II. LES PROBLÈMES LIÉS À L'INTRODUCTION DES FILIÈRES DE SUBSTITUTION

La nécessité de réduire, en l'espace d'une génération, l'utilisation des combustibles fossiles dans les secteurs directeurs de consommation que sont la production d'électricité, le « résidentiel-tertiaire » et les transports est un défi d'une grande ampleur.

Face à cette exigence, l'offre de la science et de la technologie présente un éventail très large de propositions dont il faut souligner qu'aucune ne constitue une solution exclusive.

Il est donc plus que jamais nécessaire de synchroniser la mise en oeuvre d'un ensemble de filières alternatives.

Mais l'introduction de ces filières de substitution est gouvernée par des éléments d'arbitrage différents : des éléments économiques extérieurs, des éléments liés à l'inflexion des comportements sociaux et des éléments intrinsèques à chaque filière.

A. DES ÉLÉMENTS ÉCONOMIQUES EXTÉRIEURS

1. Les prix et l'accessibilité du pétrole et du gaz naturel

Il n'est pas utile d'insister sur le caractère directeur de cette variable - largement abordée en seconde partie de ce rapport - sinon pour souligner que son évolution introduit une distorsion dans le calcul économique lié à l'introduction de filières alternatives.

Car le choc pétrolier - et le choc gazier qui suivra - n'interviendront pas avant dix ou quinze ans alors qu'un pétrole à 75 $-80 $ le baril ne perturbe pas excessivement l'économie mondiale. Cette évolution différée du prix du pétrole peut disqualifier ou retarder des investissements - à la fois coûteux et longs à déployer - qui seront précieux lorsque le choc interviendra .

2. La réussite des tentatives d'incorporer le changement climatique dans le calcul économique

On a vu qu'il était essentiel d'incorporer le changement climatique dans le calcul économique . Cela passe par des politiques nationales, mais aussi par une action internationale.

a) Les politiques nationales

En fonction des domaines d'application et de la vigueur des politiques menées à l'échelon national, l'introduction des filières de substitution aux énergies fossiles sera ou non accélérée.

D'où l'importance, dans chaque pays, du triptyque : encouragement à la recherche et au développement, incitations fiscales, édiction de normes.

Mais ces politiques ne peuvent être conçues que comme une contribution à une réponse planétaire à un problème prioritaire.

b) L'action internationale
(1) La poursuite du cycle de Kyoto

En eux-mêmes, les objectifs de Kyoto sont modestes puisqu'il ne s'agit que de réduire les émissions de CO 2 d'ici 2012 de 5 % par rapport à ce qu'elles étaient en 1990.

On sait également que le principal pays émetteur de gaz à effet de serre a signé, mais non ratifié, le protocole 44 ( * ) et que les pays en voie de développement accéléré, comme la Chine et l'Inde, n'ont aucune obligation à ce titre.

On sait aussi que le transport aérien et le transport maritime qui ne représentent qu'un faible pourcentage des émissions de gaz à effet de serre (3,2 %) mais qui enregistrent des taux de croissance annuelle de 5 % et 6 % ne sont pas comptabilisés dans le protocole.

Ces lacunes, outre qu'elles encouragent la poursuite de la croissance mondiale des émissions, ont une conséquence perverse. Elles empêchent la constitution mondiale d'un instrument directeur de la lutte contre l'effet de serre : le marché des émissions de CO2.

Or, on arrive dans la zone de renégociation du protocole de Kyoto , dont l'échéance est prévue en 2012, sans avoir résolu aucune des incertitudes qui affectent son efficacité. En particulier l'extension géographique de son application n'est pas acquise.

Elle est, d'une part, liée aux résultats des élections américaines de 2008.

D'autre part, les premières propositions de Kyoto II qui pourraient concerner les pays émergents sont très timides . Il ne s'agirait, dans le meilleur des cas, que de proposer à ces pays de limiter les émissions non pas par rapport à ce qu'elles étaient à un moment donné mais par rapport à ce qu'elles seront compte tenu de leur croissance - dont on a vu par ailleurs qu'elle prend une pente proche de l'exponentiel.

L'échec ou l'insuffisance des résultats des futures négociations du cycle de Kyoto II freinera fortement l'introduction des filières alternatives à l'usage de carburants fossiles.

(2) Les règles de l'OMC

Cet aspect de l'évolution mondiale a déjà été abordé.

Quel que soit l'intérêt pour l'économie mondiale de la croissance du commerce international, il n'est plus possible d'en asseoir les règles de fonctionnement sur le seul système de diminution des barrières tarifaires et contingentaires.

Il serait souhaitable qu'une initiative soit prise à l'échelon européen permettant de réinsérer le réchauffement climatique dans les mécanismes de l'échange international.

Le prix des biens 45 ( * ) ne doit plus être la seule variable d'ajustement du commerce international.

Une autre voie en ce sens pourrait être la création d'une labellisation portant des informations sur la politique de lutte contre l'effet de serre des pays exportateurs.

Il existe bien des labels « produit équitable », ou des labels européens portant sur la consommation énergétique d'équipements électroménagers ; on pourrait très bien concevoir la mise en place d'une labellisation européenne dans le domaine de la lutte contre l'effet de serre .

* 44 Même si certains États des Etats-Unis mettent en place des politiques appropriées.

* 45 Ou, à terme, celui des services.

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