4. M. Pierre BEUZIT, Directeur de l'ingénierie, Renault

Merci, Monsieur le Président. Mes chiffres ne sont pas exactement ceux qui ont été présentés tout à l'heure, mais nous sommes tout à fait conscients que particulièrement en France, le transport routier représente une partie significative des émissions de gaz à effet de serre, essentiellement du CO 2 .

On peut faire un constat sur ce qui s'est fait et va se faire. J'ai étudié les statistiques moyennes des constructeurs européens. J'ai indiqué les chiffres concernant Renault, puisque j'appartiens à cette noble entreprise, pour dire qu'il est aujourd'hui un leader mondial en matière d'émissions. Si l'on prend l'ensemble de la production Renault, on est à 148 g à la fin de l'année. On voit donc que des efforts importants ont été faits.

Je voudrais faire remarquer deux choses. D'une part, il y a eu un effet réglementation (nous avons pris 2003, avant l'application de la norme Euro 4), et il y a un effet marché. Je détaillerai ensuite sur deux exemples. Les deux effets ne vont pas dans le même sens, et le gain a été d'autant plus important qu'il a fallu absorber ces dérives. Je note que la prochaine vague, qui inclut Euro 4 en particulier, dans laquelle nous sommes actuellement, génère des dérives en matière de gaz à effet de serre. Toutes choses égales par ailleurs, le fait d'éditer des normes nous pénalise. Je prends deux exemples d'évolution dans notre gamme, l'évolution Mégane 1, Mégane 2, et Clio 2 et 3, dont une des caractéristiques est l'augmentation de la masse. J'ai « dispatché » l'effet de la masse en kilos, sachant que 10 kg, c'est en moyenne 0,9 g de CO 2 /km. La sécurité coûte cher, à la fois en performance, car il faut absorber les kilos, et en émissions. Par ailleurs, le client est fort demandeur d'augmentation de performance. On constate des effets liés au marché, qui sont dimensionnels, le confort, acoustique notamment, et les prestations au client. Tout cela ne va pas dans le bon sens.

J'ai listé les effets liés à la réglementation, ce que je considère être comme une quasi-réglementation (c'est le cas d'EuroNcap en matière de sécurité). Cela a un impact, ce qui est normal, beaucoup par le poids, mais pas seulement. Ainsi, le filtre à particules est un impact simplement d'incitation. Lorsqu'on appliquera complètement les filtres à particules, l'effet sera beaucoup plus élevé, à peu près à 2,5 g sur l'ensemble de la gamme, seulement pour faire face d'ici 2008 aux incitations fiscales. C'est une contre-pression derrière le moteur, et donc une dégradation du rendement du système de moteur. Avec Euro 5 et une réglementation sur les NOx, tout cela viendra... Nous avons bien conscience de tout cela, et le problème pour nous, c'est de comprendre comment on va faire face à l'avenir, car on a bien compris le facteur 4 et, contrairement à ce que certains disent, nous nous engageons.

Sur le passé, qu'avons-nous fait ? En schématisant, on peut dire que nous avons réalisé des améliorations de rendement. La plus forte augmentation de rendement est le diesel à injection directe. Cela s'est traduit par deux choses. D'abord l'introduction du moteur diesel à injection directe, mais surtout le mix diesel, qui a fortement évolué. Aujourd'hui, on est à un mix diesel très élevé, à 60 %. L'année dernière c'était 70 % me semble-t-il sur la production nationale. On arrive aux limites de l'épure, et la France ne produit pas assez de gazole pour satisfaire ses besoins, puisqu'elle est obligée d'en importer. En ce qui concerne la réduction des frottements, on a constaté là aussi une très forte amélioration. Cela ne se dit pas, mais c'est réel. Il était question ce matin avec Michelin de réduction de l'énergie perdue au roulement du pneu sur la chaussée et des gains considérables ont été faits dans ce domaine. On a divisé quasiment par deux les pertes, ce qui est énorme.

Une démarche qui est en cours, et qui va se poursuivre, concerne la réduction de cylindrée avec des turbos. Cela a été fortement favorisé dans le cadre du diesel. Aujourd'hui, avec les progrès dans le domaine du turbo, on peut mettre des cylindrées plus faibles, et l'on peut dire qu'en première approximation, très grossièrement, la consommation est plus ou moins proportionnelle à la cylindrée. Le mix diesel et l'aérodynamique comptent également parmi les facteurs d'amélioration.

Tout cela comporte des limites. Sur quoi travaille-t-on aujourd'hui pour tenir nos objectifs dans les dix, quinze ans, voire plus ? D'abord, sur la masse. Entre 1995 et 2004, la masse des voitures a fortement augmenté, en moyenne de 16 kg par an en Europe. On fait des économies de masse par ailleurs, mais elles ne compensent malheureusement pas les augmentations. On peut estimer que l'on va vers une stabilisation avant d'arriver à une rupture technologique avec les nanostructures, pour cette fois réduire la masse. On est toujours dans des conditions économiques viables, et l'on ne parle pas de voitures de laboratoire. L'aérodynamique active est assez prometteuse et l'on peut en attendre des gains significatifs. Les biocarburants sont une solution facile à mettre en oeuvre, rapidement, limitée dans son effet, en raison de nombreux problèmes de ressources et de coûts notamment, mais cela peut nous permettre de faire quelque chose dans un délai à 2005-2010. On attend beaucoup des carburants issus de la biomasse, avec des rendements plus forts, des coûts nettement plus bas qui sont susceptibles d'être un réel substitut aux produits pétroliers. Enfin, les carburants de synthèse associés à une combustion homogène en particulier ou une autre combustion adaptée. On attend des gains très importants, mais le délai n'est pas avant l'année 2015 car beaucoup de recherche reste à faire, à la fois dans le carburant et dans le moteur. Mais c'est une solution à développer tout de suite. En ce qui concerne l'hybride essence, on demande pourquoi les constructeurs français n'y sont pas. Economiquement, ce n'est pas viable. Il faut être extrêmement riche pour s'autoriser à le faire, et sur le marché européen, vis-à-vis du diesel, ce n'est pas vraiment compétitif. On y travaille, comme tous les constructeurs, mais sur un hybride économique. Dans ce domaine, des progrès technologiques restent à faire, à commencer par les batteries, mais pas seulement, avec toute la machinerie électronique qu'il faut intégrer. L'hybride diesel est quelque chose qui paraît intéressant sur le papier, car le diesel a tout de même de 20 à 25 % de rendement, toutes choses égales par ailleurs, supérieur à celui de l'essence, mais il est un peu plus difficile d'hybrider un moteur diesel qu'un moteur essence. Il est donc plus décalé dans le temps. C'est un sujet sur lequel nous travaillons. Nous avons revendiqué dans le cadre de l'Agence pour l'innovation industrielle (AVI) un programme national sur le sujet, qui nous paraît justifié, et qui pourrait être associé aux carburants de synthèse, avec une combustion homogène, pour ne pas polluer et consommer nettement moins.

On a également la pile à combustible, avec deux voies : avec reformeur et à hydrogène, la première étant plus facile à mettre en oeuvre, puisqu'elle ne nécessite pas d'avoir un approvisionnement en hydrogène. C'est la voie sur laquelle notre entreprise travaille ardemment, et nous voyons cela à l'horizon 2012-2015. On rentre à la fois dans des domaines de coût et de durabilité qui soient acceptables par le marché. On peut commencer à envisager de rentrer dans le marché avec des « flottes » par exemple. En ce qui concerne la pile à combustible à hydrogène, il faut tout un système de production et de distribution d'hydrogène, et c'est donc un peu plus à long terme.

Voilà ce que je voulais dire très rapidement sur le sujet. Je vous remercie.

• M. Claude GATIGNOL

Merci, Monsieur BEUZIT, de cet exposé qui nous a fait passer en revue tous les éléments qui pouvaient concourir à donner une nouvelle approche de la voiture, dans sa sécurité, dans son confort, dans ses nouvelles motorisations, avec la question de la compatibilité avec la réduction des émissions.

Nous allons aborder, avec M. DOUAUD, Directeur technique du Comité des constructeurs français d'automobile, le sujet de la dynamique du marché. On peut concevoir d'excellentes voitures, plus petites, ou plus grosses, mais quelle que soit leur présentation, elles doivent avoir un acheteur et répondre au marché.

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