DEUXIÈME PARTIE : LES SCÉNARIOS ENVISAGEABLES D'ICI 2030

La pente actuelle du modèle énergétique mondial conduit à penser qu'en 2030 tout sera joué ou presque . En fonction du déroulement des événements à venir en l'espace d'une génération, beaucoup des traits dominants de ce modèle seront acquis, sinon pour le reste du siècle, tout au moins pour les trente années qui suivront.

Mais l'éventail des possibles reste ouvert.

Des scénarios d'évolution différents peuvent nous conduire à des situations très différentes en 2030.

Toutefois, cette écriture de notre futur dépend d'abord de variables de commande qui pèseront fortement :

- le moment de l'approche du pic pétrolier, et l'ampleur du choc pétrolier qui s'ensuivra,

- le degré d'anticipation et la force du volontarisme politique, qu'il soit national ou international.

En fonction du jeu de ces éléments, trois grandes catégories de scénarios seront à envisager d'ici 2030 : la poursuite de la tendance ou le scénario du pire, la rétractation de l'économie mondiale ou la réussite de la transition énergétique.

I. LES VARIABLES DÉTERMINANTES

Le fonctionnement économique et l'organisation sociale de nos sociétés courent le risque d'être pris à contre-pied par le double mouvement décrit en première partie de ce rapport : celui d'un changement climatique plus accéléré et plus dévastateur qu'on ne se l'imagine aujourd'hui, mais aussi celui d'une raréfaction probablement plus accélérée de certaines des sources d'énergie primaire que nous employons.

Deux variables de commande qui sont liées vont éloigner ou rapprocher les curseurs de ces deux échéances : le pic pétrolier et l'ampleur ainsi que la précocité des mesures prises, directement et indirectement, contre les émissions de CO 2 .

A. L'APPROCHE DU PIC PÉTROLIER

1. Les données du problème

Avant d'analyser les raisons pour lesquelles le pic pétrolier (et la déplétion pétrolière qui le suivra) sont une des variables directrices du modèle énergétique mondial, il est nécessaire de lever deux préalables .

Pourquoi le pétrole ?

Pourquoi le pic pétrolier ?

Sur le premier de ces points, on doit mentionner qu'il existe un discours, largement répandu, selon lequel l'humanité ne manquera pas de sources d'énergie primaire puisqu'il existe des possibilités de substitution au pétrole pour plusieurs siècles.

Selon ce schéma, dans un premier temps les réserves mondiales de charbon - qui excèdent deux siècles de consommation actuelle - pourraient se substituer au pétrole - fabrication de carburants de synthèse, possibilité de captation et de séquestration du CO 2 , gazéification en méthane de certains gisements - ceci jusqu'à ce qu'une filière hydrogène, largement assise sur l'implantation des réacteurs nucléaires dits de génération 4, nous fournisse à la fois une énergie dont les réserves se chiffreront en milliers d'années et un vecteur d'énergie aussi souple que le pétrole.

Cette façon d'envisager le problème a sa légitimité, mais elle méconnaît trois réalités.

• Celle du caractère central de la source d'énergie primaire que constitue le pétrole dans une économie mondiale fondée sur la mobilité 19 ( * ) .

• Celle de la durée des transitions de modèle énergétique et de l'ampleur de ces transitions. Pour n'en donner qu'un exemple, s'il fallait remplacer le pétrole utilisé par les véhicules aux Etats-Unis par l'hydrogène, cela exigerait la construction de 800 centrales de production d'hydrogène.

• Et celles des incertitudes technologiques qui pèsent encore sur certains aspects de l'utilisation d'énergie comme l'hydrogène.

S'agissant du pic pétrolier, les avis sont partagés.

Beaucoup rappellent qu'en 1950 on estimait qu'il serait atteint en 1970, et qu'en 1970 on pensait l'atteindre vers l'an 2000.

Certains estiment qu'il s'agit d'une échéance fictive, agitée par les compagnies pétrolières afin de justifier l'augmentation des prix.

D'autres enfin mentionnent que les réserves ultimes de pétrole dépasseraient l'horizon du siècle et que le problème n'est pas celui de la rareté, mais celui du prix du pétrole dont la hausse permettra d'activer les possibilités d'exploration. C'est la séquence - déjà mentionnée - du cycle « choc/contre-choc pétrolier ».

Cette orchestration d'antiennes rassurantes n'est plus pertinente. Pour une raison essentielle : le problème du pic pétrolier ne se résume pas à la taille du réservoir mais aux possibilités de débit du robinet. Et tout concourt à penser que ce débit va devenir rapidement insuffisant .

Pour résumer ce qui précède, le pétrole est un élément central de notre organisation économique et sociale, et cet élément indispensable va se raréfier.

Que peut-il alors se passer ?

* 19 Sans même évoquer le rôle industriel central de la pétrochimie qui mobilise annuellement environ 10 % des usages du pétrole.

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