CHAPITRE PREMIER : LES FINANCES PUBLIQUES FACE AU MUR DE LA DETTE

Comme nombre de précédents rapports d'information précédents de votre commission des finances, le rapport de M. Michel Pébereau 7 ( * ) s'apparente, à certains égards, à un réquisitoire qui souligne la gravité de l'état de nos finances publiques et notre responsabilité collective dans cette situation :

- « Nos finances publiques sont dans une situation très préoccupante » ;

- « Cette situation ne nous a pas été imposée : nous n'avons cessé de l'accepter » ;

- « Cette dette n'est pas le résultat d'un effort structuré pour la croissance et la préparation de l'avenir » ;

- « En réalité, le recours à l'endettement a été le choix de la facilité : il a permis de compenser une gestion insuffisamment rigoureuse des dépenses publiques » ;

- « Les lourdeurs et les incohérences de notre appareil administratif sont une première explication de la gestion peu rigoureuse des dépenses » ;

- « Mais ce sont fondamentalement nos pratiques politiques et collectives, notamment notre préférence pour la dépense publique, qui sont à l'origine de notre situation financière actuelle ».

Bien qu'elle n'en partage pas toutes les analyses et les conclusions, votre commission des finances adhère pleinement au constat initial du rapport : la France est « en état d'urgence financière » 8 ( * ) et elle le reste en dépit des mesures parfois courageuses qu'elle a pu prendre au cours de la présente législature.

Si la France a tant de mal à redresser la barre, c'est sans doute d'abord, faute, d'avoir profité de la conjoncture favorable de la fin des années 1990 pour assainir sa situation budgétaire ; mais c'est sans doute aussi - et la présente majorité doit assumer sa part de responsabilité à cet égard - dans le recours à des solutions de facilité.

La dette est un bon révélateur des dysfonctionnements de notre processus de décision politique : de plus en plus souvent, celui-ci aboutit à des non choix par suite de l'incapacité des gouvernants à procéder à de véritables arbitrages. Elle est un indicateur de la difficulté à arbitrer : au lieu de faire payer tel ou tel groupe, on reporte à plus tard, sur les gouvernements à venir voire sur les générations futures, le soin de choisir celui qui va supporter en dernier ressort la charge de telle ou telle politique publique, avec souvent, pour alibi, l'espoir, sincère mais illusoire, que des jours meilleurs viendront rendre la solution de nos problèmes moins difficile.

Le paradoxe est que le large consensus que recueille ce constat sur le caractère insoutenable de la dette, ne suffit pas à faire passer des intentions aux actes.

I. LE CONTRASTE ENTRE UN DIAGNOSTIC À LONG TERME ALARMISTE ET UNE INSOUCIANCE GÉNÉRALE À COURT TERME

La nécessité de réduire le déficit public, afin de maîtriser la dette publique, et d'éviter que la charge de la dette empêche encore plus l'Etat de financer des politiques utiles à nos concitoyens, est affirmée depuis plusieurs années par votre commission des finances.

Ainsi, dès 2002, votre rapporteur général dénonçait « une législature pour rien » 9 ( * ) en matière de réduction de la dette publique, et soulignait la nécessité de passer « des intentions aux faits » 10 ( * ) en matière de réduction du déficit public.

Les gouvernements successifs reconnaissent depuis longtemps la nécessité de diminuer le déficit public. Chaque année depuis 1999, le gouvernement affirme son intention de réduire le déficit public, dans le cadre du programme de stabilité qu'il transmet à la Commission européenne.

Le « rapport Pébereau », pour légitime et pertinent qu'il soit, n'est donc, à ce stade, qu'un rapport « de plus ». Il est en effet frappant de constater le décalage entre, d'une part, un diagnostic partagé alarmiste à long terme, et, d'autre part, l'insouciance générale à court et moyen termes.

A. DES PERSPECTIVES D'APOCALYPSE ?

1. Le rapport Pébereau : une dette publique de 400 % du PIB en 2050 ?

Selon le rapport Pébereau, la dette publique atteindrait 400 % du PIB en 2050 dans un scénario où « les administrations publiques ne modifieraient pas leurs comportements ».

a) Un ordre de grandeur résultant d'une approche en terme de solde public primaire

Ce taux de 400 % est difficile à interpréter, dans la mesure en particulier où les hypothèses retenues ne sont pas toutes explicitées.

Implicitement, le rapport a, semble-t-il, adopté une approche en termes de solde public primaire. Le solde primaire est le solde public avant paiement de la charge de la dette. Il s'agit donc d'une grandeur représentative de l' « effort » réalisé en matière de solde public, dans la mesure où lui seul dépend du gouvernement. Alors que le solde primaire se dégraderait - en particulier du fait des dépenses de retraite -, le déficit public total serait de plus en plus élevé, et la dette augmenterait de façon exponentielle.

L'évolution de la dette publique, selon le « rapport Pébereau »

(en points de PIB)

Source : commission sur la dette

* 7 Michel Pébereau, « Rompre avec la facilité de la dette publique », rapport au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, décembre 2005.

* 8 Rapport d'information n° 291 (2003-2004) de M. Philippe Marini, fait au nom de la commission des finances.

* 9 « Dette publique : une législature pour rien », rapport d'information n° 361 (2001-2002), 17 juillet 2002.

* 10 « Le débat d'orientation budgétaire pour 2003 : des intentions aux faits », rapport d'information n° 361 (2001-2002), 17 juillet 2002.

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