement satisfaisants en l'absence de justification des soldes fournisseurs et clients, d'un recensement exhaustif des litiges, et d'un réel outil d'administration des ventes. De plus, la Cour des comptes a estimé nécessaire de généraliser la prise en compte du chiffre d'affaires à l'avancement et non plus à l'achèvement 2 ( * ) . Ces insuffisances rendent légitime le recours à la procédure du commissariat aux apports pour valider le bilan d'entrée de DCN-SA.

La situation financière du SCN-DCN en 2002 était inquiétante puisque le compte de commerce présentait une « structure bilancielle que l'on pourrait qualifier, optiquement, de faillite » 3 ( * ) . La situation nette négative de 741 millions d'euros restait, de plus, sous-évaluée, en raison de l'existence d'avances de trésorerie par la Marine nationale non affectées à des contrats. De plus, SCN-DCN n'était pas en mesure de suivre ses engagements hors bilan. L'examen du compte de résultat confirmait la fragilité du SCN-DCN, le résultat de 2002 n'étant positif que grâce à des événements non récurrents, dont l'absence aurait généré un résultat négatif de 105 millions d'euros.

La création de DCN-Développement a rempli les objectifs qui lui étaient assignés : assurer une transition progressive du SCN-DCN vers une entreprise publique. La Cour des comptes a ainsi noté que le recours à cette procédure par étape avait permis « la création d'une société viable et de plein exercice débarrassée des risques non strictement liés à son activité industrielle ».

La société anonyme, dont l'unique exercice comptable a couru du 28 février au 31 décembre 2002, disposait d'un actif de bilan composé à 86 % de valeurs de placement et disponibilités de trésorerie, le passif comprenant 24 millions d'euros de dettes financières auprès du SCN-DCN et de 8,42 millions d'euros auprès de ses fournisseurs.

La Cour des comptes n'a formulé aucune observation sur les comptes de DCN-Développement mais a estimé que l'intervention du commissariat aux apports avait permis d'analyser objectivement la composition des actifs et passifs de la société.

B. L'OPÉRATION D'APPORT

La loi de finances rectificative pour 2001, prévoyant le transfert de « tout ou partie » des droits, biens et obligations de SCN-DCN et la clôture concomitante du compte de commerce « constructions navales de la marine maritime » a été appliquée par le traité d'apport et l'accord cadre du 26 mai 2003.

L'actif net à apporter a été fixé à 18,6 millions d'euros, soit un million d'euros après déduction de la provision pour perte intercalaire durant la période séparant la date d'effet juridique de la date d'effet comptable. L'échéance fixée par la loi de finances rectificative pour 2001 a été respectée, même si un retard de cinq mois a été constaté par rapport aux prévisions initiales des services.

Le périmètre de l'accord a été fixé en tenant compte de la nécessité de ne pas transférer la totalité de la situation nette du compte de commerce, en déficit de 741 millions d'euros à la fin de l'année 2002. Aux termes de quelques ajustements, le passif s'élevait à 691 millions d'euros avant l'apport et fut comblé à hauteur de 692 millions d'euros (qui se décomposent de la façon suivante : un solde de 340 millions d'euros pour les encours non contractualisés nets 4 ( * ) , la reprise de provisions de 79 millions d'euros 5 ( * ) , l'apport de 189 millions d'euros d'un compte bancaire ouvert au nom de l'Etat auprès de l'agence comptable centrale du Trésor et le maintien à hauteur de 84 millions d'euros de passifs au SCN résiduel). De plus, les actifs apportés ont été actualisés, pour un montant global de provisions apportées de 458,3 millions d'euros. Lorsqu'il n'était pas possible de constituer des provisions en raison de l'ampleur des risques ou de l'impossibilité de les évaluer, les obligations afférentes ont été laissées à la charge de l'Etat 6 ( * ) .

La Cour des comptes a estimé que « la bonne visibilité financière et comptable sur la situation patrimoniale initiale de DCN-SA résultant de l'opération d'apport avait pour contrepartie la relégation de toutes les zones d'opacité, pour des montants potentiellement considérables mais non évalués, vers le « SCN résiduel ». Il conviendrait maintenant, en ce qui concerne le ministère de la défense, de bien évaluer la nature et le coût potentiel de ces passifs résiduels pesant sur les finances publiques, afin de la gérer au mieux ».

De même, la Cour des comptes émettait les plus sérieuses réserves sur la détention à 100 % de DCN-SA par l'Etat, estimant que cette obligation ne permettait pas de préparer l'avenir de l'entreprise et entraînait quelques incohérences juridiques mineures. Cette remarque est cependant obsolète dans la mesure où l'ouverture du capital de DCN a, depuis, été prévue par la loi du 30 décembre 2004 précitée.

En revanche, un point ne semble pas encore tranché et pourrait poser des difficultés. En effet, la Cour de comptes a souligné le fait que « les commissaires aux apports avaient considéré que l'opération d'apport était affectée d'un risque de requalification en aide d'Etat par la Commission européenne ». Malgré les recommandations des commissaires aux apports, la prise en compte des encours non contractualisés à l'origine avec la Marine nationale et l'augmentation de capital de 560 millions d'euros n'ont pas été notifiées à la Commission européenne 7 ( * ) . Le ministère de la défense a estimé que la procédure de notification ne s'appliquait pas à ce cas, entrant dans le champ des exceptions au titre de l'article 296-1 b du Traité de l'Union européenne 8 ( * ) .

En ce qui concerne le régime juridique et fiscal de l'apport, la Cour des comptes a estimé qu'il était équilibré et ne pénalisait ni la structure apporteuse, ni DCN-SA. Elle a toutefois noté que l'enchérissement des coûts d'approvisionnement de la Marine nationale auprès de DCN-SA était de 11 à 12 points, soit 8 points liés aux coûts toutes taxes comprises et 2,5 points aux coûts de prime d'assurance et de taxe professionnelle. La Cour des comptes a relevé qu'il était anormal qu'un problème de recouvrement de sommes litigieuses, en l'espèce des soldes dus de taxe professionnelle, datant de 1986, n'ait pas trouvé de solution avant l'apport et soit encore en suspens en juin 2004.

Le déroulement de l'apport a été le suivant :

- restructuration financière de DCN-Développement par incorporation de créances suivie d'une réduction de capital ;

- rémunération de l'apport en nature par l'Etat à hauteur de 200.000 euros par émission de 20.000 actions nouvelles au montant nominal de 10 euros au profit de l'Etat, et 843.057 euros en prime d'apport ;

- puis augmentation de capital de 560 millions d'euros, par une souscription immédiate de 140 millions d'euros, le solde devant être appelé selon un échéancier courant sur cinq ans.

La Cour des comptes a estimé que « le recours à la procédure du commissariat aux apports avait permis de vrais débats, notamment sur les aspects relatifs aux passifs environnementaux (pollution des sous-sols), sur les questions de propriété et de location d'emprises foncières (AOT/COT 9 ( * ) ), ainsi que sur la valorisation de certains actifs patrimoniaux et intellectuels ».

La Cour des comptes a également conclu que les apports n'étaient pas surévalués : « finalement, la valeur globale des apports apparaît positive, à près de 0,4 milliard d'euros. Cette valeur, qui dépasse sensiblement la valeur individuelle des apports retenue (1 million d'euros), est toutefois la résultante d'un montant négatif de 1,2 milliard d'euros de flux prévisionnels de trésorerie d'exploitation sur 2003-2008, compensés par 1,2 milliard d'euros de trésorerie apportée, le solde positif de 0,4 milliard d'euros étant imputable à une valeur terminale correspondant à la projection actualisée du résultat de l'année 2008. Néanmoins, elle paraît bien résister en termes de sensibilité aux différents scénarios dégradés : il faudrait en effet que tous les scénarios dégradés se cumulent pour que la valeur globale tombe sous la valeur des apports. »

C. LA STRUCTURATION DE LA NOUVELLE SOCIÉTÉ

Au-delà des apports, DCN-SA s'est structurée autour des éléments suivants : l'acquisition de DCN-International (DCN-I) et l'augmentation de capital consécutive aux apports.

DCN-I est une entreprise publique, au capital de 15,67 millions d'euros, créée pour commercialiser les produits du SCN-DCN à l'exportation, et estimée par un expert indépendant à une valeur de 210 millions d'euros, dont 111,7 millions d'euros pour la société ARMARIS, 28 millions d'euros pour DCN-Log SA, 13,1 millions d'euros pour CEDEC, SOFRESA et SOFEMA et 56,9 millions d'euros de trésorerie. En l'absence de garantie de passif, le prix de cession a été ramené à 189 millions d'euros, acquittés par DCN-SA à l'Etat.

DCN-SA a été recapitalisée à hauteur de cet achat et une clause résolutoire a été ajoutée : en cas de dommage unitaire au titre d'un risque supérieur à 20 millions d'euros, la cession sera considérée comme nulle et non avenue. Afin que cette clause soit applicable malgré les changements de périmètre, DCN-SA n'a reclassé que les participations estimées sans risque telles que Armaris et DCN-Log.

Cette restructuration permettait à DCN-SA de reprendre la participation de DCN-I dans la société Armaris, soit 50 % du capital, et d'être ainsi détenteur de cette société, à parité avec Thalès Naval SA.

La Cour des comptes a estimé que « le niveau de 563 millions d'euros et le rythme de libération du capital social de la nouvelle entreprise répondaient bien -sans excès ni insuffisance- au niveau et aux risques de son activité dans le périmètre résultant [des opérations initiales d'apport et du rachat de DCN-I] ».

II. L'ORGANISATION, LES ACTIVITÉS ET LES PARTENARIATS DE DCN-SA

La Cour des comptes n'a pu mettre en évidence que quelques tendances générales sur l'organisation de DCN-SA, étant donné la date de son contrôle.

A. L'ORGANISATION DE DCN-SA DEPUIS SA TRANSFORMATION EN SOCIÉTÉ COMMERCIALE

La société DCN-SA est organisée en deux pôles, Navires et Systèmes d'une part et Services et Equipements, d'autre part. Ces pôles sont structurés en sept « business units 10 ( * ) ». Cette organisation est l'aboutissement des restructurations industrielles internes, mises en oeuvre depuis 1999, et de la perspective d'éventuels partenariats industriels. Elle traduit le repositionnement de DCN-SA dans le secteur des systèmes de combat plutôt que dans celui des équipementiers.

La Cour des comptes a formulé trois remarques sur l'organisation de DCN-SA :

- le choix d'une organisation matricielle, au lieu d'une organisation centralisée, souffrait encore au moment du contrôle de son caractère récent et de l'écart existant avec la culture du SCN-DCN. De plus, la mise en place de cadres de haut niveau, provenant de l'industrie, à la tête des nouvelles directions, se heurte au maintien de hauts responsables issus des arsenaux à la tête des pôles opérationnels ;

- l'organisation en pôles opérationnels, héritiers des anciens établissements des arsenaux, freine la mise en place d'une certaine centralisation et de l'homogénéisation des méthodes et des circuits de décision et de contrôle, nécessaires au bon fonctionnement d'une organisation matricielle. De la même façon, la mobilité des personnels entre pôles est quasi nulle et semble très difficile à mettre en place ;

- enfin, il n'existe pas de « solution évidente » devant guider les modalités d'organisation opérationnelle de DCN-SA, l'avenir de l'entreprise dépendant largement de son intégration ou non, et de ses éventuelles modalités, dans un groupe industriel.

B. LE PLAN DE CHARGE DE DCN-SA ET THALÈS

La Cour des comptes a examiné le contrat d'entreprise régissant les relations entre l'Etat et DCN-SA pour les années 2003 à 2008. Le contrat repose sur un carnet de commandes évalué à près de 9 milliards d'euros, comprenant, à parts quasi égales, des constructions neuves et des opérations de maintien en condition opérationnelle des bâtiments de la Marine nationale.

Le pôle Navires et Systèmes doit recevoir commande de deux bâtiments de projection et de commandement, de frégates (six dans le cadre du programme Delta, quatre frégates Horizon, et 27 frégates multimissions, FREMM), du deuxième porte-avions, de deux sous-marins nucléaires lanceurs d'engins de nouvelle génération (SNLE-NG), trois sous-marins d'attaque (SNA) de type Agosta 90B, deux SNA-Scorpene et six SNA-Barracudas. La Cour des comptes a souligné que le financement des FREMM, du porte-avions et des Barracudas n'était pas prévu au moment de son contrôle.

L'activité du pôle Services et Equipements serait organisé, selon le contrat d'entreprise, autour de la production du système de traitement de l'information SENIT, de la production et du développement de lanceurs de missiles verticaux SYLVER et de la production de la torpille MU 90.

En ce qui concerne le maintien en condition opérationnelle des équipements de la Marine nationale, assurés par les centres de résultat de Brest et de Toulon, le chiffre d'affaires annuel attendu est compris entre 250 et 350 millions d'euros. L'objectif de cette branche d'activité est d'évoluer vers la conclusion de contrats globaux de maintenance qui prévoient que le client achète des jours de disponibilité des bâtiments ainsi que l'entretien des infrastructures, la rémunération de DCN-SA étant fonction des indicateurs de disponibilité retenus contractuellement. Cette évolution tendrait à conforter le rôle de DCN-SA de maître d'oeuvre d'ensemble de ces opérations.

De l'examen du plan de charge et du catalogue de produits de DCN-SA, la Cour des comptes a conclu que les cycles des grands secteurs d'activité devaient garantir une certaine stabilité du niveau d'activité de l'entreprise ce qui démontre une diversification bienvenue au sein même de la spécialisation des activités de DCN-SA. Toutefois, la volatilité des prévisions relatives au chiffre d'affaires à l'exportation souligne l'extrême dépendance de DCN-SA aux moyens et aux besoins de la Marine nationale et amène la Cour des comptes à remarquer que les commandes de la Marine nationale sont « le principal moteur de l'activité de DCN-SA », mais qu'elles peuvent difficilement « garantir l'avenir de DCN-SA ».

C. LA CONVERGENCE ENTRE DCN-SA ET THALÈS

La Cour des comptes a rappelé qu'elle avait déjà été amenée à se prononcer sur la création d'Armaris, filiale détenue à parité par DCN-SA et Thomson SA, devenue Thalès, destinée à favoriser l'exportation des produits navals militaires français. Elle avait estimé que cette collaboration ne devait pas être vue comme un aboutissement, mais comme une étape d'un rapprochement plus étroit, dans son référé du 20 janvier 2003.

La Cour des comptes a examiné la déclaration commune d'intention présentée par Thalès et DCN-SA, dans le cadre du dossier « convergence ». La mise en place d'un partenariat entre les deux sociétés est vue comme une étape préalable à un rapprochement des industries navales militaires européennes, notamment dans la perspective d'une collaboration franco-allemande.

La Cour des comptes n'a pas émis d'avis définitif sur le projet « convergence » non encore finalisé, mais elle considère que l'éventualité de ce rapprochement est « la seule perspective de nature à préserver l'acquis technique et industriel de DCN-SA et d'optimiser la position de l'ensemble de l'industrie française dans ce secteur difficile ». Tout en remarquant que la position d'autres partenaires privés, tels qu'EADS, Alcatel ou Dassault, pouvait peser sur l'évolution du dossier, la Cour des comptes a constaté « qu'il n'existait, pour l'avenir de DCN-SA, aucune alternative crédible ».

III. LA GESTION ET LES COMPTES DE DCN-SA

A. LA GESTION DE DCN-SA

La Cour des comptes a examiné le plan à moyen terme de DCN-SA dont l'objectif prioritaire, le retour à l'équilibre financier, a été atteint dès 2003. Ce plan portant sur les années 2004 à 2006 est relativement fiable dans la mesure où le chiffre d'affaires dépend à 80 % de contrats déjà signés. Pour autant, la Cour des comptes a relevé que les prévisions déjà révisées à plusieurs reprises restaient éloignées des éléments de conjoncture correspondant à l'exercice 2003, l'absence de coïncidence entre le contrat d'entreprise et le plan à moyen terme (PMT) expliquant en partie ces imprécisions. La Cour des comptes a estimé que l'équilibre financier étant atteint le PMT pourrait être révisé sur la base d'objectifs plus ambitieux.

En ce qui concerne le contrat d'entreprise entre DCN-SA et l'Etat, prévu par la loi de finances rectificative pour 2001, la Cour des comptes a formulé de nombreuses critiques :

- le contrat ne constitue pas un véritable « plan d'affaires » les dimensions stratégique et financière restant partielles ;

- il ne comporte pas d'étude de marché ;

- il ne prévoit pas de rentabilité minimale des offres ;

- il ne définit pas d'objectifs d'emplois de ressources ;

- aucune rémunération de l'Etat actionnaire n'est prévue ;

- l'évolution du capital, notamment la perspective de partenariats, n'est pas traitée ;

- enfin, l'évolution des effectifs est passée sous silence.

Plus globalement, la Cour des comptes a estimé que les performances déjà atteintes par DCN-SA en 2003, rendait « caduc dès l'origine » le contrat d'entreprise.

En ce qui concerne la gestion des effectifs, la Cour des comptes n'a pas fait d'observation particulière, ni sur la diminution des effectifs, ni sur la grille des salaires, ni sur le dialogue social au sein de DCN-SA, ni sur la mise en oeuvre du nouveau système de paie. Elle a, en revanche, relevé que la convention de mise à disposition de DCN-SA des ouvriers d'Etat avait constitué une « solution originale » au problème de changement de statut, mais que la prise en charge par l'Etat de l'indemnité de départ volontaire (instaurée afin de permettre la diminution des effectifs des ouvriers d'Etat), et non par DCN-SA pouvait entraîner des dérives, la société faisant supporter à l'Etat les coûts d'ajustement de ses effectifs. De plus, le statut des ouvriers d'Etat pourrait, selon la Cour des comptes, constituer une « difficulté supplémentaire » à résoudre en cas de rapprochement entre DCN-SA et Thalès.

En ce qui concerne la gestion des achats, la Cour des comptes a estimé que le passage du compte de commerce au statut d'entreprise avait eu l'effet bénéfique le plus rapide, entraînant dès sa première année des économies substantielles. Un tiers des progrès en la matière est dû à la mise en concurrence performante des fournisseurs de DCN-SA. La planification des achats explique près de 24 % de la réduction de leur coût et les progrès de spécification et de négociation 29 %.

B. LES COMPTES 2003 DE DCN-SA

Sur l'exercice 2002 de DCN-Développement, la Cour des comptes a considéré que les comptes étaient « réguliers et sincères ». La procédure transitoire vers le statut d'entreprise publique a été adaptée et satisfaisante.

Sur les comptes sociaux de DCN-SA, la Cour des comptes a rappelé qu'ils n'incluaient pas, la loi ne leur en faisant pas obligation, les comptes retraités.

Le bilan 2003 est caractérisé par les éléments suivants :

- l'augmentation des capitaux propres grâce au bon résultat net enregistré ;

- la trésorerie inclut le solde du compte détenu par SOFRATEM soit 241 millions d'euros ;

- les stocks et encours restent conséquents du fait de la persistance, pour de nombreux projets, de la procédure de comptabilisation du chiffre d'affaires à l'achèvement des marchés ;

- enfin, les immobilisations financières correspondent aux titres de participation DCN-I et Armaris, ayant fait l'objet d'une provision pour dépréciation à hauteur des pertes enregistrées, soit 37,2 millions d'euros, et à des créances rattachées.

Le chiffre d'affaires augmente de 14 % par rapport à celui du SCN-DCN en 2002, mais les changements de périmètre expliquent largement cette évolution, ainsi que la comptabilisation à l'avancement du marché (et non plus à l'achèvement).

La marge brute d'exploitation s'élève à 341 millions d'euros, soit un quasi-doublement par rapport à 2002, venant essentiellement d'une meilleure maîtrise des coûts directs de production.

Le résultat d'exploitation s'élève à 107 millions d'euros, contre - 100 millions d'euros en 2002. Outre les effets liés au changement de statut et au changement de périmètre, cette progression du résultat d'exploitation s'explique par la baisse des frais généraux, les gains de productivité industrielle et les gains de productivité sur les projets.

Enfin, le résultat net est de 41,5 millions d'euros, le retour à l'équilibre étant atteint dès 2003, alors qu'il n'était prévu que pour 2005.

La Cour des comptes a toutefois relevé que la certification des comptes de DCN-SA pour 2003 comportait quatre réserves :

- la valeur de certains éléments apportés au capital de DCN-SA n'a pas pu être précisée ;

- l'inventaire des engagements hors bilan ne peut être validé en l'absence d'une procédure systématisée ;

- la reconnaissance du chiffre d'affaires à l'avancement doit être homogénéisée entre les diverses directions de DCN-SA ;

- enfin, il n'a pas été possible de réévaluer fin 2003 les provisions pour risques et charges apportées en mai 2003 pour 169,8 millions d'euros.

S'agissant des comptes consolidés, composés par l'intégralité des comptes de DCN-SA, DCN-I et DCN-Log et par intégration partielle des comptes d'Armaris, UDSI, SFCS (contrôlés à 50 % par DCS-SA) et HORIZON SAS (détenue à 25% par DCN-SA), le niveau important des encours, soit un milliard d'euros, s'explique une fois encore par la méthode de comptabilisation du chiffre d'affaires à l'achèvement.

Les capitaux propres, libérés à 25 % seulement, restent limités à 563 millions d'euros, sans augmentation malgré la consolidation. Les provisions comprennent les pertes à terminaison 11 ( * ) pour 110 millions d'euros, le reste à faire sur les projets à l'avancement, soit 230 millions d'euros, les provisions transmises par le traité d'apport pour 107 millions d'euros et le risque sur l'impôt différé soit 94,5 millions d'euros.

La dette financière, liée à l'intégration de DCN-I, est limitée et s'élève à 113 millions d'euros.

La Cour des comptes a estimé que les comptes, relativement atypiques du groupe DCN-SA, étaient caractéristiques des secteurs à forte intensité capitalistique, la durée moyenne du cycle de production limitant le chiffre d'affaires annuel, soit 1.659 millions d'euros, à une fraction de l'actif total 12 ( * ) , c'est-à-dire 14 %. Le ratio capitaux propres sur chiffre d'affaires, utilisé pour évaluer les performances des fabricants de matériel militaire, se situe à 33 % pour le groupe DCN-SA, alors que la moyenne dans ce secteur est de 25 %. L'augmentation prévue de réserves 13 ( * ) devrait permettre d'améliorer encore ce taux.

La profitabilité nette du groupe DCN-SA, de 2,5 %, est dans la moyenne supérieure.

La Cour des comptes a estimé que la comptabilisation des engagements hors bilan du groupe devait être améliorée, tout comme la fiabilité globale des systèmes de gestion, afin d'obtenir, dès les comptes 2004, la certification sans réserve majeure.

La Cour des comptes a également estimé que les objectifs assignés par le contrat d'entreprise à DCN-SA devaient être revus à la hausse au vu des résultats 2003, largement supérieurs aux prévisions.

La Cour des comptes a relevé « la nette amélioration de la qualité des comptes ». Elle a estimé que « l'apport des éléments d'actif et de passif par l'Etat à la nouvelle entreprise s'était réalisé dans des conditions financières et de délai satisfaisants, grâce à la procédure de commissariat aux apports retenue ». En tenant compte « des incertitudes relevées par les commissaires aux comptes, sur le périmètre et la valorisation de certains actifs industriels et éléments bilanciels hérités de la structure comptable du SCN », la Cour des comptes ne peut se prononcer sur la fidélité de l'image donnée par les comtes 2003 du patrimoine et de la situation financière de la société.

Sous réserve des observations déjà mentionnées, la Cour des comptes a estimé que « les comptes consolidés et sociaux DCN-SA pour l'exercice 2003 étaient réguliers et sincères ».

* 1 Avec effet rétroactif au 1 er janvier 2003.

* 2 Il s'agit de comptabiliser le chiffre d'affaires au fur et à mesure de l'avancement des contrats et non à leur achèvement.

* 3 Cf. page 9 de la communication de la Cour des comptes.

* 4 Supportés par le budget de la défense grâce à un redéploiement de crédits.

* 5 Rendue possible par de nouvelles garanties.

* 6 Par le biais d'une convention de garantie annexée au traité d'apport.

* 7 Cette notification n'a pas paru nécessaire à l'administration en vertu de l'article 296-1 b du Traité de l'Union européenne concernant les activités stratégiques touchant aux intérêts essentiels de sécurité, qui permet à un Etat de « s'affranchir » dans ce cadre des règles du droit communautaire.

* 8 Article concernant les activités stratégiques touchant aux intérêts essentiels de la sécurité.

* 9 Autorisation et convention d'occupation temporaire ; l'AOT durant de un à trois ans, le COT au moins vingt ans.

* 10 Ou centres de résultats.

* 11 Les pertes à terminaison sont les pertes constatées pour le calcul du résultat d'une entreprise, sans déduction des pertes déjà comptabilisées à l'avancement. La méthode à l'avancement, pour la constatation des produits et charges relatifs aux contrats à long terme, consiste à comptabiliser le chiffre d'affaires et le résultat au fur et à mesure de l'avancement des contrats (selon le plan comptable général).

* 12 Soit 11.825 millions d'euros.

* 13 En l'absence de versement de dividendes à l'Etat.

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