6. Débat avec la salle

• M. Daniel LE BRETON

A défaut de question, je ferai un commentaire sur le diesel. Si l'on peut se féliciter d'être les moins émetteurs de CO2 en Europe, il ne faut pas oublier que l'essence, qui n'est pas consommée en Europe est consommée aux Etats-Unis, et l'on n'a fait que déplacer le problème. Les Russes, non plus, ne consomment pas de gazole mais nous l'envoient et ils roulent à l'essence. Aux bornes de la planète, il n'est pas si évident que le diesel soit la panacée. Par ailleurs, il faut reconnaître que les Américains sont trop calés sur l'essence, les Européens le sont peut-être trop sur le diesel. Si vous me permettez cette image, « il y en a un qui a la tête dans le frigo et l'autre la tête dans le four » et je ne sais pas si la température moyenne est bonne...

• M. André DOUAUD

Je voudrais répondre à cela. Je ne suis pas en contradiction avec ce que dit M. LE BRETON. L'intérêt du diesel, ce n'est pas que l'un s'appelle gazole et l'autre essence, c'est que cette filière a un rendement énergétique du point de vue du véhicule qui est bien meilleur. Si l'on savait faire un véhicule à essence avec le même rendement que le diesel, le bénéfice de l'essence serait évident.

• M. Daniel LE BRETON

Je voudrais faire une dernière remarque, si vous le permettez. Dans le pétrole, la nature ne nous a pas donné tout ce que l'on souhaite. Il y a de l'essence et il faut arriver à l'utiliser. La lime à épaissir n'existe pas, du côté des molécules, ou alors elle coûte cher, et il existe une limite. Si l'on pouvait ne faire que du diesel, ce serait raisonnable de n'utiliser que des moteurs diesel, mais malheureusement on ne peut pas faire uniquement cela. Du côté des biocarburants, la plupart des biocarburants de synthèse sont plutôt des distillats, et donc plutôt pour le pool diesel. Mais il y a un grand concurrent de l'essence, qui est l'éthanol, et qui concerne les véhicules à essence, et non diesel.

• M. Patrick OLIVA

Je voudrais poser une question en rapport avec les propos de M. LE BRETON. Y a-t-il un optimum dans le processus de raffinage, dans la proportion respective de l'essence et du diesel ? J'ai entendu des choses très diverses sur ce sujet, et j'ai du mal à me faire une opinion personnelle.

• M. Daniel LE BRETON

Pour vous donner une image, il se vend aujourd'hui presque trois tonnes de gazole pour une tonne d'essence. Pour une raffinerie la plus convertissante, c'est-à-dire une raffinerie qui est dédiée gazole, ce ratio est de 2,5. Pour passer à 3, il faut détruire de l'essence, et c'est ce que l'on a commencé à faire. En France, nous avons dépassé le stade de la meilleure raffinerie orientée diesel. Cela vous montre qu'il y a une limite quelque part. Est-ce que le bon ratio, c'est 50 % de véhicules particuliers diesel et 50 % essence ? Je ne sais pas. Mais ce n'est sûrement pas 75 % diesel et 25 % essence.

• M. André DOUAUD

Je crois que mon ami LE BRETON « a les pieds dans le four » de la France. Les chiffres qu'il donne concernent la France, mais il faut savoir qu'au niveau mondial, le carburant qui est le plus demandé en particulier à cause des Etats-Unis, c'est l'essence.

• M. Joël PEDESSAC

Au sujet des propos de M. LE BRETON, on parle du bilan du « puits à la roue » sur les différents carburants. Vous avez présenté les émissions du système énergétique. Les dernières tonnes de gazole que l'on va aller chercher dans la conversion de l'essence éventuellement, ne sont-elles pas plus émissives de gaz à effet de serre ? Finalement, est-ce que l'on ne dégrade pas le bilan du « puits à la roue » ?

• M. Daniel LE BRETON

Je vais rebondir sur les propos de M. DOUAUD. Il est sûr que le marché mondial est à l'essence car il est piloté par les Américains, qui consomment environ 500 millions de mètres cubes. On peut dire qu'ils ont fait la « bêtise » de faire trop d'essence. Ils ne sont pas non plus à l'optimum du raffinage. Leurs systèmes de raffinage sont complexes et s'ils commencent à dieseliser, ils vont rencontrer des problèmes de raffinage aussi. Sur le problème du « puits à la roue », si l'on fait une tonne d'essence en plus, cela baisse les émissions de CO 2 d'une raffinerie. Cela veut dire que l'on touche les limites. Le marché est en gazole et la dernière tonne de gazole qui peut se vendre va coûter plus cher en CO 2 . Le bilan du « puits à la roue » de la dernière voiture diesel n'est pas aussi bon que celui de la première.

• M. Patrick OLIVA

J'aurais encore une question pour M. LE BRETON. Vous avez parlé ce matin de cette expérience très intéressante de l'usine NExBTL. Quel est globalement le bilan CO 2 que vous faites sur l'ensemble de la chaîne ?

• M. Daniel LE BRETON

C'est assez comparable à la filière ester. Ensuite, il y a des raffinements, car c'est un produit du biogaz. Si l'on imagine que l'on utilise le biogaz pour générer l'hydrogène, on peut imaginer qu'on a des crédits. Mais globalement, c'est le même ordre de grandeur que la filière ester.

• M. Claude GATIGNOL

Y a-t-il d'autres questions ?

• Un auditeur

Je voudrais juste rebondir sur le dernier commentaire et la dernière information de M. LE BRETON. Lorsqu'il dit que les bilans Well to Wheel de la filière NExBTL sont à peu près du même niveau que ceux pouvant être obtenus par les filières bio-diesel conventionnelles actuellement, c'est sans doute vrai, mais je voudrais donner une valeur chiffrée. Ce bilan reste très favorable, puisque les bilans Well to Wheel des bio-diesel conventionnels permettent une division pratiquement par deux des émissions de CO 2 globales sur la chaîne Well to Wheel par rapport à un gazole issu d'une filière pétrole fossile. Cette filière NExBTL, même si elle n'est pas aussi performante vis-à-vis des émissions globales de CO2 que les filières BTL, reste très intéressante car elle permet de diviser au moins par deux, au lieu de diviser par dix.

• M. Claude GATIGNOL

C'est une précision intéressante dans le cadre des carburants de transition dont parlait M. BEUZIT.

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