B. DEUXIÈME TABLE RONDE :
QUELLES SOLUTIONS DANS L'AVENIR ?

1. Introduction par M. Christian CABAL

Monsieur PINCHON, je vous propose de commencer sur les progrès envisageables quant à la production d'un moteur à combustion interne satisfaisant, lequel à l'heure actuelle, s'avère encore le meilleur moyen de faire fonctionner les automobiles.

2. M. Philippe PINCHON, Directeur du centre de résultats Moteurs-Energies, IFP

Je vous remercie de me donner l'opportunité de présenter notre vision de l'évolution technologique du moteur à combustion interne. La plupart des experts prévoient que, encore dans plusieurs décennies, c'est ce type de moteurs qui sera en vigueur.

Cela s'explique par les sources d'énergies nécessaires pour alimenter nos véhicules. Il existe différentes sources primaires : le pétrole, les gaz naturels, ainsi que des sources d'énergies renouvelables, telles que la biomasse ou les énergies hydraulique, éolienne, solaire ou géothermique. A partir de ces sources primaires, des vecteurs énergétiques sont utilisés pour la propulsion. Le diagramme que je vous présente montre comment nous allons vers une diversification importante des sources d'énergies. Il faut en tenir compte. 98 % de la filière utilisent le pétrole, l'essence, le gazole ou le GPL. Les autres sources d'énergies se développeront.

Il est intéressant de constater que l'ensemble des vecteurs (carburants de synthèse, biocarburants, gaz naturels et carburants issus de gaz naturels, voire hydrogène) pourra être utilisé dans un moteur à combustion interne, excepté l'électricité qui ne peut être utilisée que dans un moteur électrique. La combustion interne apparaît donc comme le convertisseur qui peut s'accommoder de la plupart des énergies du futur. La figure que je vous présente met en scène l'évolution des normes antipollution, appliquées à l'industrie des véhicules automobiles en Europe, avec un focus sur 2000 et 2005. J'insiste sur le fait que le respect des normes antipollution retenues n'est pas sans conséquences sur l'effet de serre : pour réduire la pollution des véhicules il faut une consommation supérieure entraînant une émission plus importante de CO 2 .

Il est donc primordial de poser la question de l'évolution des normes antipollution. Je vais donc m'arrêter sur le texte proposé sur ce sujet par la Commission européenne. Il élabore un plan effectif à horizon 2010. Après discussion, ce texte sera adopté, sauf objection majeure du Parlement ou de l'opinion publique.

Pour le moteur diesel il est prévu une division par cinq des émissions de particules. Cela peut entraîner une certaine surconsommation, même si M. BELOT est optimiste quant aux performances de la technologie de PSA.

Il y a également un écart entre les moteurs à essence et diesel du point de vue de l'émission de NOx. Il y a un rapport de un à trois, entre l'émission maximale autorisée pour le diesel et l'essence. Le texte affirme que cette situation ne pourra pas durer, cependant, à l'heure actuelle, il est admis que les technologies du type DeNOx ne seront pas encore au point techniquement en 2010. En ce qui concerne le moteur diesel, en complément de l'exposé précédent de M. André DOUAUD, nous pouvons constater un bon comportement en matière d'émissions de CO 2, mais en revanche, il reste un effort à faire sur le plan des émissions de polluants.

Si nous revenons à la figure qu'a également présentée André DOUAUD, sur la réduction des émissions de CO 2 en Europe, nous constatons une forte réduction en moyenne de ces émissions provenant des véhicules vendus en Europe depuis les années 1990, qu'il s'agisse de véhicules à essence ou diesel. Ces résultats ont été obtenus par une diésélisation des véhicules les plus lourds et une affectation des moteurs à essence aux véhicules les plus légers. Cela se traduit par une baisse moyenne des émissions de CO 2 , à peu près en phase avec les objectifs de la CEA. Le problème est que l'écart entre les moteurs à essence et diesel augmente, et que cela n'est pas acceptable pour le futur. La tendance lourde des prochaines années est donc la convergence des deux types de moteurs sur le plan des émissions de CO 2 et de polluants atmosphériques.

Pour parvenir à relever ce défi, il faudra réduire les émissions de polluants des moteurs diesel et les émissions de CO 2 des moteurs à essence. Dès lors, comment peut-on combiner les technologies pour parvenir à la réalisation de ces deux objectifs contradictoires en apparence ?

En ce qui concerne le moteur diesel, les améliorations proviendront des progrès technologiques, sur le système d'injection notamment. Une augmentation des pressions d'injection est escomptée ; actuellement nous atteignons des pressions de 1600 bars, des systèmes permettant une pression de 1 800 bars sont en phase de réalisation et des pressions de 2 000 bars sont déjà envisagées.

Un contrôle précis du taux d'introduction est également envisagé, c'est le rate-shaping, c'est-à-dire que la quantité injectée va suivre une loi optimale pour contrôler la combustion pendant l'injection. Gérard BELOT parlait de trois injections pour piloter le FAP, le chiffre de cinq, voire sept injections, est d'ores et déjà avancé. La diminution de l'écart de temps entre chaque injection en raison de l'augmentation du nombre d'injections, passera probablement par l'utilisation des systèmes piezo-électriques, qui sont plus précis sur le plan de la commande, et par l'optimisation de la taille des orifices d'injection qui ont un rôle énorme en termes de pollution. Il s'agit de « systèmes à orifices variables » : en fonction de la charge, des diamètres différents sont obtenus.

Il faut en outre travailler sur les systèmes d'alimentation en air. Ici, le dispositif présenté est un turbo à géométrie variable, allant de pair avec un système de recirculation des gaz brûlés ou EGR. Tout cela donne lieu à une augmentation de la pression de suralimentation, on parle alors de suralimentation à double étage. En Allemagne, un véhicule a déjà été équipé d'un tel système. Ces pressions de suralimentation peuvent atteindre 3,5 bars, soit un niveau très élevé. Afin d'accompagner le downsizing du moteur, déjà engagé et qui va se poursuivre, la recirculation des gaz brûlés va augmenter. Il est notamment prévu de travailler sur les émissions d'oxyde d'azote, ce qui peut supposer des niveaux posant problème en termes d'encrassement des systèmes. La problématique que nous étudions est donc complexe.

Une autre évolution envisagée est l'augmentation de la pression des cylindres, pour atteindre 180 bars de pression à l'intérieur des cylindres. Aujourd'hui, nous en sommes à 150 bars. Cela s'accompagnerait d'une diminution du taux de compression du moteur et enfin, de la production de soupapes à calage et levée variables ; la soupape sera commandée par un système électronique.

L'électronique est une autre technologie fondamentale dans l'évolution des moteurs à combustion interne. Concernant le moteur diesel, une réflexion est engagée sur la possibilité de modèles physiques embarqués à bord du calculateur, dans le but d'optimiser en temps réel le fonctionnement du moteur. La possibilité d'effectuer un contrôle bouclé de la combustion est également étudiée : un capteur permet d'estimer la qualité de la combustion, il est alors possible d'agir en boucle fermée sur la qualité de l'injection et sur le système d'alimentation en air, de manière à optimiser en permanence la combustion. Cela peut même aller jusqu'à une optimisation cycle à cycle. Ces technologies permettraient une meilleure maîtrise, que ce soit de la combustion conventionnelle - qui peut faire de gros progrès notamment par augmentation du taux d'EGR - ou de la combustion homogène, dont Dominique Herrier vous a parlé ce matin.

Cela ne serait pas suffisant sans un bon système de post-traitement, comme un filtre à particules, considéré comme efficace à 99 % mais entraînant une légère surconsommation. Pour le post-traitement des NOx, les technologies du piège à NOx ou le SCR sont citées. Toutefois, le potentiel de ces technologies n'est pas encore tout à fait certain parce qu'elles impliquent l'utilisation d'un carburant sans soufre et que les systèmes envisagés sont très complexes et coûteux, entraînant une surconsommation de 3 à 5 % de carburant, sans considérer les risques de dégradation possible des réglages, ou l'encrassement imprévu des systèmes de post-traitement.

S'agissant du moteur à essence, ses handicaps proviennent de son niveau élevé d'émissions de CO 2 et de sa forte consommation de carburants : l'écart constaté avec le moteur diesel est de 20 à 25 %. Que faire pour le réduire ? Sont envisagés : la distribution variable, le pilotage des soupapes d'admission de manière totalement flexible, la combustion fondée sur l'injection directe et la combustion stratifiée, la combustion CAI et le downsizing. Le potentiel de réduction de la consommation grâce au downsizing du moteur à essence, entraînant une sorte d'alignement sur le moteur diesel, est de l'ordre de 20 %. C'est-à-dire qu'avec un moteur à essence downsizé et turbo suralimenté avec une réduction de cylindrée de l'ordre de 50 %, il serait possible d'atteindre les niveaux d'émissions de CO 2 d'un diesel. Cette technologie est en route.

La technologie suivante est l'hybride, qui tente de répondre à la question « comment combiner la réduction des émissions de polluants et celle des émissions de CO 2 ? ». En ce qui concerne le moteur diesel, il serait possible de réduire la cylindrée des moteurs, mais une augmentation de la charge en utilisation courante en découlerait, donc une augmentation de l'émission de polluants. Ce compromis est alors insatisfaisant. Afin de contrebalancer ces effets néfastes, un système de post-traitement, le filtre à particules, est utilisé. Par un compromis adéquat, il est possible de réduire les émissions de NOx en même temps que les émissions de particules. Une partie importante du chemin serait réalisée grâce à cette technologie. Ensuite, il faudrait obtenir des systèmes de post-traitement plus performants :

- le NOx trap qui accuse des difficultés de durabilité et de sensibilité au soufre ;

- le HCCI associé au filtre à particules, théoriquement plus intéressant car reposant sur une réduction à la source des émissions de NOx, et impliquant moins de problèmes de tenue du système de post-traitement ;

- le filtre à particules avec SCR.

Tous obtiennent à peu près les mêmes résultats en termes d'émissions de CO 2 et de polluants, comme il apparaît sur le graphique. L'hybride est coûteux et complexe, l'opinion publique l'acceptera peut-être difficilement, mais sur le strict plan de l'efficacité, cette technologie est prometteuse.

Le moteur à essence peut emprunter deux voies :

- la Stéochiométrique (Gérard BELOT l'a expliquée ce matin), qui permet, en utilisant un système de distribution variable, de réduire en même temps les émissions de CO 2 et de polluants. Cela suppose le DISI turbo, qui est en fait l'injection directe associée à la suralimentation, qui permet un downsizing poussé du moteur (le rendant proche d'un moteur diesel dépollué) ;

- la combustion de mélanges pauvres, qui suppose une émission plus importante de polluants, puis la mise en oeuvre de systèmes de post-traitement du type NOx trap, plus coûteux et plus sensible, et donc, plutôt à éviter a priori.

Le gain du passage du moteur à essence downsizé vers le véhicule hybride est plus intéressant que dans le cas d'un moteur diesel, ce qui explique que, in fine, nous nous retrouvons avec un moteur à essence ou diesel dans un véhicule hybride avec à peu près les mêmes émissions de CO 2 (une différence subsistant en matière d'émissions de polluants). L'explication est que la dépollution du moteur diesel est très coûteuse et contrebalance le gain en consommation attendu.

Nous considérons quant à nous, que cette solution intermédiaire - à savoir la combustion HCCI et le filtre à particules pour le moteur diesel, et le downsizing du moteur à essence associé à l'injection directe plus la suralimentation - devrait être la plus attractive, car elle semble à la fois efficace en termes de coûts et d'efficacité.

• M. Claude GATIGNOL

Merci Monsieur PINCHON. Après ce survol des prochains procédés, M. OLIVA va maintenant aborder la propulsion électrique.

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