2. La réforme du Centre des monuments nationaux

Le Centre des monuments nationaux est un établissement public national à caractère administratif, placé sous la tutelle du ministre de la culture. Dans sa rédaction actuelle, l'article L. 141-1 du code du patrimoine lui confie pour mission de « présenter au public les monuments nationaux ainsi que leurs collections, dont il a la garde, d'en développer la fréquentation et d'en favoriser la connaissance ».

Ces monuments dits « monuments nationaux » sont actuellement au nombre de 95. Ce nombre devrait diminuer significativement dans un proche avenir, une douzaine, voire une quinzaine de ces monuments -dont le château du Haut Koenigsbourg, l'abbaye de Jumièges ou celle de Silvacane- faisant l'objet d'une demande de transfert de la part de collectivités territoriales sur le fondement de la loi relative aux libertés et responsabilités locales.


Des missions étendues à la maîtrise d'ouvrage

L'article 30 du projet de loi de finances pour 2007 procède à une extension importante des attributions du centre, puisqu'il propose de lui confier en outre la mission « d'entretenir, conserver, et restaurer les monuments nationaux ainsi que leurs collections ».

Cette réforme, qui permettra au Centre d'assurer lui-même la maîtrise d'ouvrage des travaux d'entretien et de restauration des monuments dont il assure déjà la gestion, se situe dans le prolongement de la réforme opérée par l'ordonnance du 8 septembre 2005 8 ( * ) - non encore ratifiée - qui pose le principe que « le propriétaire ou l'affectataire domanial a la responsabilité de la conservation du monument historique classé ou inscrit qui lui appartient ou lui est affecté » (article L. 621-29-1 du code du patrimoine) et précise en outre que « le maître d'ouvrage des travaux sur l'immeuble classé ou inscrit est le propriétaire ou l'affectataire domanial si les conditions de la remise en dotation le prévoient » (article L. 621-29-2).

L'article 30 du projet de loi de finances pour 2007 précise que le Centre des monuments nationaux pourra, en outre, « se voir confier la maîtrise d'ouvrage des travaux de restauration sur d'autres monuments historiques appartenant à l'Etat et affectés au ministère chargé de la culture ».

Le dossier de presse du ministère précise que son intervention se fera alors « soit sur la base d'une remise en dotation nouvelle, soit par convention, opération par opération, pour les monuments qui ne pourront lui être remis en dotation ».

L'idée de confier une compétence générale au Centre des monuments nationaux en élargissant ses missions à la maîtrise d'ouvrage des travaux d'entretien et de restauration avait déjà été évoquée par plusieurs rapports administratifs et parlementaires.

Dans son rapport (p. 26), la commission « patrimoine et décentralisation » présidée par Jean-Pierre Bady, s'était déclarée favorable à ce que le Centre devienne maître d'ouvrage pour les travaux de restauration et d'accueil dans les monuments qu'il a la charge de gérer.

Le principe de cette extension des compétences a été posé par le Conseil des ministres le 30 novembre 2005, et une mission d'audit confiée aux corps d'inspection compétents a formulé des recommandations sur les modalités de cette réforme et sur ses conséquences pour la modernisation et la rationalisation de la maîtrise d'ouvrage et de la maîtrise d'oeuvre sur les monuments historiques.


• Une réorganisation administrative générale

La maîtrise d'ouvrage sur les travaux de restauration de monuments historiques, en particulier de monuments importants comme ceux que le Centre a reçus en dotation, est une activité complexe qui exige des compétences techniques particulières.

Pour assurer ces nouvelles missions, le Centre devra se doter des personnels compétents, non seulement à son siège, mais également dans les régions.

Au cours de son audition par la mission d'information, le 30 mai 2006, le président du Centre, M. Christophe Vallet, avait évoqué les grandes lignes d'un projet de réforme promouvant une organisation à trois niveaux :

- un siège doté d'une fonction de pilotage et d'arbitrage ;

- à l'autre extrémité, des monuments, dirigés par de vrais professionnels de l'accueil, et animés par des équipes bien gérées ;

- à l'échelon intermédiaire, des équipes de projets intervenant au niveau régional et interrégional.

Votre mission restera attentive à la façon dont les nouvelles compétences en matière de maîtrise d'ouvrage pourront s'intégrer à cette organisation qui doit se mettre en place en 2007 et aux conséquences qu'elle entraînera sur le partage de la maîtrise d'ouvrage entre les opérateurs actuels : service national des travaux, établissement public de maîtrise d'ouvrage et conservations régionales des monuments historiques présentes dans les directions régionales des affaires culturelles.


Le principe d'une ressource affectée

Lors de son audition devant la commission, le 10 octobre dernier, le ministre de la culture et de la communication a insisté sur le fait que, contrairement aux fonds des privatisations qui constituaient une ressource d'appoint « exceptionnelle », les 70 millions d'euros affectés au Centre des monuments nationaux sur le produit des droits de mutation représentaient une recette « pérenne », ayant vocation à être reconduite.

L'affectation d'une recette à un établissement public n'est pas une pratique inédite dans le domaine de la culture, et le financement du Centre national du Livre par deux taxes, dont la principale est assise sur la vente de photocopieurs, en fournit une illustration. Dans le domaine de l'écologie, on rappellera que le conservatoire du littoral dispose, depuis l'an dernier, d'une ressource affectée.

Avec ce mode de financement autonome, l'établissement est déconnecté des fluctuations budgétaires du ministère.

En revanche, qu'elle représente un pourcentage ou la totalité de la recette fiscale obtenue, la recette obtenue varie en fonction de l'évolution, à la hausse ou à la baisse, de la base d'imposition.

Votre mission est favorable au principe de l'affectation d'une recette spécifique au financement des travaux sur les monuments historiques.

Elle assortira cependant son assentiment à ce mode de financement d'un certain nombre de remarques .


La création de cette recette par le projet de loi de finances pour 2007 ne garantit ni sa durabilité, ni la stabilité de son montant, ni la stabilité du montant global des crédits des monuments historiques.

Ce qu'aura créé la loi de finances pour 2007 peut être défait ou modifié par une loi de finances ultérieure, voire par une loi de finances rectificative. Celles-ci auront toute latitude pour maintenir la recette, la supprimer ou en modifier les caractéristiques. Autrement dit, la recette créée en 2007 ne sera durable et stable qu'autant que le Gouvernement issu des prochaines élections le voudra bien...

En outre, s'agissant des droits de mutation à titre onéreux, dont les caractéristiques ont été redéfinies par l'article 95 de la loi de finances rectificative pour 2004, et qui n'existe, dans sa configuration actuelle, que depuis le 1 er janvier 2006, on ne dispose d'aucune vision historique de l'évolution de son produit. On sait seulement que le produit attendu pour 2006 est de 314 millions d'euros avant affectation des recettes, et que le montant des recettes constatées au 30 septembre (231 millions d'euros) parait en ligne avec ces prévisions. Cette recette peut à l'avenir progresser si le marché de l'immobilier continue de faire preuve de dynamisme. Il peut aussi régresser, si le marché ralentit ou retombe.


• L'apport de la recette affectée ne peut être apprécié indépendamment de l'effort financier global
consenti par l'Etat en faveur des monuments historiques, d'autant plus que, contrairement au modèle anglais, les crédits budgétaires du ministère restent la principale source de financement gouvernemental des chantiers de restauration.

La stabilité de cet effort global ne serait pas assurée si la pérennisation et la régularité de la recette affectée au Centre des Monuments nationaux s'accompagnaient d'une réduction des crédits budgétaires consacrés par le ministère au patrimoine monumental.


• Votre mission relève que, pour autant que l'affectation d'une recette affectée constitue une meilleure garantie de stabilité que le financement par crédits budgétaires, le ministère privilégie les monuments appartenant à l'Etat

Elle rappelle que déjà, en 2006, les recettes exceptionnelles des privatisations ont été concentrées sur quelques grands chantiers de monuments appartenant à l'Etat et d'ailleurs presque tous situés en région parisienne. Cet apport devait permettre de dégager, en contrepartie, des marges de manoeuvres sur d'autres monuments historiques, n'appartenant pas nécessairement à l'Etat. Ces marges de manoeuvre ont été, à l'évidence, bien modestes, si l'on en juge par les perturbations rencontrées dans la quasi-totalité des régions de France.

La mission note que les recettes affectées au Centre des monuments nationaux , même lorsqu'elles seront, comme en 2007, reversées par fonds de concours au budget opérationnel de programme de la direction de l'architecture et du patrimoine, ne pourront être utilisées qu'en faveur des monuments historiques appartenant à l'Etat .

Certes, le ministère a de nouveau insisté sur le fait que ce financement extérieur au budget permettrait de dégager des marges de manoeuvre au budget du programme 175 « Patrimoine » pour financer les opérations de restauration sur les monuments des collectivités locales et des propriétaires privés 9 ( * ) . Mais il faut souhaiter, pour la crédibilité du ministère auprès de ses partenaires, que cette prophétie connaîtra en 2007 une traduction plus manifeste que celle de l'année dernière.

Les crédits qui figurent dans le projet de budget de la mission « Culture » au titre de l'action 1 du programme 175 (« Patrimoine monumental et archéologique ») ne paraissent pas, de ce point de vue, entièrement rassurants. La mission relève en particulier que les crédits d'intervention du titre 6 se montent à 101 millions d'euros en 2007 contre 124 millions d'euros en 2006, soit une baisse de 18,5 %.

Or ces crédits de paiement sont destinés, pour l'essentiel, à être déconcentrés dans les DRAC pour subventionner les travaux d'entretien ou de restauration sur des monuments n'appartenant pas à l'Etat , et dont les propriétaires -collectivités territoriales ou personnes privées- assurent eux-mêmes la maîtrise d'ouvrage.

Les ressources affectées permettront-elles de compenser cette baisse ? Certes, le ministère a indiqué qu'il envisageait d'affecter principalement aux DRAC les 130 millions d'euros que le Centre des monuments nationaux lui reversera par fonds de concours.

Mais ces fonds étant par nature fléchés vers les monuments de l'Etat (en parfaite contradiction, faut-il le souligner, avec le principe de fongibilité des crédits au sein des budgets opérationnels de programme des DRAC), ils ne pourront être utilisés en faveur des monuments privés et des monuments des collectivités territoriales.

Pour tenter d'y remédier, le ministère envisage un circuit complexe consistant à attribuer à l'administration centrale les crédits fléchés des fonds de concours, puis à réaffecter aux DRAC un montant correspondant de crédits centraux non fléchés.

Le tableau ci-après récapitule les mouvements de crédits envisagés.

Il témoigne cependant, lui aussi, dans le budget opérationnel de programme (BOP), miroir de crédits déconcentrés, d'une baisse des subventions d'investissement consacrées aux monuments historiques stricto sensu, ramenés de 110 millions d'euros en 2006 à 80,8 millions d'euros en 2007.

MAJ 13/09/06

PLF 2006

PLF 2007

Répartition des crédits 2007

BOP central

AE

CP

AE

CP

Crédits d'entretien (SCN + SNT)

4,93

4,93

5,38

5,38

5,38

5,38

Château et domaine de Chambord
(subvention d'investissement)

1,28

1,28

1,35

1,35

1,35

1,35

Académie de France à Rome

0,85

0,85

0,85

0,85

0,85

0,85

Louvre (pour mémoire : action 03 en 2006)

0,00

0,00

2,79

2,79

2,79

2,79

CMN

0,43

0,43

0,00

0,00

Guimet

0,08

0,08

0,00

0,00

Monuments historiques appartenant au Ministère de la culture

26,72

11,75

30,52

18,05

30,52

20,00

Réserve pour opérations urgentes sur des monuments

12,30

8,00

7,32

5,80

7,32

8,00

Patrimoine historique appartenant au Ministère de la défense
(Citadelles et forts transalpins)

0,00

0,00

5,00

5,00

5,00

5,00

Résidences présidentielles

4,80

5,88

4,80

4,50

4,80

4,50

Restauration des châteaux-musées

3,23

5,88

3,43

2,37

0,00

2,14

Grand Palais

7,80

9,00

16,00

12,96

16,00

12,96

Cité de l'architecture et du patrimoine

5,04

19,85

0,00

13,25

0,00

13,25

Fort Saint-Jean

2,33

6,34

6,00

6,34

6,00

Versailles

18,00

10,70

15,50

20,00

15,50

20,00

Quadrilatère Richelieu

3,30

0,60

3,94

4,16

3,94

4,16

Théâtre national de l'Odéon

3,10

5,12

0,00

4,60

0,00

4,60

Transfert aux ménages (BOP central DAPA)

2,40

1,39

2,50

2,10

2,50

2,10

Sous-total crédits centraux

94,26

88,05

105,72

109,16

102,29

113,08

BOP miroir

AE

CP

AE

CP

Crédits d'entretien (titre 3)

12,14

12,14

12,50

12,50

12,50

12,50

Crédits d'entretien ( titre 6)

12,63

12,63

12,63

12,63

12,63

12,63

Investissement (titre 6)

84,27

110,10

144,65

80,83

112,00

80,83

Investissement titre 5

51,59

56,33

0,00

0,00

0,00

144,58

Titre 5 ( transfert opération Fontainebleau quartier Henri IV)

0,00

0,00

4,10

5,00

4,10

5,00

Sous-total crédits déconcentrés

160,63

191,19

173,88

110,96

141,23

255,54

Sous-total crédits centraux et déconcentrés

254,89

279,25

279,60

220,12

243,52

368,62

Produit de la taxe affectée au CMN

70,00

130,00

0,00

0,00

Fonds de concours MH (Prévision ajustée au 1 er /06/06)

21,96

24,16

14,00

18,50

14,00

0,00

Sous-total crédits non répartis

21,96

24,16

84,00

148,50

14,00

0,00

Sous-total MH (DRAC)

182,59

215,35

257,88

259,46

155,23

255,54

Total MH (Centrale + DRAC) hors CMN

276,84

303,41

363,60

368,62

257,52

368,62

CMN

10,00

70,00

10,00

Total MH (Centrale + DRAC+CMN)

303,41

378,62

378,62

NB : En rouge, figurent les opérations qui
ont bénéficié de la dotation en capital 2006

* 8 Ordonnance n° 2005-1128 du 8 septembre 2005 relative aux monuments historiques et aux espaces protégés, prise sur le fondement de l'article 9 de la loi 2004-1343 du 9 décembre 2004 de simplification du droit.

* 9 Audition du ministre devant la commission le 10 octobre 2006, Bulletin des commissions - semaine du 9 octobre 2006 - et aussi « Dossier de presse - Budget 2007 du ministère de la culture et de la communication », p. 17.

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