2. La montée en puissance de l'échelon communautaire sur les questions de pollution et de sécurité maritime

a) Des évolutions différenciées selon les « piliers »

Les différentes missions attachées à l'Action de l'Etat en mer ressortissent à des politiques différentes de l'Union et, surtout, à des « piliers » différents. La sécurité maritime, la pollution en mer et le contrôle des pêches sont des compétences communautaires. En revanche, les questions sécuritaires et la lutte contre les trafics relèvent respectivement des deuxième et troisième piliers.

Les pollutions accidentelles de grande ampleur ont démontré la nécessité d'une coopération européenne en matière de sécurité maritime et la pertinence de l'échelon communautaire pour édicter des réglementations, dans un domaine fortement concurrentiel. Depuis la catastrophe de l'Erika, de nombreuses initiatives ont été prises avec le soutien actif de notre pays.

Dans le domaine du troisième pilier (justice et affaires intérieures) , les problèmes de drogue, de trafic de migrants et d'une façon générale de gestion des frontières font l'objet d'une prise en considération croissante.

En revanche, peu d'initiatives sont prises dans le cadre du deuxième pilier (PESD), qui intéresseraient l'implication éventuelle des marines des Etats membres dans des coopérations liées aux domaines de l'action de l'Etat en mer.

b) Un corpus de textes en développement

En matière de sécurité maritime et de lutte anti-pollution, l'Union européenne dispose d'un corpus de textes assez complet qui va désormais jusqu'à la pénalisation des rejets illicites. La directive permettant de réprimer les actes de pollution maritime obligera en effet les Etats membres à considérer les rejets polluants des navires comme des infractions pénales en cas de « négligence grave », ce qui va au delà des prescriptions des textes internationaux.

Les paquets de mesures Erika I 5 ( * ) et II 6 ( * ) édictées conduit au renforcement du contrôle des navires par l'Etat du port et de la réglementation des sociétés de classification, à l'établissement d'un calendrier de retrait d'exploitation des pétroliers à simple coque. Une agence européenne pour la sécurité maritime a également été créée. La surveillance du trafic a été améliorée et les plafonds d'indemnisation en cas de marée noire ont été relevés.

Un nouvel ensemble de mesures ou « paquet sécurité maritime » est en cours de préparation et porte notamment sur le renforcement des régimes de responsabilité, sur un nouveau renforcement des contrôles par l'Etat du port et les sociétés de classification ainsi sur la responsabilité de l'Etat du pavillon.

c) Des développements opérationnels : les agences

Avec la création d'agences sectorielles dans les domaines de la sécurité maritime, des pêches et de la protection des frontières, l'Union européenne se dote d'outils plus opérationnels afin de mieux garantir le respect des règles énoncées.

Ces agences n'ont pas pour vocation de se substituer à l'action des Etats membres, à qui il revient toujours d'appliquer les textes, mais elles peuvent favoriser la mutualisation des efforts des administrations nationales, appuyer les corps nationaux de contrôle ou combler des lacunes capacitaires tout en favorisant une meilleure allocation des moyens .

Créée en 2002, l'Agence européenne de sécurité maritime est opérationnelle depuis l'été 2003. Elle a pour mission de constituer le « bras armé » de la Commission sur le plan technique. Elle a ainsi compétence pour évaluer les contrôles faits par les Etats membres, pour apprécier la validité et

évaluer la qualité de l'enseignement maritime, y compris dans les Etats tiers, et pour veiller à la mise en place d'un système d'information qui offre une vue d'ensemble des navires et de leur cargaison. Ses activités visent à la diffusion des bonnes pratiques et à l'amélioration des plans d'urgence des Etats membres et de la chaîne d'intervention.

En matière de lutte anti-pollution, l'Agence a rédigé un plan d'action et a été dotée d'un budget de 17,8 millions d'euros pour l'affrètement de navires dépollueurs. Un appel à propositions a été lancé pour des prestations de service portant sur quatre navires dépollueurs d'une capacité de 3000 à 5 000 tonnes, mobilisables après un faible préavis. Ces bâtiments seraient pré-positionnés sur quatre régions où l'Agence a identifié un déficit capacitaire : le sud de la mer Baltique, la Méditerranée, l'Ouest Portugal et la partie occidentale de la Manche.

Un projet de règlement communautaire prévoit un montant de référence de 154 millions d'euros pour le financement de l'Agence européenne de sécurité maritime sur la période 2007-2013 dans quatre domaines d'action prioritaires : le renforcement des capacités de réaction face à une pollution, l'amélioration des moyens de surveillance aérienne, le recours à l'imagerie satellite et le développement d'une capacité de réaction aux accidents impliquant des substance nocives et potentiellement dangereuses.

Les agences ont la possibilité de susciter ou de participer à des exercices régionaux, ce qui est déjà le cas pour l'agence des frontières.

d) Un programme de travail ambitieux

Les actions de l'Union européenne sont en plein développement dans les domaines intéressant l'action de l'Etat en mer, y compris sur des questions jusqu'ici encore peu explorées. A la suite du conseil européen de La Haye de novembre 2004, la Commission a ainsi défini un programme de travail ambitieux pour la politique de liberté, sécurité et justice de l'Union. Il prévoit des mesures pour « renforcer la sécurité des citoyens, lutter contre le terrorisme, renforcer les frontières extérieures de l'Union européenne et la lutte contre les drogues illicites, le trafic des êtres humains et le crime organisé ».

La définition d'une stratégie maritime de l'Union européenne témoigne du besoin de coordination ressenti au sein même de la Commission.

Si notre pays peut chercher à promouvoir la philosophie de son dispositif d'AEM, le niveau de coordination interministérielle doit être renforcé afin d'apparaître plus lisible et moins « militarisé ».

* 5 Adopté en mars 2000 et entré en vigueur en juin 2002

* 6 Adopté en mars 2002 et entré en vigueur en 2003

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