2. La position d'Eramet : alternative bienvenue ou facteur de risque ?

a) La « campagne » menée par Eramet

Si la condition suspensive ne pouvait être levée dans le délai imposé par l'accord de Bercy, un projet alternatif pourrait voir le jour, sous l'égide d'Eramet. En cas de non respect de la clause suspensive à la date prévue par l'accord de Bercy, le protocole impose la restitution immédiate des gisements à leurs titulaires d'origine et le remboursement de la partie non acquise de la soulte, à hauteur de 92 millions d'euros, par Eramet.

M. Jacques Bacardats, président d'Eramet, a déclaré publiquement que sa filiale SLN était prête, techniquement et financièrement, à relever le défi et à reprendre la construction d'une nouvelle usine dans le nord , si la condition suspensive des accords de Bercy ne pouvait être levée dans le délai convenu par Falconbridge.

Le retour du massif du Koniambo dans le patrimoine minier de la société Eramet représente en effet un enjeu stratégique majeur pour la SLN, dont les réserves disponibles de minerais de nickel à forte teneur en nickel, comme celui de Koniambo, arriveront à moyen terme à épuisement.

La campagne de communication menée par Eramet, alimentée par les déclarations de son président, a semé le trouble en Nouvelle-Calédonie, et ce pour deux raisons :

- d'une part , la population et les autorités locales gardent en mémoire que la SLN, historiquement présente en Nouvelle-Calédonie, a refusé pendant des années, et malgré les demandes très fortes, de construire une usine dans le Nord . La société explique que les cours du nickel, comme la technologie disponible, ne s'y prêtaient pas, et que ces deux facteurs sont résolus aujourd'hui. Ce retour de la SLN, dont on a vu qu'elle avait été accusée de « voler » la richesse du territoire, pourrait cependant être mal vécu par les populations canaques, qui ont construit de grands espoirs sur l'alternative au partenaire historique qu'est la SLN que représente Falconbridge ;

- d'autre part, ces interventions, qui sont intervenues dans une période jugée tendue et critique, ont pu donner le sentiment qu'Eramet « jouait avec le feu » en essayant à toute force de récupérer le massif du Koniambo, dont elle estimerait avoir été quasiment dépossédée par les accords de Bercy.

b) La position d'Eramet vis-à-vis de la clause suspensive

La société Eramet a indiqué, à de nombreuses reprises, ses inquiétudes face au déroulement du projet du Nord, et a exprimé de manière très précoce des doutes quant à la possibilité de réalisation de l'usine. En plus des arguments de nature technique avancée, la société estimant que le nouveau procédé que compte utiliser Falconbridge n'a été que très imparfaitement testé, elle met en avant des arguments de nature juridique quant à l'interprétation de la clause.

De manière schématique, la lecture que fait Eramet du protocole se situe dans l'esprit des accords de Bercy, et conduit à penser que la clause suspensive doit être comprise comme ne pouvant être levée que si la décision irrévocable de construire l'usine du Nord a été prise avant le 31 décembre 2005 . Dans ce sens, l'étude de faisabilité technique et les 100 millions de dollars de commande ferme ne sont que les manifestations de cette volonté des parties , qui, ne saurait se substituer à des décisions des deux conseils d'administration et un plan de financement complet.

Ces arguments partent notamment :

- de l'article premier du protocole, qui stipule que « l'objet du présent protocole est de définir et de mettre en place le schéma contractuel et les structures juridiques destinées à réaliser, pour autant que la construction de l'usine du Nord sera décidée de manière irrévocable au plus tard le 1 er février 2005 dans les termes ci-après convenus de la condition suspensive prévue à l'article 8-1, le transfert irrémédiable à la SMSP de la propriété des droits miniers [...] » ;

- du contrat tripartite du 23 avril 1998 entre la SMSP, la SOFINOR et Falconbridge, qui faisait suite aux accords de Bercy et permettaient de préciser les relations entre les partenaires. Or il y est précisé, à l'article 9 , que l'obtention des financements est considérée comme un préalable à la décision de Falconbridge de mener le projet. En effet, c'est uniquement quand la société canadienne estimera les conditions satisfaisantes que « Falconbridge prendra toutes les mesures requises pour que la Société satisfasse la condition suspensive ».

Or la lecture des avis émis annuellement en application de l'article 7-2 de l'accord de Bercy montre un changement d'approche de la part de la SMSP et de Falconbridge. Ainsi, l'Avis pour 2003 fixe comme objectif pour l'année 2004 « l'achèvement de l'étude de faisabilité bancable conduisant à l'approbation des partenaires et à la mise en place du financement approprié avant la fin de l'année ». L'Avis pour 2004 ne fait plus mention que d'une concertation, et le calendrier remis le 7 février 2005 déborde très largement jusqu'en 2006 pour le plan de financement. Dans ces conditions, Eramet juge impossible que, en l'absence de plan de financement, Falconbridge puisse prendre une décision ferme et irrévocable de son conseil d'administration.

Quelles que soient les subtilités juridiques en jeu, qui ont donné l'occasion à de nombreux cabinets d'avocats et à des experts de fournir des études la plupart du temps contradictoires, il n'en reste pas moins que les retards constatés dans le calendrier et, au début du mois de septembre 2005, l'absence de toute certitude, font naître des interrogations sur le calendrier de Falconbridge.

Eramet, qui est signataire des accords de Bercy, envisage d'attaquer la décision de l'Entité qui, in fine, demeure seule juge de l'appréciation de la clause suspensive, en cas de divergence forte quant au sens à donner à la clause. Cette dernière a paru se rallier à une vision « stricte » de l'article 8-1, l'isolant du reste des textes (Protocole et contrat tripartite) avant de sembler évoluer ces derniers temps.

Eramet propose, dans ce cadre, de « récupérer » le massif du Koniambo, dont on a vu toutes les potentialités, et estime disposer de la technologie et de la surface financière suffisante pour rependre le projet . Votre rapporteur ne peut naturellement apprécier la réalité de ces déclarations, qui relèvent par ailleurs du secret industriel. Les détails de sa proposition ne sont pas connus.

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