II. LA NÉCESSITÉ DE LA TRANSITION ÉNERGÉTIQUE

Le danger potentiel que représente la croissance des émissions de gaz à effet de serre, la probabilité d'un changement climatique dont les conséquences seront sérieuses inciteraient à eux seuls à réviser rapidement notre modèle de production et d'utilisation de l'énergie.

La nécessité d'impulser des changements rapides est d'autant plus flagrante que l'on subit une raréfaction de l'offre des matières premières énergétiques et que l'on doit anticiper la croissance continue de la demande de ces produits.

A. LA CERTITUDE D'UNE RARÉFACTION DE L'OFFRE DE MATIÈRES PREMIÈRES ÉNERGÉTIQUES

Parmi les énergies primaires que nous utilisons, 90 % d'entre elles sont des sources d'énergie fossile :

- 41 % pour le pétrole,

- 21 % pour le gaz,

- 21 % pour le charbon,

- et 7 % pour le nucléaire.

Ce simple rappel permet de hiérarchiser l'analyse de l'offre de matières premières énergétiques.

Le pétrole 6 ( * ) est le point central du débat en raison des difficultés de substitution d'une source d'énergie qui a façonné notre organisation économique et sociale.

En témoigne assez bien une courbe d'évolution fournie par l'Agence internationale pour l'énergie (AIE), qui montre qu'il existe une parfaite identité d'évolution entre la croissance du PIB mondial de 1971 à 2004 et la croissance de la consommation de pétrole dans le secteur des transports.

Mais ceci ne signifie pas que les autres sources d'énergie primaire, comme le charbon, le nucléaire ou l'éolien, ne permettront pas à l'avenir des possibilités de substitution.

1. Le pétrole7 ( * )

L'accélération récente de la croissance de la Chine et de l'Inde qui représentent plus du tiers de la population mondiale et la poursuite de la croissance américaine ont créé les données d'un choc pétrolier qui a remis au premier plan le débat sur la durée de disponibilité des réserves mondiales du pétrole .

Au-delà de cette tension qui affecte les ressources pétrolières mais également les produits pétroliers - du fait des insuffisances actuelles de l'appareil de raffinage, il s'agit de mesurer l'horizon de temps pendant lequel nous disposerons d'une ressource qui présente le double intérêt de pouvoir être convertie en électricité et d'être un vecteur de locomotion jusqu'ici irremplaçable.

La réponse à cette question ne peut être qu'approximative puisqu'elle dépend d'équations de prix qui régulent le système de deux façons :

- à la hausse, elles repoussent l'horizon d'épuisement des ressources en pesant sur leur consommation et en valorisant les conditions d'exploitation ou d'exploration de ces ressources,

- à la baisse, elles ont l'effet inverse.

Par ailleurs, la quantification prudente de ces réserves doit être tempérée par les éléments qui pèsent sur la réalité de leur disponibilité.

a) L'évaluation des réserves de pétrole : des données évolutives en fonction des technologies et de l'économie
(1) Les réserves prouvées

Evaluer les réserves prouvées, c'est-à-dire celles qui ont 90 % de chances d'être récupérées grâce aux techniques actuelles et dans des conditions économiques courantes, est un exercice difficile.

Selon les termes d'un géologue de l'Institut français du pétrole (IFP) spécialisé dans l'exploration, cela revient à « mesurer l'état des stocks d'un entrepôt en regardant par le trou de la serrure après avoir fait le tour du bâtiment ».

En l'état des estimations convergentes des trois principaux évaluateurs mondiaux (la « BP Statistical Review », l'United States Geological Survey (USGS) et l'« Oil and Gas Journal »), ces réserves sont estimées à 143 milliards de tonnes à la fin de 2003, chiffre à référer aux 130 milliards de tonnes de pétrole déjà extraites de la croûte terrestre.

Ce volume représente également une quarantaine d'années de consommation mais... au rythme actuel 8 ( * ) .

Or, il devient plus que probable qu'avant trente ans la consommation par habitant en Chine sera celle de l'Europe et donc le double de celle des Etats-Unis.

(2) Les réserves de gisements encore à découvrir

En l'état des estimations de l'USGS, seul organisme dans le monde qui réalise des études exhaustives sur le sujet, elles s'élèveraient à 140 milliards de tonnes.

Mais beaucoup de ces ressources dites « d'avant-arc » (c'est-à-dire celui qui réside sous les couches tectoniques à 6 km de profondeur) mobilisent des moyens technologiques beaucoup plus importants.

En effet, les outils actuels ne permettent pas « d'imager » ces réservoirs sous ces plaques.

Et comme il n'y a pas, dans ce cas, de réfraction verticale, on doit poser des sondeurs sur 20 km et non plus sur 2 km comme dans le cadre d'une détection normale, ce qui exige plus de 100 000 capteurs.

Même avec ces déploiements massifs, les sondages aboutissent souvent à des retours non conformes aux prévisions de modélisation.

Ce volume représente également une quarantaine d'années de consommation, toujours au rythme actuel .

(3) Les réserves en pétrole non conventionnel

Le pétrole non conventionnel est formé d'hydrocarbures denses et fortement visqueux qui doivent être fluidifiés ou allégés pour être produits en quantités suffisantes et économiquement rentables.

Sont principalement concernés les bruts extra lourds du Venezuela et les sables asphaltiques du Canada. Les réserves récupérables, en l'état de la technologie qui progresse rapidement, sont évaluées à 80 milliards de barils - de l'ordre de 15 % de la ressource en place. Notons que cela correspond aux réserves prouvées de pétrole conventionnel du Moyen-Orient.

Ces ressources pétrolières sont assez coûteuses à mobiliser car leur extraction exige énormément d'énergie et d'eau. En outre, certaines de ces exploitations sont assez destructrices de l'environnement.

On estime par ailleurs qu'en l'état de nos technologies, seul un gros cinquième de la ressource est exploitable.

Ces réserves représenteraient au moins une vingtaine d'années de consommation au rythme actuel .

(4) Les ressources offertes par l'amélioration de la récupération

Les progrès des technologies (cf. deuxième partie) permettent d'accroître les résultats de l'exploration et de l'exploitation des puits existants.

Le taux moyen de récupération actuel du pétrole est de l'ordre de 35 %. Un point de progression de ce taux représente deux ans de consommation mondiale.

De fait, des récupérations à 70 % sont déjà réalisées dans de vieilles régions pétrolières comme le Texas.

On estime, en fonction des échelles de prix, qu'il serait possible de porter ce taux moyen à 50 % (accroissement qui représenterait une activation des réserves de l'ordre de 117 milliards de tonnes), soit environ 30 années de consommation .

b) Quelle est la disponibilité effective de ces réserves ?

L'évaluation qui précède quantifie à 130 ans les réserves ultimes de pétrole - ceci, naturellement, au rythme de consommation actuel - ce qui restreint fortement cet horizon.

Mais, telle quelle, cette mesure des disponibilités mondiales en produits pétroliers doit être tempérée .

D'une part, des doutes croissants se font jour sur la réalité de certaines de ces réserves. Dans le passé, aussi bien les compagnies pétrolières pour des raisons de présentation de bilan, que les pays détenteurs des principales réserves pour des raisons stratégiques, ont surdéclaré leurs réserves disponibles.

D'autre part, on doit rappeler qu'à l'exception des pétroles non conventionnels dont les réserves connues se situent sur le continent américain, plus des deux tiers des réserves de pétrole se situent au Moyen-Orient, dans une zone qui présente des risques politiques de nature à relativiser la permanence de leur disponibilité. La sécurité des approvisionnements pétroliers est loin d'être assurée sur ce point .

* 6 ... et à un moindre degré le gaz naturel, dont l'état des ressources disponibles est proche et les courbes de prix analogues. Ces deux sources d'énergie primaire couvrent les deux tiers des besoins de la planète .

* 7 Pour plus de détails sur cette question, on renverra au rapport publié par la délégation à la Planification du Sénat « Rapport d'information n° 105 (2005-2006) du 24 novembre 2005 - par MM. Joseph Kergueris et Claude Saunier : La hausse des prix du pétrole : une fatalité ou le retour du politique ».

* 8 Si 4 milliards d'hommes consommaient autant de pétrole que la population des USA et de l'Europe occidentale en 2005, cela limiterait les réserves à 6 ans...

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