2. Équilibre institutionnel au Conseil de l'Europe

Un débat consensuel s'est tenu au sujet de la nécessaire réforme de l'équilibre institutionnel du Conseil de l'Europe. En plus du Comité des Ministres et de l'Assemblée parlementaire créés dès 1949, trois nouveaux organes ont depuis vu le jour au sein de l'Organisation : la Cour européenne des Droits de l'Homme, le Congrès des pouvoirs locaux et la Conférence des organisations internationales non gouvernementales. Afin de renforcer l'influence de l'Assemblée parlementaire au sein de cette architecture, elle souhaite déterminer elle-même son budget, avoir la faculté de saisir la Cour européenne des Droits de l'Homme et obtenir du Comité des Ministres une vraie application de ses décisions.

M. Jean-Guy Branger (Charente-Maritime - UMP) s'est exprimé dans ce débat.

M. Jean-Guy Branger, sénateur :

« Monsieur le Président, mes chers collègues, notre Assemblée a judicieusement décidé d'organiser un débat d'urgence à propos de notre budget. Mon intervention dans le débat actuel doit donc être placée dans les tensions financières que nous connaissons. Dans leur communiqué du 19 mai 2006, les délégués de nos gouvernements ont réitéré l'importance de la poursuite du processus de réforme du Conseil de l'Europe tout « en gardant à l'esprit la nécessité de restrictions budgétaires » . Or, je constate que, dans le même temps où nous sommes invités, si je puis me permettre l'expression, à nous « serrer la ceinture », notre Organisation est poussée, par les mêmes ministres, à faire place à de nouvelles institutions.

Je voudrais les évoquer devant vous en soulignant les effets négatifs pour notre Assemblée de cette prolifération bureaucratique : la plupart de ces institutions n'ont qu'une très faible légitimité démocratique et cette prolifération contribue à affaiblir l'audience des travaux de notre Assemblée. Ainsi, l'Assemblée avait fini par prononcer la cessation d'activité de l'Institut de la démocratie, qui était déjà un accord partiel. Le Forum pour l'avenir de la démocratie qui doit fonctionner « dans le cadre des structures existantes de l'Organisation » le fera à ses frais, ou plutôt à nos frais puisque seul le budget de l'Assemblée sera mis à contribution.

C'est d'autant plus grave que la composition de ce forum rassemblerait des représentants « de la société civile, de décideurs, de fonctionnaires, d'acteurs de terrain ou d'universitaires » . Je connais, bien sûr, la catégorie éminemment respectable des fonctionnaires, mais moins bien celle des hommes de terrain. Ne sommes-nous pas des hommes et des femmes de terrain, nous les élus au suffrage universel ? Et celle des décideurs ? Quelle est la légitimité politique de ces personnes pour débattre de « l'avenir de la démocratie » ?

La démocratie serait-elle à son tour une affaire trop sérieuse pour être confiée à des élus du suffrage universel ? De plus, ce Forum ne manquera pas d'émettre des Recommandations qui auront pour source, pour le lecteur non averti, le Conseil de l'Europe, suscitant une confusion de plus en plus forte.

Je pourrais faire les mêmes observations à l'égard de la création d'un Centre de coopération interrégionale et transfrontalière, qui aurait son siège à Saint-Pétersbourg, filiale du Congrès des pouvoirs locaux et régionaux dont les délégations sont d'ailleurs nommées par les exécutifs. Ce Centre serait composé de délégués de délégués nommés par les exécutifs dont on peut douter qu'ils fassent avancer la décentralisation nécessaire à la plupart de nos pays.

Quant à la création, « sous les auspices du Conseil de l'Europe », d'un centre européen en mémoire des victimes des déplacements forcés de populations et du nettoyage ethnique, si je suis évidemment favorable au souvenir, la question qui se pose n'est pas seulement celle de son impact budgétaire aux dépens de l'Assemblée, ni même de la portée de ses travaux, mais bien celle de l'opportunité politique de créer un tel centre à la mémoire de personnes qui ont souffert des mouvements de populations consécutifs au second conflit mondial. Le Conseil de l'Europe ne saurait patronner une institution sans le moindre examen des causes de ces déplacements : certaines terres avaient été soumises par le troisième Reich et certains de leurs occupants, qui en ont été expulsés, étaient eux-mêmes nazis ou collaborateurs du troisième Reich.

Enfin, je veux inviter mes collègues de tous les États membres de l'Union européenne, à expliquer à leur gouvernement l'erreur majeure que constituerait la création d'une Agence européenne des Droits de l'Homme, dont le seul budget prévu serait supérieur à celui de notre Assemblée dans son ensemble. Cette agence, outre son coût, achèverait d'anéantir le rôle statutaire du Conseil de l'Europe et de la Cour européenne des Droits de l'Homme. Elle créera tôt ou tard des conflits de droit et de juridiction avec la Cour de Strasbourg et sa jurisprudence.

Ainsi, je souscris pleinement à la demande de restauration de notre budget mais je voudrais vous rendre attentifs, mes chers collègues, à cette prolifération bureaucratique qui affaiblit considérablement l'audience de nos travaux. Je vous le dis, on nous ronge par les racines !

Cette prolifération ne peut que contribuer à donner à l'opinion publique le sentiment que l'Europe est une usine à gaz pleine de doublons coûteux et incompréhensibles. Nous sommes là pour supprimer des tuyaux à gaz inutiles et rendre encore plus efficace notre institution. Je suis de ce point de vue d'accord avec les propos tenus par notre collègue de Puig. Par conséquent, prenons garde et soyons attentifs à tout ce qui nous est proposé. Nous devons lutter pour maintenir cette institution exemplaire. Elle l'était à sa création, je considère, après 30 ans de vie parlementaire, qu'elle est encore une institution de référence. »

A l'issue du débat, l'Assemblée a adopté une Recommandation (n° 1763).

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