b) Une interministérialité budgétaire encore « factice » ne répondant pas aux objectifs de la LOLF

Si la dimension opérationnelle de l'interministérialité de la politique de sécurité sanitaire est avérée, sa dimension budgétaire reste à démontrer .

En effet, votre rapporteure spéciale l'avait déjà constaté au moment de l'examen du projet de loi de finances pour 2006, la maquette budgétaire de la mission interministérielle « Sécurité sanitaire » se caractérise par sa rigidité et par la simple juxtaposition de deux programmes.

Rappel des principales observations de votre rapporteure spéciale relative à la structuration de la mission « Sécurité sanitaire » dans son rapport spécial sur le budget pour 2006

Dans son rapport spécial sur le budget de la mission « Sécurité sanitaire » pour 2006, votre rapporteure spéciale avait regretté les faiblesses liées à la préparation conjointe des éléments budgétaires de la mission interministérielle et avait indiqué avoir constaté, lors des auditions de responsables de programmes qu'elle avait effectuées, le caractère encore lacunaire de la dimension interministérielle de cette mission . En effet, il lui était apparu que le dialogue entre les deux responsables de programme de la mission était inexistant . Votre rapporteure spéciale avait alors estimé qu'à l'avenir, l'impulsion politique des ministres devrait se traduire dans l'administration afin d'éviter que la mission « Sécurité sanitaire » ne soit une simple juxtaposition des responsabilités.

En outre, votre rapporteure spéciale avait également constaté que l'ensemble des crédits concourant aujourd'hui à la mise en oeuvre par les pouvoirs publics de la politique de sécurité sanitaire ne sont pas regroupés au sein de la mission « Sécurité sanitaire », ce qui affaiblissait encore son caractère interministériel .

Enfin, votre rapporteure spéciale considérait, qu'à l'avenir, le caractère interministériel de la mission « Sécurité sanitaire » devrait être renforcé par l'intégration dans cette mission de l'ensemble des moyens concourant à la mise en oeuvre de la politique publique de sécurité sanitaire et par l'association à la définition des priorités de cette mission de l'ensemble des acteurs intervenant dans ce domaine , à savoir les opérateurs de la mission mais aussi certaines autres administrations centrales intervenant dans ce domaine, telle la direction générale de concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie ou la direction de la défense et de la sécurité civiles du ministère de l'intérieur.

Source : rapport spécial sur le budget de la mission « Sécurité sanitaire » pour 2006, fait au nom de la commission des finances du Sénat

L'analyse développée par votre rapporteure spéciale au moment de l'examen du projet de loi de finances pour 2006 a été, en partie, confirmée par le comité interministériel d'audit des programmes (CIAP) dans son avis sur le programme n° 228 « Veille et sécurité sanitaires » de la mission « Sécurité sanitaire », daté du 5 mai 2006 .

Cet avis porte sur un seul des deux programmes de la mission, celui placé sous la responsabilité du ministre de la santé et des solidarités, mais est révélateur des faiblesses de la structuration de la mission interministérielle dans son ensemble.

Principales observations du CIAP dans son avis du 5 mai 2006 sur la structuration du programme « Veille et sécurité sanitaire » de la mission « Sécurité sanitaire »

Le CIAP constate, d'abord, un décalage entre l'affirmation de l'importance de la politique de sécurité sanitaire et sa concrétisation dans la structuration du programme « Veille et sécurité sanitaires ».

En effet, le CIAP relève que, dans le budget de l'Etat, 11 programmes différents contribuent, par une ou plusieurs actions à cette politique de sécurité sanitaire dont le programme « Veille et sécurité sanitaires », doté d'un peu moins de 104 millions d'euros en crédits de paiement, ne représente qu'une partie. Dès lors, le CIAP estime que la structuration du programme « VSS » et son articulation avec les autres programmes peuvent être améliorées de plusieurs manières, parmi lesquelles :

- une solution radicale qui serait de supprimer la mission interministérielle « Sécurité sanitaire » et de constituer un document de politique transversale (DPT) relatif à la « Sécurité sanitaire » qui serait piloté par le ministère de la santé. En effet, le CIAP estime que cette mission ne constitue qu'une juxtaposition de deux programmes, sans coordination des objectifs et des responsabilités et qu'elle ne recouvre qu'une partie de la politique interministérielle de sécurité sanitaire et ne donne dès lors au Parlement qu'une version tronquée de cette politique ;

- faire vivre le DPT « Sécurité civile » déjà existant , intégrant d'ores et déjà le programme « VSS », et y intégrer le programme « Sécurité et qualité sanitaires de l'alimentation » de la mission « Sécurité sanitaire », relevant du ministère de l'agriculture ;

- examiner avec intérêt la proposition de fusionner, en raison des avantages à en attendre en termes de pilotage et de gestion, les programmes « VSS » et « Santé publique et prévention » (SPP) de la mission « Santé » , ce dernier relevant du même responsable de programme (le directeur général de la santé) et présentant une grande porosité avec le programme VSS, mis en oeuvre de manière enchevêtrée par les mêmes services et souvent les mêmes agents ;

- rattacher les crédits de personnel et de fonctionnement courant (titres 2 et 3) au programme VSS au moins, dans l'immédiat, en ce qui concerne la seule administration centrale . Ces crédits relèvent en effet du programme soutien du ministère de la santé, lequel est inclus dans une autre mission. Non seulement cette décision est non conforme à la LOLF mais elle ôte toute marge de manoeuvre au Parlement s'agissant des moyens affectés à la politique publique de veille et sécurité sanitaires ainsi que tous moyens d'arbitrage au responsable de programme pour son pilotage du programme dans une logique de performance ;

- faire apparaître la présentation synthétique de l'ensemble des crédits publics alloués aux sept opérateurs publics du programme dont l'activité est entièrement dédiée à la sécurité sanitaire mais qui, en raison de la maquette du budget de l'Etat, se trouvent éclatés entre différents programmes.

Si votre rapporteure spéciale partage, pour l'essentiel, l'avis exprimé par le CIAP sur un des programmes de la mission « Sécurité sanitaire », elle déplore surtout les lacunes de l'interministérialité budgétaire de cette mission, d'une part parce que celle-ci ne comporte pas l'ensemble des crédits dédiés à la politique publique de sécurité sanitaire , mais cette remarque est valable pour la plupart des huit missions interministérielles du budget de l'Etat 16 ( * ) , d'autre part, parce que la définition de cette mission interministérielle ne s'est pas accompagnée d'une réforme en profondeur de l'organisation administrative de l'Etat , qui seule permettrait un rapprochement entre les structures administratives et la nouvelle nomenclature budgétaire.

Lors de leur audition respective par votre rapporteure spéciale, les directeurs de cabinet des deux ministres responsables des programmes de la mission « Sécurité sanitaire » ont reconnu le caractère encore peu satisfaisant de l'exercice de l'interministérialité budgétaire au sein de la mission, notamment au moment de la préparation du budget. Ils ont reconnu que cette interministérialité avait été inexistante au moment de la préparation du projet de loi de finances pour 2006 et qu'elle avait vocation à être améliorée pour la préparation du prochain budget.

Votre rapporteure spéciale estime donc qu'à terme, il conviendra de s'interroger sur l'opportunité de conserver, en l'état, une mission interministérielle relative à la politique publique de sécurité sanitaire, si elle ne répond pas pleinement aux objectifs de la LOLF , qui sont :

- mettre à disposition des gestionnaires l'ensemble des moyens nécessaires à la politique dont ils sont responsables ;

- améliorer l'efficacité de la dépense publique ;

- adapter et réformer l'organisation administrative de l'Etat afin de privilégier la performance des politiques publiques.

* 16 La Cour des comptes a relevé que les crédits de la mission interministérielle « Recherche et enseignement supérieur » ne retraçaient pas les dépenses de l'ensemble des ministères concourant à cette politique publique.

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