B. UNE DÉRIVE DÉJÀ RELEVÉE

La dérive des frais de justice a été soulignée par votre rapporteur spécial pour la mission « Justice », dans un rapport d'information consacré à la mise en oeuvre de la LOLF dans la justice judiciaire 3 ( * ) , qui comportait nécessairement des développements sur cette question.

Evolution de la dépense effective des frais de justice

(en millions d'euros)

Année

1998

1999

2000

2001

2002

2003

2004

Dotation finale

248,103

266,565

258,823

271,070

288,190

338,000

358,00

Dotation initiale

248,103

266,565

283,215

277,169

293,190

310,100

338,151

Dépense

247,059

243,140

258,361

262,010

290,090

341,431

419,00

Solde

1,044

23,424

0,462

9,060

- 1,900

- 3,43

-80,85

Evolution de la dépense en %

5,44%

-1,59%

6,25%

1,42%

10,72%

17,70%

22,87%

Evolution de la dépense

12,757

-3,918

15,220

3,649

28,080

51,341

77,57

Source : chancellerie

Pour 2005, la dotation initiale était de 358 millions d'euros et la dépense finale a été évaluée par M. Pascal Clément, Garde des sceaux, ministre de la justice, à 490 millions d'euros 4 ( * ) .

Les raisons de cette explosion sont multiples et tiennent notamment à un besoin croissant de justice de la part de la population, à une législation de plus en plus coûteuse et mal évaluée en amont et aux coûts élevés de l'expertise scientifique, qui, par ailleurs, peut permettre à la justice d'amplifier son efficacité. Il convient aussi de relever une gestion quelque peu aveugle de la justice qui semble avoir trop longtemps ignoré la culture de la concurrence. Il convient d'apprécier à leur juste valeur les efforts accomplis en la matière depuis quelques temps, aussi bien par la chancellerie que par les juridictions.

C. LA NATURE DE CETTE « CRISE DES FRAIS DE JUSTICE »

La « crise des frais de justice » ne résulte pas de la LOLF , qui, en conférant à ces crédits, jusqu'à présent évaluatifs par exception, un caractère limitatif, selon la règle générale, n'a fait que « révéler » une explosion antérieure à sa mise en oeuvre . Le rapport d'information précité a souligné les avancées significatives de la culture de gestion au sein des juridictions, soutenu la politique de mise en concurrence enfin engagée par la chancellerie et souligné l'impératif constitutionnel de l'indépendance de l'autorité judiciaire auquel une politique de maîtrise des frais de justice doit demeurer soumise. Faut-il rappeler cependant que la culture de gestion est commandée par la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen de 1789 , conférant à la société un droit de demander compte à tout agent public de son administration (article XV).

Dans son rapport spécial « Justice » pour 2006 5 ( * ) , votre rapporteur a fait part de son scepticisme sur le niveau des frais de justice fixé par le projet de loi de finances pour 2006 (370 millions d'euros, susceptibles d'être complétés en gestion dans une limite fixée à 50 millions d'euros).

les principales observations de la cour des comptes

Les principales observations de la Cour des comptes sur les frais de justice

- Malgré la forte augmentation des frais de justice ces dernières années, la chancellerie ne dispose que d'une information lacunaire sur l'évolution de la dépense, faute d'un outil statistique opérationnel et rigoureux .

- Les dotations budgétaires inscrites en loi de finances initiale sont , depuis l'exercice 2004, « manifestement et gravement » insincères .

- La gestion efficiente des frais de justice est entravée par un cadre réglementaire lourd, donc peu adapté à une modification régulière des tarifs et à la mutualisation des moyens .

- Il existe une prise de conscience réelle, bien que tardive, de l'impératif d'une meilleure maîtrise des frais de justice.

- Le contrôle de la dépense apparaît défaillant, tant a priori qu'a posteriori . Celui-ci pourrait être amélioré par la mise en place de mécanismes d'autorisations pour les dépenses atypiques, par la définition de référentiels de prestations et protocoles d'enquête, et par le développement de la mise en concurrence .

- Le circuit de la dépense est caractérisé par une « complexité inversement proportionnelle à son efficacité ». Le système en vigueur, dérogatoire, n'a plus de justification. Il convient de rapprocher les procédures de règlement des frais de justice du droit commun de la comptabilité publique.

- Certaines réformes législatives sont peu propices à la maîtrise des frais de justice . L'éventualité de l'évolution vers une procédure de type accusatoire nécessiterait, le cas échéant, une réflexion concernant les modalités d'intervention des parties dans la prescription des frais de justice.

Les observations de la Cour des comptes portent sur les points suivants :

- une évolution globale mal maîtrisée ;

- un encadrement insuffisant ;

- un contrôle défaillant ;

- une régulation inaboutie.

* 3 Rapport d'information n° 478 (2004-2005) : « La LOLF dans la justice : indépendance de l'autorité judiciaire et culture de gestion ».

* 4 Sénat, séance du 10 novembre 2005.

* 5 Document Sénat n° 99 (2005-2006), tome III, annexe 15, pages 21 à 25.

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