INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

Voici près d'un an, la commission Santé-Justice, présidée par M. Jean-François Burgelin, procureur général honoraire près la Cour de cassation, remettait son rapport. Créée en juillet 2004 à l'initiative des ministres de la justice et de la santé, elle avait eu pour mandat d'étudier, dans la perspective de renforcer la prévention de la récidive, les modalités d'évaluation de la dangerosité afin de mieux prendre en compte cette dernière dans le traitement judiciaire et médical des auteurs d'infractions.

Parmi les nombreuses propositions formulées par cette commission qui ont, dans leur grande majorité, recueilli un écho favorable auprès des professionnels de la justice et de la santé, l'une des plus novatrices, la création de centres fermés de protection sociale destinés à accueillir, après l'exécution de leur peine, des personnes considérées comme toujours dangereuses, a suscité cependant de vives oppositions 1 ( * ) .

Cette proposition met en cause en effet certains principes fondamentaux de notre droit et pose la question essentielle pour toute société démocratique du point d'équilibre entre les considérations de sécurité publique et le respect de la liberté individuelle.

Compte tenu des enjeux soulevés, il est apparu indispensable à votre commission que le débat se prolonge et s'approfondisse dans un cadre parlementaire. Il prolonge d'ailleurs la réflexion conduite en 2005 sur les conditions de mise en place du bracelet électronique mobile, à l'occasion de l'examen de la loi sur le traitement de la récidive des infractions pénales, auquel le Sénat avait apporté une contribution significative.

Ainsi votre commission a décidé, au début de la présente session, de créer une mission d'information confiée conjointement à MM. Philippe Goujon et Charles Gautier 2 ( * ) sur les mesures de sûreté susceptibles d'être prises à l'égard des personnes considérées comme dangereuses 3 ( * ) .

Bornant le champ de ses analyses aux auteurs d'infractions , votre commission a cherché à présenter, dans un esprit d'objectivité, des éléments de réponse à trois des interrogations parmi les plus complexes qu'ait à résoudre le législateur :

- le dispositif français concernant les personnes dangereuses est-il adapté ? En d'autres termes, les instruments actuels permettent-ils, d'une part, de réduire la dangerosité à travers une prise en charge adaptée lorsque cette dangerosité est liée à une pathologie, d'autre part, de protéger la société par les mesures de sécurité nécessaires ?

- quels enseignements peut-on tirer des expériences étrangères ?

- la mise en place de structures fermées pour accueillir des délinquants après l'accomplissement de leur peine est-elle envisageable ? A quelles conditions ?

Au cours de déplacements 4 ( * ) auxquels se sont joints d'autres membres de la commission, la mission s'est rendue successivement aux Pays-Bas et en Allemagne afin de recueillir des informations sur les dispositifs spécifiques mis en place par ces deux pays afin de maintenir dans des structures fermées des personnes ayant exécuté leur peine mais considérées comme toujours dangereuses.

Elle a également visité les établissements pénitentiaires de Château-Thierry (spécialisé dans l'accueil des condamnés à de longues peines souffrant de troubles psychiatriques), de Clairvaux, de Fresnes (doté d'un centre national d'observation des détenus et d'une unité de soins psychiatriques) ainsi que l'unité pour malades difficiles de l'hôpital Paul-Guiraud de Villejuif.

Enfin, ce travail d'information s'est conclu par l'organisation d'une demi-journée d'auditions publiques au cours de laquelle ont été entendus magistrats, médecins et représentants du ministère de la justice 5 ( * ) .

Sur la base des observations recueillies au cours de cette mission, votre commission a dressé le constat que les insuffisances du système français concernaient principalement les personnes dangereuses atteintes de troubles psychiatriques . Elle proposera des pistes de réflexion qui se veulent, avant tout, une contribution à une réflexion qu'il reste nécessaire de poursuivre et d'approfondir. Elle a été guidée par la conviction qu' il ne saurait y avoir de contradiction entre une meilleure prise en charge sanitaire des personnes considérées comme dangereuses et la sécurité de notre société .

*

En préambule à ces analyses, votre commission souhaite rendre un hommage particulier à l'ensemble des personnels qui prennent en charge les personnes dangereuses. Comme vos rapporteurs peuvent en témoigner, ils s'acquittent de leur mission, dans des conditions difficiles, avec compétence et dévouement. Leur travail mérite, à coup sûr, une meilleure reconnaissance.

* 1 L'écho de ces positions se retrouve dans l'intervention devant votre commission de M. Jean-Yves Monfort, président du tribunal de grande instance de Versailles, membre de la commission nationale consultative des droits de l'homme : « priver quelqu'un de liberté en ne se fondant sur aucun fait répréhensible, mais sur un profil évalué par des psycho-criminologues est une pratique totalitaire : (...) le concept de « mesure de sûreté » a été inventé par les doctrines positivistes, qui, à la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle, ont voulu justifier la réaction sociale en la fondant non sur le passage à l'acte du délinquant, mais sur son état dangereux ».

* 2 M. Charles Gautier a été désigné en remplacement de M. Michel Dreyfus-Schmidt, empêché.

* 3 Par ailleurs, il convient de rappeler que M. Jean-Paul Garraud, député, a été nommé parlementaire en mission en février 2006, auprès du garde des sceaux, afin d'analyser les conditions d'évaluation de la dangerosité des auteurs d'infractions pénales atteints de troubles mentaux.

* 4 Voir la liste des déplacements et de la composition des délégations en annexe 1.

* 5 Le compte-rendu de ces auditions figure en annexe 3.

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